Afficher le menu
Information and comments (0)
<<   <   1, 2, 3, ..., 19, 20, 21   >   >>

[RP ouvert]L'hôtel de Culan.

Anne_blanche
Anne savait que sa réponse ne correspondait pas à ce que son interlocuteur souhaitait, mais elle avait agi en son âme et conscience.

Ma perseverence est connut de beaucoup de personne, et je saurai l'etre, comme je saurai etre patient pour son bien.


Elle était trop bien élevée - Maryan y avait veillé - pour énoncer à voix haute ce qu'elle pensait des gens qui prétendent faire le bien des autres malgré eux. Elle se carra bien droite dans son fauteuil, et fit mine de s'intéresser aux nougats. Pas de chance, il n'y en avait presque plus.

Heureusement, le visiteur changea de sujet de conversation, et Anne put se détendre un peu. Il se mit à évoquer son procès, et la Cour d'Appel. Anne se tendit à nouveau. Terwagne était juge à la Cour d'Appel. Le parrain et la filleule risquaient de se croiser, là-bas.
Elle cherchait un moyen d'insister auprès d'Astaroth pour qu'il ne cherche pas à entrer en contact avec sa tante, quand le marteau retentit sous la voûte. Quelques instants plus tard, Matheline parut, l'air un peu gêné.


Demoiselle, c'est une dame du Conseil Municipal qui vous demande...

Avec une moue de contrariété, Anne se leva.

Veuillez m'excuser, Messire Astaroth.


Puis, se tournant vers la servante :

Faites entrer, je vous prie.

_________________
Nefertianne95
Nef est accueillie par une servante qui la fait entrer et qui va prévenir Anne de sa visite .
Elle voit Anne arriver. Après lui avoir dit bonjour, elle lui expose le motif de sa visite :

Bonsoir Anne, excusez moi de venir vous importuner à une heure aussi matinale, mais nous avons absolument besoin de vous au conseil municipal.
Cela concerne le port et il faut que vous soyez là.

_________________
Anne_blanche
La "dame du Conseil municipal" annoncée par Matheline n'était autre que Dame Nefertianne. Grosse d'enfant, et proche de son terme, quelle urgence avait bien pu la pousser, de si bonne heure, dans les rues enneigées et glissantes ?

Bonsoir Anne, excusez moi de venir vous importuner à une heure aussi matinale, mais nous avons absolument besoin de vous au conseil municipal.
Cela concerne le port et il faut que vous soyez là.


Anne eut une petite moue. Cela semblait effectivement très urgent. Dame Nefertianne en perdait le sens de l'heure !

Elle eut un regard vers son visiteur, puis à l'adresse de Nefertianne, comme pour lui demander s'il fallait vraiment qu'elle se rende à la Mairie.
Le port... Quand donc verrait-on le bout des travaux ?
Avec un soupir, elle se résigna.


Messire Astaroth, vous voudrez bien me pardonner, mais comme vous l'avez entendu notre bourgmestre requiert ma présence. Je suis navrée de devoir vous abandonner. Vous savez comment vont ces choses, n'est-ce pas, vous qui avez été maire...
Prenez le temps de vous restaurer, surtout. Je m'en voudrais d'interrompre votre collation, en plus de notre conversation.


Sur un dernier sourire d'excuse, assorti d'une révérence, elle prit le bras de Dame Nefertianne.


Allons-y, puisqu'il le faut.
_________________
Astaroth94
Que d'affaire, que d'affaire. Anne fut appelée au devoir à la mairie de Vienne.

ooooh, ne vous en faites pas, je comprends parfaitement. Je ne vais pas rester plus longtemps, j'ai moi même certaines choses à faire. Et puis ma compagne doit m'attendre.

Il se leva lui aussi et suvit les deux femmes.

Je fut ravit de cet entretien. Je vous remercie de m'avoir reçu.

Il pona ses remerciements par une petite reverence et les preceda pour sortir. Il prit alors le chemin de la taverne municipale ou il avait abandonnée sa douce, la tête pleine d'interogation.
_________________
Katara.
La jeune Normande s'était enveloppée dans une pauvre cape qui, malheureusement pour elle, n'était plus vraiment de saison. Le froid commençait à engourdir le bout de ses doigts sur lesquels elle souffla, les réchauffant comme elle le pouvait. Elle regrettait déjà le doux feu de la taverne qu'elle avait quitté à l'instant. La nuit commençait à tomber, elle soupira longuement, droite, immobile dans la rue qui, doucement, s'habillait de blanc.

Le contact froid des flocons cotonneux mordait ses joues pâles, plaquant peu à peu ses boucles blondes à son front. La fatigue de sa fuite ajoutée à la tragique et sinistre nouvelle qu'elle avait appris commençaient à peser sur ses paupières qui papillonnaient. La neige tombait maintenant à un rythme soutenu, virevoltant quelques instants dans l'air, avec grâce, avant de s'écraser sur le tissu de son corsage. Si le temps était prompt à des rêveries enfantines pour beaucoup, l'esprit de la jeune blonde s'embrumait de sombres pensées.

