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[RP] L'amour est enfant de Bourgogne

Aimbaud, incarné par Blanche_


Discuter vraiment ? Oh oui, asseyons-nous à une table et bavardons en croquant des biscuits ? Tu m'as achevé, tu m'as fait vomir de malheur et de honte, tu m'as émietté le coeur en petits confettis jetés dans la gadoue, et maintenant on discute ? À mi chemin entre l'abattement et l'amertume, Aimbaud de Josselinière se redresse très lentement à la force des bras dans son grand lit en pagaille. L'espèce de marteau qui lui frappe la boîte crânienne entache sévèrement son humeur... Il gratifie l'épaule de Blanche d'un regard sombre en dessous.

Un peu emportée ?... Vous m'avez hurlé regretter que je sois venu.
- Beaucoup emportée. Raah. Mon vocabulaire me fait défaut.


Un petit silence passe au galop, ainsi qu'un courant d'air échappé de la fenêtre.

Blanche... Si vous ne souhaitez pas que je m'attarde ici, vous...
- Et si j'le souhaite, je l'exige. Je veux que vous restiez, Corbigny.
Rah mais ne soyez pas revêche, comme ça... Vous n'avez rien à exiger, je veux bien exécuter le moindre de vos souhaits.


Elle, dépitée, répond brusquement, pendant que lui soupire en massant son front douloureux.

- Vous n'êtes pas un pantin ! Vous pourriez avoir un avis, des exigences !
Pardon de vouloir vous accommoder.
- Bon ! C'est un fait que je suis exigeante, et vous conciliant. Mais il y a un coté angevin en vous, non ?


Elle le jauge, de sa mine la plus vexée et agaçante, ce qui le fait réagir comme un cheval frappé par un éperon. Il ouvre les mains, exaspéré.

Non mais, mais de quoi vous me parlez là ?! Qu'est-ce que vous me voulez à la fin ? Je n'entends rien à vos caprices.

Soupir, petit soupir breton.
- Je dis simplement, que vous me seriez tout aussi agréable, en me soumettant certaines de vos exigences.
Fort bien. Voici mon exigence, laissez-moi seul pour l'heure. Je n'ai pas la tête à vos querelles...


Silence, petit silence breton.

- Ça n'est pas à proprement parler une querelle. Une discussion houleuse.

Un traversin est envoyé balader à travers la pièce avec colère.

Elles me gavent vos discussions houleuses ! La paix, ma dame. La paix si vous en êtes capable !
- J'me tais si vous l'exigez, mais je ne vais pas perdre une seconde de vous quand elles sont si rares !


Elle croise les bras, petite guerrière hautaine qui croit pouvoir dresser n'importe quelle bête sauvage avec un susucre et beaucoup de volonté. Lui digère un instant de silence, respirant avec énervement, avant de retomber la tête.

Je dois me mieux vêtir. Sortez.

Bouche rose un instant béate, trois petits bonds et la porte claque à en faire péter la serrure. Soupirant et tentant de se rasséréner, Aimbaud somnole encore quelques temps. Puis, vêtu de frais et après s'être plongé la tête dans une bassine d'eau froide, il mene Lugh aux dehors du château, prenant soin de dire à un garde avec un air blasé :

Je reviens. Inutile qu'on fasse sonner l'alarme à toute la garnison.
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Blanche_
De cet échange, Blanche n'en saura mot. Elle voit juste de sa fenêtre qui donne sur la cour, une figure sombre qui part à cheval et abandonne sa maison. Alors, meurtrie, elle rabat le rideau et ordonne que le jour continue ; comme si jamais Aimbaud n'était venu, n'avait compté pour elle. Comme s'il n'existait plus.

- J'ai faim. sort t'elle pour expliquer son humeur.

Aussitôt ça s'active, et dans un plat creux métallique, on lui apporte quelques fruits. Madame râle. Le plat, chaud, revient avec des cuisses de poulet.
Ô raffinement. Ô sacrilège. A toute heure du jour, l'effrontée se bourre de graisse !
C'est pour combler le manque, disent certains.


- N'empêche, grogne t'elle en plantant une fourchette d'or à deux doigts dans un bout d'aile, n'empêche, et elle agite l'os dans tous les sens, il abuse ne trouvez-vous pas ?
Puis elle envoie la viande au chien, son bâtard énorme plus gros que le mastodonte de Llyr lorsqu'il vient au Louvre. Elle rit, l'indécente, totalement incapable de trouver chose intelligente à dire, et se trouvant si ridicule, puis elle plonge les doigts dans ses cheveux ondulés et se met à chialer.

Cette fois, et le narrateur est d'accord avec elle : elle a merdé. Mais en attendant, et pour se sentir mieux, elle avale une montagne de calories, et prie pour un miracle.

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Aimbaud, incarné par Blanche_


Pendant ce temps, Aimbaud se mêlait à la populace bretonne dans une ruelle marchande qui fleurait bon toutes sortes de pitances. Il menait Lugh par le licou entre les étals et les charrettes, traversant quelques fumées de rôtisserie, de tambouille ou les bouffées de senteur des sacs d'herbes et de grains qui eurent tôt fait de lui rendre l'estomac criant. Le voyant tourner un écu doré dans son gant, un marchand l'apostropha.

- Bara ? Gwin ?
Hein ? Qu'est-ce qu'il me baragouine ?...
- Lambig ?
C'est quoi ç... Oh non non, tout sauf du lent-bigue, merci bien. Plutôt de ces trucs plats là.
- Krampouez !
Voilà, du crampouaise. Merci. Quénavaux !


