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[RP] Oustau de Château-Thierry - Demeure des Blackney

Enzo
    Oustau de Château-Thierry – Demeure des Blackney*


Le voilà à peine annobli que le jeune Blackney avait des idées de grandeur. Maintenant marié, il fallait bien offrir une demeure convenable à sa femme. Devant les sinoples et un petit sourire narquois se dessinait donc l’Oustau de Château-Thierry. Situé dans le centre de la majestueuse ville de Montpellier, l’Oustau, ou l’Hostel, selon le langage utilisé se positionnait près de la Mairie et la Cathédrale, non loin de la demeure de Compostelle ainsi que de celle des Von Frayner. Quartier de nobles, quartier luxueux, quartier pour un Blackney. Déchu ou pas. Le jeune homme fixa les fenêtres salies par le manque d’activités et du fait qu’elles étaient encore neuves d’habitation. Moins dépérie que les débuts de l’Oustau de Mortain à Orthez – appartement de son père – l’Oustau de Château-Thierry devait subir quelques menus changements, mais devant s’occuper de sa Seigneurie de Falmignoul avant, le jeune homme y penserait plus tard. L’important c’est qu’elle était habitable. L’idée de faire venir du marbre de noir de la Principauté de Dinant où se trouvait sa seigneurie fit sourire le jeune homme, malgré sa mauvaise humeur actuelle. Faut dire que ses affaires maritales n’allaient pas au mieux… Autour de lui, quelques légers bruits du réveil de Montpellier, alors que le soleil levant venait découper la toiture de la bâtisse et affirmer le porche qui semblait s’éveiller avec la ville. La tour quand à elle – la seule, contrairement aux Von Frayner qui en avait deux – se faisait présomptueuse en étant tournée vers la rue. Elle aurait droit à quelques travaux de maçonnerie, mais Enzo en restait bien fier. Une tour à son époque était chose très classe, et il le savait très bien. De plus, elle saurait très bien garder la demeure et protéger les affaires du jeune homme et de sa femme. – Bien entendu pas là pour l’instant à cause d’un fâcheux évènement.

Les murs arboraient les armoiries du Blackney tant ceux de sa famille que ceux de sa Seigneurie à Dinant. Soutenant son regard sur le porche, Enzo s’y avança l’air agacé, tandis qu’un Nortimer empressé s’agitait à ouvrir à son jeune maitre. Au delà se dessinait la cours, quelques arbres et fleurs languedociens qui s’animaient sous le climat sec du Languedoc. Climat très différent de la Normandie, et même de Béarn, mais ne déplaisait toutefois pas au jeune normand. On s’y habituait, et il s’y plaisait. Ça n’était pas pour rien qu’il s’y était installé à peine marié. Et ça n’était pas nécessairement pour faire plaisir à son insolente de femme qui semblait bien apprécier Montpellier. Il avait hésité entre Mende et la Capitale, et cette dernière avait gagné par ses étalages qui avait semblé à Enzo être plus garnis et plus diversifiés. De plus, le port naval le faisait envier, et l’espoir d’avoir son propre bateau avait aidé à balancer son choix. L’air marin, était chose qu’il adorait respirer, au contraire de certaines personnes. Pénétrant dans la cours où se taillaient quelques arbustes pour délimiter et faire plus joli, Enzo indiqua d’un geste sec de refermer derrière lui. À sa droite se trouvait les écuries pouvant accueillir un maximum de trois à quatre chevaux, mais des anneaux de métal avaient été aussi disposés sur le mur de pierre entourant la demeure. De l’espace pour d’éventuels carrosses avaient été mis à disposition, et tout était placé pour permettre une circulation fluide dans la cours. Cette dernière n’était pas aussi grande que celle qu’il avait connue à l’Oustau de Mortain et ne laissait guère de place pour s’entraîner, mais le jeune homme était ambitieux. En temps et lieux, et lorsque ses bourses se seront stabilisées, il veillerait à organiser un espace pour, ce même si pour ça il devait acheter la demeure voisine. Mais il n’en était pas encore là.

La cuisine, dans les dépendances, à la droite du jeune Blackney donc qui s’aventurait tout droit, vers le Logis, n’était pas encore tout à fait adaptées pour le couple, mais des fourneaux y étaient déjà installés, permettant de garder une certaine chaleur dans la demeure en hiver, ce qui n’était pas négligeable. Il fallait juste adapter le tout pour permettre une bonne circulation, et surtout avoir une utilisation optimale par le cuisinier qu’il devrait embaucher, ce qui fit soupirer le jeune homme rien qu’à l’idée. Tout près, toujours dans la cours se trouvait un puit pour permettre de garder le bâtiment propre, et surtout d’avoir de la flotte à disposition plus facilement, ce qui semblait pour le jeune homme un luxe non négligeable qu’il savait apprécier à sa juste valeur – et ce même s’il était actuellement fort mécontent. D’une démarche rapide, quoiqu’un peu chancelante à cause des quelques verres ingurgités auparavant, le jeune homme se dirigea donc vers le Logis qui faisait face au porche, malgré les plusieurs mètres qui les séparaient, puisque la cours se retrouvait à être devant, donnant la forme d’un U à la demeure. Le logis, quand à lui, donnait sur trois étages où se trouvait principalement la grande salle, ainsi qu’un bureau de travail où étaient étalés quelques courriers qu’Enzo n’avait pas encore lus, en ce qui concernait le rez-de-chaussée. Le deuxième étage était peut utilisé, disposant de plusieurs pièces bien éclairées par les fenêtres à meneaux donnant sur la cours et l’arrière de la demeure. Les pièces se trouvant être des chambres communes et privés, pour la plupart inoccupées pour l’instant, le jeune Blackney n’autorisant toujours pas Gabrielle à avoir sa propre pièce.

Pour ce qui était des gens qui entretenaient l’endroit, des chambres communes et certains aménagements pour les « familles » avaient été fait dans les dépendances pour permettre une séparation entre les gens et les propriétaires. Seul Audoin avait droit à une chambre commune – même s’il y dormait seul – pour l’instant, dans le Logis. Ce qui avait de la gueule tout de même. La garde-robe y était aussi située. Une armurerie serait mise à disposition au rez-de-chaussée plus tard, dans une des grandes pièces encore inutilisées. Pour ce qui est du troisième étage, il était complètement désert. Autant de vie que de meubles. Il faut dire que la demeure était habitée depuis peu, et qu’elle faisait encore un peu vide. Entre Montpellier et Falmignoul, le jeune Blackney n’avait guère le temps d’adapter son Oustau. Ne serais-ce que la cave qui n’était pas du tout faite pour accueillir les bons alcools de ce Royaume pour l’instant. Mais cela viendrait, à force, tout comme la construction d’un corps de garde lui semblait être une bonne idée. Toutefois, l’humeur du jeune Seigneur n’était point aux grands projets, ni même à ses idées de construction ou autres. Effectivement, c’est d’humeur massacrante qu’il fit claquer quelques portes à peine rentre dans le Logis, osant même envoyer valser le verre de vin qu’on lui présenta presque gentiment. À ses côtés s’agitait un Nortimer qui semblait avoir un message à délivrer au grand malheur de ce dernier, et d’Enzo d’ailleurs. Faut dire que la dispute avec sa Femme qui n’avait aucune envie de rentrer faisait grave crisper le jeune homme. Vrai qu’il l’avait baffée, mais ça n’était point une raison pour ne pas écouter son mari ! Surtout qu’elle n’avait encore jamais visité la demeure à son souvenir, puisqu’ils dormaient plus ou moins encore à l’auberge le temps que les meubles arrivent et soient mis en place. Les déménagements n’ont rien de très facile.


- « Monseigneur… »
- « Quoi ! »
- « Je…»
- « J’ai pas que ça à faire ! Dites. Et où avez-vous mis le tonneau de cidre ! J’ai soif ! »
- « … »
- « Nortimer, Parlez !
- « Une missive pour vous. À propos de rumeur… »
- « Quelles rumeurs? »
- « Celles à propos du fait que vous êtes déshérité Monseigneur…»
- « Quoi ? »
- «…»
- «…»


Le jeune homme s’empara d’un geste brusque de la missive et en fit sauter le sceau pour lire à toute vitesse. Effectivement, la rumeur disait bien qu’un crieur du Mont Saint-Michel avait hurlé la nouvelle, en les terres qui avaient vu grandir le jeune homme, qu’il était maintenant déshérité. Fronçant un peu les sourcils, Enzo envoya la lettre choir sur le sol, tandis qu’il se déposa lourdement sur la première chaise qu’il eut à sa disposition, sans omettre de donner un coup de pieds dans le mobilier et de jurer sans scrupules. La question était déjà de savoir comment son père avait t’il pu être au courant de son mariage secret avec Gabrielle. Vrai que pour que la rumeur de son déshéritage vienne jusqu’au Languedoc, les crieurs devaient bien se transmettre les messages, mais reste néanmoins que son mariage avait été secret, et les bans publiés de façon à ce que rien ne s’ébruite. C’était invraisemblable. Si les sinoples montraient un gros agacement depuis l’instant qu’il les avaient pointés sur le porche, là ils étaient carrément en colère. Des émotions diverses s’entretuaient dans sa tête, mais surtout une image se dessinait dans sa tête : Tout était de sa faute à Elle. La question étant le regrettait-il… ou pas. Enzo jeta un œil sombre à Nortimer, qui, entre ses doigts,froissait sa chemise.

- « Qu’est-ce que vous faites encore là ! Bougez ! »
- « Oui… mais où ? »
- « Imbécile ! Bougez ! Arrangez –vous pour qu’Audoin me ramène ma femme. Et vite ! »
- « Mais…»
- « VENTRE-DIEU ! FAITES SI VOUS NE VOULEZ PAS QUE JE VOUS ÉVENTRE LÀ, MAINTENANT ! »


*Je remet à qui de droit : JD Ludwig Von Frayer. En espérant qu'il ne se vexera pas de cette reprise que j'aimais bien.

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©JD Marin
Gabrielle_montbray
[Une femme, une vraie femme, c’est une femme avant tout qui n’est pas féministe.*]

Des rues pavées, des remparts, une porte, une négociation pour réussir à sortir de la ville en pleine nuit, la plage, une bouteille de whisky. Et Gabrielle boit, un peu, en regardant les vagues… enfin, en les devinant dans l’obscurité, juste éclairées par la lune. Evidemment sa lanterne est restée à l’auberge, elle n’avait pas vraiment prévu le tournant que prendrait sa soirée. Gabrielle écoute le bruit de l’eau mais ça ne la calme pas. Enervée elle est, énervée elle restera, et triste aussi, un peu. Ou beaucoup. Elle ne sait plus trop bien, les émotions se mélangent et le whisky n’aide pas à avoir les idées claires. D’ailleurs, elle arrête de boire, se relève et retourne vers les remparts. Nouvelle négociation. C’est qu’on ne rentre pas dans les villes comme dans un moulin et que les honnêtes gens ne se baladent pas la nuit. Fort heureusement, elle est reconnue et on lui ouvre la porte.
Gabrielle se retrouve donc à errer dans les rues de Montpellier. Et comme à chaque fois qu’elle ne sait pas où aller, elle finit par se retrouver les fesses posées sur une chaise de la taverne de Traverse. Elle en a les clés ce qui facilite bien les choses. Elle y dormira certainement… plus tard, quand le sommeil la prendra, les premières heures du jour sont là, mais elle n'a pas envie de dormir.

