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[RP] Allez vient sonner le tocsin !

Constance..
Quatre assauts ! Quatre assauts ! la blonde avait survécue à quatre assauts voir plus ! Pour une première fois, c'était pas mal... Et pas une seule égratignure !

Bon, il faut la voir la Damoiselle aussi. Coup d'épée par ci, coup d'épée par là ! Et le tout sans toucher personne !

En fait pour le moment, elle avait juste réussi à se défendre et esquiver les coups que les ennemis de la couronne essayaient de lui porter. Elle qui voulait venger la blessure de sa mère il y a quelques jours... faut dire aussi que ses adversaires n'arrêtent pas de bouger... Comment voulez vous que la blonde puisse réussir à en toucher un !
Et pourtant, elle s'améliore.

A chaque combat elle se résiste les 5 règles du savoir mourir dignement, enseigné par Sofio.

Dimanche est jour de trêve. La jeune d'Orsenac en profite pour aller prier à l'église pour les blessés et morts de cette guerre.
Le soir, elle rejoint les Valmonte et surtout sa Mère qu'elle a grande joie à retrouver presque rétablie. Elle y retrouve également Maya qui s'est faite embrassée, Victoire et ses meringues, Jason et son chien, et fait également la connaissance d'un certain Romuald de Plantanièvre, qui semble être ami de son Père.

Au cours de la soirée, détente, boutades et rires sont au programme, et ce malgré l'absence de boisson en taverne.
Plume et le chien du baron qui se reniflent le derrière. Les Valmonte qui lui recommandent de faire attention à ses arrières pendant le prochain assaut.

La blondinette d'Orsenac rentre au campement accompagnée de sa Mère et observe les alentours de ses azurs. Pas ici que sa mère lui trouvera un Prince ou un Roy comme époux. A moins d'un Duc ou Comte, ce qui serait beaucoup plus réaliste en ces lieux.
Bref, la blonde n'aurait jamais pensé que la guerre était ainsi. remplie de tristesse dans les yeux des blessés, de rage pour certains. Mais également de soirées inoubliables en taverne.

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Elea_themis
La nuit avait été mauvaise. On s’était gelé sur les abords de la rivière et les feux de camp s’étaient éteints les uns après les autres pour ne pas laisser paraître trop longtemps leur présence.

Quatrième assaut. Il fallait reprendre le combat. Frigorifiée, Eléa se dirigea vers les écuries. On lui avait affecté une jument nouvellement acquise à des paysans de la région moyennant un prix exorbitant.

La jeune femme jaugea l’animal, flatta sa croupe et peigna la crinière lentement pour l’amadouer.

L’a l’œil vitreux celle-ci, pensa t elle avant de l’harnacher pour le combat.


Ton nom c’est quoi ma belle ?? Pas de réponse de l’équidé et personne pour la renseigner. Tant pis.
L’air était vif et les armes scintillaient une fois de plus sous le soleil naissant. L’aiguiseur avait du travailler toute la nuit. Les oriflammes battaient au vent et les cris de harangues battaient l’air.

A l’attaque !!! Les armées fondaient les unes sur les autres, faisant gicler le vilain sang de parts et autres. Les cris d’agonie accompagnaient ceux de victoire, les sangs se mêlaient en ruisselets naissant puis grossissant à vue d’œil.
Elea éperonna sa monture, prête à son tour.


A l’att ….

La jument grise esquissa un pas de biais, évitant l’adversaire, cul par devant .

Mais .. ils m’ont donné une bête de cirque !! c’est pas possible !! Hue !!!!
A l’att …


Trois pas croisés à droite, deux pas de danse à gauche .. L’animal semblait danser sur le champ de bataille ..

Mais je vais en faire de la charpie de cette bête !! Je te promets de faire de toi de la chair à pâtée si tu n’obéis pas !! lâche que tu es !!!

La menace semblait avoir porté ses fruits et la jument grise s’engagea à force des coup de talons qu’elle donnait dans la bataille jusqu’à ce que ..

Elea leva son épée vers l’adversaire qui s’offrait à elle. Enfin allait elle montrer ce qu’elle valait au combat !
Un coup de cul et retour aux écuries ! La bête avait fui !!


Mais je vais en faire des brochettes de cette carne !! foi d’Eléa !!

Les trompettes avaient sonné la fin des combats quand la jeune Marigny arriva au campement, l’âme lourde et le cœur en ébullition.

Un palefrenier se précipita vers elle.


Damoiselle .. J’ai une mauvaise nouvelle .. votre mère .. blessée .. mortellement ..
Son sang se figea. Sa mère .. blessée .. Kory avait veillé sur elle tout au long de la bataille, pris des risques pour qu’elle ne soit pas touchée, et voilà qu’elle avait été mortellement blessée.

Où est elle ? J’y retourne !

La nuit tombe Damoiselle. Les routes ne sont pas sûres. Elle est hors de danger et soignée par les médicastres à Muret. Demain .. demain.. vous la retrouverez ..

Toute la fatigue de la journée vint comme un goût amer en sa bouche.

Fort bien . demain .. à la première heure, j’irai à Muret !

Au fait Damoiselle ..

Oui ?


J’avais laissé un tonnelet d’armagnac dans le box .. z’auriez pas fait une descente la bas vous ? parce que .. hem .. y a plus rien dedans ..

L’œil égrillard doublé d’insolence du gueux fut vite stoppé par l’air méprisant de la jeune femme.

Un hennissement chevalin lui fit tourner la tête. La monture grise semblait rigoler. La jument ivre lui avait fait perdre la charge de la bataille . Elea Themis lui lança un regard prometteur d’abattoir prochain.



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Acar
[Nuistée de douleur]

Quatre combats auprès des siens, auprès du Tout-Puissant...

Quatre charges laissant descombres humains... Boyaux, cervelles, membres esparpillés...

