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[RP] L'amour est enfant de Bourgogne

Aimbaud, incarné par Blanche_


Clémence, on s’en moquait bien.
On revenait des promenades aux champs, le velours et les cheveux parsemés de brindilles. On s’aimait à tous vents, criant dans les plaines étendues jusqu’à l’horizon, suspendus aux branches des cerisiers, à l’ombre des chevaux, dans l’air chaud bourdonnant d’abeilles. La paille craquante de l’été… Une chanson revenait souvent. Les collations en plein-air, quand on était roulé à terre sur des tapis de laine pourpre, mordant dans les fruits, froissant les pages d’un manuscrit, somnolant au chant des insectes et à celui des vagues, étouffées plus loin par des murailles de galets… Le silence… Entrecoupé de rires. De regards sérieux. De souffles et de mots d’amour, les plus doux qui soient sur cette terre, murmurés au rebord de l’oreille où paressent des baisers du bout du nez.

On était souvent surpris par la pluie qui arrivait dans l’ombre sans crier gare. Elle fonçait les cheveux blonds et collait les chemises. Quand l’atmosphère devenait électrique bien souvent, on se heurtait dans des querelles. Il suffisait d’un rien pour raviver les sangs et faire monter les tons. L’un était accusateur, l’autre niait. L’un voulait, l’autre refusait. Et le pire, c’était quand l’armistice était refusé ! Quand le nez fourré dans le corsage était viré sans sommation, suivit d’une semonce telle que :


- Non mais eh ! Ca va là un peu ! Je voulais parler d'un truc important !

Les trucs importants… Aimbaud ne saisissait pas pourquoi ils prenaient toujours le pas sur les autres trucs. Il y en avait de toutes sortes, des trucs importants : « Votre famiiiiille… ! » ou « Le mariage doit être drui-dique ! » ou « Vous me trouvez grosse ? » ou « Clémence a dit… » ou « On ne fera plus jamais l’amour ! » ou… Hein ?

- On ne fera plus jamais l’amour !

Trahison. Injustice. Crime. Horreur. Damnation. Fin du monde.

Hein ! Pourquoi ?!

Elle avait bien tenté de lui parler de choses terribles, sales et mensuelles, qui pouvaient provoquer des ennuis graves suivant qu’elles arrivaient ou qu’elles n’arrivaient pas. Aimbaud n’avait pas bien saisit, cela devait faire référence à une maladie contagieuse…

- Je ne peux pas marcher le risque d'être enceinte !
On dit « prendre » le risque. Mais on s’en contre-fiche puisque vous allez être ma femme.
- Aimbaud. Vous comprenez que ce serait de votre faute hein ?
Oui oui, tout est de ma faute…


La pluie tombe en cordes sur les carreaux. Ils se réconcilient l’un contre l’autre sur des couvertures en pagaille. L’une bercée de soulagement, l’autre bonne pâte qui s’accuserait de tous les torts, jusqu’au mauvais temps qu’il fait, pour mieux accommoder sa dame.

C’est toujours de ma faute..
- Fort bien. C’est entendu.


Aux marches du palais, aux marches du palais… Y’a une tant belle fille, lon, la. Y'a une tant belle fille...
Elle a tant d’amoureux… Elle a tant d'amoureux... Qu’elle ne sait lequel prendre, lon, la.
C’est un p’tit Bourguignon… Qu’a z'eu sa préférence, lon, la.
La belle si tu voulais, nous dormirions ensemble, lon, la.
Dans un grand lit carré… Couvert de teille blanche, lon, la.

Couvert de teille blanche…

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Blanche_
L'ultime réponse à ses angoisses était, invariablement qu'un Hymen saint allait suivre leur bavure pécheresse. Et cette phrase réconfortante suffisait à rassurer Blanche un petit peu, au moins jusqu'à ce qu'elle y repense plus sérieusement, et que lui apparaisse avec une abjecte évidence que tout cela n'était que des chimères romanesques, tout juste dignes de lui faire vivre un été sortant de l'ordinaire. Elle grandissait petit à petit, par les décisions et les reproches qu'elle lui faisait en nom et rôle de sa future épousée ; même, elle daignait à considérer avec un respect perdant son ironie, les lieux saints auxquels il se rendait tous les jours. Ne riait plus à ses rites, ne chouinait plus à ses refus. Presque, elle était adulte.
Grondait de temps en temps, pour qu'il s'imaginât avoir en face de lui, celle qu'il avait toujours connu. Mais il était vrai que l'enfante devenait de plus en plus celle qu'elle avait laissé entrevoir en Castille à Elena Ruth et son aimé cousin. Et aussi, à chaque fois qu'ils conversaient elle essayait à lui raconter sa vie et connaître la sienne, pour que, le temps passant, il finisse par apprécier la nouvelle qu'elle était.


