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[RP ouvert]L'hôtel de Culan.

pnj
Un arrêt à deux coups de bâtons, un regard plein de sourire vers la bâtisse, Antoine fut emporté par les bras de son papa. Une bise déposé sur l'une de ses joue rougit par l'excitation du jeu, le petit en rendit une à son papa.

Eh bien dit moi, je te cherche depuis un moment là !

'scuse Papa, z'ai zoué avec Anne toute l'après midi, mais ze t'avais dit que z'allais faire un tour, mais tu n'a pas du entendre, ta tête était dans le seau que tu étais entrain de faire...

Philipe regarda la grande maison une lueur dans les yeux.

Alors, dit moi, c’est donc là qu’habite Anne ?

Oui papa c'est ici qu'elle habite avec Bacchus et la Matheline. Le Bacchus il m'a invité a rentré. Il est grand!! il a des tout gros sourcil!! il est immense!! mais il est très zentil!

Un grand sourire et le petit continua sur sa lancé.

Et la Matheline elle est arrivé dans l'encadrement de la porte avec sa grosse voix a en faire pâlir un grand soldat comme moi!! Mais Anne elle a été impressionnante! C'est un peu elle qui commande on dirait...

Il se laissa glisser à terre tout en souriant et traina son papa un peu plus près de la demeure de la petite en lui indiquant l'une des fenêtres...

Tu vois là bas? c'est une salle immense!! c'est zoli!! ben là bas, Anne m'a apprit un zeu! tu connais le zeu de la main saude? Ze te montre après! Ensuite on a zoué dehors..z'ai emmené Anne dans la sariote et on a fait des tours dans les allées du zardin!! c'était très drôle!! Ensuite Bacchus est venu et a cherché Anne pour le gouté.

Un sourire un peu triste, il regarda Philipe dans les yeux et continua...

Dis papa? Anne elle pourra venir jouer chez nous aussi?
Anne_blanche
Les jours passaient. Peu à peu, Anne prenait ses marques dans cette nouvelle vie. Elle regrettait bien de temps à autre l'immensité des jardins de Culan, les corridors mystérieux du vieux château, les escaliers dont on ne savait jamais très bien s'ils vous mèneraient sur les remparts ou en quelque chambre secrète, mais elle aimait bien l'hôtel de Vienne.

Demoiselle Anne, ya une lettre de Madame votre mère !

Anne, qui venait de terminer sa toilette du matin, toute seule comme une grande, se porta aussitôt à la rencontre de Matheline, ravie. Mère allait enfin arriver. Et avec elle, Gabriel et Blanche.

Donnez !

Elle arracha presque le parchemin des mains de la camérière. Mais, à mesure qu'elle lisait, son petit visage se renfrogna. Elle était au bord des larmes quand elle déposa la missive sur son lit. Mère ne viendrait pas, du moins pas tout de suite. Sa santé ne le lui permettait pas. Anne savait à quel point sa mère avait aimé son père, et combien la vie lui paraissait terne depuis qu'il était mort. Mais, dans sa tête d'enfant, une petite voix pernicieuse lui soufflait que Maryan aurait dû surmonter sa peine, et s'occuper davantage de sa progéniture.

Dame Maryan arrive bientôt ?

Matheline tournait le parchemin en tous sens. Elle ne savait pas lire, bien sûr. Anne secoua la tête.

Non. Mère se repose encore un peu avant de venir. Elle garde Gabriel près d'elle. Mais elle a écrit à Blanche pour qu'elle vienne ici avec nous.

C'était déjà ça. Au moins, sa jumelle serait bientôt là.

Laissez-moi...

Matheline s'exécuta, passablement agacée à l'idée d'avoir bientôt la charge d'une deuxième fillette.
Anne resta un moment assise sur son lit, désemparée, le regard dans le vague. Mais sa déception fut vite refoulée. Matheline devait être à la cuisine, en train d'ennuyer la cuisinière en lui ressassant pour la centième fois le malheur qu'il y a d'être obligée de s'occuper d'une gamine trop futée. Ladite gamine en profita pour filer aux écuries.


Bacchus, je dois aller à Lyon. Messire Walan m'a donné plein d'adresses. Faites atteler, et partons sur-le-champ.

Le cocher tenta bien de protester, pour la forme, mais Anne savait s'y prendre. Puisque c'était le gouverneur lui-même qui lui avait dit où se rendre...

L'équipage rentra fort avant dans la nuit. Matheline, en chemise dans la grande salle, se rongeait les sangs. Le pauvre Bacchus fit les frais de son soulagement, quand elle les vit rentrer tous les deux sains et saufs. Quant à Anne, elle ne tenait plus debout. Elle était déjà couchée, et endormie, quand Matheline lâcha Bacchus pour venir gronder la petite.
Anne avait bien employé sa journée d'escapade. Elle avait visité le siège de tous les partis politiques, avait tout lu, avait posé des questions. C'est dans le dernier qu'elle avait rencontré Dame Espoire d'Armilly, qui lui avait parlé de son père. La fillette s'endormit en repensant aux paroles de la dame, et elle les avait encore en tête quand la voix sèche de Matheline la tira du sommeil, le lendemain matin.


Debout, Anne ! C'est pas parce qu'on traîne dehors jusqu'à pas d'heure comme une gueuse qu'on doit rester au lit passé sixte. Et puis vous avez encore une lettre à lire.

Lèvres pincées, elle tendait un parchemin. Anne se frotta les yeux, bien calée contre ses oreillers.

Je suis invitée !

Sous le regard ébahi de Matheline, elle sauta à bas du lit, battant des mains, incapable de contenir son excitation.

Je suis invitée ! Dame Espoire m'invite à son mariage !