Alyanne. Sa Alyanne avait été assassiné. Elle fut prise d'une soudaine vague de culpabilité. Son goût des voyages rendait difficile les échanges épistolaires, les pigeons s'égarant souvent, elle n'avait pu prendre des nouvelles de sa douce amie. Cela faisait ainsi plus d'un an qu'elle était venu à Vienne. C'est en pensant y trouver l'aide de l'accueillante brune disparue qu'elle s'y était rendu. De nombreuses pensées l'assaillirent. Elle revoyait ses agresseurs se jeter sur son promis, leur fils et elle. Elle revoyait Scipio de Penthièvre se débattre pour échapper aux entraves des brigands. Elle revoyait ces sanguinaires hommes s'en prendre à son tout jeune enfant, qu'elle avait vu succomber sous ses yeux. Elle entendait à nouveau les ordres désespérés de Scipio, lui intimant de fuir. Elle avait été vite rattrapée par un autre homme, plus horrible encore que ses compères. A 17 ans à peine, elle pensait déjà avoir perdu l'essentiel.

Une de ses tempes la lançait douloureusement. Derrière la blonde cascade de ses cheveux, vilaine et traître, demeurait encore une entaille vermeille et brillante, souvenir de l'aimable visite de ces brigands. La douleur eut au moins le mérite de la sortir de ses pensées. Elle secoua la tête, cherchant à chasser les images qui défilaient pour la énième fois devant ses yeux. Elle se rendit ainsi compte qu'elle s'était éloigné de la taverne et s'était rapproché de la demeure de cette jeune fille aux cheveux châtains et à l'air espiègle, qui lui avait proposé le gîte. Suivant les indications qu'elle lui avait soufflé en taverne, elle ne tarda pas à trouver l'hôtel en question.
Pourtant, la blondine se mit à douter soudainement. Son hôte lui semblait bien jeune pour vivre seule ici, ne risquait-elle pas de tomber sur un parent peu enclin à héberger une parfaite inconnue?

Trop tard. Elle avait timidement frappé à la porte.
--Bacchus
Holà, Grisonne ! Tout doux, tout doux...

La vieille jument rechigne à se laisser débarrasser les sabots des chiffons dont Bacchus les a enveloppés pour leur éviter des glissades. Elle lance au cocher des coups de tête plus affectueux que mauvais. Autour d'eux, dans la cour intérieure au fond de laquelle s'ouvrent les écuries, tout est blanc, velouté, froid et humide, jusqu'à l'air ambiant.


Allez viens-t'en, ma gazoute !


Aucun bruit, quand Grisonne se met en marche pour rallier son box, où l'attend double ration de foin. Bacchus n'a jamais lésiné sur la nourriture des chevaux. Il se priverait plutôt.
Une dernière caresse sur le chanfrein, et il laisse Grisonne dans la chaleur de l'écurie. Il a faim, lui aussi. Flamenque a dû préparer une de ces soupes épaisses qu'elle sert tous les soirs au personnel, depuis le début de cet épisode de froid. On ne sait pas trop ce qu'elle y met, mais tout le monde trouve ça bon, sauf ce bâsin de Baptiste, qui fait la fine bouche.


Norf de norf ! On peut pas grailler tranquille, icitte ?

Le marteau vient de retentir, tout doucement, comme si la neige en avait étouffé le bruit. Frottant ses mains l'une contre l'autre pour les réchauffer, Bacchus s'avance sous la voûte, entrouvre la porte piétonne, bien décidé à en finir au plus vite avec l'importun.
Il y a là une jeune femme, mal enveloppée dans un manteau trop fin, qui le regarde sans piper mot. Dame ? Gueuse ? Difficile à dire, dans cette pauvre lumière.
Quoi qu'il en soit, il fait un temps à ne pas laisser un chien dehors, alors une gazoute...
Bacchus ouvre un peu plus la porte, pour mieux y voir, et reconnaît la jeune dame qui conversait avec Demoiselle Anne et Messire Walan, tout-à-l'heure, au haut bout de la taverne. Ça le rassure, le cocher. Au moins, il sait que ce n'est pas à la cuisine qu'il doit la mener, mais bien dans la grand-salle, où la demoiselle doit être en train de terminer son repas.
Quelque chose dans l'attitude de la visiteuse fait monter une boule dans la gorge du brave cocher. Cette demoiselle-là est aussi blonde que la sienne est brune, mais il sent chez elle une détresse semblable, et ça le laisse tout chose. Du coup, au lieu de parler normalement, le voilà qui se met à grommeler sous son énorme moustache noire toute enfloconnée.


Ben entrez çà. I' fait meilleur là-haut
.

Il repousse le vantail, met la barre, tant qu'il y est : ça sera toujours ça de moins à faire tantôt.
Carrant ses formidables épaules, il fait signe à la dame, et la précède dans l'escalier si raide qui, depuis la voûte, mène au vestibule, puis pousse la porte de la grand-salle. Norf de norf ! Voilà qu'il a omis de demander son nom à la demoiselle blonde. Tant pis, c'est trop tard.