- J'ai entendu dire des villageois que la farine de Brocéliande était arrivée, annonça t'elle au beau milieu de l'après-midi, tout en ne tournant la tête vers aucune des personnes qui l'entouraient. Il y avait Clémence, l'intendant aussi, mais en retrait et loin d'eux, ainsi qu'Aimbaud, qui était proche d'elle et avait la main posée dans l'herbe. Elle aurait pu, assise comme elle l'était, faire glisser la sienne pour qu'elles-deux se rejoignent, mais elle n'aimait pas sentir, voire imaginer le regard de Clémence sur eux.
Leur simple présence commune suffisait à son aise ; même, que son amie favorite se trouvât avec eux dehors, sous l'ombre gentille des pleureurs achevait à la contenter absolument.


- C'était, précisa t'elle pour être sûre que tout le monde ait bien compris, de cet échange-là dont je vous avais parlé il y a huitaine. Riwan Nathan, en souvenir de l'affection qui le liait à ma grand-mère Aliéniore, accepte de me faire crédit de farine et de blé.
Elle adressa un sourire narquois à Aimbaud, qui avait eu loisir dans sa chambre de lire les lettres et les réponses de la Grenouille. Elle souriait car elle savait que la nature-même de ce revers de fortune lui échappait complètement, mais qu'à profiter du point faible du Prince elle avait obtenu le salut de ses gens pour l'année à venir. Et toute cette histoire, celle d'un échange de blé contre des femmes, lui était si ironique qu'elle en avait ri à s'en décrocher la mâchoire ; Ici, avec son amie si posée, la démonstration à la face calme et heureuse était suffisante. Même, il lui fallait pour ne pas la vexer lui en expliquer la teneur complète.

- Allez à préparer les divisions qu'il faudra, ordonna t'elle à son intendant, avant que de rajouter le nécessaire. Et pour ce qui est de l'Oisillière, nous doublerons.
Amenez-moi cela une fois rédigé, je corrigerai.


Elle attendit que l'homme à sa livrée grise soit parti, puis, sous le sceau d'une confiance plus totale, elle apprit à Clémence la nature du remboursement exigé par le Prince.

- Il me les fait à vingt pourcents, le bougre. Je lui en ai obtenu quinze de moins si j'envoie une douzaine de cuissées bretonnes pour réchauffer les lits de ses soldats.
Elle arracha une motte d'herbe, mais tout était sec et elle n'eut la satisfaction dans sa main que de cheveux blonds fanés, agrippant de la terre aride.
- Autrement dit, notre dernier amusement à Pannecé lui est encore en mémoire.
Cette fois-ci, c'était pour Aimbaud qu'il fallait traduire. Ce qu'elle fit en se gardant bien de rire, n'étant pas sûre qu'il adhérerait à l'humour de la blague.
- Je vous ai dit, n'est-ce-pas, avoir habilement manigancé pour que Riwan Nathan se trouve à baiser une putain pleine de morpions ? Il a dû les garder longtemps, pour s'en souvenir encore.

Elle releva les yeux vers le ciel, dépourvu de nuage. Une vieille du village de Donges, au sortir de l'église lorsqu'elle s'y était rendue pour l'office du Dimanche, avait promis pour une pièce que ses os lui faisaient assez mal pour qu'il pleuve demain. Au moins, sa fervente résignation à aller prier du latin qu'elle haïssait encore, et à s'afficher en aristotélicienne convaincue avait servi ; demain, il pleuvrait.
Le jour suivant, ils planteraient dans la terre meuble et riche d'eau. Pendant que les boulangers se cacheraient de la pluie près de leur âtre fécond. Donges n'aurait plus faim en trois jours, et cela, Blanche le devait à Aimbaud pour avoir fouillé dans ses comptes, à Clémence pour l'attitude indifférente et résignée qu'elle avait su copier pour marchander, et aussi, fallait-il le préciser, à un geste généreux d'un ami de la famille, qui bien qu'éloigné de la vie publique répondait aux supplications d'une Coatmeur.