Il continua sa route en s'alourdissant la panse d'une de ces spécialités folkloriques qui lui étaient nouvelles, bien qu'il avait déjà traité nombre de gens de "tête de crêpe" sans savoir en quoi cela consistait. Ses pérégrinations le menèrent jusqu'à un marchand d'armes dont la camelote retint longtemps son attention, surtout la panoplie de doubles-haches néo-celtiques qui auraient été parfaites dans la salle d'honneur de Corbigny, entre deux hures... Il songea même à en rapporter une version miniature, pour Yolanda. Et à propos de cadeaux... Voilà qui le réconcilierait peut-être avec sa terrible mais non moins révérée Blanche.

Il s'achemina jusqu'à l'étal d'un orfèvre, repoussant le museau de Lugh qui voulait brouter une toison d'épis de blés en or massif. Là, furieusement concentré, il examina les parures, se grattouillant le duvet du menton par dessus ses bras croisés. Broches, bagues, sautoirs, perles, pendentifs, boucles et reboucles, chaînes et pendants, trucs jolis en tous genre qu'on savait où où ça se mettait... Compliqué, compliqué... De tous temps, les mêmes questions : C'est quoi ses goûts, p'tain ? C'est la peine que j'me ruine pour un truc qu'elle mettra jamais ? Collier ou bracelet ? Or ou argent ?

Et alors que le marchand commençait à s'impatienter sévère, les yeux d'Aimbaud tombèrent sur un petit objet qui traînait parterre au milieu de la ruelle.


Woh la vache !

Il s'empressa de ramasser sa trouvaille, l'épousseta et l'examina sous ses différents angles. Blanc et nacré, fort bien sculpté, objet jamais vu, gratuit : le cadeau de OUF. Guilleret comme tout, il remonta en selle et galopa sur le chemin du retour. Il s'était absenté quelques bonnes heures, et la nuit était sur le point de tomber quand il passa le pont-levis.

Un instant plus tard, s'étant préalablement rajusté le col et les manchettes, il déboula dans la grand-salle du château qu'il traversa en long jusqu'à la cheminée près de laquelle la dame des lieux bouquinait un manuscrit. Définitivement prêt à lui faire la paix, ne pouvant retenir une petite fossette de fierté alors qu'il posait prêt d'elle un genou à terre, il fit en lui prenant la main :


Tenez... C'est pour vous.

Oh ! Le beau coquillage...
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Blanche_
Un peu avant le soir, fort en avance par rapport aux autres jours, une baronne exténuée demanda à ce que l'on prépare la grande salle comme il était coutume. Les domestiques poussaient alors un énorme siège seigneurial au devant de la cheminée, qu'ils couvraient d'un manteau blanc aux queues noires, très vieux, et qui avait perdu ses poils là où d'ordinaire elle s'asseyait. Ils le laissaient se chauffer devant l'âtre, faisaient entrer les chiens, et les six paires de pattes s'engouffraient dans la pièce pour aller se coucher en amas coordonné au pied du grand trône de bois.
Après quelques minutes, rendue piteuse dans une chemise de nuit et un peignoir déshabillé ourlé de vair, la baronne quittait sa coiffure du jour et s'installait pour dormir.
Selon, l'humeur, l'on avait préparé pour elle une collation simple, une décoction aux herbes, ou mieux... de l'opium, la drogue de l'oubli, qu'elle fumait à petites doses, pour mieux sentir la poésie des mots et leur sens nouveau.

Ce soir-là, aucune fumée autre que celle, saine, d'un feu de bois. Mais l'odeur était désagréable, car le bois humide, et elle se disait juste avant l'entrée d'Aimbaud qu'il serait préférable de monter se coucher et ne pas s'éterniser.
Le bourguignon, une fois encore, vint à contrarier ses plans.


Pour moi ?

La petite chose nacrée au creux de sa main, un instant la bretonne se demanda s'il n'y avait pas erreur. Lui, arrogant, et proprement obstiné à vouloir passer pour un ange de délicatesse, qui claquait la porte en partant, lui donc, qui revenait avec un mignon coquillage en guise de cadeau.
Dieu offrait à Blanche des instants incroyables de fragilité et d'illogique.


C'est étrange... affirma t'elle simplement en tournant le simili-caillou contre ses plis et replis de peau. Avez-vous apprécié la mer ?
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Aimbaud, incarné par Blanche_


Je n'y suis pas encore allé.. Pas sans vous.

Il abaissa le regard sur sa découverte qui roulait entre les doigts blancs, à la lumière changeante du feu. Un cru moment de silence les saisit entre l'ombre et les flammes vigoureuses. Instant de répit où elle cessa une seconde de le heurter, et lui de se sauver. Mais que diable pouvaient signifier ces scènes, et où pouvaient-elles bien les mener ? Il semblait à Aimbaud qu'aucune trêve ne savait durer en la présence de Blanche. La paix entre ses mains s'essoufflait aussi vite qu'un parchemin qui se consume, il s'y brûlaient immanquablement les doigts ! Mais combien n'aurait-il pas donné pour voir la venue d'un armistice franco-breton ! Quel saint patron fallait-il soudoyer pour cela ? Quels sacrifices barbares fallait-il faire sur quel autel dans quelle forêt druidique ? Bah...

Agenouillé comme en prière — car c'était bien un culte qu'il vouait à cette folle Hermine — l'exilé Bourguignon écarta le coquillage, pour mieux recueillir les mains bretonnes et y enfouir son visage. Fraîche coupelle, ces deux paumes posées là simplement sur ses genoux de femme... Il s'y recueillit cérémonieusement. Cette mauvaise tête, elle pouvait bien la trancher, ça ne lui aurait fait ni chaud ni froid. Ce que Blanche voulait... malgré qu'il n'y saisisse rien, il le voulait tout autan. Docile, loyal Aimbaud, serpillière Aimbaud si c'était ce qu'elle attendait de lui.
Il faut en convenir...
Elle le tenait attaché par une chaîne que l'on apercevait pas. S'il marchait, c'est qu'elle avançait. Quand il s'arrêtait, elle se reposait. Elle l'environnait, elle le pénétrait. Il lui semblait qu'elle était devenue son âme...*

Pénitent. Il respira dans ses mains.


