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[RP] La clairière de la Foi

Sancte


Après les baptêmes, lecture. XVe séance.



Longue fut son absence à la clairière qui jadis abritait ses moutons. Mais aujourd'hui, elle abritait ses porcs. Tout simplement parce que parfois, certaines modifications structurelles poussent les hommes à limiter leurs échanges et à se rendre le plus autonome possible. Depuis l'arrivée de fortes taxes sur les transactions, il n'avait pas hésité longtemps avant de modifier ses habitudes afin de les optimiser en vue préserver au mieux son pécule d'un côté, et de limiter au maximum les recettes de la Guyenne de l'autre. Les lectures avaient débuté avec un nombre infinitésimal de personnes autour du canoniste réformé. Il avait souvent eu envie de tout arrêter, constatant qu'apparemment son activité en la matière embrouillait davantage les bourgeois de Montauban qui n'y voyaient au départ que lanterneries de charlatan, qu'elle ne les y aidait à trouver la lumière. Mais avec le temps la réforme avait su creuser son chemin dans les esprits, et s'était constitué au fil du temps une véritable communauté de croyants ... dont il fallait entretenir la spiritualité.

Mes chers religionnaires. Soyez les bienvenus en la clairière de la foi pour cette nouvelle séance de lecture. Sans doute avez vous déjà remarqué au fil de vos Écritures, le symbole suivant, tout en vous questionnant sur sa signification:


À ceux qui ne la connaîtrait pas, voici le texte qui vous permettra d'en saisir toute la symbolique.



Citation:
Où Aristote fait le rêve d'une cité idéale.


Un matin, Aristote avait une mine préoccupée. Son fidèle Sargas, qui fréquentait le lycée depuis des mois, vint à sa rencontre pour s’enquérir de son sort. Le maître lui fit cette réponse…

Aristote : "Cette nuit, mon cher disciple, j’ai fait un rêve."

Sargas : "Ah oui, maître ? Racontez-moi."

Aristote : "Certes oui. J’ai songé qu’en orient existait une cité merveilleuse."

Sargas : "Quel genre de cité ?"

Aristote : "Une cité idéale, parfaite, où tous vivaient en une fabuleuse harmonie. L’équilibre y était si solide que nul n’aurait pu le rompre, pas même la venue d’un étranger comme je l’étais dans mon imaginaire. J’y ai fait intrusion, y ait importé mes mœurs, que je dirais à présent corrompues, mais j’y ai été accueilli comme un frère."

Sargas : "Quels étaient ses principes, maîtres ?"

Aristote : "Cette cité est organisée selon le principe de trois cercles concentriques, ou trois classes de citoyens si tu préfères.

Je commencerai par te décrire ce qui constitue la plus basse de ces classes, à savoir celle des producteurs, la classe d’airain. Ils constituent la majorité, et vivent paisiblement de la culture de leurs champs et de l’élevage de leurs bêtes. Ils prennent ce qui est nécessaire à leur subsistance, et à celle de leurs familles, dans leur propre production, et donnent le reste aux classes supérieures. Si ces hommes constituent la base de la cité, leur sort est cependant enviable. Ils connaissent les joies de la tranquillité, d’une existence simple au service de la collectivité. Ils s’adonnent à l’activité physique qu’exige un travail régulier, et qui maintient leur corps en condition, meublent leur temps libre par la contemplation des choses de la nature, par l’éducation des enfants que ces gens là placent en très haute considération, et par la prière, adressant leurs louanges à Dieu qui leur a donné les plaisirs dont ils sont bénéficiaires.

