Dequerne
[ Le même soir, dans la chambre d'une petite auberge... ]
Avachi dans son baquet d'eau quasiment brulant, les coudes sur les rebords, il se délassait dans une myriade de volutes de vapeurs, de sa journée de voyage, chaotique au possible du fait d'un sabot meurtrie de sa jument s'étant blessée. Dequerne, les yeux clos dans la pénombre à peine dissipée des flammes du chandelier, songeait....
Déjà pas mal d'années qu'il allait de l'avant, au jour le jour, comme s'il quérissait quelque chose, mais sans le savoir, c'est lui même qu'il fuyait, depuis la morte de sa femme.
Aussi loin que remontait ses souvenirs, il était toujours en quête de quelque chose...
Cependant, ces temps-ci, plus rien, absolument plus rien pour le faire vibrer, si ce n'était l'absinthe qui, passagèrement, égaillait une soiré de-ci de-là.
Telle une vasque, il joint ses mains qui vinrent plonger dans l'eau chaude devant lui, et les portant haut il la déversa sur son crane l'eau se divisant en une pluie de gouttes luisantes et longeant son visage plutôt angulaire. Ses doigts vinrent se glisser dans sa chevelure, la "peignant" en arrière d'un coup presque sec. Une rage sourde, indicible, vint éclater dans son regard lorsqu'il ouvrit ses paupières. C'en était assez, ce soir tous les excès se verraient satisfait.....
Une catin et de l'absinthe seraient le parfait abandon, et vu ses appétits naissants à cette idée, prenant ampleur dans l'eau du bain, cette professionnelle, si elle était talentueuse, aurait double ration de travail...
Toujours habité de cette colère issue de la frustration, il sortit presque précipitemment de son bain, l'idée de se divertir se transmuant presque en obsession, lui homme habitué à assouvir ses envies rapidement, se voyait ranimé, ne serait-ce que de ce petit projet. Une serviette de lin rapidement passée sur sa musculature forgée par des années de marine sur un baleinier, et entretenue par ses diverses "activités", Dequerne se dépêcha. Il était tout de même bien possible de trouver un bas-fond où absinthe et catins se trouverait aisément?
De toutes façons il avait "besoin" de son alcaloïde préféré, la fée verte, seul exutoire le radoucissant pour quelques jours...
Réfléchissant avec intensité tout en se r'habillant, il parcouru mentalement le coin dont il avait au préalable fait le repérage dans le projet de sombres desseins, les écus ne tombent pas du ciel, et il devait au moins cambrioler une fois par semaine. Ses braies longues de travail en cuir souples marron furent enfilées rapidement, suivi des noires bottes de chevauchée. Moue pensive en coin, et sourcils froncés, il grinçait des dents. S'éxacerbant d'envies en tous genres, il entreprit le boutonnage de sa chemise épaisse de lin beige. Mais son regard était absent, déjà ailleurs, là où ses idées les plus folles se dirigeaient lorsque qu'inattentivement il enfila son gilet tout de cuir sombre lui aussi...
Un manteau de cuir gris sombre, presque noir, fut négligemment jeté sur ses épaules musculeuses lorsqu'il se dirigea vers la porte de sa chambre, un souffle sur le chandelier au passage, et il sortit dans le corridor....
[ Sortant dans la venelle où débouchait la sortie de son auberge.... ]
Le soleil s'était couché depuis peu, et la soirée filait à toute vitesse sous un ciel sombre, passablement couvert, diffusait une pluie si fine qu'on en aurait dit une giboulée, alors que Dequerne recherchait impatiemment l'objet de ses désirs, et c'est presque par inadvertance suite au heurt contre l'épaule d'un clochard fin bourré qu'il entama un questionnement répondant alors à bien plus qu'une intérogation...
Le vieux bougre lui indiqua alors un lieu où rien ne semblait prohibé, et même mieux que cela.... la résine d'Asie y était fumée, chose qu'Antoine n'avait consommée depuis de très nombreuses années. La dernière fois était dans un port sordide, où le mauvais alcool et les femmes infectées de maladies vénériennes étaient en profusion. Cette nuit-là, il n'avait touché à rien, mise à part l'opium. Mais les circonstances étant ce qu'elles sont, jamais depuis Dequerne n'avait re-fumé de cette résine aux vapeurs étherées portant au plus doux vices...
[ Une heure plus tard, devant le "Palais des Vices", enfin selon ce que Dequerne pensait.... ]
Alors le voici?
Ce temple des plaisirs?
Il en aurait le coeur net d'ici peu, car poussant la porte, s'ébrouant d'une main au geste mécanique, Dequerne pénétra les lieux et se fixant immobilement devant l'entrée, la porte claquant derriere lui, et il parcouru les alentours de son regard. Son manteau de cuir dégoulinait au sol, et durant ce temps il jaugea l'ambiance. Aucun garde à la porte ne filtrant les allers et venus, seul un léger parfum dans les airs vint s'inviter à ses narines sans qu'il ne pu le définir, peut être de l'encens mêlé à l'exhalaison de l'opium, encore que même pour l'encens cela ne faisait que fort longtemps qu'il n'en avait pas humé....
Un regard de biais,
un état psychologique particulier en tête, un mouvement perçu par son inconscient prédateur, il vit se mouvoir une ombre en coin d'oeil....