Ne me faites pas la guerre...

* Gustave Flaubert — (Salammbô)
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Blanche_
Ahah ! La guerre !
Le puceau (qui ne l'était pas tant) en avait de bien bonnes !
La lui faire à lui, Grands Dieux, mais si seulement elle le pouvait... Elle en était bien incapable, c'te grosse buse. Docile, fixée, elle l'était autant que lui, à cette différence que le sanglier charge dans le tas et fuit ses liens, s'en va vadrouiller les terres lorsqu'il se sent acculé ; alors qu'elle, l'Hermine, se dandinait dans tous les sens, ou se recroquevillait, selon les jours, pour ce défaire de ce lien invisible sans s'écorcher la peau. Aussi la guerre, la déclarer seulement, elle n'avait aucune idée de comment s'y prendre ; n'eusse t'elle ressenti à chacun des pics qu'elle lui envoyait, la blessure dans sa propre chair, que cela eût été bien différent. Mais il fallait, par l'audace d'un destin si commun, qu'elle se soit assujettie à son otage. Il était sien, elle était sienne, comme deux forces qui s'annulaient.


- Je vous en prie, pardonnez-moi pour tout ce que je vous ai dit de déplaisant. Ma bouche va plus vite que mon esprit.

Parfois, souvent, un peu tout le temps à vrai dire ; l'on retiendra bien d'elle son langage de charretier, ses manières de pucelles, et le fait que sa tête blonde d'une façon admirable, réussissait avec brio un trait d'union entre les deux. Ce paradoxe...
Elle remonta son visage pour le voir, et lui sourit. C'était comme sa moitié retrouvée, l'autre part d'elle-même, que l'on narre d'ordinaire en contant les histoires mystiques des Dieux originaux scindés en deux. Blanche était la droite, Aimbaud la gauche, et les deux corps destinés à se retrouver.


- Je suis profondément agacée, Aimbaud. Je souffre en votre présence, et en votre absence aussi. Aucune arme secrète, aucun subterfuge ne semble convenir pour me défaire de cet attachement. Aussi, et simplement, je rends les armes.

Elle remonta le doigt le long des tempes, y sentit le battement fort du sang au creux osseux. Et, comme pour effectuer le mouvement symétrique et inverse de celui de ses doigts, elle coula au sol, buta le dos contre le siège de son fauteuil. Contre le vair de son habit, elle serrait son amant. Il y avait dans ses yeux la résignation insensée et déconfite d'une trêve imposée.
Armes déposées. Ennemie à terre. Signature murmurée d'une armistice, au lobe frémissant de son oreille.


- Eh beh, on est pas dans la merde.

Voila. Qu'est ce qu'on vous disait ! Langage de charretier...
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Aimbaud, incarné par Blanche_


Un rire d'émotion s'étouffe dans les cheveux blonds quand ils s'enserrent l'un l'autre à s'en faire mal. À terre, comme des gamins en pleine partie de jeu... À la différence près qu'ils se sont désintéressé des coquillages trouvés, pour se consacrer à quelque enlacement chaleureux...
Le pardon. Son pardon. Comment le lui refuser ! Elle, butée et dangereuse, mais ô combien pure en dedans, blanche ! Blanche. Fragile et implacable. Son amour sans pitié... Douée de tant de bontés. Blanche de Walsh Serrant. Elle. Vous. Toi.


    Parce que t'as les yeux bleus...
    Que tes cheveux s'amusent à défier le soleil par le éclat de feu !

    Parce que tu as vingt ans...
    Que tu croques à la vie, comme en un fruit vermeil que l'on cueille en riant...

    Tu te crois tout permis, et n'en fait qu'à ta tête. Désolée un instant, prête à recommencer...!
    Tu joues avec mon coeur comme un enfant gâté, qui réclame un joujou pour le réduire en miettes...

    Parce que j'ai trop d'amour...
    Tu viens voler mes nuits du fond de mon sommeil, et fais pleurer mes jours.


Tout ébranlé de félicité, Aimbaud recueille cette belle taille contre lui. Mille fois moins timide qu'à l'heure de leurs premières rencontres, le voilà presque téméraire dans ses gestes alors que ses bras étreignent, l'un aux reins l'autre à la tombée de la nuque, comme un habitacle autour de cette silhouette qu'il peut alors dévorer de respirations. Oh qu'il est bon de la tenir contre lui ! Quand elle ne le boude plus ni ne le blesse, qu'elle sait être tendre sa Blanche...! Quand ses doigts fins remontent dans le crin de sa nuque, Ô bonheur, que son haleine et ses lèvres le tourmentent près de l'oreille, Ô nondidjeu...

Il ne parle plus. Ses baisers seuls bavards, disent ce qu'il ne sait pas exprimer. Et tout cela s'inscrit sur la gorge bretonne comme autant de lettres enflammées ! Aimbaud de Josselinière n'est pas poète... Phraser pour phraser, c'est juste bon pour les joutes verbales, lesquelles, inutiles, se règlent quoi qu'il en soit à la pointe de l'épée. Il a dit "je vous aime" une fois, cela vaut pour serment. Et de serment, il vient d'en recevoir un. Ils s'aiment, c'est dit. Ça n'a rien d'un amour d'été. Sous le sceau de leurs paroles, si cela vient à rompre, il y aura du sang.


    Mais prends garde, chérie, je ne réponds de rien...
    Si ma raison s'égare et si je perds patience, je peux d'un trait rayer nos cœurs d'une existence,
    Dont tu es le seul but et l'unique lien.