Alors en attendant, elle reste là, songeuse. Elle réfléchit à sa vie, à son mariage, à Enzo. Il a changé, Enzo. Il était déjà un peu possessif avant mais là, il l’étouffe. Il lui nie tous ses droits, elle est devenue sa possession, sa chose et il ne supporte pas la moindre contrariété. Elle lui doit tout, obéissance, respect, soutien, fidélité et j’en passe. Alors que lui… Gabrielle donne un coup de pied rageur dans la chaise la plus proche. Pour qui se prenait-il à la fin. Elle n’allait certainement pas s’écraser devant lui. Elle était patiente, elle lui passait beaucoup, mais elle avait ses limites. Limites qui avaient été franchies cette nuit. Enzo venait de perdre une chose précieuse, une chose dont il n’avait pas conscience, une chose dont il se foutait probablement : la confiance de Gabrielle. Il avait trahit sa promesse. Une promesse importante. Celle de ne jamais lui faire de mal.
Sa joue lui brûlait encore. La gifle n’était rien, elle s’en remettrait vite. Mais c’était un symbole. Il voulait avoir la main mise sur sa vie et ça, ça n’était pas admissible.
Peu importe son avis, peu importe sa violence, elle embaucherait Cillien sur ses propres écus, elle la ferait rentrer dans leur foyer, et elle aurait une alliée à ses côtés. Isleen était là bien sûr, mais elle travaillait pour Enzo. Audoin, Nortimer, tous étaient au service du jeune homme. Alors elle aurait aussi quelqu’un à ses côtés. Si Enzo voulait l’embaucher pour des extras pour ses mystérieuses affaires, grand bien lui fasse, mais Gabrielle avait jeté son dévolu sur la brune. Ca serait elle et pas une autre.

Gabrielle en était là de ses réflexions quand la porte de la taverne s’ouvrit avec fracas. Et m*erde, elle avait oublié de la fermer à clé. Elle s’apprêtait à dire que l’établissement était fermé quand elle reconnut l’homme. Audoin. Et s*hit** ! Il était évident pour elle qu’il était envoyé par Enzo pour la ramener de gré ou de force à l’auberge. Même pas fichu de se déplacer lui-même le Grand, c’est dire à quel point elle ne devait pas être grand chose à ses yeux.
Enfin. Gabrielle soupire et se lève. Résister ne mènerait à rien et elle voulait s’éviter l’humiliation d’être soulevée comme un sac de blé par le garde. Elle se contente donc de lui jeter un regard noir et le suit en trainant des pieds.

Mais ils ne vont pas à l’auberge. Audoin emmène Gabrielle devant un grand porche. Elle le regarde pendant qu’il se fait ouvrir la porte. Et elle comprend aussitôt. Enzo a acheté une maison. Sans lui dire évidemment. Elle soupire et entre dans la cour. Elle jette un œil à ce qui l’entoure. La bâtisse lui semble immense, la cour aussi. Moins que le château loin là bas dans le nord mais tout de même. Il y a des écuries semble-t-il, sur sa gauche, à droite ce qui ressemble à des dépendances, et, face à elle ce qu’elle suppose être le logis principal. Là où Enzo doit être, là où elle est censée vivre… avec lui.
Elle suit donc Audoin qui, lui, à l’air de connaître les lieux. Elle entre à sa suite dans le bâtiment et se retrouve dans une grande pièce. Presque vide. Quelques meubles, une cheminée, et Enzo.
Gabrielle se crispe légèrement mais s’avance néammoins vers lui et s’arrête à quelques pas. Elle le regarde. Il est en colère toujours. Il a son regard sombre des mauvais jours et Gabrielle sait qu’elle risque d’en faire les frais. En cet instant – et pour la toute première fois depuis que son regard a croisé celui d’Enzo il y a de cela plusieurs mois – Gabrielle sent une émotion nouvelle pointer à l’égard de celui qui est devenu son mari. De la crainte. Oui, Enzo lui fait peur.
Mais elle est là et elle ne reculera pas.


Tu voul… Vous vouliez me voir ?


*Sacha Guitry
** M*erde

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Enzo
    « Les héritages c'est comme les chromosomes, ça se choisit pas. »
    de Jean Forest


Cadet, adjectif : Qui est né après l'aîné ou qui est le plus jeune des frères et sœurs.

Enzo était assis, observant la cheminée vide de feu. Faut dire que par cette chaleur il fallait être imbécile pour allumer un peu ou être très malade. Ou les deux. Mais ça n'avait guère d'importance. Les doigts du jeune Blackney tapotaient d'impatience l'accoudoir de la chaise, tandis que ses jambes bougeaient de l'angoisse qui le travaillait. Il s'agitait au lieu de hurler et de tout casser. Un contrôle ? Certains pourraient croire que oui, mais ça n'était pas vraiment ça. Les tripes serrer, l'alcool circulant encore dans son sang, l'angoisse, la violence, la crainte et la colère se mariait et faisait un étrange mélange que le jeune homme craignait de déverser sur le sol s'il se levait et se mettait à taper tout. Alors il restait assis et s’énervait sur sa chaise sans dire un mot. Le silence prenant sa place avec dignité dans la pièce. Les rares personnes étant à son service actuellement n’osaient dire un mot, comme si tous craignaient la colère du jeune homme. De caractère instable, chacun d’eux savait un peu à quoi s’en tenir avec Enzo.

Certaines rumeurs circulaient bien, et il paraissait qu’il était déjà bien odieux avec les gens quand il habitait encore chez son père. Mais ça n’avait plus d’importance ce jour, puisque le fils cadet n’était plus qu’une erreur. Quelque chose a oublié de la part de son propre père. Renié. Déshérité. Tout ça, parce qu’il a cru agir avec honneur en n’utilisant pas Gabrielle comme une maitresse. Vrai qu’il en avait manqué envers Elizabelle, mais ça n’était pas pareil… Elle aurait pu lui pardonner, vouloir le revoir qu’il n’aurait pas tenté de trouver une échappatoire vers Gabrielle. Qu’il n’aurait pas eu besoin de chercher un ancrage à sa vie qui dérapait parce que sa jeunesse lui avait fait tombé les braies. Il serait revenu, aurait fait tout pour se faire pardonner, pour regagner l’honneur perdu si elle aurait bien voulu de lui de nouveau. Mais non. Alors, il l’avait laissé filé la jeune fille. Et il s’était rendu compte qu’il portait pour elle une grande affection, réelle, mais que l’amour n’était qu’image. Une façon d’oublier le deuil toujours mal fait de sa mère. Une façon de créer un bien-être loin de la réalité qui l’angoissait. Loin de ses pulsions, de ses désirs parfois noir, de la cruauté du monde. Un soupire quitta les lèvres tremblantes du jeune homme. La folie d’un soir l’avait mené bien loin. Trop loin ? Il n'en était plus bien sûr. Il portait un regard nouveau sur Gabrielle maintenant. Il ne savait pas bien comment c’était arrivé, mais ça c’était installé. Malgré lui. Bien contre son gré. Dire qu’il la détestait au début…

Autre soupire, tandis qu’un verre de vin rouge vient d’être glissé entre ses doigts tremblants. Il avait hésité longtemps avant de prononcer sa demande. Son ordre. Il en avait discuté, par lettre avec Cooky, tandis qu’il se demandait ce qu’était l’honneur qu’il devait récupérer dans le Languedoc. À côté, quelques relations se stabilisaient, dont celle avec le Prince de Dinant qu’il n’avait pas apprécié au premier abord et lui avait fait rebrousser chemin de la Bretagne – Pays de sauvages ! - Il avait ensuite fuit, n’acceptant pas tout ce qui se passait en lui. Il avait passé proche d’y laisser sa vie. Est-ce que sa famille s’était inquiétée de sa disparition ? Du tout. Peut-être n’avait-elle pas été mise au courant après tout, mais si son père avait été capable par il ne savait quelle façon de son mariage avec Gabrielle il aurait su pour la disparition de son fils cadet non ? Le breuvage rouge vin rejoindre les lèvres du jeune homme tandis qu’il demeurait nerveux, ayant une envie de lancer le contenu de son gobelet en étain sur le sol, et de lancer le dit objet contre le mur. Le silence pesait, la tension devenait palpable donnant l’impression que le jeune Seigneur de Falmignoul allait explosé à tout moment.

Faut dire que l’impulsivité et l’humeur changeante du Blackney avait de quoi faire reculer certain. Et pourtant, Dieu savait comme le jeune homme était terriblement sensible. Sans doute était-ce pour cela qu’il était si arrogant, distant et instable. Pour ne rien montrer, pour ne pas laisser les vils sentiments prendre le dessus. Rester homme. Comme si avouer quoique ce soit faisait d’un homme une gonzesse. Les sinoples allèrent croisés Nortimer qui restait discret. Plus que d’accoutumer, ce qui fit amorcé un léger sourire narquois sur le visage du jeune homme. Il n’aurait jamais dû être héritier. Son dessein avait été écrit, même s’il avait une certaine liberté. Il aurait dû s’y tenir. Détester son frère aîné, et tenter de faire son deuil correctement. Mais non. Hervald avait disparu, le laissant seul et démuni. Et Enzo avait tout fait foiré. Comme le petit con qu’il était. S’il avait réussit à gagner un peu d’estime chez certain noble, et à devenir Grand Escuyer du Prince de Dinant, et être Seigneur de Falmignoul, il n’avait pas réussit à être la fierté de son père. À cause d’Elle. D’Elle, d’une folie d’un soir, et d’un amour impossible, incontrôlable, et de sa vision de l’honneur. S’il n’avait pas choisit son héritage, il avait choisit sa vie. En quelques sortes. Et maintenant parce qu’il avait voulu choisir quelque chose dans sa vie de noble, on lui retirais ce qu’il n’avait jamais réellement voulu. Enzo envoya le reste du vin dans le fond de son gosier et d’avaler en gardant un goût amer sur sa langue. Après sa sœur qui ne voulait plus rien savoir de lui alors qu’ils étaient très attachés, voilà qu’il n’avait plus du tout de famille maintenant. Que Gabrielle. Sa femme. Celle pourquoi il était dans cet état. Celle sur qui il avait levé la main en public ce jour… Celle qui venait de pénétrer dans le Logis avec Audoin. Les sinoples la détaillent, le corps se crispe, le cœur bat la chamade, la mâchoire se durcit et le gobelet est laissé tombé dans un fracas sur le sol.