Dem... Dame Anne, une visite pour vous.
Anne_blanche
Assise sur son coussiège, dans la grand-salle, Anne rêvait, devant l'affreux spectacle de la rue. Elle avait toujours détesté la neige. Ca tombait sans discontinuer, étouffant les sons, les odeurs, les couleurs. C'était blanc, froid, lugubre comme le deuil qu'elle portait toujours. Toute la ville était morte. Le suaire humide accrochait ses funestes dentelles au clocher tout proche, drapait les toits et les pavés.
Sur la table, la soupe à laquelle elle n'avait pas touché achevait de refroidir. Anne n'avait pas faim. Elle tenait ses doigts glacés joints entre ses genoux, ses épaules voûtées, ses chevilles frileusement croisés sous la double épaisseur de jupons de laine dont Matheline l'avait affublée le matin.


Dem... Dame Anne, une visite pour vous.

Anne se leva aussitôt, et faillit tomber. Sa trop longue immobilité lui avait valu dans les jambes des fourmillements fort désagréables.
Bacchus s'effaça, pour laisser passer la dame blonde rencontrée le jour-même en taverne.


Dame Katarina, le bonjour !
Bacchus, faites porter un second couvert, je vous prie.


Qu'est-ce qui avait poussé Anne à offrir l'hospitalité à cette inconnue ? Elle n'aurait su le dire. Elle savait seulement que la dame avait cru pouvoir trouver à Vienne l'aide de deux amies, et que lesdites amies étaient mortes, depuis si longtemps qu'Anne ne les avait pas connues. Mais l'une d'elle avait été la fiancée de Messire Walan. Il lui avait conté son histoire, un soir, en taverne, quand elle était plus jeune. Une confidence, suscitée par l'attitude buttée de la petite fille qu'elle était alors, en plein refus des sentiments de sa mère pour cet homme.

Elle savait aussi qu'elle se morfondait, toute seule dans ce grand hôtel déserté de tous, privée du travail acharné au Conseil Ducal et à Mercurol.

Anne sourit, et se porta au-devant de son invitée.


Entrez, je vous prie. Il fait si froid, dehors ! Vous partagerez bien mon repas ? Oh ! rien de bien luxueux, je le crains. Mais Flamenque fait de bonne soupe.
_________________
Katara.
La blondine fit un pas en arrière, quelque peu intimidée. L'homme qui se tient devant elle, bien en chair, à la carrure forte, la dévisage. Un instant, elle songe à pendre ses jambes à son cou et retourner bien au chaud dans la taverne. Se raisonnant, se persuadant qu'une jeune fille comme elle ne devrait même pas songer à cette éventualité, elle lui adresse son plus grand sourire. L'effort que cela lui demanda lui fit prendre conscience qu'elle n'avait souri ainsi depuis un moment, rendant l'exercice presque douloureux.

Elle entendit vaguement l'homme grommeler quelque chose, accompagnant sa parole d'un geste l'invitant à entrer. Elle hésite une demie-seconde, puis ose un pas en avant, entraînant un deuxième et ainsi de suite. Presque fière de son effort, elle se découvre une certaine assurance avant de se raviser aussitôt, soudainement consciente de son ridicule.
Sitôt, la blondine suit de près le brun qui la précède et la mène vers un escalier débouchant sur une grande pièce, plus lumineuse et chaude que l'extérieur, ce qui réjouit le cœur de la jeune demoiselle.

Là, la jeune fille brune qui fut si aimable avec elle quelques heures avant terminait de dîner. Elle semblait jeune. Elle lui donnait quinze ans, tout au plus, et la Normande chercha des parents sans les trouver: Sujet qu'elle songerait donc à éviter, au cas où. Elle attirait et répétait les maladresses en tout genre, ainsi, elle s'évertuait au pire, à parler banalités, au mieux, se taire. En une soirée passée à Vienne, elle avait déjà réussi à faire replonger un homme -le messire Walan si ses souvenirs étaient bons- dans la douleur de la perte de sa promise. A ce souvenir, la jeune femme se mordit les lèvres. Malgré les excuses qu'elle avait alors fournies, elle se sentait toujours aussi coupable et continuait à culpabiliser.

La voix forte de l'homme qui l'avait guidé jusque là se fit entendre. Reportant à nouveau son attention sur la maîtresse des lieux, les joues de la blondine se teintèrent de rouge, gênée de déranger ainsi, se faisant l'impression de s'inviter dans une maisonnée dans laquelle elle n'avait rien à faire. Elle se mordit les lèvres sans oser un salut, raide comme un piquet, campée sur ses pieds, froissant ses jupes entre ses mains.

Enfin, son hôte se leva, l'accueillant avec une telle chaleur et un sourire si avenant que la jeune femme en fut décontenancée. Mais ce sourire fut communicatif et elle le lui rendit. Pas un de ces sourires auxquels elle se forçait par politesse envers les Viennois. Un sourire vrai et franc qui faisait littéralement resplendir son visage. La sympathie pour cette jeune fille la gagnait, et pas seulement pour le repas qu'elle lui offrit de partager. Enfin, elle ouvrit la bouche.


-"Ce serait un véritable plaisir Dame, vous avez toute ma gratitude."

Avec un sourire amusé, elle ajouta.