Mais encore, son espousée, emmenée par l'ennemi... Il avait bien tué celui qui avait porté le coup fatal, mais le second avait fui...

La rage au ventre, il avait du quitter la colline ensanglantée pour emmener au plus vite, son adorée... Et le mesdicastre avait pratiqué...

Depuis, chaque petit mastin, avant la lesvée du soleil, il retournait auprès des Milites et des croisés, mais rien ne venait... L'ennemi devait compter ses troupes, restantes...

Encore céans, il avait fourbi sa Rebelle et ne l'avait utilisée...
Depuis la grande blessure de son espousée, il n'avait pu occire celui qui avait fui...
La patience paierait, nul douste... Il patienterait donc jusqu'a le retrouver pour enfin le descouper en rondelles...

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Anya_de_puycharic
Songes d'une nuit d'été...
      ... ou quand la fin a un goût métallique...


    Plusieurs nuits de combats, pas une égratignure, ni pour elle, ni pour leurs assaillants. Mais d'autres de ses proches étaient tombés, comme notamment son suzerain.
    Elle avait entendu les cris, notamment de cette femme qui l'avait cherché car il manquait à l'appel, mais la Blanche ne le trouvait pas.
    Comment trouver un corps parmi tous ceux massacrés ?

    Pas de miaulement, pas de ces ronronnements de douleur qui aurait pu indiquer au Médecin Royal qu'elle était, où se trouvait son suzerain, pour le soigner.
    Ce n'est que le lendemain qu'elle apprendrait qu'il y avait laissé la vie.
    Une pensée pour Hélène, une pour Hervald, "le chaton"... et une pour ce fils qu'elle ne connaissait pas, Enzo.
    Une pensée aussi pour tous ses frères de la Mesnie Féline, qui se retrouvaient sans Patriarche.

    Elle était rentrée au camp, éprouvée, cherchant ici ou là les informations, savoir qui était tombé, ou pas.
    Elle s'était même surprise à demander des nouvelles d'un homme en particulier, alors que nombreux étaient ceux qui lui disaient de l'oublier, de ne plus s'en préoccuper.
    Oui. Mais comment ?
    Comment l'oublier ? Que ce soit une amitié ou même un amour forts, à moins d'un bon coup de poêle qui la rendrait amnésique, non. Elle ne pouvait pas oublier, elle.

    Une missive l'attendait. Une de son ami Giovanni, appelé Zeji par ses paroissiens. Son ami, le Curé de Bayeux.
    Pourquoi n'était-il pas venu lui parler directement ? Pourquoi passer par une missive pour lui demander ce qu'ils faisaient là, à combattre qui et pourquoi ?
    Retirant son armure, qu'aux occasions plus joyeuses, elle aimait à nommer "boîte de conserve", elle enfila une chemise, prit plume et parchemin, et se mit à répondre à son ami, avant de devoir retourner sur le champ de bataille.

    Citation:
    Cher Gio,

    Je ne sors que très peu du campement. Depuis cette rupture qui reste du domaine de l'incompréhensible pour moi, je ne te cache pas que j'ai du mal à garder la foi. J'avais quitté la Normandie pour ne plus risquer ma vie à être trop près des griffes du vieux Duc déchu. J'avais aussi quitté la Normandie dans l'espoir de rejoindre au plus vite celui qui partageait ma vie, comme nous nous l'étions promis lorsqu'il a dû rejoindre le front du Sud.
    Les choses ont "quelque peu" changé, et me concernant, je suis le mouvement à l'aveuglette, sans trop me poser de questions, ni sans en demander, si peu encline à savoir ce qu'il adviendra de ma pauvre existence.

    Je suis navrée d'apprendre que Mathurin suive n'importe qui aveuglément. En même temps, je ne pensais pas non plus être n'importe qui. Vrai qu'il faudra surveiller de près ses fréquentations, cela pourrait lui nuire.
    Des fois qu'une blonde suicidaire l'entraîne dans sa spirale infernale et qu'il y plonge de façon aveugle.

    Je constate que tu es toujours et dans la lance, puis maintenant dans l'armée. J'aurais aimé te donner de plus amples informations, malheureusement, je ne suis plus dans le secret des "dieux". Je ne sais pas ce que nous mijotent notre Connétable et nos Souverains, et je t'avoue que cela est le cadet de mes soucis.

    Je ne sors donc plus, juste pour les affrontements journaliers et/ou nocturnes. Il me reste difficile de m'imaginer être dans la même pièce que lui et faire comme si de rien n'était. Cela reste bien trop douloureux, surtout sans doute de constater à quel point il a tourné la page avec une facilité déconcertante. Je sais pourtant que je devrais sortir et reprendre le dessus, mais je ne trouve la force nulle part.
    Il me faut du temps encore, je crois.

    Etrangement, la Normandie ne me manque pas. Des échos que j'en ai, je suis bien heureuse d'en être partie. Le pire est à craindre pour le prochain Conseil...

    J'espère que tu te portes bien. Nous sommes dans la même "galère" et nous ne nous croisons finalement que par missive.
    Fort dommage...

    Prends soin de toi.
    Ta plus fidèle des ouailles,

    A.


    A peine eut-elle fini la missive, cachetée, que le rappel des troupes sonna.
    Y retourner. La missive serait remise au Prêtre... ou pas.
    Cette réponse résonnait encore en elle, avec le réel sentiment de se moquer de ce qui pourrait lui arriver, tant que cela était pour la Grandeur du Royaume et la protection de ses habitants.

    Les troupes ennemies étaient là. Attendant. Guettant le moindre geste pour fondre sur eux, tels des prédateurs en chasse.
    L'assaut fut donné.
    Eurydice en main, elle s'élança aux côtés de ses comparses.
    L'ennemi était plus fort ? A moins que cela ne soit elle qui soit plus faible ?