La terre, à la terre appelle, n'est ce pas. Avachis dans les remous de satin bleu et du blanc manteau qui dégringole progressivement, là, aux pieds du trône et dans les volutes de cendres refroidies, ils partagent un baiser.

    Parce que je n'ai que toi...
    Le coeur est mon seul maître et maître de mon coeur, l'amour nous fait la loi.

    Parce que je suis au seuil d'un amour éternel,
    Je voudrais que mon coeur ne portât pas le deuil.


    [C. Aznavour]

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Blanche_
Elle. La Dame au coeur du Roi serra sa menotte à son cou. Elle avait en sa paume un jeu parfait, des atouts indéniable, et elle les regardait les uns les autres sans savoir si elle devait les abattre aussi tôt. C'était comme un second set, après avoir perdu le premier, elle avait cette fois-ci l'avantage ; supériorité des cartes, hasard du jeu : elle était Reine de cette partie.

- Hmm, soupira-t'elle. C'est aussi bon qu'une meringue après un mois de régime.

A chacun de ses doigts, un pion symbolisé. C'était une armée de dix hommes, donc, qui chevauchaient les cases, et s'engouffraient dans les rangs bruns de l'ennemi. Carré, diagonale, carré. Ils sautaient, outrepassaient, bravaient toutes les limites, un régiment au damier de sa nuque, attaquant après cette longue trêve, pour retrouver le territoire qu'ils avaient perdus. Et la Reine à leur tête, donnait les ordres en rendant les baisers au centuple. Sus à son cou, compagnons ! Le collier de sa gorge, la trace nette de ses cheveux, la frontière au col, c'était un assaut lent et discret, calmement mené et qui étreignait sa peau.

- Ou que deux meringues. Un paquet Durée après un mois d'abstinence... Une rivière de sucre...

Chut. Toi lecteur, écoute. Vois. La comparaison candide, d'une presque-adulte dans un péché gourmand. Elle s'essaya à une autre comparaison, mais il semblait que de ce péché capital, aucun blasphémé sacrilège ne pouvait atteindre l'intensité de celui qu'elle s'adorait à faire : étreindre un l'homme, L'homme unique, l'ultime, la baiser à s'en brûler la peau. Appréciez la folie d'une Blanche face aux Noirs.
Les gestes s'enchainent : chute de dominos. Conséquence en conséquence, elle glisse les pions sous sa chemise, devient plus belliqueuse. S'impose.
Chut. Les dés sont jetés. Rien ne va plus.


- C'est pas convertible en confiserie. C'est mieux que tout. Un Nirvana de tout.

Et l'enfante, en s'enfonçant dans son péché, se glisse plus contre sa chair. Elle veut à le faire s'écrouler au sol, là, sur le tapis si pauvre qu'il n'est que peau de chèvre, mais sa force insignifiante se heurte à son épaule blessée. Peau contre peau ; péché de cette chair, pêchée par sa chair. Elle a été harponnée dans son indifférence aux hommes.
Et le pêcheur, ce sale trou-du-cul, se délecte de sa victoire en humectant son épaule. Les dés sont pipés. Elle abat son jeu en grognant. Mauvaise perdante...


- Moi aussi.


Toi aussi quoi, radasse ? Toi aussi quoi ?
- Moi aussi rien. Tout. Tout pareil que lui. J'ai perdu et il gagne, rien à foutre, Echec et mat, que le Roi prenne la Reine, j'y consent.
Dans la famille Walsh, je voudrais l'amoureuse...

...

Trouvée.

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Aimbaud, incarné par Blanche_


S'encanailler avec une Bretonne, concrètement, ça veut dire...?

1 — D'un point de vue théologique, pactiser avec la Créature Sans-Nom.

Une bardée d'ongles étreignent la peau du dos bourguignon, l'enserrent par endroits pour mieux le ratisser de caresses. Ça, il ne connaissait pas ! Bigre, c'est doux et féroce. Et ces yeux malins de femme alanguie qui le toisent. Animale, les cheveux épars comme une crinière... Ces canines pointues qui ornent sa lippe rose, comme de petits crocs, alors qu'elle balbutie des sortilèges en soupirant d'aise. Oh Diable ! Comme elle le dévore, étendue à même la terre, à même la paille, païenne ! Prête à tous les sacrifices. Le pentacle de ses jambes qui se referme sur lui à la nuit tombée... Nom de Dieu...! Voilà donc ta magie Blanche !

2 — Politiquement... Coucher avec l'ennemi.

Elle est autre. Son étrangère. Sa différence. Étendus là sur le champ de bataille qu'ils ont commis dans leurs vêtements, il réside encore la frontière de leurs accents dans ces bouches qu'ils écrasent de baisers. Cheveux blonds, cheveux noirs. Aussi dissemblables que les couleurs de leurs oriflammes qui s'engagent dans la mêlée, la broderie des armes de Bourgogne criant dans les plis d'une chemise, quand le manteau vair s'étend sur la plaine de leurs ébats... Sous leurs peaux, deux sangs bel et bien rivaux tambourinent avec ferveur. Il l'assaille. Il gagne du terrain. Est-ce là une terre conquise, pour le françoys qu'il est ? N'est-il pas en train d'abjurer sans vergogne, tous ses voeux de vassalité et de patriotisme contre ce sein déloyal ? Ah ! Si son duché savait ça...!

3 — Côté moralité : c'est pas joli joli.

Tu ne fauteras point. Répète. Tu ne déshonoreras point les jouvencelles de bonne famille. Répète ! Tu ne te vautreras point dans le luxe et la fornication, sous peine de punition divine. Répète et recopie 200 fois. Tu prieras aux heures où tu seras en proie au doute et à la tentation. Capiche ? Ainsi parlait la moralité d'Aimbaud, et elle avait bien raison comme toujours, cette poufiasse.