-"Ainsi que celle de mon estomac."
Anne_blanche
D'abord tendue, ce qui pouvait se comprendre, puisqu'elle entrait pour la première fois en ces lieux, où elle ne connaissait personne, la jeune femme finit par sourire, quand Anne lui proposa de partager son repas.

Ce serait un véritable plaisir Dame, vous avez toute ma gratitude. Ainsi que celle de mon estomac.

Anne désigna un banc, prit place en face de son hôte, heureuse pour une fois de s'attabler. Matheline, prévenue par Bacchus, s'affairait bien plus que nécessaire, posait écuelle et cuiller, d'abord à gauche, puis à droite, ajoutait du pain, le retirait, tirait sur la nappe pour la lisser, dérangeant d'un coup tout ce qu'elle venait d'arranger.

Laissez donc, Matheline, et nous servez de cette soupe, je vous prie.


Sourire d'excuse en direction de la visiteuse, qui devait trouver la Dame de La Mure bien mal servie.

Norf de norf, Demoiselle ! L'est froide, la soupe !

Eh bien portez-la donc à Flamenque, qu'elle la réchauffe.


Ainsi forcée de quitter la pièce, et furieuse d'avoir elle-même donné à sa maîtresse matière à l'y engager, la curieuse emporta le pot à soupe.
Anne eut un petit rire de gorge.


Elle est encore meilleure réchauffée...

Ce n'est jamais simple de trouver un terrain de conversation quand on se trouve seule face à une quasi-inconnue, et encore moins quand on a perdu l'habitude de converser. Anne aurait pu profiter de la courte absence de Matheline pour énoncer quelque banalité sur ces vieux serviteurs que l'on garde par attachement, bien que l'on s'en défende, mais elle n'en avait tout simplement pas envie. Les serviteurs, à en juger par la finesse de sa cape, la visiteuse n'en devait point avoir à sa disposition. Le temps ? Autre banalité, que d'évoquer le froid en plein hiver...
Mais ce n'est pas simple non plus d'être dévisagée en silence, et c'est ce qui risquait de se produire si la maîtresse des lieux n'y prenait garde.


Etes-vous assez remise de cette affreuse aventure dont vous nous parliez tantôt, Dame ? Voulez-vous que je fasse appeler le sergent, afin qu'elle prenne votre déposition ? Dame Vanes est fort compétente, et fort serviable.


Une agression, avait-elle dit. Elle avait même précisé n'en pas vouloir faire état devant la Prévôté, mais on était en taverne, un lieu ouvert à tous, où l'on pouvait craindre les oreilles dans les murs. Ici, dans la grand-salle de l'hôtel de Culan, sa réponse serait peut-être différente.

_________________
Katara.
La jeune femme prit place sur un banc, face à son hôte, retenant un sourire amusé à voir le ménage de la dite Matheline. Au départ de celle-ci, un silence lourd se fit. Gênée, la jeune blondine n'osait le briser, se contentant de dévisager, à la limite de la politesse, Anne, assise en face. Elle semblait tout aussi gênée du silence qu'elle.

Il est de ces personnes dont le verbiage, les faits ou tout simplement les traits attirait naturellement la sympathie d'autrui. Le visage jeune et l'invitation sans condition faisaient d'Anne une de ces personnes.


"Etes-vous assez remise de cette affreuse aventure dont vous nous parliez tantôt, Dame ? Voulez-vous que je fasse appeler le sergent, afin qu'elle prenne votre déposition ? Dame Vanes est fort compétente, et fort serviable."


La blonde eut un mordillement de lèvres, cherchant ses mots. Elle ne voulait pas attirer l'attention sur elle, ni risquer de revoir ses agresseurs, ni avoir à se remémorer cette agression. Son seul désir était d'offrir une sépulture décente aux deux êtres qui étaient les plus chers à son cœur et qu'elle avait été contrainte de laisser derrière elle. Elle se sentait d'une telle lâcheté d'avoir fuit ainsi, qu'une condamnation de ses agresseurs n'était pas assez. Elle aurait alors mille fois préféré venger ses morts et elle même par ses propres moyens. La haine qu'elle leur vouait était trop féroce pour qu'elle puisse se contenter de la simple justice de la Prévôté.
Se rendant compte à ce moment qu'elle s'était pris le visage entre les mains, elle se redressa pour répondre.


- Je ne doute pas de la compétence de votre Sergent et c'est fort aimable à vous de vous préoccuper ainsi de mon cas. Mais, vraiment, non, je ne tiens pas à avoir à reparler de cela.

Elle voulut aborder le projet qu'elle avait de faire retrouver les dépouilles de son unique famille avant de se raviser: elle trouvait son hôte bien trop jeune. Elle changea donc de sujet, un sourire aux lèvres.

- Seriez vous assez aimable pour satisfaire ma curiosité? Il y a si longtemps que je suis venu à Vienne, j'aurais tant aimé en connaître les majeurs changements. Il y a matière à conter, j'en suis certaine.