Mouais ! C'est qui, encore, celle-là ?

Une amie de Père. Elle travaillait avec lui à Paris. J'irai, Matheline.

Voire ! Madame votre mère n'est point là.

Matheline s'empara du parchemin, vit le sceau rouge, qui fit sur elle grande impression.

Mouais ! répéta-t-elle. C'est que ça vient d'une grande dame, tout de même. Vous allez écrire à votre tuteur pour qu'il donne avis.

Elle poussa vers Anne son écritoire, très fière de sa trouvaille.

Voilà ! C'est ça que vous allez faire, Demoiselle Anne. Ecrivez à Messire d'Angillon. Il saura ce que faire, lui !
--Bacchus
Bacchus regarde le couteau que sa jeune maîtresse lui a fait acheter le matin-même. C'est un bon couteau, bien solide, tout neuf. Celui qui en a forgé la lame connaît son métier. Bacchus en éprouve le fil sur son pouce. Ca lui fait plaisir, de tenir en main un bel outil, bien fait.
Le premier cochon acheté pour Anne est gras. Elle l'a nourri au maïs, jour après jour, et ses soins ont porté leurs fruits. Certes, on pourrait attendre encore quelques jours. Mais sait-on jamais ? Il paraît que les cochons ont une fâcheuse tendance à crever dans la nuit. Celui-ci est à point, il donnera bien ses 220 à 250 livres de viande. Les carcasses manquent, sur le marché. Anne en tirer facilement un bon prix.

Armé de son couteau et d'une cognée empruntée à un charpentier voisin, Bacchus se rend dans le champ, de l'autre côté de l'eau, en tirant la petite charrette à bras qui lui sert d'ordinaire à coltiner le maïs du marché à la maison. Les trois bêtes dorment dans le soleil d'automne, leur groin retroussé en un drôle de sourire. Bacchus a pris une poignée de maïs. Il enferme les deux porcelets dans la cahute qu'il leur a construite pour les mettre à l'abri, la nuit, et attire le plus gros à l'écart, avec la nourriture.
Bang ! La cognée s'abat sur la nuque. Assommé, le cochon tombe sur le flanc. Il n'a pas eu le temps d'avoir peur, sa viande sera bonne. A califourchon sur la bête, Bacchus lui bloque la patte arrière de son genou, au cas où il lui prendrait fantaisie de se ressaisir et de s'agiter dangereusement. D'une main, il maintient la patte avant. De l'autre, il plonge le couteau dans la gorge de l'animal, tranchant d'un coup la grosse veine. Le sang coule à gros bouillons, sitôt recueilli dans le grand bol de bois passé au vinaigre que la cuisinière a eu soin de lui remettre.
Le cochon est mort. Bacchus attend la fin du flot, en battant le sang avec une baguette, pour éviter qu'il ne se fige. La cuisinière en fera une bonne sanguée, ce soir. Ca changera de l'ordinaire soupe à base de pain et d'herbes du jardin. Le cocher s'en régale à l'avance.
De sa charrette à bras, Bacchus tire un boisseau de paille bien sèche, dont il répand la moitié sur le corps de l'animal. La paille s'enflamme au premier coup de briquet. Bacchus gratte soigneusement la couenne, retourne l'animal avec un "han !" de bûcheron, et se met en devoir de racler l'autre flanc. Ne reste plus qu'à le porter dans la charrette. Il est lourd, morbleu ! Anne sera contente. Avec le produit de la vente, elle pourra s'acheter deux autres porcelets.

Tirant son corbillard à porc, Bacchus repasse l'eau. La carcasse est mise à l'abri dans la cave, sous un ligne propre et des mottes de terre, jusqu'au lendemain, tandis que la cuisinière s'empare avidement de la jatte de sang. Demain, Bacchus récupérera les viscères, que nul boucher digne de ce nom n'accepterait de mettre en vente, et en fera don à la brave femme. On va manger du foie, du coeur, du rognon, à l'hôtel de Culan ! Puis il portera la bête chez le boucher.
Il remonte de la cave, se lave les mains au puits, et va rendre compte à Anne de sa matinée.

La petite l'écoute, l'air très sérieux, et hoche gravement la tête.


Comment sont les autres cochons, Bacchus ?

Ma foi, Damoiselle Anne, i's' portent bien. Yen a un qu'est dodu, et l'autre l'est 'core trop jeune pour être considéré. Si qu' vous leur donnez 'core du maïs à suffisance, i' profiteront.

Je n'ai pas de quoi acheter du maïs pour demain, Bacchus.

Ben pour une fois, i' s'en passeront ! Ya ben assez d'herbe dans leur enclos.

L'homme et la petite fille sont interrompus par l'entrée de Matheline, porteuse d'un pli.

La réponse de Messire votre parrain, Damoiselle.

Avec appréhension, sous l'oeil de Bacchus qui se dandine sur place, et celui de Matheline qui fait semblant de regarder ailleurs, Anne décachète la missive. A mesure qu'elle lit, son sourire renaît.

Hugoruth a écrit:
Citation:
Ma très chère filleule,

Quelle joie d'avoir de vos nouvelles, me permettant en même temps de constater vos grands progrès dans les nobles domaines que sont l'écriture et l'expression.

Matheline a fort raison de s'attacher à ce que vous n'alliez pas à ces noces seules, nul ne sait ce qu'il peut advenir quand le vin et la bière coulent à flot. En conséquence, je vous accompagnerai à ce mariage, sans doute avec la Dame de Thauvenay si l'envie lui en dit.

Recevez, filleule, mon affection aristotélicienne.

Hugo de Cornedrue-Angillon



Triomphante, Anne tend le parchemin à Matheline.

