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Grodard
Main qui se tend ... supplique de celle qu'il aime.

- s'il te plait, rentrons. Ewann doit être tout seul, il doit avoir peur. Rentrons je t'en prie.
- Non
, répondit Grodard d'une voix sourde, non ! Demande moi tout ce que tu veux ... mais pas de laisser ces hommes en vie ... ils t'ont ... ils t'auraient ... Personne ne touche aux miens, personne ...

Il se pencha vers Cris, déposa un baiser sur son front meurti et passa doucement sa main dans ses cheveux. Il réajusta sa cape autour d'elle et se redressa ... Il était passé en mode automatique depuis longtemps ... seul comptait la mort de ces hommes ... non pas que ça lui faisait plaisir ou envie ... c'était juste une question de logique, de survie, d'instinct ... ne pas laisser derrière soi un truc ou un machin qui pouvait vous retomber dessus à tout moment. Ca lui avait déjà couté quelques côtes dans le passé ... hors de question que ce genre de risque rôde autour de la jeune femme recroquevillée contre le mur. Plutôt devenir méprisable aux yeux de celle qu'il aimait, plutôt vivre avec le remords d'avoir tuer, plutôt s'avilir et être aussi misérable que ces baltringues que de laisser la moindre menace plâner sur une jeune femme douce et belle. Il lui avait déjà affirmer être capable de vendre son âme pour elle ... l'acte auquel il se préparait n'allait pas faire de lui un homme respectable ... aucune importance ... si le diable voulait voler son âme à Aristote pour lui permettre de sécuriser le monde dans lequel vivait sa Cris ... hé bien, il lui offrait volontiers ! Et en souriant en plus ... enfin présentement, il était plutôt du genre crispé le sourire du barbu ...

Il s'avança vers l'homme le plus proche, celui qui avait tenu la lame contre la gorge de Cris. Il reprenait conscience lentement, bredouillant quelques mots sans cohérence aucune. Grodard le saisit à la gorge, bloquant sa respiration. Il planta son regard dans celui de l'agresseur, regardant la vie s'en échapper au rythme de l'air fuyant les poumons. Sa main se serrait de plus en plus fort, doigts martyrisant la chair telle une tenaille d'acier. Un dernier râle, une dernière pression de la main et il ne fut plus que chiffes molles entre les pattes du barbu. Celui-ci vérifia que plus un souffle ne s'échappait d'entre ses lèvres puis le laissa glisser au sol, poupée de chiffons désarticulée.
Grodard enjamba le mort et se dirigea vers le second homme. Il eut un choc en le voyant se redresser sur les genoux, s'appuyant de sa seule main valide au sol. Il avait soit mal jugé de la puissance de ses coups, soit des capacités de récupération de son adevsaire. Quelques secondes de plus et il aurait limite pu saisir et tenir son épée en main. Epée vers laquelle il tentait de se déplacer ... deux pas en avant du Grod, un coup de pied et une épée qui vole au loin ... Le grand tenta de se mettre debout ... essai avorté par l'écrasement d'une botte ferrée en plein sur la tempe ... suivi d'une saisie de la tête ... un main sur le menton, l'autre sur la nuque ... sourire carnassier du Grod, rotation des mains ... nuque qui craque, cervicales brisées ... grand qui ramollit d'un coup, tête qui penche selon un angle anormal.
Grodard poussa le cadavre du pied contre le mur, dégageant le passage. Il revint auprès de Cris, lui murmura quelques mots à l'oreille, la prit dans ses bras et la souleva.


- Tout va bien, c'est fini ... ils ne peuvent plus rien faire ... on va retrouver Ewann et passer la soirée tous les trois dans les bras les uns des autres ...

Il la porta ainsi le long de la ruelle, sifflant les chiens au passage.
Un bruit étrange le fit se retourner un instant. Miss Kilty, cachée entre les pattes de Groar durant l'affrontement, était sortie de sa cachette et urinait sur les cadavres, les humidifiant de son mépris. Humains et bêtes unis dans le bonheur comme dans les difficultés ...
Grodard pressa le pas ... il avait sauvé la mère, il lui fallait retrouver le fils le plus rapidement possible.

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Si ça bouge encore après avoir tapé dessus, c'est que t'as pas tapé assez fort ...
Neti
Taverne bruyante... Conversation dans tous les sens... Comme tous les soirs.
D'habitude, ça ne la gênait pas, elle y passait même de bons moments... Mais d'habitude, elle n'avait pas à se concentrer pour comprendre les échanges... D'habitude aussi, les mots lui venaient tous seuls... Non ce soir, pas envie.

Elle monta donc tôt dans sa chambre, laissant la petite famille vaquer à ses occupations. Elle s'enferma, dans sa chambre et dans sa bulle, dans ses études et dans ses pensées... La nuit était tombée avant même qu'elle ne s'en aperçoive... Elle se posa sur son lit pour poursuivre ses lectures. Croyant entendre frapper à sa porte, elle s'interrompit un instant mais, pensant qu'il s'agissait d'une baston au rez-de-chaussée, reprit sa lecture. Prise d'un doute, elle posa l'ouvrage près d'elle et alla jusqu'à la porte pour s'assurer qu'il n'y avait personne... elle faillit refermer quand le petit bonhomme posé là, recroquevillé, le visage en larmes, la vit et lui sauta presque au cou.

Elle l'attrapa au vol, sans vraiment comprendre ce qui lui arrivait...


Et ben alors, qu'est-ce qu'il t'arrive ?
Papa et maman sont partis étudier une grange ? Ils ne t'auraient jamais laissés devant ma porte...
Tu t'es perdu ptit loup ? Tu leur a encore faussé compagnie ?


Puis voyant Ewann fondre en larmes de plus belle maintenant qu'il était dans des bras, elle vit ses mains abimées. Elle se posa sur le tabouret, devant la bassine d'eau et, tout en le serrant fort contre elle pour le calmer, elle entreprit de lui nettoyer les mains.

Il se lança dans une tirade d'explications, agacé que Neti n'en comprenne que la moitié, imageant ses mots par de grands gestes, gênée par sa copine qui tentait de lui nettoyer les mains le plus délicatement possible. Il s'énerve, pleure et s'agite en tous sens... au grand dam de la rouquine qui n'y comprend rien...


- Mam' boum ! Mam' dit ouann che'ché pa' ! Pa' dit ouann che'ché 'ti ! 'Ti pe'du... Mam' bobo... Pa' pa'ti... 'Ouann bobo...
- Là tout va bien Ewann, je suis là.


Elle continua à le caliner, reposant la tête d'Ewann contre son coeur, le berçant pour le calmer un tant soit peu...
Bon sang ! Qu'est-ce qui a bien pu se passer ? J'y vais ou j'y vais pas ?
S'ils m'ont laissé Ewann c'est probablement qu'ils ne voulaient pas qu'il soit présent... mais si Cris est blessée... ou... pire ? NON !!! J'veux plus y penser... ils vont revenir tous les deux en pleine forme !
Mais les images défilaient dans sa tête... un accident ? Une bagarre ? Elle n'arrivait pas à chasser l'image de Cris se vidant de son sang pour une bourse de quelques écus... Machinalement, elle ferma fort les yeux, plissant le front, comme si ça pouvait la faire penser à autre chose...
Sans s'en rendre compte, l'agitation la faisait bercer Ewann de plus en plus vite... il ressentait aussi son inquiétude ce qui ne le calma pas du tout... loin de là...

Elle se leva et posa Ewann debout sur le tabouret, prit le petit visage entre les mains et déposa sur son front un gros bisou.


- Bouge pas bonhomme, je te reprends tout de suite, je ne te quitte pas ! On va retrouver maman et papa.
- Mam' ? Pa' ?
- Oui mon ptit loup, j'te laisse pas là.


Elle regarda autour d'elle, fit un inventaire express de ce qui pourrait lui être utile... au cas ou... Elle attrapa une gourde d'eau fraiche, la mit en bandoulière, attrapa une petite pile de linge propre, la fourra dans sa besace et reprit Ewann dans ses bras.

Bon sang ! T'es plus un poids plume toi. Allez, accroche-toi à mon cou.

Quittant sa chambre, elle agrippa au passage son bâton, posé près de la porte et descendit. Ils slalomèrent entre les soulards et autres pochtrons à l'anglaise, bousculant au passage ceux qui étaient un peu trop lents à la laisser passer, mue par l'inquiétude et l'impatience de retrouver Cris, de la retrouver en un seul morceau... elle n'entendit quasiment pas les bougonnements de ceux qu'elle venait de pousser.
Mon Dieu ! Faites qu'il ne lui soit rien arrivé de grave !

Elle portait Ewann sur le coté, le calant sur sa hanche, laissant libre sa main droite, serrant bien fort son bâton.

Enfin sortie de la taverne, elle s'arrêta net, cherchant l'inspiration d'une éventuelle direction... Elle porta son attention à Ewann, qui ne comprenait pas pourquoi sa copine était si... bizarre ! Ses pommettes rougirent, son front se plissa, les larmes lui montèrent aux yeux... Mais qu'est-ce qu'ils ont tous ce soir ??? Pourquoi ils crient tous ?

Neti posa son bâton contre l'abreuvoir et de sa main libérée cala la tête d'Ewann dans le creux de son cou. Elle lui parla de sa voix la plus douce et calme possible.


- Oh non Ewann... Là... je suis là. Je ne te quitte pas mon ptit loup.
Chhh... Tout va bien...
Il faut juste qu'on retrouve maman. Tu sais où elle est ? Tu veux bien m'aider à la retrouver ? Tu sais, c'est comme quand tu te fais bobo et que maman vient te guérir et te faire des bisous et que je te fais une poupée... ben là, maman elle a peut-être bobo et il faut qu'on aille lui faire des bisous et une poupée.

- Mam' bobo ?

- Je ne sais pas mon ptit loup, mais il faut que tu me montres où elle est pour voir si elle a besoin de son petit infirmier. Tu veux bien me montrer ?