- « Oui…»


Devait-il lui dire de vive voix ? Comment ? Comment lui expliquer. Devait-il mettre tout ça sur sa faute à Elle ? À lui ? À eux ? Rien n’était bien clair dans cette histoire, et le drame éventrait le jeune homme de l’intérieur qui n’avait qu’une envie : Vider ses tripes sur le plancher et casser des gueules. Boire aussi. Beaucoup. Jouer au ramponneau et perdre beaucoup d’argent. Et encore casser des gueules. Le jeune homme détourna son regard vert de sa femme et donna un coup de pied vers le papier qui gisait sur le sol. La seule explication. Il n’avait aucune envie de parler là, maintenant. Enzo se relava brusquement de sa chaise, chancelant de la boisson qui circulait toujours dans ses veines et alla vers la cheminée pour s’appuyer sur le rebord, observant l’intérieur ou aucun feu n’était allumé…Aussi vide et dépourvue de vitalité que l’était actuellement Enzo, malgré toute ses émotions contradictoires. Il avait tout perdu. Pour Elle. S’en rendrait-elle compte ?
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©JD Marin
Gabrielle_montbray
[Familles, je vous hais ! Foyers clos ; portes refermées; possessions jalouses du bonheur.*]

Il ne dit rien. Il la regarde juste. D’un regard dur et pénétrant. Des yeux verts et glacés qui lui pénètrent l’âme aussi sûrement qu’un coup d’épée lui ouvrirait le ventre. Il la détaille comme s’il hésitait encore sur quoi faire d’elle, comme s’il réfléchissait au sort qu’il lui réserve. Elle aurait envie tout autant de lui rendre sa gifle que de le prendre dans ses bras. De l’amour à la haine. De la haine à l’amour. Elle ne lui pardonne pas son geste. Elle ne le méritait pas et il avait promis. Et il avait trahi. Alors il pouvait bien la jauger, la toiser du haut de sa hauteur, il pouvait bien recommencer qu’elle ne reculerait pas. A sa violence à lui, elle n’opposerait qu’un regard dans lequel il pourrait lire le mépris et la peur. Peut-être bien que c’est déjà ce qu’il pourrait y voir s’il prenait la peine de la regarder vraiment. Mais il ne le fera pas, il ne le fait jamais.
Elle sursaute quand il lâche le gobelet qui claque au sol et dont le bruit résonne dans la grande salle encore presque vide de meubles.


Oui…


C’est tout ce qu’il dit. Tout ce qui sort de la bouche souvent embrassée avec passion, mais dont parfois Gabrielle rêverait de faire sortir les mots qu’il ne lui dit pas. Oui. Juste ça. Rien d’autre.
Alors elle reste là, le cœur encore battant du son venu briser le silence. Elle le regarde aussi, ses yeux bleus sombres fixés dans les émeraudes froides qui lui font face. Puis il détourne le regard. Pas parce qu’il ne peut soutenir le sien, non, certainement pas, plus probablement parce qu’il se lasse de ce petit jeu. Enervé il est. Plus que ça même. La pièce vibre d’une sourde colère et Gabrielle ne sait toujours pas pourquoi. Elle attend qu’il explose, qu’il ouvre les vannes, qu’il lâche son courroux sur les objets, sur Audoin, sur Nortimer, sur elle, peu importe, qu’il explose et qu’on en finisse.
Un coup qui part. Juste un coup de pied sur un malheureux parchemin. Juste ça. Et un mouvement brusque pour se lever, mouvement qui fait fermer les yeux à Gabrielle mais rien ne vient et quand elle rouvre les paupières, elle peut voir Enzo appuyé sur la cheminée, le regard perdu dans le foyer vide de flammes.
Elle reste un peu incertaine. Oui. Juste oui et un coup de pied dans un papier. Rien d’autre. Elle regarde Nortimer et Audoin, juste un coup d’œil. Présences souvent agaçantes mais un rien rassurantes en cet instant. Et puis, ses yeux glissent sur le parchemin abandonné sur le sol. Alors elle le ramasse et elle le lit.

Bloody bastard** est la première pensée qui lui traverse l’esprit. La seconde c’est « qu’ils crèvent tous les deux ». Ainsi donc, Alcalnn renie son unique fils, le seul qui lui reste. Quel odieuse ordure. Lui et son imbécile de fille reniaient le peu de famille qui leur restait. Sans avoir jamais cherché à comprendre, à revoir leur fils et frère, sans jamais lui avoir accordé la moindre chance. Un couple malfaisant et nauséabond, accrochés à son Mont comme les moules sur leurs rochers. Un couple incestueux dans la médiocrité et la bassesse.
Gabrielle sentit monter en elle un sentiment nouveau mais qu’elle identifiait parfaitement, une haine absolue et sans retour possible. A partir de ce jour, Alcalnn et Hélène n’étaient plus rien, que des chiens à abattre. Ils avaient employé les moyens les plus vils, elle se montrerait plus subtil. Elle n’aurait pas leur bêtise, non.

Elle posa les yeux sur Enzo. Son mari. Il lui en voulait très certainement de cette histoire. Si elle n’avait pas débarqué dans sa vie, il serait marié avec Elizabelle. Il s’emmerderait très certainement à supporter ses caprices et ses drames permanents mais, après tout, c’était un droit qu’on ne pouvait enlever à personne que de s’ennuyer auprès de sa femme. Gabrielle n’avait rien fait pour s’accrocher à Enzo, elle l’avait laissé libre, elle avait été persuadée qu’il retrouverait les bras de sa promise et qu’il ne serait qu’un joli souvenir. Si les choses avaient tourné différemment, elle n’en n’était pas responsable et elle se refusait absolument à en endosser la culpabilité Un concours de circonstances avait fait de leur vie ce qu’elle était. D’abord la lettre d’aveu d’Enzo à son père, puis leur exil à tous les deux, puis une idiote qui ne devait pas tant que ça tenir à lui pour avoir lâché Enzo comme une vulgaire paire de vieilles chausses au premier faux pas. Alors Gabrielle voulait bien assumer ses torts dans cette histoire, mais elle n’était certainement pas responsable de tout.
Elle sentait la colère monter en elle. Elle maudissait son père qui avait donné le nom de Blackney à Alcalnn. Elle maudissait le Duc de ce qu’il venait de faire à Enzo. Mais si lui n’aimait pas son fils, si Hélène n’aimait pas son frère, Gabrielle, elle, aimerait son mari, toujours, envers et contre tous. Et elle l’aiderait. Elle lui apporterait son soutien sans faille. Elle ne le trahirait jamais. En cet instant, plus que jamais, Gabrielle se sentait prête à soulever des montagnes pour Enzo. Montagnes qu’elle jetterait un jour à la face de ceux qui l’avaient abandonné.

Enzo. Elle le regarde toujours. Elle ne sait pas quoi faire, pas quoi dire. Si elle s’écoutait, elle s’approcherait de lui et l’envelopperait de ses bras, elle lui dirait qu’elle l’aime, qu’elle sait ce qu’il a sacrifié pour elle et qu’il peut compter sur elle de manière inconditionnelle. Mais elle ne le peut pas. Il la rejettera, se moquera, lui dira qu’il s’en fout. Alors elle reste là, à le regarder qui lui tourne le dos. Qu’il est donc compliqué d’aimer un homme qui n’accepte ni ses sentiments ni les vôtres. Et Gabrielle de rester debout au milieu de cette pièce vide, la lettre dans la main droite, sous le regard des deux gardes de son mari.

Enzo… Je… Je suis désolée…

Oui, c’est tout ce qui sort. Phrase inutile et vaine. Phrase vide mais pourtant sincère. Et elle attend les reproches, et elle attend les cris, elle attend que la colère passe sur elle. Elle n’a pas d’autre choix. Ni soumise ni victime, juste amoureuse d’un homme qui ne sait pas aimer.


*André Gide
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Enzo
    « La foi consiste à ne jamais renier dans les ténèbres ce qu'on a entrevu dans la lumière »
    Gustave Thibon


Les sinoples se voilent derrière les paupières tandis que le poing se serre contre la cheminée, un lourd silence s'ensuit tandis que la salle reste tendu, attendant le moindre geste avec inquiétude et angoisse. Ça bourdonne, ça tremble l'attente. C'est le calme plat avant le tremblement de terre, avant le réveil du volcan. Et tous attendent. Bêtement. L'orphelin ne vient pas nécessairement avec le Deuil. La mâchoire crispé, le jeune homme reste absent et obstinément silencieux. Un frémissement se précipite sur l'échine, tandis qu'un délabrement s'installe à l'intérieur d'Enzo. La mort lui a retiré sa mère. Ses actions lui on retiré son père. Absent fût-il. Et sa sœur. Il était seul. Et dans sa tête se massent des soupçons, des idées qui tremblent de colère et de désœuvrement, des envies de hurler, de s'affaler comme le jour où il a dû faire face au deuil de sa tendre et chère mère. Sa seconde main vient se loger contre sa poitrine alors que sa respiration se fait haletante et qu'un parfum tragique s'installe autour du jeune homme et de la salle. Ça cogne, ça boue, ça s'expatrie il ne sait où et ça fait mal. Figé devant le vieux portail d'une page qu'il devra tourner, gisant presque devant les débris.

    « Mais au mur croulant fleurit toujours ses petites pousses inattendus. »


Enzo se détourne donc de la cheminée vide pour planter son regard glacial sur Gabrielle. LA cause de ses tourments. Depuis le début, il savait qu'elle lui emmènerait des emmerdes. Elle n'aurait jamais dû intégrer sa vie. Elle aurait pu s'arrêter n'importe où dans le Royaume, mais il avait fallu qu'elle s'arrête à Orthez. Qu'ils se cherchent, qu'ils soient orgueilleux et se donnent un à l'autre - quoique Enzo ait plus prit que donner - Il aurait toute les raisons du monde de la détester. De la repousser, la renier et briser leur mariage si neuf encore. Et pourtant il ne dit rien. Il fait supporter son silence à tous et chacun encore un instant. Il ne dit rien, mais il la toise avec violence. Une violence froide qui n’a besoin d’aucun mot pour être comprise. Et un pas. Et puis deux, avant de s’arrêter et se détourner de nouveau. Il angoisse, il aurait envie qu’elle parte. Qu’elle disparaisse, et qu’il s’effondre démuni. Ils voudraient qu’ils partent tous. Et pourtant il n’a pas réellement envie de rester seul. Il n’a jamais aimé être seul à vrai dire, mais ça n’a guère d’importance. Quelque chose se métamorphose chez le jeune homme. Quelque chose qui est difficile à définir. Autrement il aurait pu hurler, s’attaquer à tout, et même si une sourde colère grondait en lui il ne réagissait peu. Seuls ses sinoples glacés et la tension dans le lieu démontraient qu’il s’y passait quelque chose de grave. Une mauvaise humeur massacrante venait prendre place déjà qu’il n’avait pas l’humeur joviale à cause de la scène de ménage eu avec Gabrielle. Autour de lui tout tangue. La boisson ou l’angoisse ? Rien n’est bien certain. Une main se glisse dans sa chevelure alors qu’il va figer ses yeux dans le sol.

- « Tu es désolé. »

Petit rire nerveux, alors qu’il s’agite doucement et que le rire s’intensifie légèrement.


- « Tu es désolé, Gabrielle…

Enzo éclate de rire littéralement. Il renie ses émotions, mais rit avec condescendance, avec violence comme si sa femme était devenue pendant un instant rien. Qu’une miette dans sa vie. Une pauvre tâche qui le poursuivra toute sa vie. Une erreur monumentale. Oui, c’est ça, Gabrielle n’était plus qu’un boulet qu’il devra trainé dans sa prison au barreau de fer. Elle lui avait empoisonné l’âme et retiré de sa sécurité. Elle était la ravisseuse ! Elle l’avait ravit de ses attaches, de sa famille. Il n’était qu’une victime de la fourberie d’une Femme !