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Aimbaud, incarné par Blanche_


***
Et il avait plu. L’orage même avait fait trembler les fondations du château dans le tombant de l’après-midi, et s’engouffrer des vents bruyants dans les coursives qui sifflaient en faisant vrombir les carreaux des fenêtres. Les petites gens s’étaient réfugiées dans leurs quartiers. On avait beau allumer les bougeoirs dans les salles du château, pour lutter contre l’obscurité que provoquaient les nuages, les flammes étaient soufflées brutalement par les courants d’air. Elles crépitaient face à l’humidité. Il faisait lourd, chaud, on était claquemuré. Et Aimbaud faisait les cent pas dans la salle des banquets, vif. Il s’arrêtait soudain pour s’étirer en râlant. Refaisait quelques pas. Tournait en rond comme un lion en cage. Faisait rouler une épaule. S’arrêtait, les mains croisées dans son dos, le regard fixé sur les poutres ciselées de la grand salle qui résonnait du fracas de la pluie. Puis il marchait à nouveau en traînant toute la surface de ses chausses sur les nœuds des tapis, la tête si basse que son menton s’en trouvait appuyé sur son col.

Bon. Bon bon bon… BLANCHE ?

Brailla-t’il soudainement en se laissant tomber dans un fauteuil, écrasé par une sorte désespoir théâtral qui le fit se vautrer, une jambe sur l’accoudoir. Incapable de rester une seconde immobile, il fit craquer ses phalanges en se retournant les mains et s’étira à nouveau avant de tapoter nerveusement du pied contre la riche tapisserie du siège. Une voix assourdie par la charpente et quelques bruits de talons d’escarpins lui arrivèrent de l’étage.
Un instant plus tard, les escaliers tremblaient sous le poids du Josselinière qui gravissait les marches cinq-à-cinq. De sauts en cabrioles, il s’avachit contre une porte pour la pousser puis tomba comme une grosse loque de tout son long, la face contre le matelas de la baronne.


Gnemennuie.

Une volée de pluie s’abattit contre la vitre au gré du vent qui sévissait dehors. Elle, sautillante et parfumée, lâcha la plume sur son secrétaire pour s’approcher et lui porter réconfort de quelques mots enjoués. Il poussa un grognement blasé avant de se taper le front dans le mou des couvertures.

Je veux chasser. M’entraîner à l’épée. Faire la course.

Shooter dans des cailloux. Tirer à l’arbalète. Casser des trucs. Se baigner. Frapper. Courir. Hurler. Son maître d’armes lui faisait cruellement défaut, tout comme la lice de Corbigny et ses entraînements avec Cassian. Il avait des fourmis dans les pattes, et chacun de ses gestes s’en trouvaient plus vifs et nerveux. En témoignaient tous les objets à sa portée, qu’il avait tendance à maltraiter.

- C'est un surplus d'énergie ? Làà, vous pourrez aller chasser quand le temps le permettra.
Mais tout seul c’est naaaaaze.
- Oh mais ! Et si on allait chasser ensemble ?


Mais pfff… Mais raaah… Mais elle comprenait rien. Était-ce nécessaire qu'il passe encore une mi-heure à lui expliquer qu'il était des domaines dans lesquels les femmes étaient inaptes à pratiquer ? Bénévole, il le fit.

Non mais faut que ça aille au galop, hein. Pas trente-six mille pauses toutes les dix secondes, et « Oh il est bôôô le paysage et « Oh tuez pas le petiiit animaaal »… Et puis d’abord, vos gens ils s’y connaissent en chasse ? Parce que d’après mes sources, la Bretagne c’est plutôt la chasse aux poissons, hein… 'Scusez.

Là, il ne rentra pas assez vite la tête dans les bras. Cela fit... *BAFFE*. Ah oui, parce qu'on avait oublié de préciser que le manque de dépenses physique, ça rendait vraiment désagréable.

M... Mais Blancheuh !...

Orage et porte qui claque.
Bon ben... Il ne lui restait plus qu'à faire des pompes.

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Blanche_
Nous avons parlé des instants de tendresse, de ceux de folie furieuse ; de la tendresse suivant la folie-furieuse ; de la furieuse tendresse, aussi, tout cela en bref, qui faisait de Blanche et Aimbaud le plus formidable de tous les nouveaux petits couples du Royaume, à cette différence qu'ils n'étaient malheureusement pas un petit couple, mais un gros problème, pour tous ceux concernés de loin par leur existence.
Songeons au courroux de leurs familles respectives à l'annonce, si elle avait eu lieu, de leurs épousailles ! Sans douter de la réactivité de son angevine de mère, il était évident que le coté françois de la famille s'eût élevé, uni face à l'ennemi breton. De même, le breton père de Blanche, en apprenant qu'elle avait traversé cette frontière honteuse, l'aurait reniée s'il avait pu, si, en somme, sa mère n'avait pas précédemment essayé. C'était tout cela, le cocktail explosif du nouveau couple mixte. Deux familles bornées, réunies par un hasard du destin si débile, qu'elles ne tarderaient toutes deux à chercher moyen de les séparer.