Intérieurement, pourtant, elle se maudissait de n'avoir su trouver meilleure conversation.
Anne_blanche
Sitôt sa question posée, Anne se dit qu'elle aurait mieux fait de se taire. Elle s'en voulut d'abord d'avoir provoqué la gêne de son invitée, qui se mordillait les lèvres. Mais ce geste lui sembla bien anodin au regard du suivant. C'est la prostration qu'évoqua, dans la seconde qui suivit, toute l'attitude de la dame.
Dans un élan irréfléchi, elle faillit se lever, contourner la table, passer les bras autour des épaules de celle qu'elle avait peinée sans le vouloir. Car, à n'en point douter, ce qu'elle éprouvait à cet instant, c'était un chagrin, profond, intense. Anne ne pouvait que le reconnaître, pour l'avoir elle-même trop souvent éprouvé.

Ce qui la retint in extremis, ce fut le regard de Katarina quand elle se redressa, bien plus que ses mots.

Je ne doute pas de la compétence de votre Sergent et c'est fort aimable à vous de vous préoccuper ainsi de mon cas. Mais, vraiment, non, je ne tiens pas à avoir à reparler de cela.

Certes, il s'agissait clairement d'une fin de non-recevoir. Mais Anne y était habituée depuis longtemps, et savait qu'il est parfois bon de passer outre, quand on a affaire à une personne en deuil. Les mots que l'on garde en soi pour ne pas ennuyer autrui vous rongent plus sûrement que ceux livrés en pâture à la compassion. Et si l'on en veut, après coup, à ceux auxquels on s'est ouvert de ses malheurs, cela n'a guère d'importance, lorsqu'il s'agit d'inconnus, au regard du soulagement que l'on éprouve. Cette théorie du Père Comis, Anne l'avait faite sienne à l'usage. D'aucuns l'auraient trouvée égoïste, elle n'y voyait que charité aristotélicienne : quand on ne peut pas pleurer avec quelqu'un, on se doit d'accepter son ingratitude, une fois qu'on a servi de réceptacle à sa douleur. Pour Anne, c'était une façon comme une autre de vivre sa foi, dans la solidarité.

Seulement voilà : il y eut ce regard, qui brisa net son élan de compassion. Anne y lut ce qu'elle voyait depuis des années dans les yeux de ses aînés : l'insignifiance de sa personne, non à cause de ce qu'elle pensait ou était, mais bien en raison de son jeune âge. Et cela, elle ne l'avait jamais supporté. Il y avait tant d'idiots finis, de grandes personnes immatures, de vieillards à qui la vie n'avait rien appris, qu'elle-même n'avait qu'une hâte : grandir vite, prendre de la taille, des formes, des rides, des cheveux blancs, même ; perdre au plus tôt ce velouté de la peau, cette fermeté des joues, ces lèvres pleines, qui disaient trop clairement qu'elle était à peine sortie de l'enfance.
Elle avait toujours eu l'impression d'être une adulte enfermée par quelque sortilège dans un corps destiné à une autre. Le regard de Dame Katarina la blessa, comme bien d'autres auparavant, et elle se referma comme une huître sous le verjus.
Par habitude et par éducation, elle répondit au sourire de la dame, bien qu'elle perçût qu'il n'était inspiré, lui non plus, que par l'éducation et l'habitude.


Seriez vous assez aimable pour satisfaire ma curiosité? Il y a si longtemps que je suis venu à Vienne, j'aurais tant aimé en connaître les majeurs changements. Il y a matière à conter, j'en suis certaine.

Je ne sais trop de quels changements vous faire part, Dame. Je vis à Vienne au jour le jour, les changements se font peu à peu. Paradoxalement, les voyageurs sont bien souvent plus à même que les habitants de les remarquer...


Elle ne souhaitait pas que le silence s'installe de nouveau. Il fallait trouver quelque chose, vite, quelque chose de léger, quelque chose qui n'amènerait ni chagrin ni remords.
Elle adopta un ton de discrète plaisanterie, qui masqua, au moins partiellement, la froideur de sa voix.


Ce qui change le plus souvent, ici, c'est la grille de salaires ! Je crois bien que c'est la 4ème que je vois en un an.

Aucun intérêt, pour la visiteuse, probablement. Pour Anne, c'était important, parce qu'elle percevait toutes les implications économiques d'une pression sur les salaires, dans un sens ou dans l'autre, et qu'elle était persuadée, pour avoir mainte fois défendu son point de vue sur la question au Conseil Ducal, que tous n'avaient pas cette perception.
Aucun intérêt, mais que dire d'autre ? Elle appréciait la compagnie de Katarina, sans comprendre pourquoi, et n'avait pas envie de la perdre dans l'heure. La dame n'était probablement pas beaucoup plus âgée qu'elle : 4 ans, comme Gabriel ? Guère davantage.

La soupe, réchauffée par Flamenque, offrit un répit, quand Matheline prit tout son temps pour la verser dans les écuelles où elle avait coupé le pain. Le fumet des pois cassés et du lard embauma la pièce. Si Matheline avait espéré glaner quelque ragot, ou quelque information sur l'identité de l'invitée, elle en fut une fois de plus pour ses frais, et dut s'en retourner bredouille vers la cuisine.
Une fois un peu rassasiée, Anne reprit cependant la parole.