Mon parrain est d'accord ! J'irai aux noces de Dame Espoire ! Matheline, préparez-moi ma robe bleue, celle qu'on m'a taillée l'an dernier. Il me faut l'essayer. J'ai grandi, je crois.

Un coup d'oeil à Bacchus, pour quêter son approbation. Le brave homme hoche la tête, avec un soupir. Pour sûr, qu'elle a grandi ! Oh ! Pas beaucoup. Elle est née bessonne, la première des deux, mais la plus chétive, aussi. Ce ne sera jamais une grande bique comme Matheline, pour sûr.
Il regarde la gamine qui, un doigt sur les lèvres, semble absorbée dans une intense réflexion.


Bacchus, je vais écrire un billet que vous porterez séance tenante à Dame Draguione.

Elle se dirige vers son écritoire, se retourne vers la camérière.

Ma robe, Matheline ! Allez !

Tandis que la femme file vers la chambre, Bacchus regarde par-dessus l'épaule d'Anne, qui trace soigneusement ses lettres, sable le parchemin pour sécher l'encre. Il sourit tout seul de la voir faire. Avec une courbette héritée de l'époque où il était huissier, il s'empare du pli et se transporte, aussi vite que le lui permet son embonpoint, jusqu'à la demeure des Massilia.
~draguione~
Le trajet fut moyennement long, mais Draguione ne s'ennuyait point avec Bacchus qui lui contait tout ce qui pouvait s'associer à sa petite protégé qui avait fort caractère semblait-il, et elle avait bien raison d'en avoir!

Arrivé devant la bâtisse de la jeune personne, elle plissa son petit nez. Une bien belle demeure qui se trouvait en face d'elle, ce qui lui rappelait Villerouge-Termenès, même si cela n'avait rien à y voir. Bacchus la conduisa sous la porte cochère, lui ouvrant ensuite chaque porte qui conduisait à la fillette. Elle était bien princesse, mais aimait tant sa simplicité et son besoin d'aider!

Un petit sourire en voyant Anne, elle la salua comme il se devait.


Bonjour Anne! Vous m'avez fait mander, je ne voulais vous faire patienter. Je me suis donc permise de venir de suite avec Bacchus qui est fort amusant!

La Belle de Massilia remonta ses mains refroidient par le vent vers le ruban qui liait sa capeline de velours noir. Elle tira délicatement sur celui pour en défaire le noeud et laissa glisser sa capeline sur son bras... Son regard parcourait la pièce, ravie de l'endroit...
Anne_blanche
Aïe ! Ca pique !

M'enfin, Damoiselle ! Si vous ne bougiez pas tant, aussi !

Juchée sur un tabouret, au milieu de sa chambre, Anne subissait le réajustement de sa robe. Matheline avait des épingles plein la bouche. Elle avait décousu le corsage de la jupe, pour rallonger le vêtement, et piquait les épingles à l'emplacement de la future couture. Mais la pauvre Matheline n'était pas spécialement adroite, et elle piquait la peite fille presque aussi souvent que le tissu.

Va m'falloir défaire auchi l'ourlet. Ch'est que vous javez grandi pluche que je ne penchais.

La porte s'ouvrit. Dame Draguione, menée par Bacchus, entra dans la chambre, souriante.

Bonjour Anne! Vous m'avez fait mander, je ne voulais vous faire patienter. Je me suis donc permise de venir de suite avec Bacchus qui est fort amusant!

Bonjour, Dame. C'est très aimable à vous d'être venue si vite. Oui, vous avez raison, Bacchus est très agréable.

Les bras ballants, la bouche toujours pleine d'épingles, Matheline regardait la dame, sans même penser à la débarrasser de sa cape. Un coup d'oeil impérieux de sa jeune maîtresse la rappela aux devoirs de sa charge. Anne toucha du bout des doigts le fin lainage de sa robe.

Voyez, Dame. On m'a fait faire cette robe l'an dernier, pour me mener à une fête chez une amie de Mère. Mais je ne sais si elle sied à un mariage. Mère n'est pas là pour me conseiller, non plus que ma tante.

Elle grimaça légèrement en évoquant tout ce que sa mère lui avait conté sur sa soeur aînée, la flamboyante Johanara, baronne de Lignières, qui vivait désormais en Armagnac.
Un peu embarrassée, elle reprit :


Alors, je me suis dit que vous pourriez m'aider...

Le regard bleu se leva vers Dame Draguione, portant l'espoir qu'elle approuverait sa tenue. Anne n'en avait en effet point d'autre, et les écus que sa mère faisait régulièrement parvenir à Matheline n'étaient pas suffisamment bien gérés pour permettre d'autres achats que le strict nécessaire.
~draguione~
Débarassé de sa capeline, Draguione s'approcha de la petite fille un rictus au coin des lèvres...

Voyez, Dame. On m'a fait faire cette robe l'an dernier, pour me mener à une fête chez une amie de Mère. Mais je ne sais si elle sied à un mariage. Mère n'est pas là pour me conseiller, non plus que ma tante.

Alors, je me suis dit que vous pourriez m'aider...


Demoiselle Anne, votre robe est certe un peu courte mais sa couleur vous va à ravir! Nous allons arranger cela!


Le regard de la fillette se plongea dans celui de Draguione, un regard qui parlait..Un regard qui en aurait fait palir plus d'un! Un demi tour sur ses talons vers la Matheline, la Belle de Massilia reprit..

Matheline vous permettez?

Elle n'eu de temps de répondre, que la jeune femme lui avait déjà retiré les aiguilles que la Matheline avait planté entre les lèvres. Elle prit un petit ciseau qui était posé sur une petite table non loin et c'est parti! L'ourlet du bas décousu, celui des petites manches également, Draguione se mit a sourire...