La seconde classe de citoyens, la classe d’argent, est celle des gardiens, des soldats. Ceux là sont autorisés à l’oisiveté, et profitent, en temps de paix, d’une subsistance gratuite qui leur est fournie par les producteurs. Ils philosophent, admirent eux aussi les bienfaits de la nature, s’instruisent quel que soit leur age, s’entraînent au maniement des armes. En temps de guerre, ils se font les plus fervents défenseurs de la cité. Leur courage n’a pas d’égal, et ils donneraient leur vie, sans hésitation, pour la conservation de la communauté, ou pour défendre leur foy qu’ils placent en très haute estime. Et au retour des combats, ils sont accueillis comme des héros. On dépose sur leurs têtes des couronnes de lauriers, on les traite comme des princes, et de fabuleux festins sont tenus en leur honneur. Ils sont portés en triomphe par le peuple, et aimés par les femmes.

La troisième classe de citoyens est celle des philosophes rois, la classe d’or. Ceux là sont les plus anciens, recrutés parmi les gardiens qui se sont montrés les plus braves, les plus aptes au commandement, et les plus doués en matière de philosophie. Leur seul bien est la raison, car ils sont délivrés de leurs possessions terrestres. Leur foy en Dieu est leur seule arme. Ils s’illustrent par la pratique des vertus de la manière la plus parfaite. Ils sont un exemple pour tous, et le peuple est heureux de sacrifier un peu de sa propriété pour assurer la survie de ses maîtres. Les philosophes rois constituent le gouvernement de la cité. Ils décident collégialement de ses destinées. Ils sont également les ministres du culte rendu au Tout-Puissant, et là réside leur légitimité. On tient leur pouvoir comme inspiré par le Très-Haut, de part leur condition d'Anciens. Ils organisent l’ensemble de la cité, planifient la production, rendent la justice, et légifèrent."

Sargas : "Par ma foi, voilà une formidable cité que vous me décrivez."

Aristote : "Certes, c’est vrai. Et j’ai la conviction intime qu’elle doit exister, quelque part."

Sargas : "Croyez-vous, maître ? N’est-ce pas là un simple songe ?"

Aristote : "Non, je crois plutôt qu’il s’agit d’une prémonition. Et je veux m’en assurer par moi même. J’ai fait mon temps ici, et de ta condition de disciple, tu vas passer maître. Le lycée t’appartient."

Sargas : "Comment, maître ? Mais j’ai encore beaucoup à apprendre."

Aristote : "De moi, non, mon cher ami."

Et le maître, toujours aussi grave, laissa Sargas décontenancé, pour s’intéresser aux préparatifs de son voyage en orient…


Vous l'avez compris.

L'airain constitue le socle de la cité en ce qu'il représente les travailleurs et artisans qui se chargent d'extraire et de modifier les ressources de la nature afin de pourvoir aux besoins terrestres de la cité. C'est dans cette optique que les diacres prennent leurs fonctions, en veillant à ce que nul membre de la communauté ne manque de rien.

L'argent est le second cercle et l'épine dorsale de la cité en ce qu'elle protège la cité et dissuade les attaques extérieures destinées à être portées contre elle. C'est là que doit intervenir la force brute. C'est là, à mon avis, que nous pêchons encore: la Réforme ne dispose pas d'Ordre Militaire rigoureux sur Montauban, ni même étendu à l'échelle du Royaume. C'est là un écueil auquel nous avons l'obligation morale de remédier, et ce d'autant plus que nous avons tous les moyens effectifs et matériels pour le faire.

L'or est le troisième et dernier cercle. C'est le cœur de la cité, en ce qu'il regroupe ses élites politiques, culturelles, religieuses et intellectuelles, chargées de guider les bourgeois de la cité et de l'administrer avec sagesse. C'est dans ce cadre et dans ce souci constant d'exemplarité que nos Anciens, nos pasteurs, et nos théologiens s'expriment.

Voici les éléments qui, utilisés conjointement, peuvent faire tendre Montauban vers la cité Aristotélicienne idéale. Que nous manque-t-il au fond ? Nous avons les terres cultivables. Les appareils de production. Les biens terrestres. Nous avons les armes. Nous avons les Anciens, les pasteurs, les théologiens. Il ne nous manque plus en vérité que deux choses:

- Les diacres chargés d'assurer assistance aux pauvres, aux orphelins, et aux malades.
- La discipline militaire imposée par un ordre de chevalerie au point de vue local, relié avec d'autres commanderies à travers le Royaume.