Les yeux fermés avec force contre une épaule dénudée, le pauvre croyant récita son crédo avec frénésie.


Je crois en Dieu, le Très-Haut tout puissant...!

Aimbaud ?

Blanche j'ai... j... euh. Je crois qu'on fait une connerie.

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Blanche_
La couper dans son élan, là, alors qu'elle bravait des semaines, des mois de traumatisme psychologique, d'auto-médication et de difficile introspection, c'était pas aristotélicien. Outrée, elle l'était un peu.
Mais rien ne s'échappait de cette bouche pressée à son cou, qui cherchait avant les mots à trouver sa respiration. Rien, sinon un souffle faible, qui peinait à sortir, et en saccade affolée, fouillait la raison sans en trouver argument valable.


- Je...j...heu...je...


Bordel ! Ni bon pour le coeur, ni pour les âmes, s'arrêter au milieu ! Et même pas nue !
A moitié embrassée, à moitié sienne, elle était si confuse, qu'elle tirait le nez hors de lui et de sa chaleur, se dégageait à regret de ce qui aurait pu être s'il n'avait refusé. Un pas en arrière, une seconde loin de lui, et un parallèle scandaleux de s'il n'avait dit non, une image qui s'imposait à elle : Vois. S'il avait dit oui, vois, imagine, sens ta déchéance jusqu'à tes profondeurs, perçois la honte d'une femme qui se serait donnée.


- Vous avez raison
, affirma-t'elle en sentence froide.

Elle tira sa chemise qui avait glissé, et, comble de l'horreur, le manteau qui gisait, mortelle déconfiture, autour d'elle comme les armes rendues. S'en rhabillant, elle sentit l'abominable honte lui serrer la gorge. Et une invincible terreur, d'avoir bafoué les règles élémentaires d'une sainte vie.


- Mieux vaut, admit-elle comme pour avouer ses propres faiblesses, que l'on cesse de se toucher tout à fait.

Et, les mains la hissant à nouveau sur le fauteuil, elle se remit à fixer le feu. Muette, et immobile.
Ne restait de ce qui s'était passé, qu'un cou zébré de rouge, et un palpitant scandant un rythme effréné et inhabituel.

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Aimbaud, incarné par Blanche_


***

Côtes de Donges. Tombée de la nuit.
Deux chevaux hennissent au pied des dunes, les naseaux fouettés par le vent du large emplis de grains de sables et d'odeurs de marée. Les bourrasques bretonnes happent les éclats de voix de Blanche et les réponses d'Aimbaud, tandis que l'une saute hors de ses souliers, silhouette rieuse au sommet d'une butte, et que l'autre gravit la montagne de cette terre parfaitement poudreuse et traîtresse, qui se dérobe sous les pas jusqu'au genou !

Une demie-heure a passé, et le même couple confus et bouleversé qui bredouillait des excuses après leur étreinte dans la grand-salle du château, s'est réconcilié aussi vite que change le ciel du Morbihan... La mer ! A-t'il dit, pour changer brusquement de sujet, encore débraillé de l'avoir trop enlacée, et le sang si échauffé qu'il lui fallait un coup de frais sur les idées. La mer ! A-t'elle dit, après tout le soleil ne se coucherait que dans une bonne heure... Blanche et ses approximations...

Alors la mer. Et ce petit air suffisant sur la bouille blanche aux joues encore brûlantes :


- J'ose croire que vous l'avez déjà vue. Non ?
J'ai vu des fleuves, ma dame. C'est ce qui fait les mers..


Qu'elle vienne, traverser la Loire à guet quand le courant est sauvage ! Quand elle charrie des branchages, qu'elle est saisie d'une crue mortelle et s'évade de son lit pour tout évincer sur son passage. Sa mer, pfeu ! Il ne la craint guère. On dit qu'elle n'a cela de plus, qu'elle est salée à la langue et qu'on y trouve de gros poissons.
Juché au sommet de la dune, pourtant, la coupe au bol en bataille, le Bourguignon se fend d'un...


... WAAaaaaaaaaaahhhh.

Certes, c'est un gros fleuve. Le fracas le saisit. Ces rouleaux noirâtres qui s'avancent comme des gueules baveuses ! Cela mord la terre, de vraies pièges-à-loup ! Et ça s'étend, ça s'étend, jusque là où le soleil rosit et va se cacher, comme une couventine. Il hume, l'Aimbaud, il hume, les yeux grands ouverts. Oh la belle tempête, pense-t'il, sans savoir que ce n'est là qu'un jour calme propice aux croisières...

Blanche éclate de rire dans son oreille, elle le veut noyer. Ça ! Il n'aime pas l'idée. Il est terre et il est vin, il n'est pas flotte, foi de Josselinière. Il aspire sa salive dans un tsss, signe de mépris angevin, avant de s'élancer pour dévaler la pente jusque sur la plage.

Il bute dans les galets, les bras en croix, bondit pour laisser l'emprunte de ses talons dans le sol. Et bientôt au bord de l'eau, exalté, presque sérieux, lui criant à travers les bourrasques dans l'obscurité qui tombe et le bruit de l'écume :


Ça me plaît, Blanche ! La Bretagne, ça me plaît !
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Blanche_
Ecoutez-le braire !
Blanche, nettement moins sensible au charme d'une plage sombre et venteuse, si proche de l'eau qu'elle en recevait des gouttes au front, grogna qu'elle voulait rentrer et qu'elle avait mal aux pieds. Ça n'était pas si faux, c'était une altération de la vérité. Elle n'avait pas mal, elle avait froid. Nuance si fine...