Vienne m'a toujours paru accueillante. J'y ai toujours trouvé de l'aide quand j'en avais besoin, surtout avant que ma mère et mon frère ne me rejoignent ici.

Plus par un besoin de mettre les choses au point dès le départ, et éviter ainsi quelque bévue à sa commensale, que par envie de s'épancher, elle ajouta :

Ils sont auprès du Très-haut, désormais. Requiescant in pace.

_________________
Katara.
Soudainement et suite à sa réponse, le regard d'Anne se refroidit. L'expression grave et blessée qu'arborait alors la jeune fille eut l'effet d'une douche froide sur son invitée qui craignait déjà d'avoir commis une maladresse.
Elle hocha alors la tête, son visage peignant l'expression d'une enfant que l'on aurait vivement grondé et qui se serait confronté, au détour d'un couloir, au regard encore plein d'animosité et de reproches de la figure paternelle. Katarina eut un soupir lourd de regrets, elle se sentait bien trop vulnérable et sensible aux autres: les médisances méprisantes que les bourgeoises avaient pris plaisir à faire entendre sur son compte lorsqu'elle était retourné dans sa Normandie natale, quelques mois auparavant; ainsi que les regards désapprobateurs que lui avait adressé quelques bourgeoises viennoises l'avaient foncièrement mis mal à l'aise. Autrefois, fière et orgueilleuse qu'elle était, elle en aurait fait peu de cas.
A contrario, l'accueil de la majorité des Viennois l'avait profondément touché. Brisée, elle avait perdu de sa fierté et n'en était devenu que plus douce. Enfin, la voix d'Anne la tira de ses rêveries.


"Ce qui change le plus souvent, ici, c'est la grille de salaires ! Je crois bien que c'est la 4ème que je vois en un an."


Elle fut déçue que son hôte ne puisse contenter sa curiosité, mais rassurée par le ton de plaisanterie qu'elle employait malgré la distance qui demeurait toujours dans sa voix.

Enfin, la soupe réchauffée réapparut dans son champ de vision, ce qui réconforta de façon spectaculaire Katarina dont le ventre criait famine depuis la nuit précédente. Pourtant, sa bonne éducation lui fit attendre qu'Anne commence la première son repas et c'est avec un entrain retrouvé qu'elle l'imita.


"Vienne m'a toujours paru accueillante."

- C'est l'impression qu'elle m'a aussi toujours donné, à chaque fois que j'y suis revenu. Et votre invitation ici n'en est qu'une énième preuve.


Un sourire doux fendit le visage de la blondine qu'elle s'obstina à garder malgré les paroles qui suivirent. Elle choisit de ne pas y répondre. Non pas par désintérêt, mais par besoin de ne pas évoquer une fois de trop les deuils qui avaient, ces temps ci, la fâcheuse tendance de devenir sujets de conversation. Cependant, dans les yeux de Katarina, pouvait se lire toute la compassion qu'elle lui manifestait.

La soupe eut un effet des plus positifs: en plus de faire taire les grondements de son ventre, elle réchauffait peu à peu ses membres. Elle se défit alors de la cape qui couvrait jusque là encore ses épaules, bien qu'elle était consciente de l'impolitesse que cela constituait, et la déposa à son côté. Un œil attentif n'aurait eu aucun mal à voir que son corsage et ses jupes avait été finement ouvragés, mais la poussière qui les tachaient en dissimulait toute la richesse.
Elle ne désirait pas que le silence se fasse de nouveau, et elle tenait à une chose, dans sa reconnaissance envers Anne.


- Je ne peux accepter gîte et couvert sans rien vous offrir en retour. Je n'ai ni argent, ni biens ici, à Vienne...

Elle avait bien précisé "à Vienne", il était inutile de mentir mais tout aussi inutile de s'étendre là dessus. Et elle désirait peu retrouver l'Anjou de son défunt promis où étaient toutes ses possessions. Trop de souvenirs. Sourire mélancolique.

- Laissez moi donc faire quelque chose pour vous, Dame, quel qu'elle soit. Je vous suis trop redevable pour cela.
Anne_blanche
Anne lançait à son invitée des regards à la dérobée. En même temps que la chaleur de la soupe se répandait dans tout son corps, le froid jeté par le regard de Dame Katarina sur ses formes enfantines se dissipait.
La visiteuse avait eu la bonne idée de ne pas relever, du moins en paroles, la mention du deuil d'Anne. Celle-ci en fut d'autant plus reconnaissante qu'elle perçut dans tous les traits du visage de Katarina qu'elle la comprenait. Il était évident qu'elle avait connu la même épreuve, sans doute récemment, et savait les mots inutiles.
Outre une vraie compassion, au sens premier du terme, Anne y vit la marque d'une solide éducation. Elle se prit à chercher, dans les gestes, les postures, d'autres indices ; ce fut dans la vêture qu'elle les trouva, quand Katarina retira sa cape trop fine, découvrant un corsage abimé, sali, mais manifestement de bonne facture. Anne ne prisait guère les belles étoffes, n'éprouvait point de joie particulière à palper tissus ou rubans, à étudier la longueur des manches ou le tombé d'une jupe. Mais elle avait tant vu sa mère se livrer à ces occupations qu'il lui en était forcément resté quelque chose.