Cette fissure comblé, nous aurons posé les bases inébranlables de votre force et de notre volonté. Il ne restera plus qu'à enfanter notre plus belle victoire, celle de la liberté, en boutant hors de nos murs toute la racaille papiste et opportuniste qui souille Montauban de sa présence. Les bouter tous, oui. Exceptés les chiens qui y périront.

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Cyrinea
Le petit pionçait, le grand pionçait et elle, elle n’avait pas sommeil. Elle pensait que ça commençait à ressembler à une famille tout ça...une première pour elle...sauf que le petit et le grand ne se connaissaient pas encore et que ma foy, c’était pas gagné ! Et, justement, en parlant de Foy, ses pas la menèrent tout naturellement à la Clairière.

Sa vie défilait en couleur dans sa tête, une habitude en ce moment, pourtant, elle ne sentait pas la Faucheuse proche, au contraire. Depuis quelques semaines et plus particulièrement quelques jours, déprime et idées noires étaient parties valser ailleurs. La Sirène avait retrouvé sourire et joie de vivre et donc, ce n’était pas pour jouer aux chutes du Niagara qu’elle s’était rendue en ce lieu sacré, comme de nombreuses fois auparavant.

Non. Elle avait une prière à formuler et pas uniquement besoin de recueillement ou d’apaisement de l’âme.

Elle s’assit contre le tronc de son arbre favori et fit danser un petit caillou dans sa main. Un collier ! Elle irait chez un forgeron, le ferait sertir dans de l’airain, et ne le quitterait plus. Elle voulait d’ailleurs que le mot quitter ne fasse désormais plus partie de son vocabulaire et, les yeux fermés, formula à voix basse ce qu’elle ne pouvait s’empêcher de craindre.


Deos, Père tout puissant, créateur du Ciel et de la Terre, je t’en prie, celui-là, ne me l’enlève pas, pas encore. Tu sais que je n’ai jamais douté de Toi, malgré toutes les épreuves que la vie m’a fait traverser.

C’est vrai ça, elle avait jamais douté, alors que diable ! Enfin, non, hum...bref, par pitié. Voilà, par pitié!

Pas lui.

Elle ouvrit lentement les yeux, se leva tout aussi lentement, comme si il lui en coûtait de partir et, dans un léger soupir, regagna la Cité des Saules.
Cyrinea
[Quand la lumière vous abandonne]

Il s’était éteint à l’aube. Sans un bruit.

Epuisé par la fièvre et des heures de délire où s’enchaînaient les mots : « Môman, clairière, pôpa ». En boucle. Dans l’ordre et le désordre. Et elle, de répéter, inlassablement, qu’elle était là, qu’il verrait la clairière dès qu’ils arriveraient à Montauban et papa...qu’il allait revenir bientôt.

Et elle de serrer les dents, de se maudire et de se dire que si elle lui avait annoncé que son père était mort, oh ! elle aurait inventé une mort glorieuse, digne de susciter l’admiration éternelle d’un fils en manque de présence paternelle, il n’aurait pas fugué, n’aurait pas cherché cette foutue clairière, seul repère susceptible de répondre à certaines de ses interrogations, n’aurait pas chopé la mort et ne serait pas...mort. Que si elle n’avait pas pris le sort de Montauban à cœur, elle n’aurait pas eu à prendre de nourrice, aurait pu le choyer et tenter de le rassurer.

Waking s’était endormi. Elle avait minimisé, tout, depuis le début, même quand l’inquiétude se muait en désespoir. Et quand elle n’y arrivait plus, elle buvait. Riait. Se raccrochait à des parcelles de bonheur, des ivresses de chair et tournait dans sa robe de princesse ou se plongeait dans des sels orientaux. Au moins, dans l’eau, on ne voyait pas les larmes.

Cyrinea avançait tel un fantôme dans la brume, au pas, le petit corps enveloppé contre elle dans une couverture, ne voyant rien, ne sentant rien, étouffant ses cris de rage dans une attention exacerbée pour cette route qu’elle connaissait par cœur.