- « Pourquoi Gabrielle ? Pourquoi êtes-vous désolée ? Dites-moi ! Est-ce que vous vous sentez coupable de ce qu’il m’arrive ? Comprenez-vous que c’est de VOSTRE faute. Que sans vostre arrivée dans ma vie tout serait différent ! Que pour VOUS je me retrouve déchu. Orphelin ! »

Les mots sont accentués par des gestes violents. Dans le vide certes, mais néanmoins expressif et dangereux. Il perd la raison. Dérape dans la colère, s’étrangle et se perd dans ses pulsions, perdant le contrôle qu’il semblait avoir quelques minutes auparavant.

- « Je pourrais vous casser si je le voulais… Là, maintenant. Vous ne seriez plus rien. Plus qu’une erreur du passé. »

Et pourtant, alors qu’il avait avancé de plusieurs pas pour se planter devant sa femme, le Blackney ne leva pas une main. Allait-elle fermer les yeux ? Allait-il entendre le cœur de Gabrielle battre la peur ? Il n’en savait rien, mais il ne pouvait se résoudre à la battre, à la reléguer aux oubliettes comme si elle était le gâchis de sa vie. Non, ça ne pouvait se passer comme ça. Enzo se détourna et recula d’un mouvement violent, une grimace de mépris sur le visage.

- « Vous avez de la chance que je ne puisse pas vous renier. »

Puisse ? Non, ce n’était pas vraiment le mot. Il ne le voulait pas, mais il n’allait certainement pas l’avouer, mais il ne pouvait pas la renier. Parce qu’elle était tout. Parce que malgré sa colère il ne lui en voulait pas tant que ça. N’était-elle pas son âme sœur après tout ? Un soupire vient se glisser entre les lèvres du jeune homme qui se laissa tomber bien malgré lui à genou, face à une certaine impuissance. Il soupira encore et passe une main dans ses cheveux. Colère ou tristesse ? Hurlement ou pleurs ? Comment devait-il réagir à cette nouvelle ? Qu’était-ce être un homme quand on a perdu tout ? Il lui restait Elle. Était-ce assez ?

    « Il ne faut jamais renier ni ses actes, ni ses pensées, ni ses amours. »
    Maurice Dekobra


Agité, il reste là. Las, incertain de ce qu’il doit vraiment faire. Son estomac se remue et ses envies de frapper tout ne se calme guère, alors un point s’abat sur le sol. Audoin avança d’un pas comme prêt à calmer son maitre en cas de dérapage. Lui-même semble être dans un état différent. À qui doit t-il obéir maintenant ? Au père ou au fils ? Enzo secoue la tête, et lève alors le bras brusquement.

- « Donnez-moi à boire bandes d’abrutis ! »

Et de tenter de se relever et se donner un peu de dignité, Enzo relève le menton, jetant son regard de nouveau vers Gabrielle en se tournant vers elle. Non, il n'allait pas regretter Gabrielle. Ni ses choix. Il l'aimait, et même s'il ne savait pas comment, même s'il l'avouait qu'à demi mot, même s'il agissait plus qu'en bourreau qu'en mari, il n'allait pas refouler ses sentiments. Ni même les renier. Jamais. Foy de lui. Sols mats solidares !*

- « Je les hais. Plus que tout. Je les hais Gabrielle ! »


* Seuls mais solidaires, Cry d'Enzo

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©JD Marin
Gabrielle_montbray
[Tout cela ne vaut pas le poison qui découle
De tes yeux, de tes yeux verts
Lacs où mon âme tremble et se voit à l'envers...
Mes songes viennent en foule
Pour se désaltérer à ces gouffres amers.*]


Attendre. Ne pas bouger, ne rien dire, juste attendre. L’ambiance est lourde, l’atmosphère pesante et Gabrielle attend. Elle attend l’orage qui va exploser. Elle l’espère même, des cris, des reproches, des coups même, n’importe quoi mais pas ce silence étouffant. Et ce regard quand enfin il tourne les yeux vers elle. Deux grands lacs verts et glacés qui la fixent. Elle. Et personne d’autre. Un regard bien plus cinglant que toutes les gifles du monde, un regard accusateur, un regard dont la violence doit échapper à tous sauf à eux deux. Un regard qui lui dit plus que tous les mots du monde. Un regard qui lui donne envie de fermer les paupières pour s’échapper. Mais elle résiste. Et elle le fixe pendant qu’il la détaille et que ses pensées s’agitent. Elle croit presque les entendre les pensées de celui qui lui fait face.
Et elle se mord la langue pour ne pas lui hurler qu’elle n’est pas responsable. Qu’il a choisit. Qu’elle serait partie s’il lui avait demandé. Qu’elle l’aurait laissé reprendre le cours de sa vie. Elle a envie de lui crier d’arrêter de l’accuser de tout, de la maltraiter, de la violenter. Elle voudrait lui dire qu’il est son pire tourment tout autant que sa raison de vivre. Un jour, elle parlera. Un jour, proche ou lointain, il devra l’écouter et assumer. Mais pas maintenant. Alors elle reste là, bien droite au milieu de cette pièce. Elle se sent petite et faible, fragile presque, quand il s’avance vers elle. Elle doit se retenir pour ne pas fermer les yeux de peur. Oui, elle crève de trouille, elle a la gorge sêche et le cœur qui bat trop fort, mais elle ne bouge pas et elle le fixe, droit dans les yeux. Affronter sa peur, c’est ça le courage et il ne sera pas dit qu’elle en manque. Mais qu’il parle par pitié, qu’il dise quelque chose, n’importe quoi…

Comme s’il avait entendu sa supplique muette, Enzo parle. Et il rit. Ce rire nerveux et narquois qu’elle déteste. Ce rire qu’il a quand il est dans le mépris. Et il s’approche dangereusement avec de grands gestes pendant qu’il lui crache son venin en pleine face. Gabrielle se dit qu’elle doit puer la peur. Mais elle reste, à peine un mouvement de cils quand les gestes menacent et que la voix écrase.
Oui, elle est arrivée dans sa vie, et parce qu’elle est entrée dans une taverne quand il y était, leur vie a changé. Violemment et radicalement. Mais les coupables ce ne sont pas eux. On ne peut pas lutter contre… un sentiment. Parce que même s’ils ne se le disent pas, même s’ils ne se l’avouent pas, c’est ça qui les lie. Rien de plus simple, rien de plus banal, rien de plus destructeur.

Et Gabrielle regarde l’homme qu’elle aime lui dire qu’il pourrait la briser et faire d’elle une erreur du passé. Et puis… Et puis cette phrase « Vous avez de la chance que je ne puisse pas vous renier. » Elle ne sourit pas, non. Mais elle pourrait.
Enzo Blackney, tu ne sais pas dire je t’aime mais tu te trahis parfois. Comme là, en cet instant avec cette phrase. Bien sûr que oui, tu peux me renier, tu peux m’éloigner de toi et de ta vie, tu peux même m’en faire disparaître. Ce mariage est une hérésie, tu le sais et moi aussi, alors il serait facile de revenir en arrière, de l’annuler et de repartir comme si de rien n’était. Tu le pourrais mais tu ne le feras pas. Et je sais pourquoi. Mais je ferais comme si cela était un mystère pour moi. Ca en reste un malgré tout puisque jamais tu n’avoueras. Un jour, oui, je parlerai. Un jour, proche ou lointain, tu devras écouter et assumer. Et un jour, je te ferai parler. Ce silence te tue. Et il finira par me tuer aussi. En attendant ce jour…

En attendant, Gabrielle attend que la violence d’Enzo explose et s’abatte sur elle. Mais ça ne vient pas. Il tombe à genoux, homme brisé et perdu. Elle le regarde, un peu incertaine. Elle ose à peine respirer. Elle lève une main, une main qui meurt d’envie d’aller se poser sur une épaule, un main qui voudrait consoler, apaiser, réparer. Une main qu’elle retient parce qu’il lui en voudrait. Il lui expose sa faiblesse et son impuissance bien malgré lui, elle lui épargnera sa pitié et sa tendresse.
Gabrielle sursaute quand le poing s’abat sur le sol. Même Audoin semble inquiet. Il connaît Enzo depuis plus longtemps qu’elle, est-ce qu’il l’a déjà vu comme ça ? Elle n’en sait rien et elle ne lui demandera pas. Il y a entre le garde et elle toute la distance que leur rang, leur sexe et leur histoire leur imposent. Elle retient un sourire à l’ordre aboyé par Enzo. Oui, qu’il se saoûle, parfois l’alcool est le meilleur refuge. Elle le suit des yeux quand il se relève et qu’il la regarde de nouveau. Le regard a changé.


Je les hais. Plus que tout. Je les hais Gabrielle !

Elle fait alors un pas vers lui. Il est si proche, et il a besoin d’elle, elle est tout ce qui lui reste. Elle fait un pas, juste un, ce qui suffit à combler le vide entre eux. Elle est obligée de lever la tête pour le regarder, elle effleure sa main du bout des doigts.

Je sais…

Et maintenant ?

Viens.

Oublié le vouvoiement qu’il lui impose, elle est dans l’intime et le privé, pas dans la représentation. Gabrielle pousse doucement Enzo vers la chaise qu’il avait quitté jusqu’à ce qu’il se laisse tomber dessus. Elle lui glisse le gobelet de vin, amené par un Nortimer tremblant, entre les mains. Un mouvement de tête pour signifier au garde de déposer le plateau. Pas une bouteille sur le plateau, non, plusieurs. Il a du sentir l’énervement du maître des lieux et a préféré prendre les devants, Nortimer. Il n’est peut-être pas si crétin dans le fond. Gabrielle le regarde rejoindre Audoin près de la porte puis elle détourne les yeux. Elle s’habitue à ses présences continuelles et discrètes. Ils voient tout, entendent tout, savent tout, mais rien ne sort. Ca doit être ça la loyauté.


Enzo…


Gabrielle le regarde, elle est debout à ses côtés, joli symbole de leur vie déchue, eux deux contre le reste du monde. Cette fois-ci, elle vient poser sa main sur l’épaule d’Enzo, elle laisse les doigts courir sur les muscles noués, elle vient les perdre dans les cheveux bruns éternellement indisciplinés, puis elle se penche légèrement et murmure.


Je sais que ça n’est pas grand chose pour toi… que je ne suis pas grand chose. Mais je suis là. Et je serai toujours là. Toujours.


* Charles Baudelaire
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Isleen
Et pendant ce temps là…*

[Marcher sur un fil, c'est pas difficile, il suffit d'un peu d'assurance, mes affutiaux me donnent confiance]
Point de hauteur pour l’irlandaise, la taille est plutôt du genre riquiqui en comparaison des nouveaux propriétaires des lieux, car si elle ne se trompe pas, elle se trouve devant la nouvelle demeure de ses patrons. Non, le terme n’est pas vraiment juste, autant il convient au Grand, qu’elle se plait à appeler « Boss », et que même avec son caractère de chien et sa hauteur, elle regarde sans peur, autant elle ne peut appeler ainsi Gabrielle, un sourire s’esquisse fin et discret, non, lorsqu’elle pense à la brune, le mot « amie » s’impose à elle, cela malgré leurs multiples différences. Elle la prend comme elle est, même lui la prend ainsi sans vouloir la changer et elle apprécie plus que tout, en un sens elle leur en est reconnaissante. Ils savent ce qu'elle est, et l'accepte, et il lui a même permis, bien involontairement, de considérer ce que son père appelait une tare, comme un atout qu'elle met à son service. Et pourtant les choses changeront-elles avec ce mariage, avec cet emménagement, avec cette nouvelle vie ? Aura-t-on toujours besoin d’elle ou couperont-ils le fil qui la relie à eux ? La supportera-t-on encore longtemps, elle et son insolence, sa franchise directe ? L’irlandaise s’est toujours moquée de l’opinion des autres, mais c’était avant, avant que son père ne la mette lui même dans le bateau pour un exil sans retour, avant qu’elle ne s’échoue sur le sol breton, avant qu’elle ne rencontre le Grand, Gab, les autres, avant surtout qu’elle se laisse aller aux sentiments avec Phyl, avant qu’elle soit blessée de ces sentiments, d’y avoir cru, et qu’il lui soit enlevé définitivement pour rejoindre son créateur, avant qu’elle se sente seule, sans rien, avant qu’elle ne vacille sur le fil de sa vie.