N'ayez crainte jeune Demoiselle, quand je vivais à Montélimar, j'avais une échoppe de Tisserande...

Elle s'approcha un peu plus près en lui chuchotant...

Un jour je vous montrerais ma robe de mariée que j'avais confectionné!

Un bras remontré perpendiculairement au corps de la petite Anne, Draguione commença à refaire un nouvel ourlet, certe un peu plus petit, mais cela ne se remarquerait pas. Une aiguille plantée après l'autre dans le tissu, ce premier ourlet était fin prêt. Le bras redscendu, la jeune femme tira légèrement sur le manche afin d'en voir le retombé. Draguione était assez satisfaite, mais également très soulagé que les tisserands pensaient à laisser un peu de tissu supplémentaire pour les vêtements d'enfant. La Belle fit de même avec l'autre manche tout en bavardant avec la jeune enfant. Un passage de main sur les flancs de Anne pour bien mettre le tissu de la robe en place, elle pouvait désormais s'attaquer à la longueur... Tout en enroulant légèrement le tissu une fois autour de son doigt, elle plantait les aiguilles les unes après les autres. Draguione adorait faire cela, mais la petit fillette en face d'elle n'en savait rien du tout en la faisant mander...

Tournez vous jeune fille je vais finir l'arrière!

Draguione pu facilement terminer son travail sous l'oeil des chaperons qui n'en perdaient pas une miette. Verification discrête du travail que la Matheline avait déjà effectué, un petit tiraillement sur les pièces d'etoffe, la robe était prête a être recousu...

Il vous faudrait retirer la robe maintenant Demoiselle Anne, je vais pouvoir recoudre le tout!

Un sourire satisfait s'empara du visage de Draguione en regardant la fillette.
Anne_blanche
Ravie, Anne se laissa faire. Quelle différence, entre la maladresse de Matheline et les gestes précis de Dame Draguione ! Les mains de la dame virevoltaient, ses doigts pliaient le tissu, piquaient - sans blesser la petite, au moins -, lissaient, ajustaient.
La bouche entrouverte, les bras ballants, Matheline regardait. Anne lui aurait bien lancé un "prenez-en de la graine !", mais elle était trop bien élevée pour faire cet affront à sa gouvernante devant une personne étrangère à la maison.


Il vous faudrait retirer la robe maintenant Demoiselle Anne, je vais pouvoir recoudre le tout!

La fillette se débarrassa prestement du vêtement, qu'elle tendit à Dame Draguionne, avant de remettre par-dessus sa chemise sa cote de tous les jours, en très ordinaire droguet brun.

Matheline pourra peut-être se charger de la couture, Dame. Vous m'avez déjà accordé beaucoup de votre temps !

Elle espérait très fort que la mère d'Antoine achevât elle-même l'ouvrage si bien commencé. Après tout, elle était tisserande de métier. Et puis Anne avait très peur que Matheline ne gâchât le travail. Mais elle ne pouvait décemment pas laisser Dame Draguione tout faire elle-même ! Comment la remercierait-elle jamais ?
~draguione~
Draguione s'empara de la petite robe une fois que Anne s'en était débarassé...

Matheline pourra peut-être se charger de la couture, Dame. Vous m'avez déjà accordé beaucoup de votre temps !

Je vais la terminer si vous voulez bien, j'aime beaucoup faire cela!

Un regard sur sa besace, une main plongé dedans, elle en sortit une bobinette de fil et une petite aiguille qu'elle avait toujours sur elle. Avec un petit garçon aussi cascadeur que le sien il fallait toujours se tenir prêt à toutes éventualitées!

D'une main certaine elle passa le fil dans le chat de l'aiguille et commença à faire jouer ses doigts agiles dans le tissu..D'abord le corsage de la jupe que la Matheline avait décousu, puis les ourlets.. Tout en faisant balayer son regard dans la pièce, elle n'osait trop regarder sur la Matheline qui la lorgnait de peur que la Belle de Massilia ne lui chaparde sa place dans la maison. Mais elle en avait bien cure, celle ci avait bien d'autres projets en tête et ce qu'il lui importait quelque peu, c'est que la petite Anne ai une présence maternelle qui, espérait elle arriverait bientôt...

Draguione tendit à nouveau la robe à la fillette en souriant...


J'ai fini Demoiselle Anne, vous pourrez vous rendre à ce mariage avec une jolie vesture!
Anne_blanche
Et c'est ainsi équipée que Anne s'était rendue au mariage de Dame Espoire avec Messire Zwyrowsky, accompagnée de son parrain, le vicomte Hugo d'Angillon.
Les jours passaient, apportant leur lot de connaissance à la fillette, qui passait un temps fou le nez plongé dans les volumes, les reliures, les rouleaux de parchemin.

Elle bougeait, aussi. Le roy et sa Cour visitaient le Lyonnais et le Dauphiné, il était hors de question de manquer cela. L'image qu'elle emportait de Sa Majesté, assis dans une voiture aux côtés d'une dame blonde qu'on lui avait désignée comme Son Altesse Armoria, s'était imprimée dans la mémoire de la fillette. C'est ainsi que, désormais et pour de longues années, elle se représenterait le Roy : un buste aperçu dans l'encadrement d'une fenêtre de carosse, un regard brun errant sur la foule, la lumière dorée d'une chevelure blonde en fond, et un subtil parfum qu'elle ne connaissait pas encore, mais apprendrait à identifier comme de la vanille.