Elle descendit lentement de cheval, posa l’enfant près d’un arbre et commença à creuser. Fiévreusement, avec hargne, maudissant un ciel vers lequel elle savait qu’elle se tournerait quand elle n’aurait plus rien d’autre à faire et que son corps se liquéfierait, cherrait lentement, happé par un abîme dans lequel elle devrait le laisser sombrer seul. Son filleul, son fils, son petit bout d’homme en devenir et qu’il ne deviendrait jamais.

Elle souleva l’enfant, le déposa dans le trou, découvrit son visage, le coiffa de ses doigts engourdis par le froid, le regarda, longtemps, prit une poignée de terre et ne put, après quelques secondes qui lui parurent une éternité, que la lancer loin de cette tombe en poussant un cri de rage.

Elle s’affaissa, prit un vélin et une plume dans sa besace.




Iohannes,

Venez à la clairière, j’ai besoin de vous. Votre fils, votre filleul est mort. J’arrive pas à l’enterrer tout’seule, pas le courage, pas la force.

Cyrinea.


Lapidaire. Que dire d’autre de toute façon ? C’était trop tard. Et la clairière avait l’air désertée. Depuis trop longtemps. Elle ne pouvait appeler ni Theo, ni Matalena, ni Maleus. Elle les savait loin. On lui avait dit que Sancte était de retour. Elle fit s’envoler le pigeon, attendit, couverte de boue, de désespoir et de ténèbres.
Waking
Waking ouvrit un oeil en la voyant partir. Il savait. Il s'en doutait. C'est dans cet esprit qu'il la suivit. De loin, bien entendu, il respectait une distance de sécurité.

Il la suivit donc à travers les rues de Montauban, jusqu'à la clairière, ou il observa la scène en silence. Une chose était sure. Elle ne pouvait pas ne pas craquer. Il le savait. Il avait été père aussi. Il savait ce que ça faisait de ce sentir impuissant devant la mort, enterrant un être qui aurait du vivre plus longtemps que vous. C'est peut être un peu égoïste, mais les enfants devrait toujours enterrer leurs parents. Pas l'inverse. Il observait donc cette scène touchante, pleine d'émotions, même pour lui.

Alors qu'elle poussait un cri de rage, de rage qui ressemblait également à du désespoir, à un appel à l'aide, et qu'elle écrivait à quelqu'un, il s'avança doucement. Il ne savait pas à qui elle écrivait, mais il s'en foutait totalement. En effet, sans un mot, il vint s'assoir à ses cotés, et la serra fort dans ses bras. Une de ses étreintes dont il avait et gardait le secret, celles qui savaient être réconfortantes, qui savaient consoler. Celle que pourrait donné un frère, un père, un ami.. Mais là tout était différent. C'était sa femme, sa femme qu'il avait toujours vu pleine d'entrain et souriante, maintenant abattue devant un trou contenant le cadavre d'un des êtres qu'elle avait du chérir le plus au monde.

Quand ses bras entourèrent ses épaules, il la sentit tremblante comme une feuille. Et directement contre son propre cœur qu'il la serra, déposant un tendre baiser sur son front. Pas de mots. Que des actions. Rien à dire. Il savait.

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Cyrinea
Instinctivement, elle se serra contre lui avec une infinie reconnaissance. Enfouit son visage sur son torse et laissa couler les larmes. Elle pleura. Longtemps. De tout son soul. Il était le seul à pouvoir l’apaiser, le seul à pouvoir lui redonner le sourire, le seul à pouvoir laisser poindre un filet d’espoir dans la brume de sa désespérance.

Elle releva la tête. Essuya son visage.