    Un premier coup paré, mais non totalement évité. Bras gauche touché. Puis un regard sur le côté.
    Gio.
    Gio était là... mais pourquoi ?
    Par le Très Haut, pourvu que ce ne soit pas la missive qui l'ait fait venir, afin de raisonner la blonde, lui faire retrouver la foi.

    Prêtre ou pas, les ennemis s'en moquaient. Un coup porté.

    GIO !!!

    Et la blonde de chevaucher vers lui, pour le protéger, malgré une blessure au bras. Puis... Un autre coup.
    A nouveau pour elle.
    Plus puissant.
    Chute du corps de la Blanche. Douleur intenable, vue qui se brouille, mais elle est là, à ses côtés.
    Gio est au sol, ne lui répondant plus.
    Ne pas fermer les yeux... surtout pas.
    Et ce visage qui embrume davantage son esprit. LUI.
    Elle porte toujours son anneau à son cou.
    Elle a enfoui de ses chemises dans ses malles, avec ses missives, celles des temps heureux.
    La douleur est trop forte.
    L'image de ce visage qui s'estompe.
    Puis celui de sa fille, de son fils...

    Le bruit des armures, des épées qui s'entrechoquent.
    Bruits qui se font de plus en plus sourds.
    Lointains.

    Alcalnn l'attend.
    Gabriel aussi.
    Gio l'accompagne.
    Ainsi escortée d'un homme au service du Très Haut, Aristote ne lui refusera pas l'entrée en son Domaine.
    Pas cette fois.

    Tombée pour son Roy,
    Pour son Royaume.












































Valeryane
[Auch entre le 18 et le 25 juin 1461]

Elle avait promis de ne plus combattre ni d'entrer dans une armée, mais son cœur se serrait à chaque attaque impossible de rester sans rien faire c'était plus fort qu'elle ne supportant pas plus longtemps la démesure de l'égocentrique Roy des corbeaux qu'elle avait connu en de vieux temps où il n'était qu'un simple homme parmi les hommes. C'est ainsi qu'elle se retrouve à combattre comme au bon vieux temps mais les ennemis n'étaient pas de vrai ennemis du royaume de France, là on combattait ses propres frères, sœur, cousin, nièce et amis c'en est désolant.

On se contredit nous devons être de bon Aristotéliciens mais on finit par lever l'épée pour défendre ses propres idées, les décisions ne furent pas simple pour chaque camps où chacun défendait avec hargne, il n'y a ni méchant ni gentil il y a sur ce champ de bataille des hommes et des femmes combattant l'un contre l'autre. Si elle pouvait par magie redonner la paix aux peuples et au royaume elle le ferait sans hésitation mais ce n'était là qu'un rêve une utopie, les guerres sont utile même si elles paraissent inutiles à nos yeux.

[ Des nuit et des combats ]

Quand la lame de l'épée vient frapper l'ennemi au début on se sent mal mais à force on y prend goût et ce goût de sang et de fer mélangés rend parfois euphorique au point de ne plus réfléchir, d'ailleurs c'est mieux ainsi réfléchir de trop n'est pas bon pendant un combat, seule la lame doit agir et le bras qui guide n'est plus que l'instrument de la mort. L'épée fend un corps inconnu et un homme gémit, elle ressent un frisson pour lui qui gît et le pire c'est ce regard qui croise les émeraudes de la brune, c'est ce qu'on lui a appris regarder dans les yeux la mort fera mieux accepter l'acte.

Dans la nuit on entend que le bruit du fer qui s'entrechoque, des cris et des hurlements de guerre tel une horde de loups qui attaquent une victime, sombre destin que de mourir pour une guerre qui n'aurait jamais dû être. Et vient cette rage au fond du cœur de la brune qui n'arrêtera sa lame sauf si une vient fendre son corps, elle combattra jusqu'à son dernier souffle pour son comté.

[Au retour le lendemain]

Tous ne parlent que de cette guerre mais la brune n'a pas envie d'en parler elle pense à sa fille à la trahison de sa promesse, alors dans un moment de solitude en marchant dans les rues de Auch, elle murmure un "pardonnez-moi mes enfants j'ai failli à ma promesse, mais je ne peux rester sans agir". Elle monte enfin sur les remparts, laissant son regard dominer la ville et l'horizon bien des épreuves sont venues perturber sa vie de femme, elle s'est toujours relevé et elle se relèvera toujours. Ses émeraudes se perdes dans la campagne ou l'on peut voir les campements des allies. L'Armagnac est faite du courage de ses gens on ne ballade pas un Armagnaquais avec une carotte faite de promesse, tel sont les gens du sud des têtes brûlés, mais aussi doux que le soleil qui berce les terres fertiles aujourd'hui devenue champ de bataille le temps d'une guerre.
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La liberté c'est de savoir dire non.
Etienne_lahire
[Quelques jours plus tard... Campement royaliste aux portes de Muret]

La plupart des blessés des derniers affrontements se sont retrouvés ici. Une grande tente couvrant plus de cinquante lits.
D'autres dorment au dehors mais ceux-là n'ont plus besoin d'abri. Leurs yeux sont à jamais ouverts sur les étoiles. Leur ventre aussi, parfois.
Des mouches dansent. La guerre est le royaume des mouches.
Hommes et femmes : la pitance des mouches.

L'une d'elles danse sur mon bras. Je la sens qui court sur ma peau.
Les choses se remettent en place, l'une après l'autre.
Mon corps revient à moi. L'impression est curieuse. C'est comme si je m'immergeais.
En même temps la douleur qui me broyait le crâne s'estompe.

Le temps n'a pas la même saveur lorsque le corps est absent. J'ignore combien de jours ont coulé.
Je me souviens de bribes. On me ramène au camp. C'est la nuit. Des feux brûlent. Je suis inerte.
On m'allonge sur un grand billot de bois sale.
Je vois des aiguilles, des racloirs, des couteaux.
La douleur m'empêche de penser. Et puis je disparais.
Lumière, ombre, lumière, je ne sens rien, mon corps est loin, il ne me répond plus.
Cela a duré deux ou trois cents ans.
J'ai oublié jusqu'à mon nom.
Et depuis ce matin, cette mouche qui danse...
J'ai pu bouger la main.