- Bon j'en ai marre maintenant, on rentre ? fit-elle en croisant les bras, à deux pas de lui, prête s'il le désirait à retrouver les chevaux et rentrer à Donges. Quoique la plage siégeant sous ses fenêtres, elle n'était pas si loin.

Il marcha plus avant.
Elle le suivit.
Il avança jusqu'à l'eau.
Hurlant plus fort, elle le suivait encore. Les mains battant l'air à haute cadence, le velours de sa robe était assez lourd pour protéger ses jambes du froid, mais trop pour qu'elle ne s'enfonce qu'un peu dans le sable. Aussi, à chaque pas, un pans plus long de sa robe creusait le sol avec ses pieds, s'imprégnait de sable glacé, qui collait et rendait tout mouvement désagréable. Elle en avait plus qu'assez, exécrant ce contact à sa peau, et sachant tout autant qu'elle ne pouvait s'en défaire sans sentir la morsure du froid.
Elle marchait derrière lui, en pas d'abord autoritaires et larges, qui finirent pas rétrécir et devenir presque rares : un en avant, un autre encore, et l'effort était si important qu'elle soupirait plus encore.
Il s'en fut, alors qu'en redressant la tête elle vit une vague l'atteindre, un épisode de tasse méritée, d'eau salée dans les bronches, d'une petite humiliation temporaire, et surtout d'une Baronne affolée accourant à son secours, ce qui permet à notre narrateur de propulser les protagonistes deux mètres plus loin du rivage, à l'abris de l'eau, sauf de celle qui s'échappait en flaques bruyantes de ses bottes.


- Regardez ! hurla t'il. Un AUTRE !

Ô le beau caillou. Ça y'en a être un coquillage...
Tremblez, lecteurs, de l'abaissement amoureux qui plongeait Blanche dans une infériorité décadente. D'insoumise, elle trouvait à devenir ce tas flatulent et perdu, pourri de l’intérieur, d'une demi-déesse souillée par un amour terrestre. Elle était Walkyrie tout entière... De son Dieu prête à rendre les chaînes. Pour les offrir à un amoureux des bigorneaux.


- ... Hé mais ! MAIS. ENcore un ! Y'EN A PARTOUUUuut ! s'exclama t'il en remplissant poches de beautés maritimes. Nacrées, qui reflétaient les éclairs de lune. C'était romantique. Moins pour Blanche, qui les bras croisés, bombardes tachées d'eau salée, se sentait poisseuse et abandonnée.
- Bon venez, on rentre, déjà j'ai froid et puis on est loin, et si on se perd. finit-elle par glisser en excuse au demi-tour vers les dunes. Elle soupira d'aise en sentant sous ses pieds un sable sec, quoique toujours aussi froid. Et la pellicule humide qui couvrait ses pas faisait adhérer tout plein de grains horriblement blessants.

Ô saloperie de narrateur. Sans vous prévenir, il vous propulse bien plus loin, bien plus loin dans l'histoire, quelques minutes après, géographiquement à un point proche, mais après bien des hurlements, des répliques cinglantes et des reproches injustifiés. Vous n'êtes qu'un enfant. Et vous un tyran. Vous me faites du rentre-dedans. C'est pas ma faute il fait noir. C'est mon cheval. Non le mien. Mais si, y'a ma selle dessus. Je vous dis que c'est la mienne ! Ben c'est malin il se barre. Courrez-donc le chercher. Je vous déteste. Tout est de votre faute. Non la vôtre. Non la vôtre. Allez au diable. Vous d'abord.

- AÏE ! C'était ma tête !

Fichtre Dieu. s'ils continuent comme ça, ils baiseront jamais. Et le narrateur, fort de cette certitude, de les faire s'allonger chastement sur une couverture. L'hermine perchant sa tête aux poils blonds entre sa fourrure brune. Il avait le cou chaud, ce sanglier. Et c'était tant mieux, car Blanche, s'endormant déjà, ressentit une satisfaction aux antipodes de celle éprouvée quand Chlodwig agrippait son ventre pour en faire un oreiller. Contentement de la bonne situation, celle destinée, celle attendue ; Dieu, ou Merlin, ou peut être ce qui était à la fois l'un et l'autre, avait décidé de foutre une souillée dans les bras d'un mortel si adorable, et si maladroit, qu'il lui laissait temps de ré-apprivoiser le moindre contact.
Elle aimait l'enfant autant qu'elle avait détesté la bête ; il était évident qu'elle l'aimait justement, aussi, parce qu'elle avait croisé la bête avant.

Soupirs d'un endormissement proche. Le front colle à son cou. La main à la sienne.
Entre eux-deux, il n'y a pas la place d'un épée chaste : il n'en est pas besoin pour garantir l'abstinence de gestes païens.


- Tenez, avec mon manteau vous aurez plus chaud.

Bisou, bisou les gentils bisounours.
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Aimbaud, incarné par Blanche_


"Voulez-vous voir comment l'on dort à l'armée ?
— Roooh ! Avec une catin, je sais !
— Je parlais du campement, Blanche..."

La selle et la taie qui sent le vieux cheval, à terre. Matelas, oreiller. Pour Aimbaud, cela faisait bien l'affaire. Et pour Blanche, bien que "Mais ça puuue !" et que "C'est déplorable ces conditions !" cela fit aussi l'affaire, puisqu'en sus, il y avait le mantel bourguignon... Et le bras bourguignon aussi, qui dès la tombée du sommeil et la venue du subconscient, vint se rattacher à ce qu'il avait de précieux.

C'est ainsi que lorsque le ciel, de noir, vira à des teintes plus claires, que la terre sablonneuse se couvrit de rosée et qu'au fracas des vagues, se mêla le cri des mouettes insomniaques, Aimbaud apparut recroquevillé contre son paquet breton de fourrures et de mèches blondes... Une main qui avait oubliée d'être chaste, posée sur le sein protégé. L'air était froid, la poitrine était chaude.
Compte-rendu d'une nuit à la belle'.