Une autre rencontre l'avait marquée : alors que, avec Antoine, elle baguenaudait du côté du terrain de départ de la chasse au vol, le hasard avait mis sur sa route Dame Mysouris, l'amie aveugle de sa mère. La dame était présente, au moment du trépas de son père, à Paris. Anne lui avait demandé, d'une toute petite voix, si elle accepterait de venir lui parler de l'auteur de ses jours. A mesure qu'elle grandissait, elle voulait savoir. La figure paternelle prenait une aura de plus en plus rayonnante de jour en jour. Et son absence lui manquait, cruellement, plus sans doute que celle de sa mère, qu'elle savait toujours dolente en quelque couvent.

Ce matin-là, lasse de relire le Livre des Vertus mis à sa disposition par Matheline, elle attendit que la camérière pique du nez sur son ouvrage pour filer au grenier. C'est là qu'on avait entreposé les malles, en arrivant de Culan. L'impéritie de Matheline les y avait laissées. Anne en ouvrit une, au hasard, sûre de trouver quelque trésor sous le lourd couvercle de châtaignier. C'étaient des volumes, de gros volumes de vélin. L'un d'eux, par ses proportions hors du commun, attira l'attention de la fillette toujours avide de nouvelles connaissances. Elle tenta de le tirer hors de la malle, en vain. Il était trop lourd pour elle.


Bacchus ! Bacchus !

Anne dévala l'escalier en colimaçon sis dans la poivrière qui donnait sur la place, par de multiples archères qui lui donnaient, de l'extérieur, des allures de dentelle de pierre. Le cocher devait se trouver du côté des écuries, à son habitude.
--Bacchus
Ca fait du bien, de prendre le soleil d'automne bien installé sur un banc de pierre, dans l'odeur des chevaux qui passent la tête par-dessus la porte de leur stalle et vous hument les cheveux. Bacchus, les mains abandonnées dans son giron comme une vieille femme, absorbe les dernières chaleurs de l'année par tous les pores. Sa trogne luit de sueur, son nez bourgeonne plus que jamais. Il est béat. Le premier cochon de la petite lui a rapporté six carcasses, et le second, qu'un valet de boucherie payé pour l'occasion va abattre en journée, est pansu. Dans la cheminée de l'office s'alignent les andouilles que la cuisinière a confectionnées avec les tripes de la bête. Elles vont prendre la fumée, doucettement, au fil du temps, et on pourra les manger à Noël. Bacchus s'en pourlèche la lipe par avance. Derrière ses paupières closes, des festons de saucisses dansent une gigue effrénée au plafond de la cuisine.

Bacchus ! Bacchus !

Norf de norf !

Tiré de sa torpeur, prêt à agonir d'injures l'importun qui l'arrache à ses rêves de boustifaille, le brave homme se retrouve sur ses deux pieds, face au petit bout de femme qui lève vers lui ses grands yeux bleus aux cils interminables.

Damoiselle Anne, faut point me faire sauter coume ça. C'n'est plus de mon âge, ni de c'ui d'mon pauv' coeur.

Les cils jouent leur ballet, les petites mains se joignent en un geste de prière.

Pardon, Bacchus. Il faut que vous m'aidiez. Venez !

Et le voilà entraîné vers l'hostel, vers les étages. Par jeu, il enlève la petite dans ses bras, monte le plus vite possible jusqu'au grenier, ravi des rires de sa protégée. Et c'est un Bacchus hors d'haleine, au bord de l'apoplexie, qui parvient dans le grenier, où il dépose son précieux fardeau sur une malle, avant de se laisser tomber assis à ses côtés. Mais la gamine ne l'entend pas de cette oreille. Elle saute sur ses pieds, tire à deux mains sur le bras du cocher.

Ah non, Bacchus ! Ne vous rendormez pas ! C'est dans cette malle qu'il y a mon parchemin !

Bacchus soupire, et se laisse relever. Il colle le précieux volume sous son bras, comme s'il s'agissait d'une vulgaire miche de 4 ou 5 livres de pain et, mené par Anne qui n'en peut plus d'attendre - l'a autant d' patience qu'sa mère, c'te enfant... - va déposer la trouvaille sur le lit de la fillette. Affalé sur la chaise curiale pour reprendre son souffle, la regarde dénouer fébrilement les liens de cuir qui maintiennent le vélin roulé. Il s'attendrit devant l'émerveillement de la fillette.

C'est beau ! Regardez, Bacchus !

En effet, c'est beau. L'artiste qui a peint sur le vélin a représenté des plantes, des quantités de plantes. Bacchus reconnaît des aiguilles de pin, de la lavande, de la mélisse, du rumex, les ombelles jaunes de la tanaisie, le veloulé de la grande consoude. Mais la plupart des plantes représentées là lui sont inconnues. C'est bien écrit des choses, en dessous, mais avec de drôles de caractères.

Ca veut dire quoi, Bacchus ?

Ben j'en sais rien, Damoiselle. Ca vient d'chez feue vot' pauv' tante, ça. L'était experte en plantes. P't'êt' qu'elle avait eu ça d'l'époque où elle vivait dans l'sud, chez son mire mohamétan.

C'est un épisode de la vie de "Dame Mentaïg" que Bacchus connaît mal. Il sait seulement que ça sent le soufre, et n'a jamais voulu en savoir plus.

C'est pas du travail d'aristotélicien, ça, Damoiselle Anne. On f'rait ben d'le r'mettre dans sa malle.

Ah non ! C'est trop beau.

La fillette réenroule le vélin.

Je veux savoir ce qui est écrit là. Trouvez-moi quelqu'un qui m'enseigne, Bacchus. Je vais raconter ça à Antoine !

Un coup d'oeil au passage dans la grande salle, où Matheline fait toujours semblant de broder sa sempiternelle tapisserie, celle qu'elle ne finira jamais, faute de s'y mettre vraiment, et la voilà qui file en direction de la taverne.