La soeur converse qui circule entre les lits referme les paupières d'un homme. Elle éponge une femme qui ruisselle et gémit. La fièvre emporte autant de gens que le fer des batailles. La mort est un rôdeur patient.
Elle s'arrête un instant près du soldat blond allongé là. Celui-ci semble sorti d'affaire, finalement. Le front ouvert d'un coup d'épée. Il a eu de la chance. Il gardera une belle balafre. On l'avait cru paralysé mais ce matin il a bougé. Il faudra patienter pour savoir jusqu'à quel point ira la rémission.


Elle lui parle mais il ne répond pas. Il la regarde, pourtant. C'est encore un progrès.

- Laissez-moi cette lettre, docteur. Pour le moment il n'entend rien. Je la lui lirai quand il sera un peu mieux.

Elle examine rapidement le velin. La signature est stylisée.

- Dame Montbray ? Soit. Je vous ferai savoir quand il sera en état. Il a une autre missive qui l'attend, d'ailleurs.

Elle rit.

- Je vais me faire embaucher comme secrétaire, plutôt. Infimière, à quoi cela sert-il ? Seul le Très-Haut décide. Sauf votre respect, docteur.

C'est une immense tente, parfois comme une cathédrale. Quand les rais du soleil se posent sur son grand toit de toile, ils traversent les trous, exposent les déchirures.
Toute la toile se fait vitrail de terne cuivre et de poussière bleue.


Les rais tombent sur les lits comme des épées d'or.
Ils nous épinglent au sol comme des mouches.
J'ai bougé l'autre main.
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Etienne LaHire, dit Herode
Jusoor
[Campement Royaliste - tente d'infirmerie]

Jusoor releva le visage du Livre des Vertus posé sur ses genoux et observa son blond auditeur, ou du moins l'espérait-elle auditeur. La dernière ligne était lue pour l'heure. Sans bruit elle referma l'ouvrage qui ne la quittait pas. Assise sur le tabouret à hauteur du visage d'Etienne, habitude prise depuis plusieurs jours, elle observa la zébrure qui, à jamais indélébile marquerait son front, et le fleurissement tantôt gris, violacé ou jaune sale qui s'étendait autour de la blessure. Elle retint un soupir constatant les paupières encore et toujours closes. Il vivrait l'avait-on rassurée, sans pouvoir dire de quelle manière. Un infirme ? Etienne le poète ?

Les soins étaient fréquents et Jusoor devait interrompre à chaque fois sa lecture pour laisser sa place à une soeur barbière trop volubile à son goût. C'est à ces moments là qu'elle prenait le voile de deuil et se faisait violence pour sortir de la tente et peut-être rappeller à la vie qui continue, qu'elle aussi était toujours de ce monde. Et c'est ce qu'elle fit quand ce matin, l'infirmière se glissa contre le lit d'Etienne avec un regard impatient à son attention.

Après un dernier regard sur le blessé, elle obtempéra à la barbière religieuse et rejoignit en claudiquant la couche qu'elle occupait à quelques pas d'Etienne, sous cette tente d'infirmerie. Elle y déposa le Livre des Vertus et voila son visage trop pâle de ce deuil qu'elle doutait fortement savoir surmonter un jour.
Au moins la longue estafilade à sa cuisse gauche avait eu cela de bon : la tenir dans une inconscience qui quoique trop courte, l'avait épargnée du froid funeste qui la dévorait depuis qu'elle savait son père parti. Dès son réveil, elle s'était sentie terriblement seule. Déracinée. Et ses réflexions sur l'absence de son roi de père n'avaient de cesse de renforcer cette solitude. Parfois, au cours de quelques unes, le souvenir d'une voix lointaine et usée par les ans lui revenait :


Et juste au moment où quelqu'un près de moi dit : "il est parti !"
Il en est d'autres qui, le voyant poindre à l'horizon et venir vers eux,
S'exclament avec joie :
"Le voilà !"... *

Le voila oui. Mais plus pour elle. Elle n'était pas parmi ceux qui aujourd'hui pouvaient se délecter de son indéfectible -jusqu'alors- présence.

Penser n'était pas bon. Penser c'était quelque part vivre en paix avec sa disparition. Jusoor n'en était pas capable. Pas encore. Et devoir rester alitée là, les yeux rivés sur un plafond de toile d'où tombaient quelques rais de soleil malvenus pour elle, ne lui laissait pas la liberté de faire autre chose. Mais sa cuisse guérissait, la plaie n'était ni vilaine ni nauséabonde et ses forces lui revenaient à mesure que le sang remplissait à nouveau ses veines en quantité suffisante. Et puis Etienne était arrivé. Fort mal en point.

Elle refoula alors tous les sentiments d'abandon qui la consumaient et se raccrocha à Etienne. Il devint le centre de son attention sous cette tente. Une bouée. Il fallait qu'il vive, c'était un homme bon qui ne méritait pas cette épée qui l'avait frappé. Elle était responsable de lui, elle lui avait demandé de la suivre et il lui était cher, simplement. Elle l'aiderait à vivre. Et sans qu'elle en ait conscience, peut-être qu'ainsi, en oublierait-elle la sienne propre de vie, au moins quelques temps.

Voilée et munie de sa canne, Jusoor traversa la tente des soins, non sans un regard sur l'infirmière qui s'agitait autour d'Etienne. Le soleil à l'extérieur lui fit mal.