Ce jour-là il avait été question d'une balade. Retardée, étonnamment, par une visite impromptue de la couturière, qui s'activait donc autour de Blanche aux bras en équerre, tandis qu'Aimbaud allongé sur le lit, se prélassait comme un Pacha à son harem devant lui.
Blanche parlait à l'un, ignorait l'autre, se contentait de petits soupirs exaspérés lorsqu'une aiguille lui piquait le flanc. Même, lorsque la femme osa féliciter l'enfante d'avoir meilleure constitution, et hanches plus grosses, elle n'éleva pas la voix plus haut qu'un bête claquement de paume irrité.


- Fort heureusement, conclut-elle en fixant le sanglier pour l'en convaincre, être en chair est signe de bonne santé n'est-ce pas ? Et de richesse, surtout de richesse ma très chère, aussi reste calme et détends-toi. Sans doute que ces nouvelles grosseurs (cette, nouvelle grosseur) tu va comme un gant. Et te rend plus précieuse.

- Je vais quitter le conseil, annonça t'elle pour changer de sujet. Je ne supporte plus ces petits qui me chagrinent l'esprit. Et le Régent quoique agréable, est un petit peu...
Elle croisa le regard intéressé de la couturière, abaissa soudain le bras pour signaler son courroux. Même, la félicité d'une interruption brutale lui vint à la tête ; et elle se gronda intérieurement d'avoir failli rendre Aimbaud jaloux.
- Aussitôt que nous aurons fini, pressa t'elle sa domestique, nous irons nous promener comme vous l'avez voulu ; mais, si vous voulez, j'aimerais que nous allions du coté du monastère.

Là où même, en attendant son départ à Noirlac, vivait l'engeance du Diable.
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Aimbaud
Ils s’éclipsèrent par les taillis bordant le château, aux heures les plus chaudes de la journée, sans escorte et sans chevaux. Car ils avaient pris de ces mauvaises habitudes, pour fuir la surveillance de l’Épine, de partir sans prévenir personne, au risque de se perdre ou de faire de mauvaises rencontres. Aimbaud s’en riait bien. Plus ils se moquaient du protocole, plus son bonheur s’en trouvait décuplé. Il ne gardait qu’une habitude, celle de l’épée toujours portée à son côté, apparat minimum qu’il lui arrivait malgré tout d’oublier dans les champs.

Pour mieux plaire à sa blonde Hermine, et se souciant de paraître mature, ou pour fêter ses quinze ans (allez savoir), il laissait depuis sept jours duveter un semblant de moustache qui peinait à noircir le dessus de son bec. Il en tirait une grande fierté, aussi marchait-il le nez au vent pour s’assurer que l’événement soit assez voyant.
Savait-on seulement si la belle l’avait remarqué ? Car quand l’un se préoccupait de sa pilosité, l’autre n’avait d’attention que pour ses kilos en trop. Chacun ses centres d’intérêt, m’enfin bon.

Ils laissèrent donc derrière eux les abords du château, vers lesquels convoyaient quelques tonneaux de vins et des draps neufs pour des préparatifs qui s’orchestraient, doucement mais sûrement... On ne s’était pas encore entendus sur la nature de l’union, aristotélicienne ou païenne, on ne savait pas même la date, les témoins, l’église/le dolmen, le prêtre/le grand chaman, le comment, les conséquences, les cataclysmes, mais dans le château de Donges, mille et une petites mains se préparaient à l’événement.
Loin de cette effervescence, les deux amants traçaient leur chemin entre les herbes. Leurs paumes, parfois, se partageaient un peu de chaleur.

Blanche parlait. Aimbaud écoutait d’une oreille. Le brocart bleu d’une robe se froissait aux épines. Ils marchèrent en égrainant des épis de mauvaises herbes, s’enfonçant dans les terres vertes, brûlées… Têtes nues.


- Vous ne pouvez devenir breton, trésor.
Dague à ranne quarante aise.
- ez. ez ! Karentez. Da garan, karentez.
Nenni. Quand je parlerai couramment la langue, vous m’introduirez à la cour de Bretagne.


Ce qu'Aimbaud veut, femme veut. Du moins il y croit. Leurs pas les menant sur le sentier du monastère, le Bourguignon agite les mains.

N’ayez crainte, je sais fort bien y faire avec les mondanités. Et puis comme vous êtes lasse du conseil, vous pourriez jeter aux douves toutes ces paperasses et mieux consacrer votre temps à de grandes festivités en ma compagnie ! Sincèrement, lors que j’étais Grand Écuyer Tranchant au conseil de Bourgogne, je n’avais même plus le temps de jouter. C’est perte de temps que de politiser…
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