Bacchus secoue la tête, et serre soigneusement le volume dans le coffre à vêtements d'Anne, sous les chemises, tout au fond. S'agirait pas que la Matheline tombe là-dessus !
Anne_blanche
Je veux savoir ce qui est écrit là. Trouvez-moi quelqu'un qui m'enseigne, Bacchus. Je vais raconter ça à Antoine !

Anne ne prit même pas la peine de s'assurer que Bacchus lui obéirait. C'était une évidence.
Elle ressentait le besoin de partager sa découverte avec Antoine. Plus le temps passait, plus les deux enfants s'attachaient l'un à l'autre. Elle fila à la taverne, jeta un oeil à l'intérieur, par la fenêtre ouverte. Eblouie par le grand soleil d'automne, elle ne vit qu'un homme, à l'intérieur, un étranger. Mais Antoine ne tarderait pas.
Elle fit trois pas à l'intérieur, s'arrêta net. En plus de l'étranger, il y avait là deux dames inconnues, bien mises. Plus question de reculer. La gamine grimpa sur son tabouret, après un timide "bonjour".

La conversation s'engagea. L'une des dames fleuretait avec le messire, mais l'autre se présenta. Anne sentit le coeur lui manquer. Elle se trouvait en présence de Dame Marie-Alice d'Altérac, Premier Secrétaire d'Etat de Sa Majesté Levan. Dame Marie-Alice, dont Bacchus lui avait dit et redit qu'elle avait eu sous ses ordres et son père, et sa tante. La fillette en bafouillait. On lui demanda son nom, on lui demanda si elle était de la famille de Mentaïg et Valatar, et surtout, surtout, la dame lui parla de son père. Elle disait l'avoir moins connu que sa tante, mais avoir apprécié son travail. Anne était aux anges. En présence de cette dame, qui lui recommandait gentiment de ne pas grandir trop vite, et lui déposait un baiser sur le front, elle se sentait bien. Elle aurait voulu rester toujours près d'elle, marcher à ses côtés dans les traces de son père. Hélas, la dame dut partir. Elle faisait partie de la Cour, les devoirs de sa charge ne lui laissaient guère de loisirs. Mais elle prit le temps d'assurer Anne de sa confiance, et de tancer gentiment Antoine, venu les rejoindre, qui prétendait apprendre des bêtises à Son Altesse Marie-Héloïse.
La fillette s'attarda en taverne. Elle n'avait pas envie de rentrer, pas envie de retrouver la mine revêche et les regards niais de Matheline.
--Bacchus
Par la fenêtre de la chambre, Bacchus suit des yeux la petite demoiselle qui file à travers la place, en direction de la taverne. Elle perd un sabot en route, fait demi-tour pour le ramasser, se rechausse avec la grâce maladroite des enfants. Une mèche de ses cheveux bruns s'est échappée de son bonnet. Elle se hisse sur les avant-bras pour regarder dans la taverne, franchit le seuil.

Norf de norf !

Bacchus vient de se souvenir que le roi est à Vienne. Certes, à la Cour, il y a de nobles personnes. Mais le vieux briscard sait bien que, dans ces circonstances, on trouve aussi non loin des gens de sac et de corde. Et lui qui vient de laisser la petite sans surveillance ! Il se battrait.
Il propulse sa masse, encore moite des efforts précédents, à travers la place, se poste près de la fenêtre. Si Anne sait qu'il la suit, chaque fois qu'elle échappe à Matheline pour se rendre en taverne, elle lui en voudra, c'est sûr. Alors le brave homme s'aplatit contre le mur, prend l'air dégagé du serviteur un peu fainéant qui hume l'air d'automne, dos aux pierres pour profiter de leur chaleur, et tend l'oreille.
Une dame sort de la taverne, sans le remarquer. Bacchus la connaît bien. C'est Dame Marie-Alice d'Altérac. Il l'a souvent vue, à Paris. C'est-y que la petite lui aurait parlé ?
Des éclats de rire parviennent de l'intérieur. Bacchus avance prudemment le nez. Tête contre tête, Anne et Antoine sont penchés sur la table. Quelle bêtise sont-ils en train de préparer ? Les gros sourcils en broussailles se rejoignent sur le front de Bacchus. Il a deux moustaches, maintenant : une au-dessus de la lèvre, et une au ras des cheveux. Il scrute l'ombre de la taverne.


Mais c'est qu'elle s'rait en train d'lui apprendre à écrire !

Les deux enfants, à genoux sur leurs tabourets, se passent de main en main un stylet, et gravent des lettres dans la cire d'une tablette. Anne explique :

Vous voyez, Antoine. Ca, c'est un B. Une petite tête, et un gros ventre, comme Bacchus... Et ça, c'est un E, avec ses trois barreaux, comme une Echelle.

Antoine tire la langue, sous prétexte que c'est plus facile d'écrire, ainsi. Il recopie soigneusement les modèles, se fait rappeler à l'ordre quand son T est tordu.

B et E... T et I ... S et E... Bê - ti - se !

Oui ! Vous savez lire ! Vous voyez, c'est facile !

Ils battent des mains, ils rient tous les deux, heureux. Bacchus se mouche avec un bruit de trompette, se rejette aussitôt en arrière, dans la crainte d'être découvert.

Pfffff ! Faut que j'lui trouve un maître pour apprendre à lire son fichu parchemin de plantes, moi ! Où c'est-y que j'vas li trouver ça, moi ? Déjà qu' sa mère li a farci la tête d'anglois et de latin, va falloir 'core qu'elle y mette de l'arabe... L'a autant d'idées bizarres qu'feu son pauv' père, qui voulait qu' tous les Berrichons sachent lire et écrire.