Ewann renifla, essuyant ses larmes sur l'épaule de la rouquine, lui lâchant d'une main le cou pour pointer la direction jusqu'à la dite ruelle... Elle attrapa son bâton et se remit en route, le cœur prêt à bondir hors de sa poitrine... Peu rassurée, elle serra fort Ewann contre elle et son bâton dans l'autre main et marchait d'un pas franc bien au milieu des rues.

Elle ne mit pas longtemps à voir apparaitre... une masse... Elle ralentit le pas tandis que "la masse" passait d'une zone mieux éclairée, elle aperçu que la dite masse portait des grosses bottes et avait les jambes nues et avait les bras chargés. Elle reconnu Grod, sous bonne garde des deux chiens. Il portait... Cris ?... Ne dépassaient de cape qu'une paire de bottes de femmes et une tête ensanglantée... Non !!! Pas Cris... CRIIIIIS !!


Cris !

De réflexe, elle plaqua le haut du corps d'Ewann contre son épaule et se mit à courir à leur rencontre. Les larmes lui montaient déjà aux yeux, la colère aussi... Ce n'est qu'en arrivant près d'eux qu'elle vit que Cris était bien consciente... amochée mais consciente ! Elle laissa tomber son arme de fortune à ses pieds et se mit à débiter un flot de questions, osant à peine toucher Cris de sa main libre.

Dieu soit loué ! Vous êtes en vie !
Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Elle est blessée ? Elle va bien ?
Mon Dieu j'ai eu si peur !
Et j'arrivais pas à calmer Ewann
alors j'avais encore plus peur.
Mais vous êtes là et vous êtes entiers
Vous êtes entiers ???


Paniquée, inquiète, rassurée, effrayée tout à la fois, elle leva les yeux vers Grod et aperçu, l'espace d'un instant, une expression qui lui glaça le sang, quelque chose dans ses yeux qu'elle n'y avait jamais vu... et qu'elle préférait ne plus jamais y voir...
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Criskool
Un regard dur et déterminé, sa demande de rentrer au plus tôt n’a pas été écouté.

- Non, non ! Demande moi tout ce que tu veux ... mais pas de laisser ces hommes en vie ... ils t'ont ... ils t'auraient ... Personne ne touche aux miens, personne ...


Pas le temps, ni la force de protester, Grodard était parti, s’occuper des deux agresseurs.
Criskool baissa la tête, ferma les yeux et tenta de se boucher les oreilles pour ne rien entendre et rien voir de la scène qui allait suivre. Comme si elle refusait d’admettre ce que l’homme qu’elle aime s’apprêtait à faire.

Grod ne s’éloigna pas longtemps, à son retour il tenta de la rassurer.

- Tout va bien, c'est fini ... ils ne peuvent plus rien faire ... on va retrouver Ewann et passer la soirée tous les trois dans les bras les uns des autres ...

La jeune maman se laissa porter jusqu’à la taverne, sa tête posée sur l’épaule de son sauveur.

Cris !

Elle reconnu la voix de son amie Neti. Les idées se bousculèrent dans sa tête. Si Neti est là c’est qu’Ewann est tout seul.
Oh non, Aristote fait qu’il ne soit rien arrivé à mon fils.

Cris tourna sa tête vers son amie et constata avec soulagement qu’Ewann était dans ses bras. Enfin elle allait pouvoir serrer son fils dans ses bras, lui dire combien elle l’aime, combien elle est fière de lui, d’avoir retrouvé son papa … puis arriva un flot de questions :

Dieu soit loué ! Vous êtes en vie !
Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Elle est blessée ? Elle va bien ?
Mon Dieu j'ai eu si peur !
Et j'arrivais pas à calmer Ewann
alors j'avais encore plus peur.
Mais vous êtes là et vous êtes entiers
Vous êtes entiers ???


Voyant la mine apeurée de Neti elle se dit qu’elle ne devait pas être très jolie à voir et qu’il valait mieux pas qu’Ewann la voit dans cet état. Un petit brin de toilette, pas possible ici. Alors tant pis, à la guerre comme à la guerre, elle essuya son visage dans la cape de Grod, constata qu’elle y avait laissé des traces de sang … Elle laissa le soin à son compagnon de répondre et tendit une main tremblante vers son fils.

Ewann, mon cœur ! C’est maman, je suis là !

Le petit pirate, tourna son visage baigné de larmes vers sa mère, puis constatant qu’elle bougeait et qu’elle parlait il sourit. Sourire qui fit fondre le cœur de la jeune maman.

Ça va mon cœur ? Tu n’as pas eu trop peur ? Tu as été un petit garçon très courageux … et … et … je suis si fière de toi …

Puis sentant les larmes remonter dans ses yeux, perdu dans un trop plein d’émotions pour la soirée, elle pleura un instant puis se ressaisissant, elle tenta :

Ça vous dit de rentrer se mettre au chaud ?
Grodard
Course les bras chargés dans la ruelle, larmes qui montent, sentiments qui prennent le pas sur la froideur du combat ... Neti qui débarque, un petit pirate dans les bras ... tout avait l'air d'aller bien de ce côté-là. Retrouvaille et regroupage de la famille ... ils étaient tous là, hommes et bêtes. Grodard, corps et âme encore tendus et crispés par le combat, Cris entre ses bras, qui surnageait encore et toujours, femme courageuse et mère aimante, Neti et Ewann qui débarquait, soulagés de retrouver le barbu et celle qui venait de traverser l'enfer ... la petite chatte avait encore le poil tout hérissé et les chiens ne pouvaient s'empêcher de manifester leur affection aux humains à petits coups de têtes et de babines dégoulinantes de bave.

Rafales de questions, réponses en conséquence ...


- Dieu soit loué ! Vous êtes en vie !
- Nos corps vont bien ... nos âmes, on verra
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
- Le pire a été évité ... et le pire est arrivé
- Elle est blessée ? Elle va bien ?
- Rien de grave ... l'avenir nous le dira
- Mon Dieu j'ai eu si peur !
- Moins que Cris ...
- Et j'arrivais pas à calmer Ewann
- Merci d'être là pour lui
- Alors j'avais encore plus peur.
- Nous aussi
- Mais vous êtes là et vous êtes entiers
- J'espère ...
- Vous êtes entiers ???
- Nous sommes là, toujours ...


Retrouvailles d'une mère et d'un fils ... Grodard se pencha pour permettre à Cris de toucher son fils, de le voir, de le rassurer ... Sourire crispé à Neti .. chacun portait un être qu'il aimait et qu'il devait protéger ... Lueur dans les yeux ... mouvement de recul à peine esquissé d'une rousse pourtant peu influençable ... Grodard se rendit compte qu'il ne devait pas apparaître sous son meilleur jour ... il avait fait le pire qu'un homme puisse faire ... enlever la vie d'un autre, sans procès, sans réflexion, sans retenue ... juste par instinct, juste parce que lui, pauvre hère, estimait devoir le faire ... tourment futur or not tourment futur ....

- Ça vous dit de rentrer se mettre au chaud ?

Le groupe se pressa de retrouver la douce chaleur de leur habitacle d'un jour. Une taverne semblable à tant d'autres mais qui, ce soir, leur apparaissait comme un havre de paix, de sécurité, de bien-être. Grimpage rapide des escaliers, installage d'Ewann dans son couffin ... bordage de couverture, caresses, mots tendres ... que le petit pirate dorme, c'était le mieux pour lui ... Il était temps de s'occuper des grands ... d'une grande surtout ... visage abîmé, épaule blessée, sentiment de peur ... elle ne devait pas être au mieux de sa forme ... mais qui pouvait l'être après les évènements de la soirée ? Grodard déposa doucement Cris sur leur lit, tandis que Neti fredonnait une chanson pour achever d'endormir Ewann. Tirage de la couette, bordage d'une Cris qui gémissait parfois, caresse d'une joue, mèche de cheveux repoussée pour dégager le front.
Neti s'approcha du lit et sortit de son sac divers objets. Elle les étala sur le lit à côté de Cris et entreprit une toilette sommaire. Grodard la remercia d'un regard. Elle avait endormi Ewann et prenait sa relève auprès de Cris ... Il allait enfin pouvoir relâcher un peu de pression, s'affaler dans un coin et tenter de se détendre. Il s'assit sur une chaise, une main posée sur la cheville de sa compagne ... il ne pouvait se résoudre à couper le lien physique avec elle. Dans un brouillard, il vit Neti nettoyer les plaies, rassurer Cris par des mots simples et passer un peu d'onguent sur les bleus du visage. Ses épaules s'affaissèrent ... les larmes montèrent, embuant son regard ... silencieusement, il demanda pardon, pardon d'avoir tuer, pardon d'avoir été un monstre, pardon de n'avoir pas été là quand il le fallait, pardon pour ne pas avoir écouté sa demande de rentrer. Il avait écouté son instinct, n'avait pas tenu compte de ce qu'elle lui demandait ... il devait se préparer à affronter sa réaction, à voir son mépris dans son regard. Pouvait-elle encore l'aimer après ce qu'il avait fait ? Elle si douce, si attentionné, si éloignée de toute forme de violence ... lui avait encore une fois été tout le contraire de ce qu'elle était. Quoi qu'il en soit, il l'avait sauvée ... un peu à retardement ... sa disgrâce potentielle auprès de sa compagne n'avait que peu d'importance tant qu'elle restait en vie. Sa main, enfouie sous la couverture, caressait nerveusement une cheville parfois agitée de soubresauts.


- Neti ? Pas d'autres blessures ? Rien de grave ? Et Ewann ? Il dort ? Merci ... je ... j'en peux plus ... là ... je .... fatigué ...
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Si ça bouge encore après avoir tapé dessus, c'est que t'as pas tapé assez fort ...
Neti
Direction l'auberge. Plus rien d'autre ne comptait que sa famille. Rien n'avait jamais compté tant mais là... là, ça prenait forcément une autre dimension. Tandis que Grod déposait Cris sur le lit, elle posa Ewann dans le sien et le prépara au coucher. Bénie soit l'insouciance et l'innocence des enfants... ses parents l'avaient rassuré et les évènements l'avaient épuisé... il ne mit pas longtemps à s'endormir. Le sachant maintenant sous bonne garde elle se retourna vers Cris.