On va partir Waking. Je ne reconnais plus cette ville, mes amis ne sont plus là et ceux qui sont restés...Sancte, Orandin....pas un mot, pas un seul n’est venu. J’ai donné ma force, mon sang, ma colère, ma détermination, mon amour, j’ai tout donné. Je ne le regrette pas d’ailleurs. Mais tout est devenu inutile, décevant, vain. Chacun court après ses propres ambitions. Je n’ai plus confiance en personne qu’en toi. Et Alenyah. Je sais que tu ne l’aimes pas. Pourtant, c’est la personne la plus droite que je connaisse.

Elle effleura ses lèvres et se leva. Se pencha sur le corps et déposa un baiser sur son front. Se saisit de la pelle et l’ensevelit. Puis, elle ficha l’épée en bois de l’enfant sur la tombe.

Tu te rends compte ? Même pas une prière...Même pour ça il n’est pas venu.

Elle s’agenouilla.

Va rejoindre ta maman au jardin des Délices...

Se leva, tendit la main à Waking. Regarda la clairière. S’en fut sans se retourner, la bride dans une main, son destin dans l’autre.
Scath_la_grande
[Vendredi 2 mars – lecture XVIe séance]


Maintenir les fidèles dans le droit chemin de la Foy en faisant la lecture n’a jamais été une priorité belettique, préférant écouter plutôt que d’investir en paroles coûteuses d’explication l’assemblée de croyants.
Car entendons nous bien, il n’y a rien de pire que Scath expliquant un texte liturgique – quoique Scath poussant la chansonnette de sa voix de rossignol mutant à qui l’on aurait arraché le gosier, ça le vaut largement.
C’est donc dans ce matin au ciel limpide, où mars nargue de son printemps l’air ambiant, que la flamboyante Gouverneur s’attèle au préparatif du jorn des humbles.
Sous une coiffe de satin noire s’escamote l’orgueil de cuivre en tresses sages, sa volupté enchâssée dans une tenue masculine tout autant sombre, la hiératique Musteile ainsi parée de sobriété semble encore en avoir plus d’éclat.
Coutumiers de son impatience, les gens se pressent en une grêle assemblée bourdonnantes, prenant place sur la paille éparse qui les protègera de l’humidité du sol.

Face à l’inquiétude de certains, alarmés de l’absence des lecteurs habituels, la jeune Von Frayner rassure, se défaisant de son habituelle arrogance.


Le bon jorn à vous, frères et sœurs de Foy, certains de nos pasteurs absents m’obligent à sortir des rangs pour entretenir avec vous notre culte. Il est important en ces temps troublés que notre âme ne s’égare pas sur des chemins de traverses et de facilités. Partager avec vous ces instants de réflexions et de prière est tout autant important que de le faire quotidiennement chez soi.
Bien, à présent passons à la lecture…


Citation:
Tyrtame débarqua à Axos, sur la côte de la Troade, non loin d'Athènes, où Aristote avait fondé le Lycée et enseignait la théologie à ses nombreux disciples. Il s'investit alors énormément dans l'étude de cette nouvelle science, écoutant les longs discours du prophète sur la nature unique de Dieu, sur la vertu et sur l'amitié. Tyrtame devint ainsi le meilleur disciple et l'ami d'Aristote qui voyait en lui un grand avenir. Souvent, il retrouvait Aristote et ensemble, ils devisaient :

Tyrtame : -"Maître, nous savons que Dieu est unique, il est le moteur du monde et la finalité cosmique de l'univers. Mais si nous sommes ses enfants, que notre quintessence est divine, ne sommes-nous pas l'instrument de Sa volonté ?"

Aristote : -"Vois-tu mon ami, Dieu est celui qui voit tout, qui entend tout, qui peut tout. Sa volonté fut de nous créer avec cette terre, Il nous a donné ce que nous avons pour subvenir à nos besoins, mais a-t-Il décidé de nous imposer Sa volonté ? A-t-Il voulu nous forcer à l'aimer ?"

Tyrtame : -"Certes non, Il vous a demandé d'éclairer l'humanité sur Sa propre nature."

Aristote : -"Et pourquoi ce choix ? Pourquoi n'est-Il pas simplement apparu à l'Homme ?"