[Plusieurs heures plus tard]

Jusoor avait passé une partie de la journée avec son fils, à l'abri dans sa tente sur le camp. Elle avait aussi rendu réponse à des correspondances en souffrance depuis sa blessure. Et puis elle avait essayé de se mêler au monde, jusqu'en taverne même. Mais elle voyait ce monde d'un oeil blasé et indifférent. Comme un homme regarde pendant quelques secondes à peine une colonie de fourmis qui déambule. Elle ne parvenait pas à faire mieux, malgré ses efforts. Alors elle revint là où elle se sentait un peu vivre, à partager une autre peine que la sienne.

Dès qu'elle passa le dais, elle revint prendre sa place habituelle, sur son tabouret près d'Etienne. Mais elle n'eut le loisir de s'asseoir. Sa canne lui échappa en même temps qu'un hoquet. Etienne avait les yeux ouverts sur elle.




*William Blake
_________________
...abygail...
[ Muret - Dans la ville, trop près des hostilités]

Il fait beau, il fait chaud, le ciel est bleu, un temps comme elle l'aime, tout pourrait aller bien, mais ;
Des jours que ça dure... Des jours, des nuits, des nuits et des jours... Trop longtemps en somme qu'ils sont là. Des armées, des royalistes, des croisés...
Elle arpente les rues de villes, croise ces soldats qui ont investis son village.


Allez bon encore une fois, faut qu'on soit la cible, ou cette fois ce serait plutôt la victime du comté, s'il fallait compter la dette on en aurait pour des décennies à les faire payer...


Elle marmonne, arrive au marché... Plus rien, trois pains a se battre en duel..

Allons bon, et puis on nous dévalise !


Elle serre les poings, c'est bien contre le conseil qu'elle en a. Heureusement que les habitants alimentent leur taverne.
La ville subirait un siège que ce ne serait pas pire... Et encore, elle se souvient du siège de Toulouse qui était passé inaperçu, le marché ne manquait de rien... Ici, y'a plus rien !

Et oui, elle râle, alors pourquoi ne pas prendre part aux combats, après tout, c'est bien beau de grogner, mais ce serait mieux d'agir... Et bien pas cette fois, car elle ne va pas choisir son camp, plus que celui-ci c'est celui de Murèth, donc le plus important pour le moment c'est bien de cultiver son champ, son jardin...
Etienne_lahire
[Campement royaliste, tente infirmerie aux portes de Muret]


Le temps s'étire. J'entends.
Pendant mille ans au moins le monde autour de moi n'a été que bruit blanc.
Une grande prairie sillonnée de frelons, piquetée de criquets ; le vent y court parmi les herbes sèches.
Le monde est un bruit blanc.

Puis, à mesure que les sensations reviennent dans mes membres, à chaque nouvelle mouche que je sens courir sur ma peau, le bruit a reflué.
A la fin, ce n'est plus que cette rumeur un peu triste qui me rappelle la mer, désert immense et vert.
Là-bas, elle refoule l'horizon sous une brume claire. Ici, elle se mêle à la plage au bout du corps des vagues.
L'eau grésille gaiement roulant les algues et les galets, puis disparaît.

O temps, lèche le sable...

Je l'ai entendue. Une femme me parle. Sur la longue grève déserte, je me retourne en tous sens. La mer chuchotte partout, le vent court sur les dunes.
Il fait danser la chevelure de ce talus abrupt qui verse sur la plage ses touffes de chiendent piquées de longs épis gris. La vague qui scintille m'aveugle pour un moment.
Je l'entends. Sa voix est douce et basse. Elle prononce des mots qui roulent sur le sable, se perdent dans les galets.
Pendant mille ans. A la fin, la nuit tombe, l'océan s'assoupit. La voix de la femme m'arrive, claire et un peu perdue comme si elle s'en allait.

- Lorsque je me réveillai, je me trouvais dans mon lit, les bras en croix. Autour de moi des cierges étaient allumés et mes amis étaient en train de prier. En larmes, mais visiblement soulagés, ils m’expliquèrent que cela faisait neuf jours que j’étais mort. Je me levai, allai à la fenêtre et vis que le soleil diffusait à nouveau sa chaleureuse lumière sur le monde.
(Livre des Vertus, VIII-7)

La douleur disparait.
Je dors aussi, enfin.

Silence. Nuit. Jour. Le monde prend consistance au même rythme que mon corps. Je bouge encore, la main, puis le bras.

J'ouvre les yeux, c'est la nuit, des blessés que je ne vois pas ronflent, gémissent, crachottent.

J'ouvre les yeux c'est l'aube. Où-suis-je ? Je replie une jambe, j'essaye de me redresser. Un marteau me broie les tympans. J'abandonne. C'est trop tôt. Je laisse flotter mes pensées. Des bribes de souvenirs dérivent. Des images : un homme à sa forge, une jeune femme égorgée que je laisse tomber au sol, une fête, une chapelle. Une femme à qui je tiens le bras sur un grand parvis balayé par le vent. Une marche la nuit. Une femme blonde qui danse. Les plans d'une machine. Un vieil homme barbu qui me montre comment tenir une plume. Il trempe dans l'encre noire la pointe très effilée. Une femme que j'embrasse. Elle est mince, son regard est fiévreux. Je n'ai pas confiance, me dit-elle. Je voudrais l'embrasser encore ou la tuer, mais je m'en vais. Puis vient la guerre. La chanson des épées, et des cris, et du sang.
Tout un monde fait de joies, de peines, d'offrandes et de plaies. J'ai aimé tout cela. Et je voudrais les nommer pour retrouver le sens.
Il fait chaud déjà. J'entends le bruit des pas de l'infirmière. Le nom du médecin me revient : Marccoul.
Un nom enfin ! Mais cela ne me dit rien de plus...