Grod la veillait... visiblement encore sur la défensive... et il serait probablement plus difficile à coucher qu'Ewann ! Elle reporta son attention sur Cris. Elle attrapa sa besace, rapprocha la bassine d'eau sur la table de chevet et s'assit aux cotés sa sœur de cœur. Elle posa sa main sur le poignet de Cris mais celle-ci, dans une demie conscience, eu un mouvement de recul...


Ma belle, c'est moi, c'est Neti... Tu es à l'auberge, dans ton lit. Grod est là, tout près et Ewann aussi, il dort. Tu es en sécurité.
Il faut que tu me laisses te toucher pour que je m'occupe de toi... et...

Elle jeta un coup d'oeil à la chemise pleine de sang et déchirée. Elle envisagea le pire, l'imaginant entre les sales pattes d'hommes violents et... elle ne pouvait chasser l'image de mains répugnantes touchant à sa sœur... elle eu un haut-le-cœur et pria de toute son âme pour que Grod soit arrivé à temps... elle prit une grande inspiration, se vidant l'esprit tant bien que mal, pour ne pas trahir sa pensée...
... et il va falloir que tu me laisse enlever ta chemise. Tu veux bien ?

Elle glissa sa main tout doucement dans celle de Cris et de l'autre, attrapa un linge propre, le plongea dans la bassine d'eau et entreprit de lui nettoyer le visage en continuant à lui parler puis de passer, sur le visage meurtri, un onguent à l'arnica. Elle prenait grand soin à lui dire tout ce qu'elle faisait pour ne pas la surprendre encore, pour la rassurer, pour ne pas la laisser seule dans son esprit aussi probablement... ce qui avait plutôt l'air de fonctionner puisque Cris accepta que son infirmière attitrée retire ce qu'il restait des vêtements déchirés. Vérifiant au passage qu'elle n'avait d'autre blessure, elle rallongea Cris et la recouvrit bien vite, ne laissant dénudée que l'épaule. L'eau de la bassine rougissait à mesure qu'elle rinçait le tissus... mais ça, elle se gardait bien d'en dire le moindre mot... La blessure était maintenant propre et comme pour le reste, il allait falloir laisser le temps faire son affaire.

Voilà ma belle... j'ai terminé. Tu dois dormir maintenant. Je reste là, tout près de toi. Tu ne risques rien. Nous sommes tous là...

- Neti ? Pas d'autres blessures ? Rien de grave ? Et Ewann ? Il dort ? Merci ... je ... j'en peux plus ... là ... je .... fatigué ...


Elle en avait presque oublié le beau-frère ! Mais il était resté là, à demi éveillé, à demi conscient, à demi présent, le regard dans le vague, semblant perdu très très loin dans ses pensées... Elle se retourna vers Grodard et le prit délicatement par les épaules, espérant le ramener de sa demie transe.

- Oui, je suis là. Non pas d'autre blessure... enfin pas apparentes en tout cas. Son épaule guérira vite, la plaie n'est pas profonde et au visage guérira vite aussi après avoir passé les couleurs de l'arc-en-ciel. Ewann n'a rien et dort à poings fermés. Maintenant c'est à ton tour de te coucher et de me laisser veiller sur vous. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé là-bas mais je sais que tu l'as ramenée. Cris est là et elle est en sécurité maintenant.

Elle lui prit la main qui tenait encore Cris et le guida jusqu'à son coté du lit. Elle n'y avait pas porté attention jusqu'ici mais sa chemise était elle aussi tachée de sang... et ses mains... Était-il lui aussi blessé ? Était-ce le sang de Cris ? Ou... celui de quelqu'un d'autre ?

C'est à mon tour de prendre soin de vous... Tu es blessé ? Grod ?

Mais il était déjà loin... Elle s'éclipsa un instant et revint avec la bassine d'eau de sa chambre et une couverture. Elle posa la couverture de coté et entreprit de l'aider à retirer le sang de ses mains. Un nouveau frisson lui parcouru l'échine mais plus personne n'était en état de le voir. Une fois que tous étaient couchés, elle se posa sur la chaise qu'occupait Grod, s'emmitoufla dans la couverture et remit sa main dans celle de Cris, la serrant et lui parlant doucement à chaque fois que celle-ci s'enfonçait dans des rêves trop sombres.

S'assoupissant par moment, la tata et petite sœur restait toujours plus ou moins alerte, gardant inconsciemment une oreille attentive à la respiration d'Ewann, au sommeil agité de Grod, la main toujours dans celle de Cris... espérant ne pas la laisser seule dans ses songes nocturnes.
A plusieurs reprises dans la nuit, les soubresauts de Cris sortirent la rouquine de son demi sommeil. Elle la rassurait, vérifiant au passage qu'Ewann et Grod dormaient toujours et finissait fatalement par s'assoupir à nouveau.

C'est le soleil qui la réveilla pour de bon.Elle laissa glisser sa main hors de celle de Cris et se leva, s'étirant, courbatue qu'elle était de la position prise pour veiller et de s'être assoupie sur cette chaise. Ewann aussi se réveilla avec le jour. Elle en profita donc pour le lever, l'habiller et jouer avec lui. Elle tenta de faire tout ça en silence mais tant pis pour le bruit... il était hors de question d'éloigner l'enfant de ses parents ce matin... ils resteraient là, le plus tranquillement possible jusqu'au réveil du reste de la famille.


- Chhhhut... maman et papa font encore dodo.
Le mome se tourna alors vers ses parents endormis et vit les ecchymoses sur le visage de Cris. Soudainement inquiet et agité, il se tourna vers Neti, les yeux pleins d'incompréhension de voir que ça maman n'était pas invincible et que son visage pouvait prendre de telles couleurs...
- Mam' bobo ??
- Oui mon petit loup... Maman, elle a bobo là,
en pointant l'épaule d'Ewann, là, en posant sa main sur son petit visage, et... là et là aussi, à l'intérieur... en lui montrant tour à tour, son cœur et sa tête...
- Poupée, là ? Ne comprenant pas comment on pouvait avoir mal à l'intérieur, il se demanda si on pouvait guérir le dedans... Se voyant déjà en train d'entourer sa maman de bandelettes blanches comme les poupées que Neti lui avait appris à faire à ses bobos à la main...
- Non mon bonhomme, pas de poupée pour les bobos à l'intérieur... Pour guérir ces bobos là, il faut donner beaucoup d'amour. Beaucoup beaucoup beaucoup d'amour...

A peine la phrase finie, le petit pirate glissa des genoux de sa nounou avant même qu'elle n'ait eu le temps de protester, couru vers sa maman en s'écriant :

'ouann aime mam' ! Boucou boucou boucou ! Mam' !! Mam' ?
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Criskool
Moitié consciente, moitié inconsciente Cris se retrouva dans leur chambre à l'auberge. Posée sur le lit, elle sentie la présence rassurante de Grodard, son homme, sa lumière, son amour qui tenait doucement sa cheville. Sa petite soeur de coeur, son amie, sa confidente, sa Neti qui prenait toutes les précautions pour s'occuper d'elle. Des paroles rassurantes, sa voix douce, des gestes doux. Neti netoyait ses blessures, ses plaies, retirant sa chemise bien mal menée, déchirée, découpée, puis la couvrit et la laissa dormir.
Comment dormir après les évènements de cette nuit ? Dès qu'elle fermait les yeux elle les revoyait, sous des formes plus ou moins monstrueuses. Chaque fois qu'elle plongeait dans une sorte de demi sommeil elle revivait cette scene atroce. Elle les revoyait l'attrapper, elle se revoyait leur échapper une première fois, éloignant Ewann, puis les coups qui pleuvent. Elle se revoyait plaquée contre le mur entre les mains de ses agresseurs, mais cette fois Grodard ne vint pas ... son imagination développant les pires des scenariis ... les deux hommes abusant d'elle, les coups qui pleuvent à chaque fois qu'elle tente de se rebeller, sa mort soit par strangulation, soit vidée de son sang, soit par la suite de mauvais coups ...
Cris dormi d'un sommeil agité et bien peu réparateur, se crispant et malmenant la main de sa soeurette, donnant parfois des coups à l'homme allongé près d'elle.
Pourtant en sécurité dans cette chambre entouré de toutes les personnes auxquelles elle tenait le plus au monde, Cris ne pu trouver de véritable repos cette nuit, nul doute qu'il lui faudrait du temps pour retrouver la quiétude.

'ouann aime mam' ! Boucou boucou boucou ! Mam' !! Mam' ?

C'est par la plus douce des déclarations que Cris fut tirée des ses cauchemards. Petit temps d'attente pour remettre les neuronnes en place. Une chambre bien confortable, une Neti souriante, un Ewann gigotant et bondissant, un Grodard qui se réveillait aussi. ça ressemble fort au paradis ! Une douleur à l'épaule quand son fils lui sauta au cou lui rappela qu'elle était bien vivante ... mal en point ... mais vivante quand même et c'était bien le plus important.
Un immense calin avec son fils des je t'aime à n'en plus finir, accaparée par son fils elle ne pu remercier ni Neti, ni Grod ... enfin pour le coup.

Mam' manger ? 'ouann faim !!

Le top départ pour le p'tit déj' était donné par le petit bonhomme.

Vous descendez les garçons, on vous rejoind, il faut que maman s'habille !

Un sourire à son fils et à Grod pour leur signifier que tout va bien.
Cris attrapa le premier vêtement qui lui tomba sous la main, une chemise de son homme, bien trop longue et qui recouvrait quasiment ses braies. Elle prit la main de son amie qui était restée pour l'aider et les yeux dans les yeux elle la remercia

Merci, Neti, d'avoir prit soin d'Ewann. Merci d'avoir prit soin de moi hier soir. Merci d'avoir veillé sur nous. Merci d'avoir été là. Merci aussi pour tout ce que je n'ai peut être pas vu mais que tu as fait.