[Masquer mes faiblesses, Cacher ce qui blesse, Une main de fer, Un gant de soie, ma crinière de feu me sauvera]
*

Là devant l’hostel qu’elle regarde de toute sa hauteur, le minipouse irlandais est prit d’un affreux doute, a-t-elle vraiment sa place ici ? Derrière le semblant d'assurance, ce cache un manque cruel de confiance, de confiance en soi surtout. Elle a sa place, ils lui ont dit, il lui on fait comprendre, ils l’appréciaient d'une certaine manière, donc oui, elle n’a pas à douter, et jusqu’à présent ils ne sont jamais revenu sur ce qu'ils disaient, fidèles à eux même, elle n'a donc pas à remettre leurs paroles en doutes. Elle s’en convaincra s’il le faut, il ne lui reste plus que cela à perdre, si elle perd ce peu là…Non ! D’un geste de la main la rouquine envoie voler en arrière la masse de ses cheveux, et s’avance, elle n’a pas de talons hauts pour se donner confiance, une chevelure couleur feu, suffit bien, suffit à reléguer le doute, la peur d'être laissé à nouveau derrière .

Et c’est quelques instants après avoir passer la porte ouverte par une bonne âme au service des Blackney, qu’elle entre dans un sifflement admiratif, ne sachant ou poser le regard. Les bâtiments ont beau avoir besoin d’un rafraichissement, l’irlandaise n’a jamais connu si grand, elle s’avance vers les écuries, faut bien commencer la visite par un coté, le regard partout à la fois, va falloir trimer un bon bout de temps avant que ça en jette de toute sa splendeur, elle espère qu’ils n’ont pas prévu que ses p’tites mains pour astiquer tout ça, sinon ils s’ront vieux quand ça sera fini et déjà que c’est pas dans ses cordes l’astiquage alors oui va falloir qu’ils aient prévu ! Dites moi qu'ils ont prévu !


adaptation de Jenifer – Sur le fil
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Enzo
    « Parce qu'il y avait avant. Et que maintenant, il y a Vous. »

Ainsi qu’un « nous ».

Alors les sinoples la détaille un instant quand quelques mots sortent de la bouche de Gabrielle. Il ronchonne légèrement, en réponse à l’effleurement, à ce « viens » et à la poussée qui l’amène à s’asseoir. Il se laisse tomber sur la chaise, dévisageant Gabrielle un court instant. Il aimerait la repousser, l’envoyé valser et exiger d’être seul devant son impuissance, sa fragilité qu’il montre trop, et pourtant il ne fait rien mise à par ronchonner. Et soupirer, même lorsqu’elle lui met le gobelet de vin entre les mains, Il resserre les doigts autour du gobelet, secouant la tête vers la gauche avant de faire tourner le vin et d’en prendre une gorgée. Pas une de ses gorgée pour goûté et savourer. Non. Une gorgée qui se veux forte, et qui va travailler le gosier. Pas autant qu’une bonne gorgée de whisky, mais ça fait son petit effet. Et c’est bien ce qu’il veux le jeune homme, fermant les yeux un instant, un malsain sourire venant prendre place sur ses lèvres. Il n’a pas vu que Nortimer tremble, et qu’il semble bien heureux de pouvoir s’éloigner grâce à Gabrielle. Non, il savoure son verre et sourit narquoisement, comme pour effacer la fragilité qu’il avait eue quelques minutes plutôt.


    Je suis gai! je suis gai! Dans le cristal qui chante,
    Verse, verse le vin! verse encore et toujours,
    Que je puisse oublier la tristesse des jours,
    Dans le dédain que j'ai de la foule méchante ! *


Boire pour se griser. Boire pour ne pas prendre plus conscience que ça du drame. Ça n’est pas l’héritage en tant que tel qui vient le tourmenter autant. Non. C’est qu’il n’est plus rien. Il n’est plus Blackney. Il n’est plus le fils d’Alcalnn et de Nennya. Sa mère. Son premier amour. Celle dont la mort venait encore le tourmenter. Qui venait saccagé ses nuits en de cauchemars périodiques. Gabrielle s’en rendrait bien compte parfois que son sommeil n’est pas toujours de tout repos. Il n’était donc plus le fils de celle qu’il avait aimé, aduler jusqu’à sa mort et même encore. Avait-il brisé sa mémoire en n’écoutant pas Alcalnn et préférant prendre les directions d’un cœur qui bat trop vite, et de ses sentiments qui s’affirment quand Elle est là ? Il était embrouillé. Incertain de ce qu’il aurait dû faire. Ce qu’il devait faire maintenant. Le vin vint de nouveau déshydrater son gosier tandis que ses yeux furent envoyés vers le vide de la pièce. Il avait déjà bu depuis que sa main était venue se fracasser sur la joue de sa femme. Le vin venait qu’empirer son état précaire, mal calmer ses angoisses et ses craintes. Il voulait oublié ne serais qu’un instant. Même s’il allait se souvenir demain. Il était même prêt à prendre le risque de la gueule de bois, tant qu’il arrêtait se chaos dans sa tête. Alors le jeune homme fini son gobelet en laissant sa langue venir taper sur son palais. Une main attrape la bouteille ouverte et le verre est de nouveau rempli. Que le vin, verse, verse…

    Pendant que tout l'azur s'étoile dans la gloire,
    Et qu'un hymne s'entonneau renouveau doré,
    Sur le jour expirant je n'ai donc pas pleuré,
    Moi qui marche à tâtons dans ma jeunesse noire!


Il ne regarde pas Gabrielle qui le regarde et a prononcé son prénom quelques secondes, minutes avant ? Il n’est plus sur du temps qu’il passe. Il sait que ça ne va pas bien vite, mais ça n’a pas d’importance. Il boit. Il se grise et c’est tout ce qui semble compter à ce moment là pour lui. Puis elle murmure, et Enzo de redresser son regard vers elle. Elle se tient debout près de lui. Les lacs irlandais venant rejoindre les océans sombres. Et il garde le silence. Oui. Ils sont un « un nous ». Ils sont deux. Ils sont eux. Chose que le jeune Blackney déchu n’a pas encore apprivoisé, mais il ne peut pas la rejeter. Est-ce réellement pas grand chose pour lui ? Rien n’est bien sur. Alors il la fixe et lui tend son gobelet qu’il amène à la bouche de Gabrielle.

- « Bois ! »

Et il penche le verre pour qu’il se déverse. Si elle ne boit pas, ça lui coulera sur la chemise et elle en aura une de moins. Il s’en fiche. Il est égocentrique là le jeune homme, et plus rien n’a d’importance sauf lui. Lui et ses désirs. Lui et ses bouteilles de vin. Potentiellement, elle. Reprenant son gobelet, Enzo attrape le poignet de Gabrielle insistant pour qu’elle prenne place sur lui. Il alla déverser son souffle rauque a l’odeur de l’alcool contre le coup de sa femme, une main se plaçant sur la hanche pour glisser sur la cuisse, et remonter vers l’intérieur et aller se poser sur la poitrine de Gabrielle. Il se vengerait plus tard. Pas d’Elle. Non, de cette nouvelle. De ce drame. Mais l’alcool à certains avantages, et même s’il a envie de boire pour oublier, les mots de Gabrielle sont venu le calmer un peu. Un « Nous » ils sont. Seuls et contre tous. Alors oui, il a glissé sa main sous la chemise de Gabrielle pour attraper un mont. Devant tous. Impudence ? Provocation ? Un tour d’alcool ? Peu importe. Et l’autre main de se lever pour intimer l’ordre à tous de quitter la pièce.

    Oui, la vengeance attendra, car qu’importe, tant que le vin est bon et la chair ferme. La suite étant plus ou moins confuse dans l’esprit du jeune homme…


*Les deux strophes proviennent du poème la Romance du Vin d'Emile Nelligan
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©JD Marin
Gabrielle_montbray
« Au lieu d'instinct, ne vaudrait-il pas mieux parler d'une fabuleuse pression sociale pour que la femme ne puisse s'accomplir que dans la maternité ? »
- Elisabeth Badinter –


- Quelques jours plus tard, mi août 1460, chambre des maîtres -


Holy sh*it ! Bloody hell ! Bordel de m*erde ! Je vais le tuer ! Je te jure, je vais le tuer ! Isleeeeeeeeeeen ? Ah… tu es là.

Bah oui, elle est là la rousse. Elles boivent des coups ensemble, elles se confient leurs petits secrets, elles sont amies, mais il n’en demeure pas moins que l’irlandaise est l’employée d’Enzo, et donc un peu la sienne, même si Gabrielle ne la voit pas du tout ainsi. Mais si elle l’appelle, la hiérarchie fait qu’elle doit venir. C’est certainement très con et très injuste, mais c’est comme ça que ça fonctionne. Et là, Gabrielle a demandé à Nortimer d’aller lui chercher Isleen.
Il est là d’ailleurs le garde - souffre douleur - homme à tout faire, à la regarder d’un œil incertain, certainement un peu inquiet de l’entendre crier ainsi. Elle le renvoie d’un geste de la main et vérifie que la porte de la chambre est bien fermée. De leur chambre puisqu’Enzo ne veut pas qu’elle ait la sienne. Leur chambre avec leur lit, un lit qu’ils fréquentent un peu trop activement. Et pas que le lit, certains murs ont tremblé de leurs ébats, et la table, et les écuries, et des tas de chambres d’auberge, et des caves et…


Je n’en reviens pas qu’il ait osé me faire ça ! Je te jure, Isleen, il va le regretter. Je vais lui interdire de m’approcher et de me toucher ! Comment a-t-il pu ? Damned !


Et Gabrielle d’envoyer contre la porte ce qu’elle trouve à sa portée. Il y tenait à ce vase ? Tant pis ! Elle a envie de tout casser, de retourner le lit, de frapper les murs à défaut de le frapper lui pour l’affront qu’il a osé lui faire !


Je le déteste, Isleen, je le déteste vraiment.
Je ne veux plus jamais le voir…

Bien sûr que si, elle a envie de le voir. Et bien sûr que non, elle ne lui interdira pas de la toucher. Et très probablement la petite rousse qui la fixe le sait bien. Gabrielle s’effondre, elle se laisse glisser le long du mur et regarde Isleen d’un œil sombre.