"N'ayez crainte. Je vais veiller."

RRrrhhnn... zzZZzzz...
Nulle attaque de monstre marin. Pas de carnivore des dunes, ou de coupe-jarret. Aucun épisode aventureux. Calme nocturne. Même pas de cauchemar, ou de réveil en nage. À peine un petit pelotage, pas franchement abusif... Tournez la page, tout cela est d'un rasoir...

Aimbaud lui, dort comme un sonneur dans la clarté minimum du petit matin, la pomme douce dans sa main, le nez dans les remous blonds, les poches bourrées de coquillages. Et c'est bien comme ça...

"On reviendra hein ? Hein ?
— Aimbaud ! Vous n'êtes plus un enfant ! Va falloir choisir : soit vous m'embrassez, et êtes un homme, soit on fait mumuse au bac à sable ! Raah !"

Aube.
Vacances en Bretagne. Jour 3.

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Blanche_
Elle se réveille.
L'aube a éclairci le soleil. Le vent d'hier, en chassant les reste de céruse et de sublimé, et en redonnant l'insolence à son visage de sa vingtaine d'années de vie. Elle a des rides. Là, au coin de l'oeil, à l'embouchure de cette paupière close, et calme. Mais les traits, détendus, ne bougent qu'à chacune de ses respirations, pour soulever les lèvres et bouffer l'air dans le cou d'Aimbaud.


- AaaaaAAAaaah !

Ah oui, pardonnez. Juste après elle s'est réveillée, elle a vu la main d'Aimbaud à son sein, et a crié. Main, sein, Main, sein, Aaaaah !

- AH !
- Aaaaaââââh !


Je hurle, tu hurles, nous hurlons.
Elle se redresse et s'assoit, complètement atterrée, à garder son sein comme une Madone l'enfant. Du reste, Thibaut y mord avec l'avidité d'un Christ affamé.


- Vous m'avez tou-chée ! lui reproche t'elle en se relevant tout à fait.
Elle ne sent déjà plus le sable à ses bas, ni la lourdeur imprimée du velours gorgé de sel. Tout a séché, certes, mais en relief, sculpté, celui d'un corps mâle touchant le sien.
Elle a même, entre les doigts, la douce chaleur des siens entremêlés, siens qu'elle a repoussé juste avant. Il aurait mieux fallu, Dieu lui en soit témoin, qu'elle les garde contre elle, lui et ses envies de rêves, et qu'elle accepte ce que pourtant elle ne trouvait qu'insupportable. Car Aimbaud avait, et toute la nature de ce matin en attestait, la froide maladresse et la détermination d'un petit homme. Il était maître de ses réactions, éprouvait son esprit et sa raison, faisait d'elle une traîtresse à sa patrie, une parjure, une paria.
Elle en fulminait. Elle, de lui amoureuse, l'enfant, la petite chose, Elle ! De LUI ! A nul autre pareil, l'intégralité lui offrir et donner, donner encore, jamais en retour, tout donner jusqu'à la moelle, elle était prête.
C'était comme un criminel célèbre qui entrait en prison sous les hourras de ses congénères : craint, haï, plus que tout refusé. Mais adoré à s'en brûler les ailes.


- Euh.. je ne sais quoi dire. Je suis navré...! balbutia le héros en se frottant le visage.
- Pas grave, répondit Méduse en lui lançant un regard noir.
Crève. Crève. Crève. Meurs, si tu ne m'embrasses pas.

Dans les bosquets alentours, les cris de stupeurs avaient provoqué un silence inhabituel ; comme si les écorces même des arbres avaient cessé de grogner et de geindre, de peur qu'elle ne le sauta à la gorge pour les anéantir.
Elle aurait mitraillé un merle troublant le silence entre eux deux. Plus encore, lorsqu'au sortir de leur houleuse conversation, un nouvel aveu avait été fait, la propulsant par son inhabituel résonance, à lui sauter dans les bras.
Crève. Crève. Crève. Meurs, si tu m'abandonnes après ça.

_________________
Blanche_
[On prend les mêmes et on recommence !]

Il prenait une teinte doucement cuivrée en rangeant leurs affaires. Et elle, médusée, de le regarder en examinant chacun de ses gestes, la fièvre fulminante de sa colère passagère battant le sang à ses tempes. Elle haïssait chacun de ses gestes, aussi les manies d'un soldat à plier les choses et ranger sa selle en la sanglant d'une certaine façon ; tout jusqu'à ses mouvements indiquant qu'il était loin d'être breton. Et elle le détestait pour n'en être un plus que tout à cet instant.

La promixité de cette nuit explique votre geste, je ne vous en veux pas, rajouta t'elle presque à contre-coeur, quoique très vite lassée de sa précédente aigreur. Tant de compassion, de brusque changement de ton, elle venait de passer d'une courroucée barbare, à une douce et serviable hôtesse.
Ah ! Tant mieux, tant mieux...! Confus .. vraiment !

Elle le regarda s'enfoncer dans sa misérable subordination, à dire Amen à chacune de ses remontrances. Elle qui n'avait jamais été confrontée à autre attitude qu'un dédain discourtois l'obligeant par la violence à obéir, devenait de fait la maîtresse de la situation, à défaut d'être la sienne.
Et cette situation l'agaçait prodigieusement.

Aimbaud.
Oui! Oui ?

Elle fit un pas vers lui, unique. Mais sa fierté en prit un coup d'humilité si soudaine, qu'elle sentit la meurtrissure au milieu de son ventre. Une barre, à cadrer son abdomen, qui avait même coupé de peu sa respiration. Que c'était dur d'être soumise !