La jeune maman s'arreta un moment le regard plein d'émotions, puis continua

Tu sais ...

Elle lui raconta ce qu'il s'est passé en tentant de se rapprocher le plus de ce qu'elle a vécu et ce qu'elle a ressenti. Peut être un besoin d'extérioriser tout ça, d'en évacuer le plus possible, ou tout simplement besoin d'en parler. Nouveau flot de larmes, nouvelle étreinte entre les deux amies. Puis une fois le gros de la crise passée, les deux jeunes femmes descendirent rejoindre Ewann et Grodard pour le petit déjeuner.

Alors le thé et les tartines sont prètes ?
Neti
Pendant cette effusion d'amour, c'était presque comme si tout allait bien. Pas d'erreur de diagnostic donc, c'est bien de l'amour qu'il allait lui falloir à la pelle. Une carrière dans la médecine ? No way ! comme diraient les anglois... Pas question de passer sa vie à soigner les plaies infectées ou à s'occuper de maladies plus répugnantes les unes que les autres... Non, non, elle prend juste soin de sa famille de cœur, c'est de l'affection, pas de la médecine...

Allez, au ptit déj ! Ah non, j'suis pas un garçon moi, c'est vrai...


Merci, Neti, d'avoir prit soin d'Ewann. Merci d'avoir prit soin de moi hier soir. Merci d'avoir veillé sur nous. Merci d'avoir été là. Merci aussi pour tout ce que je n'ai peut être pas vu mais que tu as fait.

Voyant et comprenant l'importance que ça avait pour Cris, elle ne l'interrompit pas et se garda bien de lui dire qu'il n'était nul besoin de la remercier pour ce qu'elle était, que les remerciements sont appréciés à leur juste valeur lorsqu'ils récompensent un effort fourni, la qualité d'un travail... mais qu'elle n'en voyait pas l'intérêt lorsque ça visait à remercier sa manière d'être, ce que de toute façon, elle ne pourrait jamais changer, ce qui fait d'elle ce qu'elle est... bref... pour une fois, elle ne chercherait pas à couper court à la discussion ou à sortir une boutade qui aurait le même effet.

Tu sais que je n'aurais de cesse de prendre soin de vous que lorsque vous serez assez raisonnables pour le faire vous-même... autant dire que je serais toujours là pour vous ! Et pas un seul instant, ça ne me coute ou ne me pèse. Je suis là parce que c'est ma place, ma petite place à moi dans ce monde de brutes.

Elle aida Cris à s'habiller et l'écouta avec la plus grande attention, tassant dans un tout petit petit tiroir de son esprit les pensées haineuses et de dégout qui la parcourrait en apprenant ce qu'il s'était passé il y a quelques heures à peine.
La colère et la répugnance... enfermées dans leur tiroir.
Le soulagement... de savoir que Grod était arrivé à temps... de ne plus imaginer pire que le pire.... de la serrer contre son cœur.
La vengeance... sans la soulager lui apportait au moins la force de fermer ce tiroir à double tour pour ne donner à Cris que son affection et pour ne pas verser elle aussi dans les larmes.
L'affection... qu'elle laissait couler à flots depuis qu'elle voyageait avec ces trois là...

Elles finirent par rejoindre les hommes, en grande discussion sur la méthode de dressage des tartines. Elle arrivait presque à penser que la journée serait normale...

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Grodard
- T'vois Ewann, l'important dans la tartine, c'est bien équilibrer entre l'épaisseur de la tranche de pain et la couche de garniture ... si y'a de trop de pain, ça étouffe ...si y'a pas assez de garniture, ça a plus de goût. On croirai pas mais, c'est 'achement balaize, la tartine ! Tiens, les filles qui arrivent !

- Alors le thé et les tartines sont prètes ?

Grodard abandonna un instant la philosophie de la tartine et tira deux chaises pour permettre aux deux filles de s'installer. Il leur servit du thé et leur désigna du doigt l'assiette garnie de tartines beurrées et confiturées. Le petit dej' continua en silence pour les grands, avec de grands gestes et force babillages pour le bambin. Grodard lui sourit et tenta de lui voler sa tartine entamée à grands renforts de mâchoires claquantes. Ewann la planqua rapidement et gratifia son père de coeur d'un regard noir hérité de sa maman.

- A Ouan !
- Meuh oui, pirate, je te la laisse
, répondit Grondard qui avait vivement baissé le nez ... réflexe face à la noirceur des yeux.
- 'Ti eu ! 'Ti eu !!! Com' 'Mam !!, gazouilla Ewann en tendant sa tartine au barbu pour qu'il morde dedans.
- Rhoooooooo !!!! Et en plus tu te moques de mouaa ! Hé ben ... si t'as le regard de ta mère et mon espièglerie ... ça nous promet pour l'adolescence ... Nonmaiho !!!

Ewann avait réussi le tour de force d'amener des sourires sur le visage des adultes, certes un peu crispés et las, mais des sourires tout de même ... les adultes finirent le petit déjeuner un peu plus détendus qu'ils ne l'avaient commencé. Grodard rangea rapidement la table. Ewann avait décidé de jouer avec Neti. Il regarda Cris et, sans mot dire, lui tendit son bras pour une ballade tous les deux. Chacun devait retrouver sa place et son calme après les évènements de la veille. Il leur faudrait en parler, extérioriser, se laver de tout ça. Pour le moment, Neti avait sans doute besoin de décompresser un peu ... dès l'arrivée à la taverne la veille, elle avait pris toute la petite famille en main, gérant l'urgence et les angoisses de chacun. Comment la remercier ? Bah, c'était sans doute ça, l'esprit de famille !
Ils la laissèrent remonter dans la chambre avec Ewann ... sans doute dormirait-elle aussi un peu ... une nuit à veiller, ça laissait des traces.

Le couple sortit dans la rue et commença à marcher lentement dans les rues de la ville, choississant inconsciement la direction opposée à la ruelle, théatre d'un drame évité de peu. Rares paroles échangées, ballade à petit pas, arrêts fréquents pour se regarder dans les yeux ... Grodard tentait parfois de la prendre dans ses bras, de l'embrasser ... il sentait une tension, un recul même de la part de Cris. Ca le frustrait ... il comprenait la réaction de sa compagne ... être touchée par un homme après l'agression de la nuit dernière ... mais d'un autre côté, il ne voulait qu'une chose, s'occuper d'elle, la tenir dans ses bras, la rassurer. Il ne savait trop que faire. Il tentait, essayait, reculait ... jeu de chat et de souris.
Parfois, au beau milieu d'une rue, elle se précipitait dans ses bras, puis l'instant d'après elle repoussait son bras ... Que faire, que dire ? Il essayait d'être celui dont elle avait besoin mais doutait d'y arriver.

Cris marchait lentement, s'éloignant et s'approchant de lui au rythme des souvenirs qui revenaient en force puis repartaient dans les limbes de son esprit. Le barbu était là, sa compagne dans ses bras et les bras ballants l'instant d'après. Il devait avoir l'air ridicule ... le balourd dans toute sa splendeur ! Il tenta de la dérider par une anecdote de soirée en taverne.


- Tiens, Cris, j'ai failli me faire baptiser l'autre soir. J'ai croisé le curé du coin en taverne. Bon pas facile en anglois, mais j'ai presque réussi à négocier un baptême à la bière. Le curé était d'accord mais l'archevèque du coin les refuse ... tu sais qu'ici, c'est plongeage dans le lac ou poisson dans la figure pour le baptême ?
- Comment ?
, ragea Cris, je te demande depuis des semaines si tu veux te faire baptiser pour m'épouser ensuite ... tu me dis que tu réfléchis, que tu ne sais pas ... et là, pour une bière, tu le ferais ?!!! Tu te moques de moi ? Tu sais l'importance de ta réponse pour moi ? Et là, apres des semaines d'attente, pour une bière ... elle est plus importante que moi, cette bière ?!!!!
- Maiheu ... non .. je ... tu ... je veux ... c'était pour la marrade ... heu !
- La marrade ? Tu ne vois que la marrade ? Et moi ? Et mes attentes ? Grod !!!


Cris fondit en larmes, les mains plaqués sur le visage. Grodard tenta une approche, posant sa main sur le bras de Cris. Elle le repoussa d'un geste nerveux. Il avait encore merdé ...
Les dents serrées, il s'approcha d'une porte fermée et frappa de toutes ses forces, comme pour se punir.


- Han ! Aie !

Cris releva un instant les yeux, jeta un regard noir et replongea son visage dans ses mains, boulversée par tous les évènements et la conversation passée.

- Han ! Aie !, grogna le Grod en frappant de nouveau.
- Je rentre à l'auberge, Grod, c'en est trop, lâcha Cris entre deux sanglots, je ... je n'en peux plus, je veux serrer Ewann contre moi, je veux être avec lui ...
- Maiheu ... tu ... nous ... je te ...
, bafouilla Grodard en la voyant s'éloigner.