Ca n’est pas possible, Isleen… J’ai pris les herbes, la potion que ce médicastre m’a donnée à Narbonne. J’ai souffert atrocement, j’ai cru mourir, et il n’était pas là. C’est Mordric qui était là pendant que lui faisait le beau à un mariage je ne sais où et avec je ne sais qui. J’ai vu le sang, Isleen. Ca ne peut pas être vrai.

Gabrielle parle plus pour elle-même que pour sa rousse amie. Pas sûre que ce soit bien clair cette histoire pour l’irlandaise d’ailleurs. Est-ce qu’elle va comprendre qu’il y a des semaines de ça, elle a découvert qu’elle attendait un enfant. Le sien à lui évidemment. Mais au printemps, les choses étaient si différentes entre eux. Ils ne s’aimaient pas vraiment au printemps. Ou peut-être un peu. Elle, elle l’aimait déjà à en crever mais lui… Il devait se marier avec une autre. Et puis l’autre c’était elle finalement. Une histoire compliquée. Un orgueil imbécile. Mais pas de place pour un tiers.

J’y pense presque tous les jours, tu sais. J’ai commis le plus atroce des crimes. Tu crois que c’est le Très Haut qui me punit ?

Gabrielle accroche le bras d’Isleen et plonge son regard bleu sombre dans les yeux noirs de son amie.

Tu crois que c’est… le même ? Ou un autre ? Quelle importance… Isleen, je n’en veux pas, ça n’est pas le moment, je ne peux pas. Pourquoi est-ce qu’il m’a fait ça… ?

Et le ton de remonter un peu. Désespoir ou colère, Gabrielle ne sait pas bien.


Quel petit salaud arrogant ! Me faire ça à moi, Isleen, tu te rends compte ? Son of a bitch ! Je vais le tuer !

En anglois et dans l'ordre : Bordel de m*erde / Putain de m*erde / Bordel / Fils de p... (oui elle est trés en colère!)
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Isleen
On saura jamais c´qu´on a vraiment dans nos ventres
Caché derrière nos apparences
L´âme d´un brave ou d´un complice ou d´un bourreau?
Ou le pire ou plus beau?
Serions-nous de ceux qui résistent ou bien les moutons d´un troupeau
S´il fallait plus que des mots?

Né en 17 à leidenstadt
by Jean-Jacques Goldman

Quelques jours plus tard la rouquine a eu le temps de faire le tour de l’immense hostel, et de s’y perdre au moins une fois, il faut dire que pour elle tous ces couloirs se ressemblent bien trop, a-t-on pas idée de faire si grand ! Bref , elle en a fait le tour, s’y est perdue, et comme tout un chacun ici, y fait sa part de travail pour que la demeure reprenne vie. Non qu’astiquer et dépoussiérer soit ce pourquoi elle a été engagée par le Grand, non son travail est tout autre d’habitude. Mais depuis le mariage de son patron et la mort de Phyl, il y a un calme stressant dans sa vie, trop prompt à la faire réfléchir, à la faire penser, un calme qu’elle se force de rejeter au loin. Et l’irlandaise ne veut pas penser, ne veut pas reste à rien faire, alors elle a opté pour l’astiquage du troisième étage de la demeure, une vaste étendue pour s’occuper l’esprit, rien que pour elle. Elle y a même provisoirement élu domicile la nuit, provisoirement vu qu’on et par on faut comprendre Enzo, ne la laissera pas s’installer ici, ou alors à moins d’un miracle. Enfin bref, c’est là, au troisième bien entendu que Nortimer l’a trouvé l’espace d’avant, avec son perpétuel air de «viens vite y a une catastrophe imminente qui arrive ». En suivant le garde, elle ne s’attendait pas à tomber sur une Gabrielle dans tous ses états, elle pensait à tout sauf à l’entendre jurer ici.

Holy sh*it ! Bloody hell ! Bordel de m*erde ! Je vais le tuer ! Je te jure, je vais le tuer ! Isleeeeeeeeeeen ? Ah… tu es là.

Le lutin roux s’avance dans la pièce en souriant, elle trouve que ça en jette une Gab qui jure, une brune qui se laisse aller. C’est beau comme spectacle, elle resterait bien a admirer la magie de l’instant, si un drame ne semblait habiter son amie.

Oui je suis là, qu’est ce qui t’arrive ?


Ou comment posée une question qui de toute manière n’attend pas d’être entendue pour avoir sa réponse. La vache, c’est qu’elle est bigrement remonté, et pas qu’un peu contre son mari. L’irlandaise tente de comprendre dans les flots de paroles déversées par son amie, ce qui se passe, tout en faisant bien attention de ne pas se trouver dans la trajectoire des missiles Gab, tout aussi dangereux qu'un vrai.

Oui oui tu le détestes…

Et la marmotte met le chocolat dans le papier alu ! Comme si elle la croit vraiment lorsqu'elle lui dit ça, allons donc ! N’empêche, le pimousse irlandais se demande bien ce que Enzo a bien pu faire à Gabrielle pour la mettre dans un état pareil, elle ne sait toujours pas ce qu’il à osé faire, mais elle ne va surement pas tarder à l’apprendre. Déjà son imagination va bon train : il lui a collé une demoiselle de compagnie dans les pattes ou une vielle duègne, ou deux gardes très moches dans les pattes, il a décider de l’exiler…..non non là elle déraille, il ferrait pas un truc pareil, alors qu’ils viennent à peine de se marier, et qu’il lui ait attaché sans l’avouer. Mais qu’est ce qu’il a pu faire pour qu’elle veuille lui interdire sa couche en représailles ? Elle se rapproche de son amie qui glisse au sol dans un regard noir, azurs étincelants qui la laissent de marbre, elle en a vu des pires, et la colère n’est pas contre elle. L’irlandaise s'accroupie à sa hauteur, elle attend que l’orage passe, parfois il semble que ce soit la seule unique et juste façon de faire : laisser la tempête se déchainer sans rien dire et faire pour qu’ensuite épuisée, elle retombe.

Ca n’est pas possible, Isleen… J’ai pris les herbes, la potion que ce médicastre m’a donnée à Narbonne. J’ai souffert atrocement, j’ai cru mourir,

Des herbes, un médicastre, mais de quoi elle lui parle grand Dieu ? Non non Isleen, ce ne peut être ça voyons…

et il n’était pas là. C’est Mordric qui était là pendant que lui faisait le beau à un mariage je ne sais où et avec je ne sais qui. J’ai vu le sang, Isleen. Ca ne peut pas être vrai…..

Le mime du poisson hors de l’eau qui manque d’air vous connaissez ? bon et bien pendant un temps le poisson fut roux, tout droit péché des mers d’Irlande ! Le temps que oui elle comprenne ce qu’elle a compris, qu’elle se laisse tomber au sol, que la brune poursuive son discours. Juger ce qu’a fait Gab ? Non, elle n’approuve pas, ne cautionne pas, mais qu’aurait-elle fait si elle avait été enceinte de Phyl ? Aurait-elle fait la même chose ? Aurait-elle agit différemment, on ne sait vraiment que lorsque l’on est confronté à la situation. Alors le farfadet ne juge pas, ce n’est pas son rôle ici.

Gab...si c’est le même tu n’as commis aucun crime, donc pas besoin de te punir…- oui très prosaïque, très raison mais c’est du tout Isleen, rassurer, dire les mots justes pour consoler ou aider, elle n’est pas douée, et trois fois sur quatre ça tombe de travers, alors là comment le prendra la brune, va savoir, dans tous les cas l’irlandaise continue, une main posée sur l'épaule de son amie – et si c’est un autre…c’est une deuxième chance, pour racheter ton ….pour te racheter.

Gab est enceinte, elle rirait bien de l’état dans lequel elle se met pour si peu, mais elle se retient ce n’est pas le moment et elle risquerait de se prendre un missile en pleine tête, avant d’avoir la réponse à la question qu’elle se pose.

Gab…pourquoi ce ne serait pas le moment ? Vous êtes mariés, je te dirais bien que c’est le moment justement, il serait un enfant légitime…pas un bâtard. Ca a de l’importance, et puis...

Elle en sait quelque chose la rouquine, elle l’est, en plus d’avoir été une tueuse dès la naissance. Ca peut vous pourrir une vie d’être bâtard, vous la gâcher. A quand une égalité parfaite entre tous les enfants ? A quand une égalité entre les filles et les garçons ? Hein à quand ? Soupire. Jamais, ce n’est pas prêt d’arriver, elle ne verra jamais une chose pareille de sa vie. Alors oui bordel ! Si Gab est enceinte, c’est le moment maintenant plus qu’il y a quelque mois, ils sont mariés, jeunes, beaux, riches, nobles ! Ils ont tous pour eux, pourraient pas être heureux tout simplement ?

tu le tueras pas voyons ! Vous l'avez fait à deux !
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Gabrielle_montbray
« Les hommes ont superbement pratiqué cette séparation à laquelle ils tiennent tant, entre leur femme - devoir, maternité, angélisme, migraine et les femmes - plaisir, putains, enfer, mystère... »
- Françoise Giroud –


Gabrielle regarde Isleen qui reste d’un calme olympien. Elle laisse passer la tempête la rousse, elle n’est pas idiote, et c’est bien pour ça que Gabrielle l’aime bien. Elle a du caractère, c’est une irlandaise, mais elle n’est pas bêtement colérique ou impétueuse. Alors là, elle écoute et elle laisse glisser la colère de la brune.
Gabrielle ne dit rien sur le crime et le rachat. Elle se contente de hocher la tête, pas forcément parce qu’elle approuve mais pour montrer qu’elle écoute. Mais.. . qu’est-ce qu’elle raconte la rousse ? Ils sont mariés certes mais quel rapport entre le mariage et avoir un gamin ? Il sont mariés depuis moins de trois semaines ! Ca n’avait pas un caractère d’urgence, si ? Oui, un jour il faudra bien qu’elle lui offre un héritier, un mâle de préférence. Mais pas si vite, pas maintenant, pas comme ça. Gabrielle soupire et fixe Isleen. Elle ricane à la dernière phrase.


Le faire, c’est pas le plus déplaisant, Isleen. C’est la suite qui m’inquiète. Tu crois qu’il va réagir comment le Grand, hein ? Tu le sais trés bien ! Il va m’enfermer, plus de tavernes, plus de cheval, plus d’épée, plus de voyages ! Il va m’obliger à rester calme et sage. Il ne viendra plus dans ma couche parce qu’une mère c’est sacrée, et il ira en visiter d’autres, peut-être bien qu’il retournera voir cette blonde là ! Ma vie va s’effondrer, je n’aurais plus rien ! Je ne l’aurais plus Lui… Il ne me regardera que comme la précieuse matrice qui porte son enfant, son héritier et le reste n’aura plus d’importance ! Je suis trop jeune pour être mêre, Isleen !

Gabrielle s’est relevée tout en parlant et elle parcourt la pièce de long en large d’un pas nerveux. Elle s’arrête et se plante devant la rousse avec un petit sourire.

Je ne vais pas lui dire, Isleen. Et toi non plus. Il ne doit rien savoir. Pas tout de suite. Ce qu’on ne veut pas n’existe pas. Je ne veux pas de cet enfant, il n’existe pas. Et il… il saura bien se rappeler à moi le moment venu.

Oui, voilà le plan. Oublier, renier, refuser ce qui ne peut être, ce qui ne doit pas être. Et surtout, surtout, ne rien dire.