Je ne peux accepter gîte et couvert sans rien vous offrir en retour. Je n'ai ni argent, ni biens ici, à Vienne...


Anne allait protester. Gîte et couvert avaient été offerts de bon coeur, et sans arrière-pensée.

Laissez moi donc faire quelque chose pour vous, Dame, quel qu'elle soit. Je vous suis trop redevable pour cela.


Pendant qu'elle observait la dame, une idée avait germé dans la tête d'Anne. D'abord très vague, et repoussée quand elle s'était sentie blessée par le non-dit concernant son extrême jeunesse, puis prenant forme peu à peu, elle s'imposait maintenant.
Mais comment la présenter à Katarina, arrivée ici sans un sou vaillant, mais qui semblait avoir ailleurs quelque bien ?

Pour se donner quelques instants supplémentaires de réflexion, elle poussa vers elle la terrine que Matheline avait cru bon d'apporter en même temps que la soupe, puisqu'on avait une invitée. Elle tenta de s'imaginer à la place de son interlocutrice : comment aurait-elle réagi, si une inconnue lui avait évité, un soir de détresse, la promiscuité d'une taverne ?


Je ne sais, Dame, laquelle de nous deux est plus redevable à l'autre.


Elle n'avait pas envie de s'étendre sur sa solitude. L'eût-elle voulu que sa pudeur et le respect de son rang l'en eussent empêchée. Mais elle avait conscience de l'aspect sibyllin de sa réponse.

Anne, il faut vraiment que vous trouviez le temps de suivre les cours de communication à l'Université...

A cette pensée, un bref sourire d'auto-dérision étira ses lèvres, sans que son regard perdît une once de sérieux. Elle craignait de froisser Dame Katarina.

J'allais d'ailleurs vous demander une autre faveur.

Son couteau piqua une tranche de la terrine qui ne la tentait guère, resta en suspens au-dessus du pain. Il fallait se décider.

Accepteriez-vous, Dame, de résider ici quelques temps, seule ? Je compte quitter Vienne.

La voix se fit plus dure, à son insu. Les raisons de son départ, elle les tairait. Les exposer ne ferait que renforcer son désarroi.

Je dois voyager. Bacchus et Matheline m'accompagneront. Mais il y a tous les autres domestiques. Je crains, s'ils restent ici sans personne à servir, qu'ils ne laissent aller les choses à vau-l'eau.


Elle cessa là son discours, fort gênée, au fond. N'ayant aucune idée précise de la position de la dame, elle ne pouvait deviner si celle-ci verrait dans sa demande une offre d'emploi de gouvernante, ou la prendrait comme un service à lui rendre. Peut-être même penserait-elle qu'Anne profitait sans vergogne de sa misère.
Ses doigts se mirent à pétrir la mie de son pain, trahissant bien davantage son anxiété que son visage resté souriant.

_________________
Katara.
Si elle avait cru un instant que son absence de réponse à la mention des êtres chers qu'avaient perdu la Dame Anne aurait froissé cette dernière, elle fut rapidement rassurée. Son hôte semblait même plutôt reconnaissante et ceci conforta l'affection presque instinctive qu'avait Katarina envers elle.
La soupe n'avait pas totalement fait taire la faim lancinante qui rendait son ventre douloureux, si bien qu'elle prit à son tour un morceau de pain qu'elle porta rapidement à sa bouche. Durant ce laps de temps, Anne ne répondit pas à la demande de son invitée qui crut alors ne pas avoir parlé assez fort, ou que la dite demande l'avait froissée.


"Je ne sais, Dame, laquelle de nous deux est plus redevable à l'autre."

L'expression de Katarina se fit interrogatrice. Que Diable voulait-elle dire par là? Signifier sa solitude? Elle n'y croyait pas. La Dame de Culan semblait trop épanouie pour être seule. Si elle l'était, c'est qu'elle n'en éprouvait pas le besoin. Ou alors, qu'elle le cachait bien.

"Accepteriez-vous, Dame, de résider ici quelques temps, seule ? Je compte quitter Vienne."

La surprise se lisait sur le visage de la jeune blondine qui écarquillait les yeux. Si sa curiosité la démangeait de demander les raisons de ce départ, elle n'en fit rien. La voix de la Dame Anne, plus dure, plus incisive et qui ne laissait présager aucune flexibilité sur sa décision, suffit à la dissuader bien que son éducation l'avait déjà fait.

"Je dois voyager. Bacchus et Matheline m'accompagneront. Mais il y a tous les autres domestiques. Je crains, s'ils restent ici sans personne à servir, qu'ils ne laissent aller les choses à vau-l'eau."