Mais ce qu'Anne veut, Aristote le veut. Bacchus n'a plus qu'à interroger tous les artisans de la rue, tout en surveillant l'accès à la taverne, pour trouver la perle rare qui apprendra l'arabe à sa jeune maîtresse.
Anne_blanche
Les jours filaient, chacun apportant à la petite Anne de Culan son lot d'émotions.

Elle avait rencontré, tout à fait par hasard, alors qu'elle accompagnait Antoine à la chasse au faucon, la Dame de Celles sur Cher, Mysouris. Celle-ci lui avait parlé de son père, et c'était le plus beau cadeau que l'on pouvait faire à la fillette. Dame Mysouris avait été l'amie de Valatar Cornedrue, bien avant qu'il ne devînt Duc de Berry, Grand Académicien Royal, maire de St-Aignan, même. Elle l'avait connu - et apprécié - simple tavernier, du temps où tous l'appelaient Val' ou Valou. La dame avait évoqué le courage de son père, qui avait réussi, malgré les critiques de ses propres amis, à signer avec la Touraine le traité qui mettait fin à la guerre. L'image d'un grand homme se dessinait peu à peu dans l'esprit de la fillette.

Une autre rencontre détermina, cette semaine-là, l'avenir d'Anne, mais elle n'en était bien évidemment pas consciente.
Dame Marie-Alice d'Astérac, Premier Secrétaire d'Etat, tout d'abord. Elle l'avait vue en taverne, s'était présentée, et la dame avait reconnu son nom. Elle avait posé des questions, avait su que la fillette était la petite-cousine de Mentaïg Cornedrue, de son vivant son chef de cabinet. Anne avait bien vu l'émotion sur le visage de la vicomtesse, à l'évocation de sa collaboratrice décédée deux jours après Valatar.
La petite avait participé, par désoeuvrement, au concours de poésie organisé en vue de la visite du roi en Lyonnais-Dauphiné. Et elle avait gagné le premier prix dans la catégorie "balades et pas d'armes". Quand Bacchus était venu lui en annoncer la nouvelle, elle avait cru défaillir. Ce qui n'était pour elle qu'un jeu avec les mots prenait une ampleur insoupçonnée : elle allait devoir déclamer ses vers devant toute la Cour, lors du banquet de clôture des festivités.
Sans Dame Marie-Alice et le gouverneur Walan, elle n'y fût pas parvenue. Paralysée par l'appréhension, elle s'était figée à l'entrée de la grande salle du banquet. Le gouverneur en personne était venu l'accueillir. La vicomtesse, gentiment, avec des mots accessibles à son âme d'enfant, lui avait rappelé les devoirs de son nom, et l'avait présentée au roi et à la princesse Armoria. Anne avait dit sa balade, qui avait eu l'heur de recueillir les compliments du Grand Maître de France, et la vicomtesse l'avait gardée près d'elle tout au long du dîner.

A présent, fatiguée de sa semaine, la fillette se reposait, assise sur les coussins, dans l'embrasure de la fenêtre de la grand-salle, à l'hôtel de Culan. Elle avait abandonné près d'elle une missive reçue de son ami Antoine. Le garçonnet s'était lié d'amitié avec la princesse Marie-Héloïse, et il l'avait suivie. Anne se retrouvait seule, désoeuvrée.
Elle soupira. Elle détestait s'ennuyer, et cela lui arrivait rarement. Elle trouvait toujours un parchemin à déchiffrer, un nouveau jeu sur son abaque, une réflexion à mener sur l'état du marché... Mais après le rythme trépidant de sa semaine, le mariage de Dame Espoire, les rencontres, la chasse, le cortège royal, le banquet, tout cela lui paraissait bien fade.


Si seulement Blanche et Gabriel étaient là !

Mais de Blanche, elle n'avait aucune nouvelle. Elle savait seulement qu'elle était toujours dans son orphelinat de Nevers. Quant à Gabriel, il veillait sur Mère, et cela devait lui prendre tout son temps. Et Bacchus qui ne lui trouvait pas de maître, pour apprendre les signes étranges sur le parchemin découvert au grenier ! Même les leçons de latin, de grammaire et d'astronomie du Père Comis n'avaient plus de goût.
Elle serait bien retournée à Lyon, au siège de l'APD, voir si enfin on l'acceptait. Mais Matheline ne voudrait pas. Et puis on la préviendrait, le cas échéant.
Au siège de l'épiscopat, elle n'avait pas de réponse non plus. Elle tenait à se faire baptiser le plus vite possible, mais il semblait bien que tous les prêtres du Duché fussent entrés en hibernation.
Ecrire à son parrain ? Il lui avait paru si préoccupé, si absent, au mariage de Dame Espoire !

Non, décidément, la fillette s'ennuyait.
--Bacchus
Damoiselle Anne s'ennuie...

Bacchus lève le nez du harnais qu'il est en train de réparer. Son poinçon glisse de ses gros doigts, son menton lui pendouille sur la poitrine.

Depuis quand qu'ça vous achale, qu' la gazoute s'ennuie, la Matheline ?

Matheline pince les lèvres, croise les bras, regarde vertueusement les nuages, des fois qu'Aristote se déciderait à pointer le bout de son nez entre deux.

Depuis que ça va encore déboucher sur quelque invention, pardine !

Bah ! D'mandez donc au Père Comis d'lui enseigner le germain ou la vielle. Ca l'occupera. L'Antoine n'est point en ville, et je n'connais point d'autre bouzou à lui présenter.

Mouais ! Et pour quoi faire, le germain ou la vielle ? Dame Maryan n'm'a point demandé de lui faire enseigner ça.

Bacchus hausse les épaules et retourne à son ouvrage. Matheline, dépitée d'être ainsi délaissée, tourne un dos raide comme une planche et s'en retourne dans la maison.