J'ouvre les yeux c'est le jour. J'ai entendu approcher ce pas que je connais déjà. Léger, un peu irrégulier, accompagné d'un bruit sec.
Elle est là. Une grande jeune femme, mince, le tissu qui l'habille est de belle facture mais il est de gris et de noir. Elle a des yeux profonds, comme étonnés.
Je la connais. Depuis mille ans aussi je la connais, depuis avant les plages et les galets. Elle me salue en s'asseyant.
Je reconnais sa voix. Tu étais sur la plage n'est-ce pas ?
Je tends la main pour attraper la sienne. Je sens sa peau sous mes doigts, chaude, sèche, souple. Je sens la vie qui bat. Qui es-tu ? Je voudrais dire merci mais je ne trouve pas les mots. J'ouvre les lèvres, ma gorge laisse couler un croassement rauque. Vais-je réussir à parler ? Mes pensées sont un peu confuses encore. Je plonge mes yeux dans le puits noir des siens. Je recommence.

- Ma Dame de la plage ? Quel jour sommes-nous ? Quel est ton nom ? Quel est le mien ?

Elle semble fatiguée.
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Etienne LaHire, dit Herode
Jusoor
Devant les yeux qui la sondaient, Jusoor avait dans un premier temps cherché l'appui secourable du lit attendant que la prime surprise passe. Puis après un court instant, le soulagement était arrivé, chassant en partie l'étonnement. Elle avait alors abandonné son appui, fière Blanc-Combaz, et s'était assise à sa place habituelle, près de lui. Elle ne put sous l'émoi qui l'étreignait pourtant que chuchoter quelques mots ponctués d'un bref sourire.

Tu es là...

Ainsi l'avait-elle salué.

Elle s'accrochait à ces yeux posés sur elle, fouillait le regard, sans savoir véritablement ce qu'elle y cherchait. Simplement une assurance que les paupières ne se refermeraient pas pour un temps indéterminé, emportant avec elles l'espoir de le voir vivre, le poète.
A cette seconde un flot de mots remontait sa gorge, comme témoins d'un ressac de sentiments qui la heurtait de plein fouet. Le soulagement qui aurait pu atteindre une certaine joie si son âme n'était si tourmentée de son deuil, la gratitude profonde envers elle ne savait quel Saint et paradoxalement, une inquiétude persistante. Et si ses yeux se cachaient de nouveau derrière ses paupières ? Mais les mots ne trouvaient pas d'exutoire et le silence régnait. Et peut-être que ce long regard échangé suffisait à l'éloquence.

Elle dut briser ce lien invisible qui les unissait quand elle sentit une tiédeur sur le dos de sa main, qui prit la forme d'une caresse sèche et légère. Baissant le regard elle découvrit la main du poète sur la sienne. Elle n'esquissa aucun mouvement de retrait. Au son guttural qui s'échappa des lèvres craquelées elle reporta son attention sur lui. Il avait déja retissé le lien imperceptible, elle l'y rejoignit sans attendre.
Elle le vit alors réunir ses forces, se concentrer et forcer sa gorge. Aux questions qui tombent, elle dessine un doux sourire, camouflant à merveille l'inquiétude qui revient, la dévorant un peu plus à chaque interrogation. Il est perdu, quoi de plus naturel ? Mais était-ce plus ? Aurait-il oublié jusqu'à sa propre vie ? Elle prend la décision d'en informer la religieuse, ou le médecin, mais plus tard. Sa place est ici à cette heure et elle ne le laissera pas dans la paralysie de l'ignorance.


Nous sommes un mardi de 1461, celui qui te voit revenir parmi les vivants.

Je suis Jusoor, mais toi, tu me nomme Corbelette. Ton nom est Etienne. Etienne Lahire.

Tu es mon ami... je suis la tienne.


Avec douceur et précaution, sa seconde main vint entériner l'intention d'Etienne et se pose sur celle qui emprisonnait déja la sienne.

Ils étaient deux.

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Etienne_lahire
[Ce que nous dit l'oiseau]

- Corbelette...

L'image amuse Etienne. Il sourit, scrutant les traits de sa visiteuse. Rien dans le visage, pourtant, qui évoque le bec d'un corbeau, rien dans sa voix qui tienne du croassement. Corbelette. La petite femelle du corbeau. Est-ce sa vêture sombre qui l'a fait nommer comme cela ? Elle semble porter le deuil...

Concentré sur la sensation des deux mains réunies autour de la sienne, Etienne laisse flotter ses pensées. Cette peau tiède et souple tenue contre la sienne est comme un rappel à la vie. A la pulpe des doigts des souvenirs s'incarnent.
Une image fugace : deux jeunes femmes se baignent dans l'onde tiède du lac. Il fait chaud. Un insecte vrombit non loin de son oreille. Près de lui une touffe de roseaux danse pour le soleil. Aucun deuil là-dedans...
Etienne cherche, hésite, prolonge encore le silence. Peut-être va-t'elle parler ? Il écoute les bruits, tout ce qui fait son et qui parle du monde où il cherche à se retrouver. Un homme gémit un peu plus loin. Ses paroles sont indistinctes. Des fragments de scènes se remettent doucement en place.
Un froissement d'ailes noires... le chant sec de mille feuilles mortes qui roulent en cascades dorées sur les grands pavés gris. Le temps est clair et frais. Lui, il marche d'un pas gai, la ville est lumineuse sous un beau ciel d'automne. A son bras, la Corbelette. Il est très fier de cela et pas seulement parce qu'elle est belle. Sa poitrine est gonflée de joie. Mais pourquoi... ?
Elle a son air sérieux comme aujourd'hui, mais autre chose dans le regard.
Nulle tristesse ni fatigue, c'est la fierté qui brille dans ses yeux noirs de femme. L'éclat d'une victoire.


Etienne plie et étend un peu les doigts, les faisant glisser sur la main qu'on lui offre. La texture de la peau lui fait un fil d'Ariane. Il en déroule lentement la piste pour remonter le fil des souvenirs qui demeurent fuyants.