Cris ne se retourna pas, marchant d'un pas rageur vers l'auberge. Grodard resta interdit quelques secondes ... "Cris ... je t'aime" ... il passait d'un pied sur l'autre, incapable de savoir quoi faire, de savoir comment réagir ... il avait encore gaffé au pire moment, sur le plus important des sujets ...
D'un geste, il envoya les toutous raccompagner et escorter Cris. Il ne pouvait la laisser rentrer seule ... il n'osait pas lui courir après. Il avait été trop nul, trop lui-même, trop ... pas assez ... balourd et idiot, comme toujours !
Il enquilla les rues au hasard ... le cerveau en ébullition. Il se traitait de tous les noms, se rabaissait plus bas que terre ... Il avait tout fait à l'envers depuis le départ, depuis le début de leur histoire ... arracher Cris à sa ville, la faire partir sur des routes inconnues avec un Ewann bébé, l'avait lâchement abandonnée pour une longue retraite puis en était sorti et l'avait reprise pour compagne ... pour de nouveau la faire quitter sa ville et ses amis ... pour un voyage chimérique ... avec à la clé cette agression ... et en plus, il n'arrivait pas à répondre à ses attentes, à se décider ... mariage ou pas mariage ? Bébé ou pas bébé ? Il était nul, crétin, abruti, balourd, idiot, rustre, goujat ... tout pour plaire vraiment. Il se maudit lui-même ... prétendre aimer une femme et faire tout le contraire de ce qui la rendrait heureuse. Il ne la méritait pas, c'était certain. Elle voulait être heureuse, se battait pour ça ... et n'avait en retour qu'un barbu immature qui la rendait malheureuse. Il secoua la tête, perdu dans ses pensées. Il bousculait des passants, ne les voyant même pas ... ses yeux ne voyait qu'une silhouette douce et fine, sa Cris qu'il aimait par-dessus tout ... cette femme qui lui donnait tout, et bien plus encore. Et lui, qui ne pensait qu'à lui, qu'à faire le malin en taverne. Il ne savait pas être là quand il le fallait et quand il était là, c'était pour lui coller la honte en public par ses élucubrations. Il l'empêchait de vivre, de trouver le bonheur simple auquel elle aspirait, le bonheur qu'elle méritait. Il n'était qu'un parasite, un caillou dans la botte de son aimée, une épine plantée dans sa paume.

Il arriva sans trop savoir pourquoi devant le port. Il se planta sur la jetée. Le vent fouettait son visage, séchant ses larmes. Il resta là un moment sans bouger, contemplant les flots tumultueux. Une vie ratée ... il avait tout eu au creux de sa main ... la plus merveilleuse des femmes, prête à tout pour lui ... une famille qui allait se fonder ... Et il massacrait tout ça, tout comme il avait massacrer les brigands alors qu'elle lui avait demander de ne pas le faire ... encore la mauvaise réaction au mauvais moment ... décidement, il les collectionnait ... Il regarda les flots s'écraser sur les pierres de la jetée, jugea de la force de la marée ... il ne lui restait qu'une solution, radicale et définitive ...

Fermant les yeux, il fit un pas en avant ...


- Cris, pardonne-moi, je t'aime.

PLOUFFFFF
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Si ça bouge encore après avoir tapé dessus, c'est que t'as pas tapé assez fort ...
Criskool
Descendue rejoindre les deux hommes de sa vie pour un petit déjeuné en famille, Cris prit un thé et une tartine, préparée par Grodard. Un jeu entre le père et le fils, une blague d’Ewann et la jeune maman eut un sourire amusé en les voyants si complices. Ça c’est un signe qui ne trompe pas. Ewann aime son papa de cœur, Grodard prend soin d’Ewann et l’aime comme son propre fils. Non Cris ne s’était pas trompée en le choisissant lui … enfin en choisissant, disons que l’amour a bien fait les choses.

Le casse croute fini, Grod rangea tout, Ewann alla s’amuser avec Neti, elle observait tout son petit monde rassemblé autour d’elle. Puis Grod lui proposa son bras pour une balade dehors. Ressortir après ce qu’il s’est passé la nuit dernière la terrorisait, mais ne dit on pas qu’après une chute de cheval il faut remonter tout de suite dessus ? Une balade avec son compagnon lui redonnerait sans doute confiance. Un chat qui miaule, Cris sursaute et se réfugie dans les bras du barbu, le repoussant gentiment une fois le calme revenu. Un chien qui jappe, retour dans les bras de son homme puis nouvel éloignement. Cris avait conscience que ses indécisions devaient frustrer Grodard. Mais elle avait besoin de temps pour sortir de sa tête ces images et ces sensations de ces hommes qui l’ont touchée. Rien que d’y repenser, elle frissonnait de tout son corps.

- Tiens, Cris, j'ai failli me faire baptiser l'autre soir. J'ai croisé le curé du coin en taverne. Bon pas facile en anglois, mais j'ai presque réussi à négocier un baptême à la bière. Le curé était d'accord mais l'archevèque du coin les refuse ... tu sais qu'ici, c'est plongeage dans le lac ou poisson dans la figure pour le baptême ?

- Comment ? je te demande depuis des semaines si tu veux te faire baptiser pour m'épouser ensuite ... tu me dis que tu réfléchis, que tu ne sais pas ... et là, pour une bière, tu le ferais ?!!! Tu te moques de moi ? Tu sais l'importance de ta réponse pour moi ? Et là, apres des semaines d'attente, pour une bière ... elle est plus importante que moi, cette bière ?!!!!

- Maiheu ... non .. je ... tu ... je veux ... c'était pour la marrade ... heu !

- La marrade ? Tu ne vois que la marrade ? Et moi ? Et mes attentes ? Grod !!!


La discussion qui tombe au mauvais moment, le sujet sensible qui fait mal, la jeune femme n’était pas d’humeur à plaisanter sur ce sujet en ce moment. La crise de larmes éclata immédiatement, Grodard confus tenta une approche, brutalement repoussé par sa compagne. La jeune maman lança un regard des plus noirs à son homme qui cognait à coup de poing sur une porte.

- Je rentre à l'auberge, Grod, c'en est trop, je ... je n'en peux plus, je veux serrer Ewann contre moi, je veux être avec lui ...

- Maiheu ... tu ... nous ... je te ...


Cris était déjà partie en sanglotant, n’écoutant pas les bredouillements de Grodard, les chiens ne tardèrent pas à la rejoindre et l’escortèrent jusqu’à l’auberge. Elle renvoya les chiens auprès de leur maitre et furieuse, elle poussa brutalement la porte et chercha son fils du regard. Personne. Elle respira un bon coup pour se calmer un peu, essuya ses larmes et monta à l’étage pour chercher Neti et Ewann. Personne, dans leur chambre, elle alla toquer doucement à la porte de Neti. Pas de réponse, elle hésita un moment puis ouvrit doucement la porte. Neti était endormie sur son lit, Ewann calé contre elle. Ils dormaient paisiblement tous les deux. La jeune maman attendrie entra sans faire de bruit, déposa une couverture sur eux pour qu’ils n’aient pas froid. Elle resta un instant, puis tout doucement se mit à parler, sans doute à elle-même ou peut être aux deux dormeurs sachant qu’ils ne l’écoutaient pas.

Neti, ma petite sœur de cœur, dort tu l’as bien mérité, une nuit à nous veiller ça épuise. Je te l’ai déjà dit mais merci, merci pour tout.
Ewann, mon cœur, elle serait devenue quoi ta maman, si t’avais pas été un courageux petit garçon ? Je suis tellement fière de toi … je t’aime si fort mon cœur … normalement c’est aux mamans de protéger les enfants … et là … Je sais pas comment tu as fait, mais tu l’as amené jusqu’à moi, pour me sauver.


En disant cela, les larmes recommençaient à couler sur ses joues. Puis ses pensées revinrent à son aimé.

Mon amour, toujours à sortir la pire bêtise, au pire moment. Pourquoi faut il qu’il soit si … maladroit, étourdi et … si lui. Je suis surement trop exigeante, je lui en demande trop, mais là je c’était pas le moment, il devrait le savoir ça … c’est tellement important pour moi ce baptême et ce mariage … qui n’arriveront sans doute jamais … puisqu’il prend tout à la rigolade.
Est-ce qu’il va un jour réussir à grandir, à être cette épaule sur laquelle je pourrais me reposer quand ça ira pas … il sait l’être pourtant parfois … alors pourquoi pas maintenant que j’en ai le plus besoin ?


Elle sécha ses larmes, qui coulaient un peu trop facilement en ce moment, puis elle se releva, déposa un baiser sur le front des deux dormeurs et sorti. La taverne était calme et Cris décida de se retirer dans leur chambre afin de continuer sa méditation commencée dans la pièce d’à coté.
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Grodard
Eau froide ... corps qui s'y enfonce comme un couteau chauffé à blanc dans une motte de beurre ... salé le beurre, évidement ... courant qui le ballote de gauche à droite ... eau froide qui cherche à s'insinuer dans la bouche et les narines du barbu ... membres qui s'agitent en tous sens ... lourdes bottes qui l'entrainent vers le fond ... sensation d'étouffement, poumons qui cherchent désespérement de l'air ... cet air qui commence à manquer, ce manque qui fait tourner la tête et trouble le regard et les réflexes ... les gestes qui se ralentissent, bras et jambes battant l'eau de moins en moins vite. Sensation d'être aspirer vers le bas ... malgré lui, comme un dernier pied de nez, Grodard ne put s'empêcher de penser qu'il avait connu des aspirations bien plus agréables ... sourire aquatique ... yeux qui se révulsent ... "sgloup sgloup sgloup" ... dernières bulles d'air qui s'échappent et remontent vers la surface tandis que leur ancien propriétaire prend le chemin inverse, son corps devenu presque mou, marionnette trempée dans un liquide trop salé et surtout trop humide.

Vie qui termine de défiler devant ses yeux ... les bons comme les mauvais moments ... kaléidoscope de souvenirs qui s'entremèlent, se mélangent et finissent par ne faire qu'un ... dernières pensées pour les siens ... Neti, amie pour toujours ... Ewann, fils de coeur ... Cris, sa douce et tendre compagne ... Cris ... Cris ... mourir avec son image dans le crâne et rien d'autre ... la plus douce des morts ... pensées qui semblent relentir, s'échapper, s'enfuir ... lâcher prise, laisser la vie partir, ne plus rien ressentir, ne plus souffrir ... s'en aller, ne plus faire souffrir personne, ne plus être un poids pour les siens ... conscience qui vascille et s'éteint, chandelle mourante sous les assaults du vent ...

Poids qui lui tombe sur les épaules ... un dernier éclair de lucidité ... encore quelques bribes d'oxigène dans le sang qui irradient dans le corps, yeux qui tentent de se rouvrir ...