Tyrtame : -"Le Très Haut vous a choisi parmi les Hommes parce que vous n'êtes pas d'essence divine. Son choix fut de laisser à un homme le soin de guider les autres. Par ce choix, Il nous a laissé la liberté de croire en vos paroles et, in fine, de croire en Lui."

Aristote : -"Tu as vu juste mon cher ami. Si Dieu s'était imposé aux Hommes, alors, nous n'aurions été que de braves moutons. Qu'Il nous ait laissé dispenser Sa volonté à nos pairs nous prouve qu'Il croit en nous, et par conséquent, qu'Il nous considère comme Ses enfants, capables d'apprendre et de comprendre."


Que comprenons-nous avec ce texte ? Un doigt docte se lève comme pour chercher une inspiration quelconque. Maintenant faut trouver un truc, et pas les conneries qu’on sert habituellement à Ciguë. Les « Ranafout des curetons, c’est des gigolos en bure… berk » ça marche quand on a cinq ans, pas au-delà. Aloreuu… Bonne question docteur Musteile, on reviendra l’année prochaine pour la réponse. C'est-à-dire que… « Mais p’tain qu’est-ce que j’fous làààà, au secouuuurs ! » Ce texte nous démontre que… euh...« Allô Dieu ? On a un problème ! »

Allez, on vous laisse une dernière chance pour fuir une explication foireuse… cinq… quatre… trois… deux… un…
Trop tard !


Ce qu’il faut comprendre c’est que l’Unique ne nous prend pas pour des polypes trépanés et nous laisse libre de notre choix de croire en Lui ou de passer sa vie à s’en taper le coquillard. Des questions ?

Et de reprendre très vite, juste au cas où un fou aurait l’audace (imprudence ?) d’y foutre une interrogation là dedans.

Ah ? C’est dommage l’heure des questions est terminée ! Néanmoins si un doute subsiste, je vous enjoins à écrire au Von Frayner Père. Ouais parce que Von Frayner fille pourrait bien claquer le clapet à coup de taquet le premier qui moufte. Bien maintenant prions !

Un léger sourire s’applique pour adoucir le ton autoritaire de la Musteile. Puis la voix se rassérène avec l’oraison, pour prendre une tessiture plus tendre.

Je crois, Seigneur, en ce jour,
Ton jour, ô mon Dieu,
Où je m’avancerai vers Toi,
De mes pas titubants,
Avec toutes mes larmes dans mes mains,
Et cette âme que tu m’as donnée,
Cette âme trop grande pour moi
Puisqu'elle est faite pour Toi...

Ce jour où je viendrai à Toi,
Ton jour ô mon Seigneur,
Tu liras sur mon visage
Toute la détresse, tous les combats,
La fatigue de mon incertitude et de mes doutes,
Tous les échecs des chemins de la liberté.
Le cœur dénudé de ses faussetés,
Tu y verras aussi tout mon péché.

Mais Père je sais au plus profond de moi,
Que ce n'est pas grave le péché
Quand on est devant toi, astreint à l’humilité.
Car c'est devant les hommes
Que l’on s’humilie.
Que l’on se grime en ce que l’on n’est pas.
Mais devant toi, Père, on est juste l’enfant,
Ton enfant !

Un jour, Ton jour, ô Unique,
Je viendrai à Toi,
Je saurai enfin que la tendresse, c'est Toi.
Que ma liberté, c'est encore Toi.
Que la vérité, c’est toujours Toi
Je viendrai vers Toi,
Et tu me donneras Ton visage
Et je te dirai…

Père, me voici :
Travaille en moi, taille et coupe,
Je ne te ferai jamais l'injure d'avoir peur
Ou de croire que tu m’oublies;
Et si je trouve le chemin long,
Je pourrai du moins me répéter inlassablement
Que je sers Ta cause et que j’accepte Ta volonté à travers moi.
Car tu m'as tant aimé, et moi si peu !