Pendant ce temps il n'a cessé de dévisager la jeune femme. L'idée lui vient soudain que cette familiarité pourrait bien la gêner. Pourtant, Jusoor ne le manifeste pas. Une amie, certainement, il le sent bien, mais jusqu'à quel point sont-ils proches ? Assez pour qu'ils se tutoient bien qu'elle semble de haut rang. Assez pour qu'elle l'autorise à lui prendre la main. Mais impossible de l'interroger directement sur cela ; il faut laisser venir...

Ses yeux descendent lentement le long de la gracile silhouette et viennent se poser sur la canne béquille qui porte la jeune femme. Jusoor l'a coincée contre le dossier de sa chaise. Etienne fronce les sourcils. La guerre, oui. Il sait que c'est la guerre. Il n'a pas oublié cela. Donc soit Jusoor est boiteuse, soit...

- On t'a blessée ? Mais ce noir... ? articule-t'il, un peu moins difficilement que tantôt. Ses lèvres aussi retrouvent le chemin des mots.

La guerre... Une idée lui traverse soudain l'esprit. Corbelette, corbeaux, batailles, l'image d'un grand oiseau de proie qui plonge dans le carnage où se brassent en s'embrassent des corps d'hommes et de femmes, des chevaux broyés mêlés de fer criards et de bois rouges suintant comme des fleuves de sang. Un grand brouet de cris, de peurs, de joie féroce, de souffrances, donc de vie et de mort.
Un immense balbuzard plane au-dessus et plonge dans la mêlée. Il plante ses serres, déchiquette, éparpille des corps à coups de bec et se bat.
Le coeur d'Etienne manque un battement. Quelque chose revient.


- Qui t'a blessée ? Parle-moi de toi... Tu es triste. De qui portes-tu le deuil, Princesse ?

Le mot lui est venu tout seul et le jeune homme se fige, foudroyé.
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Etienne LaHire, dit Herode
Jusoor
Voir déjà comment Etienne réagirait aux premiers éléments de sa vie, qu'elle venait de lui révéler. Etudier ses traits, son regard, espérer voir s'y imprimer la résurgence d'un souvenir, ou encore l'affectation presque blasée adoptée devant un détail routinier. Alors le silence est gardé et rien ne franchit les lèvres closes de la Blanc-Combaz. Le temps est-il long ? Elle n'en a pas la sensation, toute absorbée qu'elle l'est à tenter de déchiffrer le blessé.
Il esquisse un sourire et Jusoor se sent fouillée à son tour. Comme elle, il détaille ses traits, glissant son regard d'une de ses pommettes à l'autre, suivant la ligne de sa mâchoire pour ensuite embrasser la tenue qu'elle revêt. Les attitudes se reflètent à cette seconde et chacun cherche à retrouver l'autre dans celui qui lui fait face. Le temps n'avait bel et bien plus cours dans ce moment d'égarement chez autrui.

Et puis le regard d'Etienne devient lointain, quoique toujours pesant sur elle, et son attention, déplacée. Un souvenir lui revient ? Est-ce une image ? un son ? une odeur ?
Tant d'interrogations qui emplissent l'esprit de la brune alors qu'elle redouble d'attention dans la lecture des traits amis, dans l'espoir d'y trouver l'ombre d'une réponse. Lui parlera-t'il bon sang ?

Non... pas verbalement en tous cas. Un mouvement sous sa main l'arrache à sa contemplation tandis que des doigts tièdes et encore faibles, elle le sent au travers de sa peau, s'invitent sur sa main jusque là protectrice des deux autres. Elle esquisse un faible sourire soulagé. Dans ces rares moments de communion, où l'âme ne peut être que dénudée, les intentions se dévêtent tout autant de mots, verbiage trop vain, et l'éloquence prend une forme bien plus ancestrale, instinctive. Jusoor se rassure de l'usage du non-verbal en pareilles circonstances, privilégiant ainsi les essentiels, l'inné, reniant le leurre des mots. Ainsi, seule la vérité est perceptible : l'affection innocente d'une amitié sincère et la rencontre de deux âmes en peine, porteuses d'espoir néanmoins.

Quand elle relève les yeux, il ne la regarde plus, son attention s'est portée sur le dernier attribut dont elle a l'usage, momentané, elle l'espère. La voix d'Etienne s'élève finalement, mais presque aussitôt son expression change et son regard redevient absent -spectateur sans doute de nouvelles images dont elle n'a pas connaissance- pour finalement se figer tel un marbre ancien alors que son ultime question meurt dans les râles de la tente d'infirmerie.

Qu'y lit-elle maintenant sur son visage ? Les traits masculins sont empreints d'une surprise violente, de stupéfaction et sans doute d'incrédulité. Princesse, oui. Il ne s'est pas trompé et semble se souvenir par à-coup des habitudes prises. Et lui que peut-il lire sur le visage qu'elle lui offre ?

Le deuil... non seulement elle le porte, mais elle le mange, le boit et le respire. L'incommensurable sentiment de perte ne la quitte pas, aussi attachée à elle qu'une sombre amie qu'on hésite à voir déguerpir, car tant qu'elle est là, on sait qu'on est encore en vie. Que peut-il lire, Etienne, sur le masque blanc pourtant d'ordinaire impénétrable mais pris au dépourvu à cette seconde ? les ravages de l'Insoutenable sans doute. La déraison ? l'affolement de la biche chassée ? l'esprit qui vacille ? l'épuisement ? l'indécision ? la perte du goût des choses ? l'indifférence affectée ? A cette dernière possibilité Jusoor n'y croit guère, pourtant c'est celle-ci qui lui sert à se recomposer une expression digne d'elle. Elle s'éclaircit la gorge tandis que l'affolement dans sa poitrine ralentit sous l'effort qu'elle fournit. Malgré ses efforts, elle trébuche sur la première syllabe :


- J'ai... j'ai perdu un père Etienne. Un père qu'aucun homme ne saurait jamais égaler. Et non, tu n'es pas dans l'erreur... Le Royaume a tout autant que moi perdu son Souverain légitime, son guide, le plus grand Roi qu'il ait jamais connu.