Sensation d'une pince qui lui broie l'épaule ... la tête se tourne ... une truffe énorme qui se colle à son nez ... l'aspiration change de sens ... remous créés par des pattes s'agitant vigoureusement dans l'eau du port et remontée vers la surface ... eau qui devient plus claire au fur à mesure. Grodard rassembla ses dernières forces et nagea mollement pour aider un Chaos venu à sa rescousse. Son toutou, son Chaos, son frère à poil et à babines dégoulinantes ... il ne put retenir un sourire, laissant l'eau salée entrer dans sa bouche puis dans sa gorge, le faisant tousser ... laissant ainsi un peu plus de liquide faire son chemin. D'un coup de museau puissant, Chaos réussit à faire sortir la tête de son maître hors de l'eau. Grodard rejeta l'eau qui l'envahissait, moitié crachant, moitié vomissant. Il prit ensuite une longue et salvatrice inspiration, sentant la vie revenir en lui au fur à mesure que l'air remplissait ses poumons, passait dans son sang, nourrissait ses muscles et son cerveau.

Un cri sortit de sa bouche, un cri primaire et puissant.


- AAAAARRRGGGGGHHHH !!!!!!

Il accrocha d'une main tremblante le large collier de cuir clouté de son toutou, se laissant porter vers la berge par la nage vigoureuse de Chaos. Ses larmes se mélaient à l'eau salée qui ruisselait sur son visage. Il ne réalisait pas encore s'il était vivant ou mort ... ou encore rêvant qu'il s'en sortait. Il agissait par réflexe, adoptant les gestes et l'attitude qui semblaient appropriés. Il finit par cogner dans un ponton de bois, tandis que le chien l'encourageait à petits coups de truffes pour qu'il grimpe. Le barbu tenta de se hisser mais retomba dans l'eau froide. Il frissonait, se sentait tout faible, à peine capable d'autre chose que de respirer. Groar arriva en courant, dérapant sur les planches mouillées, miss Kilty juchée entre ses épaules.
Homme et bêtes furent quelques instants unis dans l'effort ... dans un but unique, sortir une jupette et son propriétaire d'une eau noire et froide.
Chaos, tout en battant frénétiquement des pattes, poussait son maître de la tête tandis que Groar saisissait une épaule déjà meurtrie entre ses puissantes machoires et tirait de toutes ses forces. Grodard hurla sous la douleur et l'effort ... La femelle grogna, sans pour autant lâcher le barbu. Elle sentait dans sa tête de chienne qu'elle le faisait souffrir mais son instinct lui hurlait de le sortir de là à tout prix. Un dernier effort, une dernière tentative et le barbu fut tant bien que mal hissé sur le ponton, vomissant des litres d'eau salée.


- Beuuuargllllll !!!! Merci les toutous .... beuaaaaarggllll !!!!

Grodard, à quatre pattes sur le bois, tenta de retrouver ses esprits. Les toutous se collèrent contre lui pour tenter de le réchauffer et de le réconforter. Il profita un instant de leur chaleur puis essaya de se lever. Le premier essai ne fut pas brillant, le second à peine plus. Il réussit à se mettre à genoux, respirant à plein poumons. Un nouveau cri sortit de sa gorge.

- CRIIIIIIIIIIIIIIIIIIISSSSSSSS !!!!!!!!

Sa voix finit par se casser. Il était complètement trempé, l'eau dégoulinant de ses vêtements, sa barbe et ses cheveux. Des algues s'étaient accrochées un peu partout, pendouillant lamentablement. Un petit crabe serrait un pan de son kilt de toute la force de ses pinces. Grodard un jour, Grodard toujours !
L'évidence se fit sous son crâne, explosant les neurones au passage, boulversant son esprit. "Cris"... rien qu'elle. Il se leva d'un coup, les jambes encore un peu flageolantes. Il fit un pas, tremblant de tous ses membres .. puis un autre ... puis encore un autre ... puis il se mit à courir, sans regarder, accélérant sa course, sentant son souffle devenir plus régulier.
Il enquilla les rues comme naguère les verres en taverne, les toutous cavalant à ses côtés, langues pendantes et babines dégoulinantes de bave. Ses jambes le portaient avec peine, son cerveau passait de l'état d'ébullution à celui du vide. Il arriva, toujours trempé, devant la taverne. Il posa sa main contre le mur, reprenant son souffle avec peine. Les images tournaient encore un peu, l'oxygène n'avait pas encore envahi tous les recoins de son corps.
Une dernière inspiration et le barbu poussa la porte. Un rapide coup d'oeil lui permit de constater l'absence de sa bien-aimée dans la salle commune. Il escalada l'escalier tant bien que mal, ses bottes humides laissant de larges traces sur chaque marche. Arrivé devant la porte de leur chambre, il s'arrêta un instant, essayant de repérer un bruit venant de la pièce. Il n'entendit que les battements de son coeur.
Une poussée sur la poignée et il entra. Cris était là, pelotonnée dans un fauteuil. Il s'avança vers elle avec un geste apaisant.


- Ne dis rien, Cris, j'ai ... je dois ... je veux ...

Vêtements dégoulinants d'eau salée, cheveux et poils humides, bottes trempées, chemise déchirée, épaule sanguinolente, algues accrochées un peu partout et le petit crabe qui n'avait pas lâché son pan de kilt ... Grodard s'agenouilla devant Cris et la regarda dans les yeux.

- Cris, mon amour, veux-tu m'épouser ?
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Si ça bouge encore après avoir tapé dessus, c'est que t'as pas tapé assez fort ...
Criskool
Bien emmitouflée et calée au fond d’un fauteuil, plongée dans ses pensées, Ewann dormant paisiblement dans les bras de sa tata dans la chambre d’à coté, Cris réfléchissait à la barbarie des hommes, ce besoin bestial qu’ont certains de prendre de force ce qu’ils n’ont pas, de tuer, de faire le mal autour d’eux. Où est le temps, où elle était maréchal, qu’elle ne craignait rien, armée de son épée et qu’elle chassait les brigands à grand coup de bottes au postérieur, hop direction la prison … bien loin tout ça ! Deux hommes avaient réussi à plier sa volonté de fer, à en faire une jeune femme à l’âme meurtrie et apeurée. Enfin heureusement elle était bien entourée et nul doutes que cette histoire serait oubliée au profit d’anecdotes plus amusantes. Oui un jour tout rentrerait dans l’ordre et elle redeviendra peut être maréchal pour botter les fesses des malotrus du genre de ceux qui l’avaient agressée …. et qui de toute façon ne ferait plus de mal à personne.

La jeune maman fut tirée de ses rêveries par le bruit de la porte qui s’ouvre … sur Grodard … trempé des pieds à la tête, des algues qui pendouillaient un peu partout.

- Mais qu’est ce …

Grodard l’interrompit d’un geste apaisant

- Ne dis rien, Cris, j'ai ... je dois ... je veux ...

Puis elle vit son compagnon s’agenouiller devant elle, et les yeux dans les yeux lui demander :

- Cris, mon amour, veux-tu m'épouser ?

Toute émue la jeune femme lui répondit

- Oh oui, mon amour, je le veux. Tu fais de moi la plus heureuse des femmes Grod.

Elle prit sa main et se releva avec lui puis l’embrassa longuement. Puis sentant l’humidité des vêtements de Grod elle le regarda et ne put s’empêcher de le questionner.

- Qu’est ce qu’il t’est arrivé ? Et … mais tu es blessé ? Viens on va faire sécher tes affaires, mon pauvre amour, tu dois avoir froid.

Cris attrapa deux couvertures et doucement elle retira la chemise de son homme et la posa sur une chaise près de la cheminée. Tendrement elle l’emmitoufla dans une couverture et lui frictionna le dos. Elle l’aida à retirer ses bottes et ses bas pour les faires sécher près du feu également. Elle le laissa retirer son kilt, ne voulant augmenter encore un peu plus la frustration du barbu et alla chercher une bassine d’eau pour nettoyer sa blessure. Elle prit un tabouret et se posta près de Grod, découvrit son épaule qu’elle commença à nettoyer. Elle se rendit compte qu’il s’agissait de trace de morsures. Mais bon sang que c’était il passer ? Ne voulant l’assaillir de questions, elle se tut et alla chercher de quoi bander son épaule. Elle fit un bandage, tendrement, ne serrant pas trop, mais suffisamment de façon à ce que ça tienne. Elle déposa un tendre baiser sur les lèvres de son fiancé puis lui sourit.

- Je me doute bien que c’est pas forcement la réaction que tu attendais, que je ne suis pas aussi démonstratrice que je devrais l’être à un pareil moment, mais je te promets que je suis heureuse. Tu sais ... j’ai peur de mes réactions si tu me … si nous … je veux pas me demander comment tu réagirais si je te repoussais pendant qu’on … enfin … voila . Ça fait pas mal d’émotions en peu de temps là.
Je t’aime et tu es là c’est l’essentiel pour moi. En me demandant en mariage tu as réalisé un de mes désirs les plus chers. Laisse moi un peu de temps, pour me remettre et tu verras combien tu me combles de joie, de bonheur, d’amour, de … de … tout !


Elle posa son regard sur lui, un regard plein d’amour, de reconnaissance, de tendresse, de tous les sentiments qu’elle pouvait avoir pour l’homme qu’elle allait épouser.
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Grodard
Sa question posée, Grodard se mit à trembler des pieds à la tête ... l'angoisse de la réponse, le froid, la fatigue, l'épuisement le faisaient grelotter. Son cerveau, déconnecté par la noyade et le trop-plein d'émotions, entendit le "oui" sans trop le comprendre. Le baiser qui suivit ne lui apporta pas plus d'information. Il était perdu, son corps poussé au-delà de ses limites le lâchait, l'abandonnait et fuyait la réalité. Dans un brouillard, il écouta Cris lui parler. Les mots n'avaient aucun sens, les phrases n'éveillaient rien en lui. Il était comateux, flottant encore entre les eaux froides du port. Son cerveau n'avait pas encore réalisé qu'il était vivant ... voir même marié ... une étincelle, une seule, brilla sous son crâne humide ... échapper à la noyade pour se passer la corde au cou ... pas malin ... Il sombra à nouveau dans un monde fait d'ombres et de brumes, où rien ne semblait réel, concret et possible. Les formes changeaient en permanence, les simples lois de la nature elles-même évoluaient vers le n'importe quoi ... Un coup, il se sentait les pieds sur le plancher, l'instant d'après, il lui semblait que sa tête heurtait les poutres du plafond. Perdu de chez perdu ...