Cette deuxième réplique donna à Katarina l'impression que son hôte cherchait à se justifier. Inutile. Elle n'avait sûrement pas à le faire. L'invitée eut un nouveau mordillement de lèvres, et ce pour deux raison. La première, c'est qu'elle était fort touchée par la confiance que mettait en elle, si tôt, la Dame de Culan. La deuxième, moins positive, c'est qu'elle craignait de voir là une vie sédentaire qui allait s'éterniser. Amoureuse de son indépendance et des voyages, elle était rarement resté longtemps au même endroit. Et lorsqu'elle l'avait fait, c'était par amour, par devoir ou par obligation. Pourtant, rester à Vienne lui plaisait et ne semblait pas, à ses yeux, une perspective si déplaisante. Bien au contraire. Il était, de toute façon, sûrement trop imprudent de reprendre la route seule, dans son état de désarroi et de solitude. Et si tout cela ne suffisait pas, c'était le minimum qu'elle pouvait faire.
C'est avec un sourire qu'elle reprit la parole.


- Et bien c'est d'accord. Puis-je savoir quand vous comptez partir? Et quand vous reviendriez?
Anne_blanche
Ca y est, je l'ai froissée. Je le savais, que j'aurais mieux fait de me taire...

Entre les doigts nerveux d'Anne, la mie de pain avait pris la forme d'une boulette grisâtre, que ses ongles étaient maintenant en train de réduire consciencieusement en minuscules éclats sur le bois de la table.
Dame Katarina avait cessé de manger, et pourtant Anne sentait bien que sa faim n'était pas apaisée. Elle y vit une réticence à profiter de l'hospitalité offerte sans rien pouvoir donner en retour, et en déduisit que son offre allait être repoussée. La visiteuse semblait chercher ses mots pour ne pas opposer de refus trop blessant.

Et soudain, elle sourit. Les sourires, surtout aussi lumineux que celui-là, c'était si rare, à l'hôtel de Culan, depuis le départ de Gabriel, qu'Anne eut l'impression d'un rayon de soleil. Elle eut un mouvement instinctif de la tête en direction de la haute fenêtre, avant de se focaliser de nouveau sur son hôte.


Et bien c'est d'accord. Puis-je savoir quand vous comptez partir? Et quand vous reviendriez?


C'était si peu conforme à ce qu'Anne attendait qu'elle en resta un moment interdite.

Je compte partir dès demain, Dame. Mais pour le retour, je ne sais quand nous...
Oui, Bacchus ?


Le gros cocher, bonnet en mains, se dandinait sur le seuil, l'air malheureux comme les pierres. Anne fronça les sourcils, inquiète.

Demoi... euh ... Dame Anne, ya la sœur Euphrasie qu'est passée ...


Il roulait des yeux en direction de Katarina, et lançait à Anne des regards suppliants.
Soeur Euphrasie : la tourière du couvent de Blanche. Les mains d'Anne disparurent sous la table. Elle ne voulait pas qu'on les vît trembler. Sa voix manquait singulièrement de fermeté quand elle encouragea Bacchus à poursuivre.


Qu'a-t-elle dit, Bacchus ?

Ben, 'l'a dit que la sœur Marthe, ben elle veut pas bien que Demoiselle Blanche elle sorte, rapport à ce qu'elle est pas assez remise de ... du ...


C'est bon, Bacchus. Merci.


Etait-elle donc bien un monstre, après tout ? La soeur Marthe, qui faisait au couvent office d'herboriste et de mire, lui faisait tenir que Blanche était de nouveau malade, et elle ne pouvait ressentir autre chose qu'un immense froid. Point de chagrin, point d'inquiétude, point de tristesse. Elle s'était un peu recroquevillée sur sa chaise, l'oeil fixé sur la terrine, absente. Elle en oubliait la présence de son invitée.
L'effort qu'elle fit pour se tenir droite, risquer un pâle sourire, occuper ses mains à un soigneux découpage d'une tranche de terrine ne fut perceptible qu'à la pâleur subite de son front.


Dame, voici qui bouleverse mes plans. Je crains fort que vous n'ayez à partager les lieux avec moi plus longtemps que prévu.


Plaisanter. Adopter un ton léger, et faire semblant. C'est tout ce qui reste aux gens à bout de deuil et d'angoisse, si habitués à ce qu'on les fuie, par crainte de la contagion du malheur, qu'ils en deviennent redoutablement habiles à masquer leur douleur.
Pourtant, comme elle aurait voulu dire à la jeune femme assise en face d'elle que c'était justement cette douleur perçue en elle qui l'avait immédiatement attirée ! N'y aurait-il eu aucun soulagement, pour Anne comme pour Katarina, à accepter un peu du fardeau de l'autre ?

Elle s'aperçut soudain que son invitée ne pouvait rien comprendre à ce qui se passait. On lui demandait comme une faveur de prendre en charge l'hôtel de Culan, puis on lui signifiait que finalement, on n'avait plus besoin de ses services.


Pardonnez-moi, Dame. Vous devez me prendre pour une véritable girouette.

Le ton était las, mais Anne ne pouvait faire l'impasse sur un minimum d'explications sans paraître par trop désinvolte.

Ma sœur Blanche et moi avions projeté un pèlerinage, qui nous eût éloignées pour un temps de lieux trop chargés d'histoire. Hélas, elle est de santé bien fragile, depuis toujours. Il nous faudra attendre que le Très-haut la prenne en pitié pour pouvoir partir.
_________________
See the RP information <<   <   1, 2, 3, ..., 19, 20, 21   >   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)