- Plus tard, la même nuit, dans la cour –


Et elle lui avait dit. Et elle n’avait plus rien. Et elle ne l’avait plus Lui.
Gabrielle se trouvait là dans la cour de ce qui était leur maison. Etait-ce encore la sienne ? Gabrielle ne savait pas. Elle ne savait plus. La nuit qui s’achevait la laissait l’esprit embrouillé, le cœur défait et l’âme vide.

Comment une rencontre en taverne avec un gosse pas bien haut et une histoire de vase cassée avait pu dégénérer à ce point ? Comment pouvait-on briser un mariage pour une épée dégainée et trois gouttes de sang ? Comment pouvait-on s’aimer et se déchirer autant ? Gabrielle n’en savait rien. Tout ce qui restait c’était cette triste fin, Enzo ne voulait plus d’elle. Il ne voulait plus vivre avec elle, il ne voulait plus la voir, il ne l’aimait plus. Ou pas. C’était incertain. Et c’était absolument tragique.
Gabrielle regarde le garde. Il lui a ouvert sans difficulté évidemment et elle n’ose pas lui demander s’il a vu Enzo. Et puis qu’importe. Qu’il aille où il veut, elle s’en fichait. Elle avait été obligée de lui dire. Mais elle ne voulait pas qu’il revienne. Enfin si, bien sûr, elle en crevait d’envie et si elle s’écoutait, elle ramperait devant lui en le suppliant de revenir. Sauf qu’elle voulait être sûre qu’il revienne pour elle, pas pour ce fichu gosse qui avait fait place au creux de son corps. Si Gabrielle lui avait dit c’était par honnêteté et pour qu’il se prépare. Elle n’en voulait pas de ce bébé, et encore moins sans père. S’il naissait et que c’était un garçon, elle le confierait à son géniteur. Si c’était une fille… la jeune femme soupira et chassa cette pensée. Ca sera un garçon, tant qu’à risquer de crever en le mettant au monde, il fallait que ça soit un mâle.

Gabrielle jette un œil sombre au garde. Il ne l’a jamais aimée. Il a toujours pensé qu’elle était la perte d’Enzo. Elle le détaille avec un petit sourire.
Sois content, tu seras bientôt débarassé de moi. Mais si tu savais, tu m’en voudrais encore plus. Enfin, au moins, je ne lui caserais pas un bâtard entre les pattes à ton précieux maitre. Tu ne m’aimes pas hein ? Moi non plus je ne t’aime pas trop. Mais je dois reconnaître que tu n’avais pas entièrement tord à défaut d’avoir complètement raison. Lui et moi, ça ne marche pas. On a beau essayé, on a beau s’aimer, on a beau le vouloir, ça ne marche pas. Trop orgueilleux ? Trop jeunes ? Trop cons oui ! Si tu savais pourtant… Et si lui savait. Je serais morte pour lui. J’aurais tué pour lui. J’aurais tout fait. Mais c’est trop tard. L’amour ne suffit pas. Petit con, odieux salaud, il va me planter là, le cœur en vrac, l’esprit vide et le ventre plein. La vie est une chienne, Audoin, une vraie raclure ! Elle te prend, elle te consume et elle te laisse en cendres. Qu’est-ce que je vais faire moi maintenant ? J’ai juste envie de hurler et de tout casser. Mais je vais aller me coucher, je ne suis pas fatiguée mais je vais y aller malgré tout. Et tu sais quoi, Audoin ? Je déteste dormir seule. Surtout une nuit comme ça. Enfin, un petit matin comme ça.


- Encore un peu plus tard, 3ème étage -


Gabrielle regarde la silhouette endormie et sourit faiblement. Pas celle du Grand mais on fera avec. Enzo est irremplaçable au lit. Dans tous les sens du terme. La jeune femme se déshabille et ne garde que sa chemise. Elle se glisse dans la couche et se sert un peu contre le corps chaud de l’irlandaise. Fermer les yeux et dormir. Dormir pour oublier. Demain sera un autre jour.
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Isleen
« Dormir ! Enfin c'est échapper à tout ce qui vous entoure. »
de Etienne Tanty

Petit soupire de la rouquine. A-t-elle dit que la conception du morpion est déplaisante ? Non, juste qu’au moins il ne finira pas bâtard. Pour la conception, le peu qu’elle en a découvert avec Phyl, sans résultat heureusement pour elle, c’est que ce n’est justement qu’une partie de plaisirs ! En y réfléchissant, oui effectivement ça aurait pu attendre encore, ils venaient tout juste de se marier et avaient la vie devant eux, mais dans les faits….houla leur histoire n’est pas nouvelle, alors l’irlandaise trouve qu’ils peuvent s’estimer heureux que ça leur soit pas tomber sur la carafe avant, qu’ils n’aient pas eu à gérer ça avant.

Elle regarde son amie se lever, tourner en rond, sans mot dire, elle finit de l’écouter…et elle ne peut être que d’accord avec Gab.


Je n’avais pas pensé à sa réaction...

Hochement de tête, pour le coup oui, là elle approuve Gab, se retrouver sous une cloche de verre, étouffée, ne pouvant rien faire sans le moindre accord, sans en avertir qui de droit, ne plus avoir son homme dans son lit…argh non. Liberté oh ma liberté, la rouquine tient trop à la sienne pour ne pas la comprendre que la brune souhaite continuer a vivre comme elle l’entend, à retrouver son mari dans son lit, dans un coin détale ou n’importe ou ailleurs, enfant ou pas en route

allons allons calme toi Gab, pour le moment tu l’as encore, il n’a nul raison de te laisser, et tu n’es pas obligé de le lui dire tout de suite.

La rouquine se lève à son tour, les onyx dans les azurs , les femmes, les amies se font face dans le secret de la chambre.

Mais un jour, faudra bien, ça se verra, tu n’auras pas le choix. – ben oui, faut pas croire que ça ne se verra jamais, un jour elle aura le ventre qui s’arrondira, et là Enzo, bien qu’un homme, il saura, se doutera. - Je ne le lui dirais pas, ce n’est pas à moi de le faire de toute manière. Tu devras le faire Gab, un jour, avant qu’il naisse.

Un instant, un sourire qui se veut rassurant, une amie qui se rapproche et une main qui se pose sur le bras droit, les amies sont là quand il le faut. Car même appelée comme n’importe quel employé, c’est l’amie qui est là et nulle autre.

3ème étage, sur un vieux matelas au petit matin.


Mais si je t’assure j’ai grandi, regarde !
Impossible mon farfadet
Si si je t’assure , allez viens rapproche toi
Hahaha impossible, tu resteras toujours mon mignon petit lutin !
Non ! J’ai grandi – et de se coller, se serrer, se rapprocher dans la chaleur des bras de son homme en souriant – alors, tu vois que je suis plus si petite.
Moui – septisisme dans la voix – mais tu seras toujours ma petite fée des Iles Isleen – rire mutin, tandis qu’un baiser se pose sur le haut du crane de ladite fée.
Rhoo tu me crois pas, je te dis que j’ai grandi, c’est possible – La fée commence à s’énerver, t’ention la sorcière n’est pas loin – c’est vrai, tout comme c’est vrai que tu es des seins…des seins ?

Et brusquement, le réveil, les yeux qui s’ouvre tout de grand, sous le souvenir du rêve étrange qu’elle vient de faire. L’esprit est encore embrumé, elle sait plus bien ou elle est, elle l’appele le croyant encore là.

Phyl ?


Et l’esprit se réveille vraiment, non, il n’est plus là, non il ne reviendra pas, il ne la ferra plus tournoyer dans ses bras…plus de farfadet d’amour, de ma fée des iles ou autre petits noms qu’il adorait employé et dont il lui donnait à tout va, déclenchant l’hilarité des autres. Mon Dieu, Phyl, elle en était à rêver de lui …avec des seins, elle n’allait vraiment pas bien ! Elle en était jusqu’à sentir une présence à ses cotés…mais, mais.. "je ne suis plus seule dans mon lit !"

Gab…

Elle vient de reconnaître la silhouette, la crinière brune, et le visage à ses cotés, Gab dans son lit, ben mince, qu’est ce qui avait bien pu se passer encore ? Qu’elle était la nouvelle catastrophe en vue entre les jeunes mariés ? Parce que pour que Gab vienne dormir ici avec elle et non dans son lit, c’est qu’il y avait forcément eu encore entre les deux Grands un « je t’aime moi non plus ». Elle en finirait presque par comprendre l’air catastrophé en toute circonstance de Nortimer. Bon attendre le réveil de la belle endormie, et voir comment réparer les dégâts, gérer la situation et mettre un bon coup de pied aux derrières de ces deux là ! Parce que là, elle en avait rudement envie, seul bon cotés à leurs perpétuels histoires, c'est que ça l’empêche de trop penser à Phyl et d'en souffrir, ça l'occupe.
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Gabrielle_montbray
We only said good-bye with words
I died a hundred times
You go back to her
And I go back to
I go back to us

- Amy Winehouse -

- La journée qui suit, pièce attenante à la chambre –

Gabrielle est sombre, très sombre. L’oustau semble désert, tout le monde veut éviter de la croiser car si les colères d’Enzo font trembler les gens de la mesnie, celles de Gabrielle n’ont rien à leur envier. Elle a passé une partie de la matinée assise dans un fauteuil au milieu de la grande pièce, le regard fixe et l’humeur belliqueuse, prête à entrer en conflit avec tout ce qui pourrait croiser sa route, hommes comme objets. Puis elle s’était levée d’un coup, décidant qu’elle n’allait pas rester à se morfondre le reste de sa vie pour un imbécile qui ne la méritait pas. Elle choisit donc de prendre un bain avant de sortir boire en taverne.
Mais la solitude, si ça permet de réfléchir, ça manque de charme, pas de public pour vous écouter maudire l’humanité entière et particulièrement un de ses représentant mâle, grand, brun, les yeux verts, personne pour approuver quand vous répétez pour le millième fois que vous le détestez, personne pour vous tapoter l’épaule quand vous dites que vous l’aimez trop et que sans lui votre vie est inutile… Bref, les disputes conjugales ont besoin d’une oreille attentive et discrète.
Alors Nortimer, plus efficace qu’un pigeon, est une fois de plus allé mander Isleen. Elle va en avoir marre l’irlandaise de servir de bureau des pleurs. En attendant, Gabrielle l’a invitée à partager son baquet, l’eau chaude, ça apaise et ça permet de réfléchir.
On en est donc là, une brune et une rousse qui barbottent à poil dans un bain. Gabrielle plonge son regard bleu dans les yeux de celle qui lui fait face.


Il faut que ça soit un garçon, Isleen. Il aura tout l’orgueil de son sexe, il sera impétueux et violent, il pensera que le monde lui appartient et il méprisera les femmes… Mais au moins, il ne subira pas. Et il sera libre.


Et il ne risquera pas de mourir en mettant au monde un gamin dont il ne veut pas et dont le père a disparu…


Les hommes sont des lâches. Tous. Il fuient les problèmes, ils n’assument rien et nous laissent seules à nous débrouiller… Et on nous appelle le sexe faible. Crétins ! Tous ! Je le déteste, Isleen ! Et je le déteste de me faire le détester !


Une pause. Gabrielle regrette de ne pas avoir pensé à prendre de quoi boire. De l’eau chaude pour détendre le corps et un alcool fort pour vider la tête, le mélange parfait des peines de cœur.