La question sur la blessure qu'avait reçue Jusoor était déjà oubliée, en tous cas par elle, remisée par l'autre... Elle se pencha légèrement sur Etienne et dessina un sourire qui avait tout du survivant aguerri. Au moins la mémoire te revient Etienne, même par bribes, et c'est encourageant. Ta blessure au front est propre et ne suinte plus. As-tu d'autres souvenirs ?
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Charly
Citation:

Cher ami, cher Balthazar,

C'est de Muret que je t'écris : Muret, ville de Toulouse et anciennement fief des traîtres du nom de cette Province traîtresse dont on ne prononce plus le traître nom.
Si je me fais bien comprendre.

Hier, nous avons encore écorché un ennemi qui tentait de s'exfiltrer hors Velran en suivant paisiblement le petit chemin de la forêt noire. Il était très fort cet ennemi, très intelligent, très beau, très trempé du talon dans un fleuve magique, bref l'histoire retiendra qu'il était tout empli de superlatifs.
D'ailleurs cet ennemi était un superlatif impropre à la comparaison, comme sont impropres à la consommation les traîtresses miches de pains produites par les traîtres nos voisins.
Je tenais à préciser.
Nous avons donc savonné cet ennemi et lui avons replacé la tête entre les deux oreilles, ce à grands coups de balais limonaire.

Avant-hier, nous avons fait du feu, car à l'armée on fait toujours du feu, et nous ne voulions point manquer d'audace face aux étoiles.

Avant avant-hier nous nous sommes ennuyés.

Avant avant avant-hier nous nous étions aussi ennuyés.

Avant avant avant avant-hier nous nous ennuyâmes.

Mais le jour d'avant, nous avons mangé chez Lucky Luke.
Ou Lucullus, je ne me souviens pas trop à cause de la boisson dont le houblon est à la base.
Ce n'était pas trop bon : des fayots phagocytés dans une sorte de formol. A recracher au plus vite sauf si on se destine un jour à l'élevage d'aspics ou d'asticots.

Bref, mon cher Balthazar, on s'ennuie.

Pour l'instant, nous ne bougeons pas. Mais pour combien de temps encore ?

Je te préviendrais de mon départ, ainsi tu pourras lancer le grand nettoyage de printemps et de tes oreilles.

Remets une grande claque dans le dos à nos compagnons Melchior et Gaspard de ma part.

A la bonne aventure,

Charly
Etienne_lahire
[Quelques couleurs de l'immortalité]

- Mon front ?

Etienne porte lentement la main gauche sur la plaie recousue à gros fil. La douleur pulse encore par instants. Elle bat sous la peau, sous l'os que cette épée n'a point fracassé mais seulement fendu et enfoncé. Des bribes de souvenirs là aussi lui reviennent.

Le combat. Un cheval qui se cabre. Il évite une lance, se retourne pour faire face à un mouvement qui le surprend sur la gauche. Eclair blanc.
Silence. Douleur.
Des pinces. Une voix : il a eu de la chance, on ne trépane pas. On parle de crochets, de pinces, de couteaux, de sutures.
Silence. Douleur.
Lumière. Jusoor.
Le nivernais sourit, sans effort cette fois.

- Oui. Je me souviens de toi.

Ce masque distant qu'elle affecte, il s'en souvient. Le parfum lointain de ses cheveux, il s'en souvient. Ce regard qui hésite, qui vacille et puis qui perce, il s'en souvient.
Ce Roi aussi, son père, il s'en souvient.


- Ainsi, le Balbuzard est tombé...

Il resserre un peu les doigts autour de la main de sa visiteuse. Les paroles de condoléance lui viennent à l'esprit mais il n'essaye même pas de les articuler. Il lui semble tout à coup que les mots sont mondains. Alors il serre les lèvres, la main de la Princesse, se plonge encore dans le noir de ses yeux. Que dire en de telles circonstances ? A une princesse, révérence, conventions : les paroles exactes d'un courtisan. Mais à elle qui est venue ici veiller sur son retour, malgré le deuil et la guerre qui suinte encore entre deux aubes ternes ? Mais .... à une amie ?
Etienne laisse passer un long silence.

- Je ne l'ai pas connu. Pas l'homme. C'était un roi. Je ne l'ai pas aimé mais je l'ai admiré. Et il n'y a pas tant de gens à estimer ici bas...

Il lui sourit encore. Il aime ce regard noir où la glace et le feu s'entrelacent.
Les voiles se disloquent lentement qui occultaient sa mémoire. Il revient à la vie.
Il sait pourquoi.


- ... et puis il a été ton père. Il n'est donc pas à jamais mort. Mais pleure le quand-même, car il nous manquera.

On entend gémir un blessé quelques lits plus loin. Cela dure un moment puis s'épuise dans le cri rauque, libéré, de l'homme qui meurt enfin.
Un rai de lumière a glissé derrière la Corbelette. Il est posé sur son épaule comme un fantôme doré.
Il fait chaud sous la tente, cathédrale de toile.
Et la vie continue, lente et patiente mue.

Etienne remue un peu. Une lourde fatigue sédimente ses pensées. Ce flux de souvenirs qui revient le balaie, lui château de sable et d'oubli au ventre de l'estran quand la marée monte encore.
Il referme un instant les yeux. Dans toutes les déchirures coule le bourdon doré de sa vie. Des bribes encore, tant de bribes à rassembler...
Mais ce sera pour plus tard.
Chaque chose en son temps.


- Je me souviens de Jusoor et pourtant j'en connais si peu. Tu devrais me parler de toi.

Sans ouvrir les yeux tant il est épuisé, il tourne le visage vers elle, sa visiteuse. Saura t'il deviner à la chaleur d'une ombre si elle hésite ou sourit ?
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Etienne LaHire, dit Herode
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