Les fauves se plongent songeurs un instant dans l’immensité céleste, s’y perdent avant d’en redescendre s’accrocher à ses coreligionnaires. Raclement de gorge, avant de plonger sa main à l’intérieur de son pourpoint de velours noirs et d’en ressortir un petit bout de papelard chiffonné.
Son pense-belette.
« Saluer poliment » ça c’est fait…
« Faire la lecture que papounet a donné » Fait, les doigts dans le nez !
« Faire une brève petite explication de texte comme l’père a dit… » Huuuu ouais bref ! Passons.
« L’oraison » Fait !
« Partage du vin et du pain » Ah voilà c’qui manque !

Range le papier à sa place et se rapproche du tréteau disposé à cet effet, la lippe tout en exquis sourire.


Amis ! Partageons le pain et le v… les prunelles croisent le cruchon vide et les doigts habiles s’empressent de faire disparaître la preuve du sérieux penchant de la soiffarde derrière son dos. Partageons donc le pain !

N’est-elle pas exceptionnelle ?
Oui bon sauf en lectrice, mais ça on vous avait averti à l’avance, faut pas vous plaindre maintenant.

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"Musteile arrive... Fuyez pauvres fous ! Fuyeeeeez !!!"
Errance.
[Faut il partir ? Rester ? Si tu peux rester, reste, Pars s’il le faut ]*


Sur la corde des heures, des jours, des semaines qui passent, des vents contraires, douces bises ou intimes tempêtes portèrent, tour à tour, les effluves épicées d’ailleurs-leurres et celles si acides d’un présent à en perdre équilibre….

La sève vitale endormie par l’hiver, funambule de glace maintenue par le gel d’un soudain néant, l’avoir contré, réchauffé pour prendre route sans un mot vers une « sœur » d’enfance, chaleur d’un lien lointain…
Terre et feu, raison et folie, tempérance et excès, étrange affection pour une brune opposée….
Mais par une carotte d'étoffe, être enfin revenue, avec elle, en cette cité qui possédait une part de son âme… celle qui donne le sourire à la retrouver… vouloir la lui faire découvrir… à elle… pourquoi….

Errance n’était plus, elle avait trouvé port… mais plus que jamais elle errait en les méandres jusqu‘alors inconnus du « Et demain ? »
Le gosse était mort, Cathy installée en sa modeste masure aux abords de la ville….
Quand sonna le jour des humbles….
Et c’est d’un pas lent que Belt prit le chemin de la clairière….
Ni Theodore, ni Sancte mais le feu de la sublime….
Et parce que Elle, parce que cette ville, parce que ce lieu, parce que ses paroles, sentir lentement, doucement, irrémédiablement le calme et la sérénité la gagner à nouveau… parce que parfois mots font mouche, font le vinaigre miel….

Cette âme trop grande pour moi
Puisqu'elle est faite pour Toi...
....
Tu liras sur mon visage
Toute la détresse, tous les combats,
La fatigue de mon incertitude et de mes doutes,
Tous les échecs des chemins de la liberté.
Le cœur dénudé de ses faussetés,
Tu y verras aussi tout mon péché.
...
Mais devant toi, Père, on est juste l’enfant,
Ton enfant !
...
Car tu m'as tant aimé, et moi si peu !


Quelques secondes, peut être minutes, à naviguer en ses terres solitaires et intimes, puis s‘approcher pour partager le pain…. le vin vu le pasteur du jour elle en savait d’avance le sort, alors fouiller en sa besace pour en sortir une flasque….

De la vielle prune macérée aux champignons ça peut se partager aussi ?
Avec l’pain ça va ben !
Allez ! Dis pô nan !


Demain ouvrait sur l’inconnu, mais en ce présent là, Beltaine frémissait de l’amour du très haut... et de la bienfaitrice chaleur de ceux qu'elle avait fait famille…..