...C'est humiliant.
Mais ! C'est vous qu... c'est vous qui !


Il agita les mains en signe d'incompréhension, à moins que ça soit en signe de lassitude. Ou de passivité. Ou...
Blanche n'en savait fichtre rien. Mais à le voir brasser du vent, elle sentit son agacement revenir, et le sang battre à tout rompre au creux de son front. Ce qui la poussa, bien malheureusement, à le couper brutalement, et ce à un ton un peu plus agacé que poli.

Ciel, OUI ! Vous m'avez tenu le sein la nuit durant. Je ne vais pas vous faire un PROCES ! Ou plutot, si. Qu'on siffle les chiens, appelle le juge, vous emprisonne et vous coupe les doigts : l'infâme Corbigny a touché la Blanche !
Elle monta un ton au dessus, en crescendo délicieusement breton.
Bordel ! Vous pourriez voir l'évidence ! J'ai été surprise, pas révoltée !
Vous avez poussé un cri d'horreur.
De surprise.
C'est moins pire ?


Elle croisa les bras une nouvelle fois. Lui piteux, elle obstinée. Et puis, l'aveu.

Que m'importe où vous mettez vos mains si elles me touchent ! Quand bien même vous la gardiez à ma peau tout le jour...!

Il releva les yeux. Elle vit le soleil frapper son front, et le trouva beau. C'était, quoiqu'un peu étonnant, la première fois. Planté là, abattu par le sel et la nuit sur un sol dur, courbaturé mais debout, vigoureux comme un vieux chevalier de la table après une quête ultime, Aimbaud donnait le change. Il était adulte. Il était vieux. Et Blanche, désespérément amoureuse de ce paradoxe.

... mais pourquoi criez-vous alors ? répondit une voix minuscule.

L'image du chevalier se brisa. Mais à l'imaginaire de Blanche, il gardait la figure d'une gifle initiatrice. Sans savoir si c'était sa figure à elle, ou la sienne à lui, qui avait pris l'accolade initiatrice : l'un des deux avait changé, elle sans doute, à le voir bien plus grand qu'avant.


Blanche, vraiment... J'ai le sentiment de ne pas faire un seul geste qui ne soit de travers en votre compagnie, j'en conçois une honte terrible !...
Et la mienne, de honte ? Vous n'osez me toucher qu'en dormant !
Je vous toucherais bien éveillé, si.. ! Vous n'avez pas l'air de saisir !


Saisir...? Saisiiiir ! Ah ! Par tous les Saints ! Ne lui parler pas de saisir quoi que ce soit, car le moindre mot, le moindre verbe employable à toute fin moins innocente la rendait d'un degré Celsius plus chaude.

Saisir QUOI ?
Je n'ai AUCUN DROIT de vous toucher !
Le vrai problème, c'est que je suis bretonne, et que je ne vous convient pas. Je serais française que vous accepteriez de me témoigner votre affection sans sourciller !
Non, non !
J'ai tant d'estime pour vous...


Va chier avec ton estime, Corbigny ! Elle lui répondit bassement quelques reproches, se mura dans un silence, en refusant ses bras. Elle avait dans l'oeil un éclair de jalousie fugace, sans savoir à qui l'adresser : lui, elle-même, le soleil de Bretagne qui gâchait leur retrouvailles, l'idée qu'il s'en aille bientôt. Hurler était sans doute la seule échappatoire qu'elle envisageait. Mieux valait hurler, qu'analyser ses propres angoisses, comme celle, non-admise, qu'elle le désirait autant qu'elle avait peur de ses bras. Pouvait-elle, simplement, comprendre qu'elle avait en elle, deux envies si contradictoires qu'il était impossible de les ressentir simultanément ?

Mais, par ma foi...! Je vous aime, je n'ai que votre peau en tête, si vous voulez tout savoir, je vous désire à en crever, voilà. Encore ? Il ne se passe pas une nuit sans que je vous rêve. ENCORE ? Comment pouvez-vous en douter !

Elle garda un instant les yeux au sol. Puis, d'une insolence candide, et avec cet accent celte soudain plus prononcé, répondit un "Encore" frappant et presque obscène. Sous le ciel bleu roi, elle avait une peu et des yeux si blancs, qu'on les aurait dit d'un enfant.
Quelle abjecte gorge pour une créature presque divine !


Je vous ai tant imaginée nue que... Que c'en est devenu obscène ! Et douloureux !... Vous m'avez harcelé sans le savoir, vous étiez tout le temps là, dans ma solitude !...Vous dites que je fais l'innocent, d'accord c'est vrai ! Je ne suis pas un saint. Je vous veux terriblement...

Nue.
Bo-boum. Bo-boum. Bo-boum. Nue, nue, nue, sans vêtement, oh Mon Dieu ! Nue ! N-U-E ! Oh mon Dieuuuu-euuu !
Gnémaquoi, Nue, oulalalalala... Nue. Gloups. Respirer, respirer, Bo-boum, outch le coeur.
Oui, bon heu, bah heu... Rien. Je moi... Nue ? Ah mais c'est que. Heu. Nue, vraiment quoi ? Un peu, juste. Chépapochible, je rêve... Dieu dites moi que... Non, vrai, pas nue, juste... Nue. Bo-boum. 'Ai mal. Coeur. Bo-boum. Nuuue ! Aaaah ! Non, non, ne ne jamais ! Nue, vous rigolez, nue jamais, nue... Raah, berk.

Et alors, ayant tant de mal à articuler que les mots sortent avec une incroyable distance.
L'air de rien, tout comme ça. Nue, peuh ! L'habitude mon grand. J'entends ça tous les jours.


De toute façon, vous seriez déçu. J'ai un cul de vache.
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