Tu sais ce qu’il fait en ce moment toi ? Je vais te le dire, moi. Pendant que moi je suis assez idiote pour me demander s’il reviendra, s’il m’aime encore un peu, et ce genre de foutaises. Lui, très certainement, a du boire, trop, et il doit être en train d’oublier son immonde femme entre les cuisses d’une de ces innombrables s*alopes qui ne pensent qu’à soulever leurs jupons devant lui, catins ou femmes du monde, il en trouvera toujours une prête à ça.

Et Gabrielle de ricaner, un petit rire méprisant pour cacher le chagrin et la douleur, pour oublier qu’elle est amoureuse d’un immonde salaud qui ne l’aime pas, ou pas comme il faut, ou pas assez, ou pas bien, ou plus. La rage, la jalousie, la tristesse, la haine, tout se mélange dans l’esprit de la brune et elle abat un poing rageur dans l’eau.

Je me sens tellement impuissante, Isleen, je ne sais pas quoi faire, je le déteste mais il me manque déjà… Je veux qu’il revienne. Je veux qu’il me veuille de nouveau. Et pas comme la mère de ce stupide bébé…. Je veux qu’il revienne pour moi, Gabrielle, sa femme.


Traduction citation :
On ne s'est dit au revoir qu'avec des mots
Je suis morte une centaine de fois
Tu retournes vers elle
Et moi je retourne
Je retourne vers nous

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Isleen
« N'essayez pas de noyer vos chagrins : ils savent nager. »
de Albert Willemetz


La belle endormie s’était réveillée, sans besoin du baiser de prince charmant, faut dire que le prince était légèrement personna non grata, la belle ayant trouvé refuge sur son modeste matela ! Elle avait eu le droit a l’explication du pourquoi et du comment version Gab, il ne lui manquait que l’explication d’Enzo et elle aurait une version complète de la situation, mais d’ici qu’elle l’ai, elle aura eu le temps d’en vider des poches, d’en subtiliser des choses de bric et de broc.
Gabrielle avait été d’humeur massacrante une bonne partie de la journée, mais ça l’irlandaise ne l’avait que peu expérimenté, après le réveil et les explications, elles s’étaient séparées, la brune était restée à l’hostel et la rouquine était sortie de bon matin faire un tour sur le marché. Prendre l’air, errer entre les passants, les marchands, les étales, sentir, ressentir les odeurs, se laisser à nouveau aller à ses envies, ses pulsions, quel bien fou cela faisait. Elle en était revenu avec un carré de tissu vert et une pomme, l’un comme l’autre ne manquerait pas à leur propriétaire respectif, le carré n’était pas bien grand, pas de quoi faire une robe, peut être une chemise et encore, une pour ca petite taille, et la pomme, une de plus ou une de moins sur une étale ça ne se voit pas.

Elle était revenu guillerette, plus détendue, de quoi attaquer une journée de rangement, et d’astiquage dans son troisième étage. Sifflotant, travaillant, Nortimer avait réussi à la surprendre et c’est ainsi que quelques minutes plus tard, elle se retrouvait dans un baquet d’eau avec Gab. Si on lui avait dit qu’un jour elles partageraient le même baquet, elle ne l’aurait pas crue. La proposition en tout cas n’avait pas été refusée, c’est qu’il peut faire sacrément chaud, bien plus que dans son Irlande natale, et le minipouce supporte difficilement autant de chaleur.

Evite qu’il mé’prise les femmes si tu peux….y en a bien assez qui sont ain’si, autant éviter d’en fai’re un de plus !- La rouquine lève une main devant elle se doutant empêchant son amie de répliquer. - Oui je sais t’auras pas for’cément ton mot à dire sur son éduca’tion …hélas

Elle avait eu de la chance, Phyl n’avait pas été ainsi… rhaa même sans le vouloir, ses pensées revenaient à lui . Surement parce qu’il était le premier, il avait été tendre, très loin de tous un tas d’autres méprisants les femmes, mais totalement étouffant à tout vouloir savoir et à s’inquiéter pour elle au moindre mouvement.
L’irlandaise n’était pas du genre à se livrer, à montrer ses sentiments, Phyl le lui avait reproché, mais là avec tous les évènements qui s’étaient enchainés, et son amie qui laissait libre court à son ressenti, comme un appel vers elle un message qui dirait « vas y lâche toi Isleen, déverse tout ». Il est si facile de céder aux sirènes lorsqu’on en meurt d’envie, que les mots sont déjà là, à se bousculer.


T’as bien raison Gab ! Ils disent tenir à nous mais ils nous laissent, se découragent à la moindre difficulté, ils nous trouvent toujours des défauts, jamais assez ceci ou trop cela…et lorsqu’ils font attention à nous c’est pour nous étouffer, nous mettre dans une cage fermée et en jeter la clé, soit disant pour nous protéger….tu parles ! Comme si nous étions des faibles femmes ! Comme si j’avais pas été capable d’m’en sortir sans lui avant, comme si j’avais été incapable d’m’occuper d’moi avant d’le connaître ! Mince, j’ai p’être l’air d’une souris mais j’ai les griffes et les crocs d’un chat !

Et l’irlandaise de donner de taper du poing le rebord du baquet d’un grand coup, emportée dans son élan, dans sa rage.

Gab, ils comprennent rien à rien les hommes même quand t’essaye d’leur expliquer..

Nouveau coup de poing qui vient frapper le baquet, alors que les lèvres de l’irlandaise se closent . Elle en aurait encore à dire la rouquine, sur son père , sur Phyl, sur les hommes en général, tout mélangé et groupé, mais là elle se tait les mots lui manquent. Son sa.lopard de père lui manque, elle le déteste, il l’a détesté, l’a reniée, elle la bâtarde, mais c’est son père, ses racines, son clan et elle ne pourra plus jamais y retourner, et elle se déteste de ça, elle le déteste de l’avoir exilée, reniée, de ne pas l’avoir aimé, de l’avoir haie d’avoir tuer sa mère à la naissance.
Son exaspérant de Phyl lui manque, elle l’aimait d’une certaine façon, à sa manière et sans lui dire, à sa manière et mal, mais elle tenait à lui, et elle se déteste de ne pas avoir réussi à le lui monter, elle le déteste de ne pas lui avoir laisser de temps pour cela, de n’avoir pas été plus patient, d’avoir toujours chercher derrière un mot, un geste, le sens caché pour la prendre en faute, d’en un sourire, un mot, de trouver qu’elle n’en faisait pas assez, qu’elle le traitait comme n’importe qui ! Dieu ! Il n’avait pas été n’importe qui pour elle, il avait été le premier et il ne s’était même pas rendu compte de sa chance, et de ce que ca pouvait représenter !

Le minipouce d’arrimer son regard à celui de son amie, d’y lire, la même chose ou presque que dans le sien, seul avantage pour la brune, les choses peuvent s’arranger avec Enzo, la situation évoluée, et de nouveaux, ils pourraient aller folâtrer dans leur lit, les étables et ou n’importe ou ailleurs. Elle, elle ne le pourra jamais plus. Et l’irlandaise de plonger la tête un instant tout entière dans le baquet, pour y noyer un début de larmes amères.


Gab, j’sais pas c’qu’il faut qu’tu fasses pour qu’il te revienne mais il peut encore reve’nir pour toi et pas pour l’morpion ! J’sais pas c’qu’il faut qu’tu fasses, j’en sais fichtre rien…met une ro’be, fait toi belle, mais fait lui r’greter, r’gretter au centuple d’partir voir ailleurs !
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Enzo
Un coursier passa mener du courrier pour Gabrielle. Un sceau prouvait qu'elle n'avait été ouverte, et une écriture rapide et manque de délicatesse avait écrit le nom de la destinatrice.

Citation:


À vous, mon épouse,
De nous, vostre mari,


    Nous avons lu.

    Nos sinoples ont parcourus les mots, formés les phrases que vous avez écrites, mais jamais envoyés. Ils sont venus secouer notre esprit, et trembler nos mains. Gabrielle, vostre folie nous tuera. Tout les deux. Elle nous dévorera l'âme et nous nous effondrerons comme deux amants passionnels qui ont oublier que le temps les rattrape toujours. L'éphémère a toujours le regard tourné vers le sablier, il ne faut pas l'oublier. Il est traite et rusé. Mais ça n'a guère d'importance. Donc nous avons lu, à la lueur d'une bougie, tout ce qu'il y avait à lire. Tout ce que vous nous avez interdit de lire pendant des mois, puisque cette lettre nous semble provenir du temps que vous étiez encore au prieuré. Par nostre faute. Un écart de conduite qui nous a emmené beaucoup plus loin que nous l'aurions cru. N'est-ce pas ? Mais peu importe. Vous souvenez-vous de nos rires clandestins dans les tavernes vides ? Étions-nous heureux ? Peut-être pensez-vous que cette question est inutile. Sans doute, pourrions-nous vous répondre.

    Seulement nous sommes las et revenons vers vous avec toute l'incertitude qui semble guetter bon nombre de mariage. Où est-ce juste le nostre ? Mais ça n'est pas grave. Gabrielle. Vous souvenez-vous de nos sourires, de nos instants, nos minutes saccadés, voler par l'interdiction ? Des moments où tout semblait se ralentir, et que nous poussions des rires ou affichions des sourires pour quelques pacotilles sur lesquelles nous nous accrochions. Un peu naïf. Nous ne fuirons pas des mots que nous avons lus, même ceux-ci nous semblent bien loin. Bien différent de nostre quotidien. Il ne faut jamais tout dire, pour que l'on ait toujours quelque chose à nous dévoiler. Pour espérer que ça ne devienne jamais un « Ce que nous nous étions dit. » Vous être trop sentimental, Gabrielle, mais nous ne dirions rien de plus à ce sujet. Cela pourrait vous blesser.

    Nous allons revenir. Auprès de vous. Sachez aussi que nous allons prendre nos responsabilités en ce qui concerne ce qui semble s’être installé dans vostre ventre. Si c’est un fils, nous vous promettons que nous allons l’amener à Avranches un jour. Qu’il sache grimper aux arbres comme sa mère. Notre mère était importante pour nous. Il vous sera respectueux, et il sera un digne fils. Si ça n’est pas un mâle… Nous en discuterions plus tard. Ça n’a pas réellement d’importance dans cette lettre. Nous rentrons donc. Toujours en colère de vos actes, mais apaisé. N’ayez donc pas crainte de mes humeurs. L’amour est sans doutes des choses destinées aux femmes, puisque nous comprenons toujours rien à cette chose qui nous semble bien inutile. N’est-ce pas tout le tourment de l’homme ? Les femmes et les sentiments. Il aurait sans doute mieux fallu pour nous de ne pas s’égarer dans ses chemins tortueux. Mais peu importe.

    L’aurore se pointe et nous n’avons pas dormit.
    Tant pis, la route n’attendra pas.

    Sachez toutefois que parfois le corps frémit de nos défaites étranges et se revigore de nos tornades colériques.

    Nous revenons. Soyez là.
    Nous pensons à vous deux.

    Que Diu t'ay en sa sancta guarda,

    Vostre époux, Enzo


Et moi, je n'ai même pas le culot de vous le dire : Gabrielle, ma folie, ma liberté. J'ai tout perdu pour toi, et pourtant je recommencerais.
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©JD Marin
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