Il sentit à travers le brouillard qui l'enveloppait Cris qui s'affairait autour de lui, lui enlevait ses vêtements, ne laissant que son kilt qu'il envoya valser d'un geste machinal ... Quelques picotements sur l'épaule ... il en fut limite surpris ... rien dans ses souvenirs ne lui rappelait qu'il s'était blessé ... Un bandage recouvrit bientôt la blessure. Un nouveau baiser vint caresser ses lèvres. Une partie du monde n'était que douceur.

Une longue tirade de sa bien-aimée vint couronner le tout. Quelques mots se frayèrent un passage en force vers ce qui restait de lucidité dans son cerveau. Les détails étaient flous ... il semblait cependant que Cris acceptait ... la partie consciente de ses neurones en fut ravie et pétilla de bonheur. Le reste de son esprit tenta de repousser les brumes et de se connecter à la réalité. Il parcourut la pièce de ses yeux encore vitreux. Où était-il ? Que s'était-il passé ? Qu'avait-il dit ? Il sentait confusément que les rôles étaient inversés ... lui au plus mal et la belle jeune femme qui prenait le soin de lui ... pas normal, ça ... ça aurait dû être lui en train de s'affairer autour d'elle ... pas l'inverse ... enfin, c'était l'impression qu'il avait ...

Ses yeux se posèrent sur le visage de la femme. Il n'était que douceur et amour. Son regard était brûlant. Grodard put y voir une douleur immense, douleur repoussée au second plan par l'inquiétude ... inquiétude dont il semblait faire l'objet ... Il secoua la tête et tenta un sourire. Celui-ci disparut aussitôt ... son cerveau venait d'embrayer ... les évènements des vingt-quatre dernières heures lui jaillirent à la face, sans ordre, sans logique, sans cohésion mais avec toute la force possible. Il porta les mains à ses tempes, les pressant pour qu'elles n'explosent pas. Peine perdue ... il resta prostré quelques secondes sur son siège, nu et cripsé.


- Cris ? Tu as dis "oui" ! Je ... tu ... j'ai ... comme un balourd ... le port, l'eau, le froid ... Je ... j'ai cru être de trop dans ta vie, j'ai cru t'empêcher de vivre, de ne jamais faire ce qu'il fallait ... j'ai ... je ... j'ai plongé dans le port, je crois ... ou sauté je sais plus ... j'ai coulé, j'ai senti le froid, la mort m'entourer, m'aggriper, m'entraîner vers le fond ...

Sa voix se cassa, il ne put continuer son récit. Quelques hocquets le secouèrent, agitant sa carcasse. Les gestes de son aimée se firent doux et tendres. Il sentit l'amour l'envahir. Les éclairs et les nuages de son esprit en étaient comme chassés par chaque caresse, chaque baiser, chaque attention. Il tendit une main hésitante et caressa une joue, la fit remonter et l'enfouit dans une chevelure adorée.

- Je ne sais même pas comment je suis remonté ... je me souviens de l'eau, de ma vie qui s'échappe ... et l'instant d'après, je suis sur un ponton de bois, les toutous autour de moi ... ils me donnent de petits coups de museau ... je cours, je cours ... j'entrevois une porte, celle de l'auberge, je suppose ... j'entre ici ... tu ... tu ... tu as dit "oui ? Tu veux bien m'épouser c'est ça ? Les chiens ont du me saisir par l'épaule ... me tirer hors de l'eau ... me sauver, mes pov' toutous ... Tu seras ma femme ? Tu as dit "oui" ?!!!

Il se redressa d'un coup. Son regard se planta dans celui de Cris. Il respira un grand coup, gonflant son torse, appelant la vie et la force en lui. Il était nu face à elle. Il se présentait tel qu'il était, sans artifice, sans déguisement, sans faux-semblant. Il n'avait sur lui rien de plus que ce que la nature lui avait donner. Un corps et un coeur, rien d'autre. Ses muscles jouaient sous sa peau, se gonflant de sang, récupérant des efforts passés. Il n'avait que lui-même à offrir à celle qui l'aimait. Elle devrait s'en contenter. Le regard du barbu reprit son éclat naturel. Seule une lueur dans ses prunelles trahissait la douleur des évènements passés. Il attira Cris contre lui. Il caressa longuement sa chevelure. Il y plongea son visage et huma son parfum. La réalité le frappait en pleine face. Cris ... son avenir était là ... il serrait dans ses bras sa raison de vivre. Il se promit en lui-même d'être fort, d'être celui dont elle avait besoin et qu'elle méritait. Il serait celui sur lequel elle pourrait toujours compter, celui qui qui se tiendrait à ses côtés dans les bons et les mauvais moments ... les premiers chassant les seconds à grands coups de plaisirs et de bonheur.

- Tu as dit "oui" !!! Mon coeur me le dit, mon cerveau me le répète ... les deux d'accord ... un miracle ! Tu seras ma femme, je serais ton homme. Je ... excuse-moi ... j'ai fait exactement ce qu'il ne fallait pas faire ... j'ai fui ... Mais à l'avenir, je serais là. Je ... tu ... tu as bien plus enduré que moi ces derniers temps ... c'est à moi d'être là pour toi. On va avancer à deux, comme toujours. Je ... tout le monde va bien ? Aïe, mon épaule ... z'ont de la force, les toutous ... Je ... je t'aime ! Je suis là, je ne te quitterai plus, je te le promets ... et je te promets aussi de m'habiller plus convenablement pour le mariage ...

Petit trait d'humour made by Grodard ... autant pour détendre l'atmosphère que pour prouver qu'il était bien lui-même, qu'il était de retour ... back in business comme ils disaient de ce côté de la Manche.
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Si ça bouge encore après avoir tapé dessus, c'est que t'as pas tapé assez fort ...
Neti
Non... pas dormir... faut encore surveiller Ewann... noooonnn...ne ferme pas... les yeux...

... Rêves de balade, de voyage, de bateau... Des gens qui parlent une autre langue et puis, tout d'un coup, dans le brouhaha de la foule qui s'amasse autour d'elle, elle ne comprend plus rien au charabia, mais ils parlent, ils parlent et sont tout autour... on lui attrape une manche, lui tire un peu les cheveux, une autre pression au bras et puis elle sent la lanière de son corsage se dénouer...


AAAAAH ! Bas les pattes bande de vautours !!!

Réveil en sursaut, les yeux grands ouverts, la sueur au front et l'envie de cogner en tous sens et puis des cris... des larmes en fait... mais pas ceux d'un adultes... Coup d'oeil à Ewann, le visage tout rouge et les mains encore grandes ouvertes d'avoir été si soudainement obligé de lâcher les lanières avec lesquelles il jouait...

Oh ! non Ewann... J'suis désolée mon ptit loup... Je ne voulais pas te faire peur.
J'ai fait un mauvais rêve. C'était juste un mauvais rêve.
La.... Chhhuuuut... Tout va bien...


Calinage, bisoutage, récomfortage, séchage de larmes et mots doux... La quinte flush de l'anti-chagrin. Non mais je vous dis... y'en a qui simuleraient un chagrin pour moins que ça ! Et puis faut avouer que y'a rien de mieux qu'un câlin pour faire passer un cauchemar. Ils restèrent donc là, tous les deux, de longues minutes à se réconforter l'un l'autre...

Dis-moi mon ptit loup, ça te dit qu'on aille chercher du lait sur le marché ?
Et puis on ira le boire à la bouteille, sur le port en regardant les bateau. Ca te plairait ?


Voir les yeux d'Ewann pétiller à mesure de la proposition aurait suffit à n'importe qui pour comprendre que ça l'emballait plus qu'un peu !

- p'omenade aux batôÔ ?
- Je prends ça pour un oui ! Mais d'abord, faudrait qu'on laisse un mot à maman et papa, sinon, ils vont avoir peur en nous voyant partis...
- Mam' et Pa' peu' ??
- si ils reviennent et qu'ils ne nous trouvent pas, il vont s'inquiéter oui mais regarde, on va écrire un mot et le laisser bien en évidence et comme ça, ils n'auront pas peur.


Petit mot en main, besace à l'épaule et Ewann au bras, elle quitta sa chambre. Porte de Cris et Grod entre-ouverte... Ils ne sont pas encore rentrés... Elle pousse la porte pour y laisser le mot sur le lit et...

ouOUUUPS !

Vision d'un Grod version nature ! Tout grand et tout nu ! Arg ! Heureusement qu'il avait Cris dans les bras... Demi tour illico ! Claque presque la porte derrière elle. Bon sang ! Pourquoi j'ai pas frappé moi ??? On ne t'a jamais dit de frapper avant d'entrer ? Et ta mère, elle ne t'a pas appris la politesse ? Rouge qui monte aux joues... Confuse, embarrassée... Puis elle ouvre la porte juste un tout tout petit peu, pour ne rien voir mais être entendue...

Désoléééééééée ! J'vous pensais encore en balade... Je... Hum... On a rien vu !
Pis... Heu... On vous laisse !

Allez ! Respire un grand coup ! C'est pas la fin du monde. C'est juste un... Grodard !
Petit sourire en coin.

Enfin, c'était juste pour dire qu'on allait se promener sur le marché et voir les bateau avec Ewann... Et... Bon, j'emmène les chiens aussi vu que vous êtes là...
Roooh... Non, quand même, j'suis désolééééée !