Pssst !!! Psstt, Bacchus !!!

Le brave homme sourit dans son moustache. Dans son dos, il a reconnu la voix d'Anne. La petite a tout entendu. Elle devait encore être à jouer dans les jambes des chevaux, avec le chaton que lui a confié Dame Blue.

Oui, Damoiselle Anne ? répond-il sans lever le nez, au cas où Matheline serait embusquée dans l'ombre de l'office.

Bacchus, prenez vos effets pour quelques jours, et chargez ma malle. Attelez. Nous partons pour Paris.

Pour... pour ... pour ...


Pour le coup, il s'en étrangle, Bacchus. Il tousse comme si la consomption lui rongeait le poumon, crache à deux pas, se lève tout lentement, se retourne, formidable, roule ses gros yeux en direction de la fillette, par-dessus la porte de la stalle. Les deux poings sur les hanches, il est vraiment redoutable.
Anne éclate de rire.


Vous avez du cirage sur le bout du nez !


Ah ouiche ! du cirage ! Je vous en f...ais, moi, du cirage ! Paris ! V'z'allez filer prendre vot' leçon de latin, j' vous l' dis, moi !

Il s'essuie rageusement le nez, ne réussit qu'à étaler un peu plus le cirage, qui lui macule maintenant la joue. Dans la paille de la stalle, Anne se tord de rire entre les jambes de la jument, au risque de prendre un coup de sabot. Bacchus se penche, enlève la fillette dans ses bras, la regarde droit dans les yeux, très sérieux.

Pas possible, Damoiselle. Cette fois, vous ne m'aurez pas. Paris, c'est loin, c'est dangereux. Souvenez-vous de ce que vous a dit Dame Mysouris à propos de feu votre père.

Anne est au bord des larmes.

Bacchus !

Il secoue la tête, repose la fillette au sol, pour ne plus voir les longs cils emperlés. Il se ravise, s'accroupit au niveau de la gamine.


Damoiselle, je s'rais de vous qu'j'écrirais à Messire vot' parrain. Il trouvera ben quelqu'un pour vous faire escorte. C'est pas possible qu'on s'en aille tous deux coume ça à la capitale... Et pis d'abord, vous voulez y faire quoi, dans vot' Paris ?

Anne comprend qu'elle a gagné la partie. Bacchus le lit dans le frémissement des commissures, peste intérieurement contre sa trop grande indulgence. Cette sale gosse le mènera à sa perte ! La voix fluette explique, toute sérieuse, bien trop sérieuse pour une gamine de cet âge. Vivement qu'Antoine revienne, tiens. Au moins, quitte à faire des bêtises, elle en fera de son âge !

On cherche des copistes à l'Académie Royale, Bacchus. Je veux y aller. J'ai ouï dire qu'ils ont des soucis pour recruter, là-bas, depuis le décès de Père et de ma tante. Il faut que j'y aille, Bacchus. On ne peut pas laisser l'oeuvre de Père ...

Elle s'interrompt, cherche l'argument qui fera mouche. Elle jette un regard par-dessus son épaule, s'approche de Bacchus pour murmurer :

Et puis vous n'en avez pas assez, vous, des criailleries de Matheline ? Ca nous fera quelques jours de vacances ! Au retour, je me ferai baptiser, promis. J'ai déjà écrit à Mère Ilona. Et après, je serai très sage, grâce à Dieu et Aristote. Je ne vous demanderai plus rien avant ... un bon moment.

C'est au tour de Bacchus d'avoir envie de rire.

Quand ils reviennent, trois semaines plus tard, Anne est copiste académique à l'Institut des Belles-lettres de l'Académie Royale.
Philipe_de_massilia
Le trophée de deuxième meilleur tireur à l’arc du duché en main, Phil trottina jusqu’à la demeure de sa jeune filleule.
Tour à tour, surpris puis impressionné par la jeune demoiselle, Le Chef de lance voulu lui faire un petit cadeau, qui certes n’avait guère de valeur pécuniaire, mais qui lui tenait à cœur à lui.
N’ayant jamais connu ses vrais parents, le soldat savait que « peu » était souvent « un beaucoup » pour qui n’avait pas l’habitude de recevoir un présent.
Phil s’approcha de la demeure modeste et regarda le jardin où son fils et sa filleule avaient joué quelques jours auparavant.
Le soldat s’avança jusqu’à la porte, s’apprêtant à « tocquer » sur celle-ci. Il se ravisa tout de suite. Il ne connaissait pas les personnes s’occupant de la demoiselle en l’absence de ses parents et ne savait pas trop comment il allait être accueilli.
Et puis, sa jeune filleule, de sang noble sans contestation, pouvait très bien refuser le cadeau venant d’un simple soldat comme lui, tous juste bon à s’occuper de moutons ou de légumes. Bien sûr, il avait réussi un tour de force en « prêtant » deux de ses meilleurs hommes pour escorter la demoiselle à Paris. Mais le mot « doute » était encré dans sa personne depuis sa plus tendre enfance.
Phil ôta son heaume, puis s’essuya le front du revers de la main gantée.
Chose curieuse, lui qui ne craignait ni le danger ni même la mort, avait un instant d’hésitation, presque de panique, devant cette porte.
En d’autres temps, cette situation l’aurait fait sourire.
Là, ce n’était pas le cas. Tout s’embrouillait dans la tête du soldat. Le Roy, la princesse Armoria, toute la haute noblesse qu’il avait aperçu ces dernières semaines, sa femme et sa famille……
Phil remit son heaume d’une main peu sûre.
Il regarda le trophée qu’il tenait solidement et eut un petit rictus.
Ne prenant pas la peine d’ôter son gant, Phil frappa à la porte.

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