*Charles Baudelaire, le Voyage VII
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....
Scath_la_grande
[Ceci n'est pas une lecture mais une rencontre fraternel aux destins bâclés]


Entre pluie et céleste limpide s’organise mars et sa grande cohorte printanière.
Entre bonheur et chagrin, éclot l’indifférence d’une Musteile reléguée dans l’anonymat des sentiments.
Dans la lumière du matois entremêlée d’ombres d’une sorgue à l’agonie, le pas leste effleure à peine l’humus souple, encore gorgé d’humidité hivernale et nocturne.
Soudain dans un bruissement d’étoffe, la créature s’arrête devant la terre fraichement remuée d’un tombeau infantile improvisé. En guise de croix, une épée de bois.
Le frais matin étiole la parole moribonde de la noctuelle en goguette.


« ‘lut frangin ! »

Lentement la rousse Gouverneur s’installe comme côte à côte avec la sépulture, dans une intimité létale. Une fraternité posthume.

« Je ne suis venue pour la mise-terre… mais t’sais les « au revoir » ça n’a jamais été mon fort. De toute manière l’Ankou* t’a déjà mené à Hon Doué, Hon Tad*… »

Hésite.

« … ou ailleurs… »
« […] Je sais que tu n’es point là… mais Dieu qui voit tout, et qui sait tout te rapportera ma présence céans. »


Alors non, point de prière pour l’âme du défunt, tout huguenot sait que le jugement dernier a déjà eu lieu et que la décision du Démiurge est irrévocable, une oraison n’est qu’inutilité pour les mânes en perdition.
Le regard animal s’éclipse lentement sous les rideaux de chair, faisant alterner ténèbres et lumières.
Jouant de ces contrastes quelques longues minutes pour finalement s’affranchir en parole de ce qui la taraude.
Nuisibles du cœur et de la charnure, qui l’empoisonnent divinement dans les brouillards confus de l’émoi. De choix emplis de doutes, de néfastes chemins de traverses dont la rouquine ne sait lequel emprunter pour parvenir au Salut clément de Dieu, aux bonnes grâces du père. De l’absence des quelques êtres qui lui sont chers et qui lui sont chairs.
Propos étriqués, arrosés agilement du vin qu’elle y amené, n’oubliant pas de donner lichette à la terre où repose le presque-potentiel-frère de la rouquette.
A lui, sans crainte, elle se confie. Un mort ne parle pas. Jamais.
C’est bien son avantage.
Et de conclure de sa voix lasse.


« Parfois tu rêves de t’envoler, de mourir par inadvertance*… mais Hon Doué en décide autres.

Viens… tais-toi et prie avec ta soeur… »


Mains jointes et front bas délient le cœur glacé.

« Seigneur mon Sauveur, Père mien,
Ici devant Toi, je Te mande audience.
Humble servante, soldat de la vraie foy
A Toi je remets mon destin à Tes desseins
Jusqu’à ce le Moissonneur me cueille en lance
Et qu’à mon funeste banquet je festoie

Sur moi, porte ton regard de miséricorde
De tes enfants, je suis des plus belliqueuses
De tes enfants, je suis des plus aimantes
Je Te le demande, guide-moi au travers la horde
Des multiples tentations de félicité fallacieuse
Et apporte le repos à mon âme vacillante.

L’Unique est raison. L’Unique est raison. L’Unique est raison »


Et dans le soleil qui s’élève dans sa course inexorable contre le temps qui s’effiloche, Elle est le Camélia***, et lui Alrick, petit corps dépourvu de vie et d’âme est la rature finale.


*Ankou : le passeur d'âmes en breton
Hon Doué, Hon Tad : Notre Dieu, Notre Père (j’ai vu écrit aussi "hun" mais j’ai préféré prendre référence sur un dictionnaire de vieux breton, donc il se peut qu’il y ait des variables que les bretons me pardonnent si j’estropie la langue et ne me tapent pas)
** Thiéfaine - Crépuscule transfert
*** Inspirée de Thiéfaine - Camélia : huile sur toile (Le camélia dans la symbolique des fleurs signifiant la beauté parfaite)

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"Musteile arrive... Fuyez pauvres fous ! Fuyeeeeez !!!"
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