D'Asphodelle Di Césarini
A Sa Grâce Chlodwig Von Frayner d'AzayesVotre Grâce,
N'avez-vous pas remarqué ces petites phrases de politesse que les gens insèrent, à la fin des lettres?
"Que Dieu vous garde".
J'ai remarqué que nombreux sont ceux qui se moquent bien de sa volonté, et lui demandent - intiment? - quand bien même de veiller sur leurs interlocuteurs. Si la demande n'est pas vraiment sincère alors voila que la tournure devient creuse et le Très-Haut un otage de la bienséance.
En tant que Chef d'un mouvement spirituel, et gardienne de nombreuses connaissances et découvertes théologiques suite à mes études, je puis dire que Dieu agit ainsi qu'il le désire, et qu'aucune de mes paroles, aucune de vos paroles ou celles d'une autre Créature terrestre, ne sauraient le détourner de ses plans, de son jugement, ou de ses conclusions. Le pardon, en effet, n'est pas un bonbon, et il ne se donne pas comme un bonjour. Le Très-Haut ne le distribue pas à la demande parce que nous aurons récité un confiteor, ou que nous nous serons confessés au plus bouché des curés. Certains pardons non formulés, seront accordés, d'autres intensément récités à grand renforts de Saints et autres Pater Noster, refusés.
Ce que je discerne dans votre lettre, est la conscience de ces faits et en cela, je pense que vous êtes déjà orienté vers le bon sens.
A présent, si à travers vos doutes, vous souhaitez me faire apparaître que vous souhaiteriez connaître ma coupe, pour être guidé vers la spiritualité, sachez que je ne refuse aucune brebis. Cependant, cela se soumet à un premier exercice.
Nous avons déjà discuté, un peu, de la direction modérée de ma Foy.
Je dois ajouter que tout comme vous, je reconnais avoir, à un moment donné, profondément douter, m'être sentie égarée, et je me rappelle d'un instant vécu d'une profonde cruauté...amère...étouffante, jusqu'à ce qu'Eusaias à travers son audace, me propose de créer l'Eglise de mes rêves.
Lorsque j'étais Romaine, suite à mon incompréhension de la naissance de leur deuxième courant et devant l'assurance de leur volonté de détruire Rome, j'ai vécu dans la méfiance, et un temps même, dans un mépris profond de la Réforme. Sur ce courant où l'estime avait quitté mes rangs, je me suis adonnée à une haine tenace où le Réformé, encouragée par ma vocation de milites des Saintes Armées, était l'homme à abattre. L'éradication de leur race et de leur foy était ma vocation, c'était devenu mon métier, et j'étais employée pour cela. J'enchainais les mobilisations, aux côtés des escortes multiples, j'effectuais mes suivis, mes espionnages, mes listages, et usais de toutes les sournoiseries possible et imaginables pour que l'ennemi recule ou tombe. Je fus élevée au rang de Chevalier d'Isenduil pour cela et nommée pour recevoir la distinction du Rubis.
Lorsque Rome enfin, coula sous mes yeux, à son tour, dans une danse sans fin de manigances, permissions abusives sur le Dogme, et témoin ou victime de mauvais traitements internes mulitples, ce fut le contraire : après un temps de chute de mes intolérances, je reculais de plus en plus à saquer le Réformé à mesure que je voyais se crasser les Archevêques et les Cardinaux. Grand final héroïque et intense, la gifle que je reçu me poussa aux représailles, et je suis tombée dans le mépris de Rome, en effectuant par accointances avec ma révolte, un retrait vers la lutte réformée.
Le curé des plus simples devenait mon dégoût, le Cardinal celui qui pouvait crever dans un fossé, le Réformé celui qui avait tout compris.
Après un premier temps d'installation de l'Eglise de France, vint la pause, et le retournement sur mes pas. Qui étais-je devenue? une romaine à l'envers? Je me suis sondée, j'ai effectué une retraite dans les Textes, et j'ai reçu la révélation que je cherchais. Qu'était donc, cette Eglise que nous étions en train de bâtir? je me révélais avec horreur que ce qui pouvait naître de ceci, pouvait se révéler pire en violence et en déviances, que les deux premières obédiences. Tout le chemin que je fis, depuis ma vie d'athée à Bayeux, jusqu'à présent, en passant par la grace reçue le jour de mon baptême, et ma carrière à Rome, ou mon travail pour la Couronne, je le fis en sens inverse.
Rien du travail que vous commencerez, qui se révèlera long et difficile, ne pourra trouver sa conclusion sans un certain commencement, un et pas un autre.
Car lorsque l'on en est à ce stade de vos réflexions, on s'est perdu de vue, on ne sait plus qui l'on est vraiment, ce que l'on souhaite.
Vous êtes, Votre Grâce, dans l'errance la plus totale. Vous marinez dans la noirceur de votre jus. Vous vacillez sur vos bases, et l'homme que vous êtes, sombrera avec ses vices.
Si vous me tendez la main, et que vous n'avez pas peur, je vous ferai découvrir des chemins spirituels où votre coeur comprendra enfin, le véritable message du Créateur. Non à travers mes yeux, ni ceux des autres, mais uniquement votre perception personnelle, et les Textes sacrés. Telle est ma méthode.
Faites attention, le sentier où vous pénètreriez est pareil à une laie de jungle. Au plus bas vous êtes, au plus haut je vous intimerai d'aller, peu importe vos révoltes, je tiendrai bon.
En avez-vous le courage?