Elle ferme la porte tout en s'excusant à nouveau et revoit le flash image du Grod comme Dieu l'a fait, avec sa Cris contre son cœur mais... STOP ! Arrêt sur image ! c'est un bandage ? Et un gros ! Hein ?? J'suis passée à coté d'une blessure ??? Comment j'ai pu manquer ça ????

La main contre la porte close, elle s'enquit de leur état...


Tout va bien là dedans ? Grod est blessé ? C'est grave ? Vous avez besoin d'aide ?

Andouille ! Bien sur que non ils n'ont pas besoin de toi pour faire ce qu'ils faisaient !!! Non mais franchement... Parfois t'as des idées bizarres ! Pfff...

Enfin... heu... ça peut attendre... je... z'avez pas l'air à l'article de la mort, quoi. Hum... Oui, c'est ça, on va aller faire un tour et on vous laisse tous les deux !

Ewann toujours sous le bras, le pauvre môme n'y comprenait plus rien... Erf !

- Heu... Papa et maman, ils vont... faire une sieste ! C'est ça, faire une sieste... Il faut qu'ils se reposent tous les deux. Hein ? On les laisse se reposer et on va voir les bateaux ?
- Viii ! 'ouan veut voi' léé batôÔ !

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Criskool
Cris vit son homme blêmir, greloter, son regard perdu dans des profondeurs insondées, comme si il avait tout oublié de ce qu’il s’était passé avant. Le voir ainsi l’inquiéta, que diable c’était il passé entre leur dispute et son entrée dans la chambre ? Pourquoi ne pouvaient-ils pas avoir une vie tranquille, sans surprise du genre de celle qui leur était tombé dessus la veille, sans dispute, sans problème, rien d’autre à faire que profiter de leur famille, était-ce trop demander ?

Des bribes d’explications de son fiancé qui semblait fort secoué par les derniers événements. Cris tenta de le réconforter par des gestes tendres. Elle le laisse continuer ses explications, sans l’interrompre, pensant que c’était important pour lui, tout en continuant à s’occuper de lui, à le réchauffer en lui frictionnant le dos, les bras et en prenant garde à sa blessure. Plusieurs fois il lui demanda si elle avait répondu « oui » à sa question, chaque fois elle voulu lui redire « oui » mais n’osant l’interrompre elle hocha la tête.

Puis Grodard revint peu à peu dans le monde réel, sa couverture tomba à ses pieds et il la serra contre lui, dans son plus simple appareil. Puis de nouveau LA question ou plutôt SA réponse. Tout semble plus clair dans l’esprit de son futur époux, ses dernières paroles finirent de rassurer la jeune femme.

Mon amour, jamais tu ne seras de trop dans ma vie. Même si je m’emporte, si je m’énerve parfois pour pas grand-chose, ça ne veut pas dire que je ne t’aime pas, bien au contraire. Et oui je veux t’épouser, oui je veux devenir ta femme, oui je veux que tu sois mon homme.

Nouvelle longue étreinte entre les deux amoureux, puis la porte qui s’ouvre sur Neti portant Ewann dans ses bras. Neti qui s’empourpre, Cris qui s’empourpre aussi d’être ainsi découverte par son amie. Puis disparition de la rouquine aussi rapidement qu’elle est apparue. La porte qui s’entrouvre sur une avalanche d’excuses, puis une voix un peu inquiète qui demande des nouvelles.

Cris ne pu s’empêcher de rire de la situation. Elle tendit néanmoins une couverture à son fiancé des fois que sa petite sœur de cœur ne refasse une entrée fracassante. Puis elle lui répondit à travers la porte.

Pas grave frangine, et puis maintenant tu pourras te vanter d’avoir vu le joli postérieur de Grod. T’inquiète pas y a rien de bien grave, disons que mon cher et tendre a voullu aller dire bonjour aux poissons et que ne sachant pas nager ce sont ses deux molosses qui l’ont sorti de l’eau. Et puis …

Moment d’hésitation, regard vers son futur mari et la question bête :

je peux lui dire steplé steplé steplé ? Aller, mon amour, dis ouiiiiiiii !

Un sourire de Grodard et voila Criskool qui court vers la porte, fallait qu’elle le dise à quelqu’un …elle savait pas pourquoi mais fallait qu'elle le dise. Ouverture de la porte à la volée, plus de Neti devant la porte. Cris la chercha et la vit en bas se dirigeant vers de la porte d’entrée. Vite elle va partir.

Netiiiiiiiii attend !!

La jeune femme couru vers son amie, se prit les pieds dans un tapis, perte d’équilibre, rattrapage à la rambarde de l’escalier, chute sur son popotin, air idiot …Cris se remit sur ses deux pieds, dégringola les escaliers en manquant encore tomber, traversa la taverne en trombe en bousculant les personnes se trouvant sur son chemin, puis s’arrêta net devant son amie. Cris se sentait comme galvanisée, elle ne marchait pas elle survolait, elle avait la tête dans un gros nuage rose bonbon, des petits papillons dans le ventre et l’envie folle de crier sur les toits qu’elle allait se marier.
Elle prit la main libre de son amie, et d’une voix qu’elle voulu pourtant douce et calme, s’entendit lui hurler aux oreilles

Il m’a demandée en mariage !!! Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !!! Neti, je vais me marier.

Puis plus calmement en articulant bien chaque mot comme si cette phrase avait un pouvoir magique quelconque

Je … vais … me … marier. Rhooooo enfin je vais me marier !

Puis voyant son fils complètement perdu et visiblement étonné par l’attitude de sa mère, elle déposa un doux baiser sur son front, lui sourit puis lui ébouriffa les cheveux.

Tout va bien mon cœur, maman est heureuse, très heureuse, la plus heureuse même
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Grodard
- Heuuuu

Y'avait rien à comprendre ... enfin si, un truc important ... Il avait demandé Cris en mariage et elle avait dit oui. Ca, c'était certain, sûr et réel. Pour le reste ... il semblait bien que Neti avait débarqué, passé sa tête par la porte, admiré son fessier, rougit, balbutié quelques mots et disparue ... Cris lui avait demandé quelque chose "steuplé steuplé". Il avait du dire oui ... se marier peut-être ? Ha non, ça c'était sa question à lui ... Ha oui, aller le dire à Neti. Enfin, c'est ce qui lui semblait avoir compris à travers le coton qui lui emplissait le crâne. Ou pas.

La seule chose certaine était qu'il était maintenant seul, nu, avec une couverture jetée à la hâte sur son épaule, genre toge romaine. Mais toujours les fesses à l'air. Pas que ça soit désagréable, bien au contraire. Mais il lui semblait que ça ne se faisait pas. Il n'aurait su dire pourquoi, mais il avait le sentiment que ça ne faisait pas partie des habitudes sociales de ce bas-monde de se promener le popotin offert à la vue de tous. La réalité était revenue en partie se fourrer sous son crâne, mais pas complètement. Il manquait encore quelques bribes pour trouver une logique à tout ça. Bon ...

Machinalement, il enroula la couverture autour de ses reins, s'offrant ainsi un pagne du plus bel effet. Du moins selon ses critères du moment. Il hésita un instant en voyant ses bottes, puis décida que "non, j'mets pas mes pieds là-dedans, en plus, j'suis sûr, elles puent".

Souriant comme un bienheureux, il sortit de la chambre, la couverture ceignant sa taille, torse poil et pieds nus. Le candeur incarnée, la béatitude faite homme. Le choc l'avait envoyé dans les astres, il n'en était pas encore complètement revenu. Il allait se marier, ça c'était clair. Avec la jeune femme présente l'instant d'avant dans sa chambre. Une fort jolie jeune femme, il s'en félicitait lui-même. Sa Cris, le concept faisait lentement le chemin dans sa conscience. Il lui avait même parlé. Ha oui. Cris ... Le deuxième choc lui souleva le crâne. Tout revint complètement à sa place. Voyage, Angleterre, Cris, Ewann, Neti, baptème, mariage, bébé. Yes ! Tout était là !

Il déboula dans la salle de l'auberge, aperçut Cris, Neti et Ewann et se dirigea vers eux. Arrivés devant eux, il voulut prendre tout ce petit monde dans ses bras et les serrer dans ses papattes d'ours. Il sentit le tissu glisser ... D'un geste réflexe, il rattrapa la couverture qui menaçait de le faire passer de l'état d'huluberlu à celui de satyre et adressa son plus beau sourire à la cantonade.


- Ma famille à moi ! Cris, mon amour, ma douce aimée, ma promise ... Ewann, mon fils de coeur, mon fils tout court ... Neti, ma belle-soeur, ma diaconnesse préférée, mon amie !!! Pfffiouuu ... que d'émotions ces dernières vingt-quatre heures ... on en a tous baver ... bon les toutous, ils ont l'habitude ... mais nous ...

Un sanglot brisa sa voix. Ces fichues émotions étaient encore trop proches pour être complètement digérées. Il ressera la couverture autour de sa taille, s'assura qu'elle resterait en place et put enfin étreindre tout son petit monde dans ses bras. Les effusions durèrent un moment, chacun embrassant l'autre, le serrant dans ses bras, lui disant combien il tenait à lui ... Ewann ne comprenait pas tout ... mais bon, être au milieu de ses grandes personnes préférées qui se calinaient à tout va ... ça lui allait parfaitement.

Grodard releva la tête. Il aperçut divers regards pointés sur eux ... moqueurs, étonnés, choqués, rieurs, méprisants ... quelques petits rires fusèrent. Il défia quiconque de prononcer le moindre mot, d'émettre la moindre remarque par un large coup d'oeil circulaire. Les muscles de son torse et de ses bras se contractèrent, annonçant la possible distribution de tartines de phalanges. Les nez replongèrent aussitôt dans les verres. Personne n'avait envie de se frotter à un type déjà à moitié à poil, qui semblait prêt à frapper au moindre signe de provocation et qui risquait de finir complètement nu au premier geste. Un sourire narquois apparut sur le visage du barbu. Tous des baltringues ... suffisait d'un type sûr de lui et la plupart des grandes gueules se fermaient automatiquement.

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