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[RP ouvert]L'hôtel de Culan.

Anne_blanche
Assise à sa place favorite, sur les coussins du banc de pierre taillé dans l'embrasure de la fenêtre, Anne lisait et relisait la dernière missive de sa mère, reçue le matin-même. Près de la cheminée, où l'on venait d'allumer un feu, Matheline s'affairait, cherchait dans sa boîte à ouvrage les laines nécessaires au ravaudage de quelques bas, tout en surveillant la gamine du coin de l'œil. Elle la trouvait bien trop sage pour que ce fût normal.

Citation:
Ma chère fille,

Ces nouvelles m'enchantent, et j'ai bien hâte de me mettre en route.
Une escorte est plus que nécessaire, par les temps qui courent.
La ville de Tours a été prise par des brigands tantôt, et l'on murmure dans toutes les chaumières que leurs prochains projets s'orientent vers le Berry.
Certains affirment même que les marauds sont déjà présents en nos terres.
Foi d'Ambroise, je ne laisserai pas un de ces fieffés coquins s'approcher de mes biens !
Soyez bien sage durant mon absence.
Affectueusement,
Maryan d'Ambroise


Mère serait bientôt là. Et avec elle, Blanche. L'escorte trouvée pour elles par Anne se mettrait en route au plus tard le lendemain. C'en était fini de la solitude, des longues heures d'étude, pour tuer le temps. Mais aussi, probablement, des échappées en taverne ou à Lyon... Anne n'avait pas tenu sa mère au courant de toutes ses démarches, il s'en fallait de beaucoup. Comment prendrait-elle le fait que sa fille s'était arrangée pour apparaître comme la maîtresse incontestée de l'hôtel de Culan ?


Pffff ! C'est sa faute, aussi. Elle n'avait qu'à pas pas me laisser si longtemps !

Derrière le petit front buté, la rancœur le disputait à la joie, l'envie de se lover dans le giron maternel à la crainte de devoir abandonner des habitudes qui lui étaient chères.
Avec un soupir, la fillette roula le parchemin et le rangea soigneusement dans son archif. On verrait bien. Quelle utilité, de se poser des questions avant l'apparition du problème ? Au jardin, il y avait peut-être des champignons. Anne croyait avoir vu, par la fenêtre de sa chambre, des coprins chevelus.
Elle se dirigeait vers la cuisine, pour passer au jardin, quand la porte de la rue résonna sous les coups du heurtoir. Qui pouvait bien venir en visite à l'hôtel de Culan ? Le visage de la fillette s'éclaira. Antoine ! Ce ne pouvait être qu'Antoine, de retour à Vienne. Devançant Matheline, elle se précipita, pour se trouver nez à nez non avec Antoine, mais avec son père.


Messire Philippe !

Anne chercha Antoine du regard. Il n'était pas là.

Entrez, Messire. Il y a du feu dans la grande salle. Venez, Matheline s'y tient. Elle sera bien aise de connaître enfin mon mentor.

Elle ne demanda pas la raison qui amenait chez elle Philippe de Massilia. Ce n'était pas poli, Mère le lui avait bien expliqué. Mais elle ne pouvait s'empêcher de lui lancer des regards intrigués.
Philipe_de_massilia
Patiemment, Phil attendit quelques instants devant la porte de la demeure. Il entendit des pas feutrés approcher. Ne sachant pas trop qui aller ouvrir la porte, Phil passa sa main tenant le trophée dans son dos.
Il recula d’un pas, se demandant comment il allait se présenter. Tout cela, il n’y avait pas réfléchit avant, et secoua la tête. Une fois de plus, il avait agit comme lui avait dit son cœur et se retrouvait donc dans une fâcheuse situation. Il allait devoir improviser.
Il vit la poignée se tourner et la porte s’ouvrir tout doucement. Le soldat se trouva nez à nez non pas avec la gouvernante, mais bien avec sa jeune filleule qui s’écria :


Messire Philipe !

Manifestement, la demoiselle fut surprise de la venue du soldat. Il la regarda se pencher d’un coté et de l’autre, à la recherche de son fils, sans nul doute.

Entrez, Messire. Il y a du feu dans la grande salle. Venez, Matheline s'y tient. Elle sera bien aise de connaître enfin mon mentor.

Le froid aidant, Phil ne se fit pas prier et entra prestement.

Bien le bonjour Anne_Blanche, très heureux de te voir, ma jeune filleule.

Essayant de détourner la vigilance de la jeune fille, le soldat dû mettre tout son talent pour cacher au mieux la petite statuette gagnée lors du concours de tir à l’arc. D’un geste agile, il fit glisser sa cape préalablement défaite, sur sa main encombrée du trophée, puis posa le tout sur une petite tablette proche de la porte d’entrée. Il ôta aussi ses gants quelque peu poussiéreux et déposa son épée ainsi que son heaume. Passant sa main dans ses cheveux, il espérait être à peu prêt présentable.
Tout heureux de son tour de passe-passe, il suivit donc sa jeune filleule jusqu’à ce qui semblait être la pièce principale.
Lorgnant de gauche et de droite, il remarqua le peu de décorations et sourit. Tout cela lui rappelait bien sa demeure.
Aux bruit de pas se rapprochant, Phil se reconcentra et vit apparaître une femme, sans nul doute la dame Matheline, à la description que sa jeune filleule lui avait faite.

_________________
Anne_blanche
Bien le bonjour Anne_Blanche, très heureux de te voir, ma jeune filleule.

Anne aussi était heureuse de le voir, et son sourire ne disait pas autre chose. Elle attendit patiemment que Messire Philippe se débarrasse de tout son attirail militaire. Cape, gants, épée, heaume se retrouvèrent bien vite sur la tablette de l'antichambre. Fascinée, la fillette regardait le heaume, se demandant comment on pouvait porter sur la tête pareil objet, et voir tout de même les ennemis. S'ils se présentaient en face, la chose lui semblait réalisable. Mais un attaquant de côté ? Il faudrait qu'elle demande. Toute à son observation, elle ne nota pas la forme bizarre que prenait la cape.
Elle s'effaça pour laisser passer son hôte. Matheline se leva à leur entrée, et traversa la pièce à leur rencontre.


Messire Philippe, voici Matheline, camérière de Madame ma mère, et présentement ma gouvernante, en son absence. Matheline, Messire Philippe de Massilia est mon mentor à Vienne. Faites-nous porter quelque chose de chaud, je vous prie. Il fait très froid, aujourd'hui.

Elle attendit que Matheline, lèvres pincées et dos raide, s'éloigne en direction de la cuisine, puis désigna à son parrain le faudesteuil disposé face à la cheminée, pour s'installer elle-même sur un coussin, à ses pieds. Le petit visage se leva, interrogateur. La fillette ne songeait plus à dissimuler sa curiosité. Mais la courtoisie reprit vite le dessus.

Comment vont Dame Draguione et Antoine, par ce froid ?
Philipe_de_massilia
Phil posa son postérieur sur le fauteuil présenté par sa filleule. Il put allonger ses jambes pour les décontracter un peu. Il s’était entrainé dur au tir à l’arc et le fait de rester debout si longtemps, dans une position quasi-identique pendant de longs moments, lui avait déclenché un début de crampe.

Il regarda sa filleule s’asseoir devant lui, et sourit de la façon dont elle venait de s’adresser à sa gouvernante. Plus de doute pour lui, la jeune demoiselle savait bien « mener sa barque ».
Il se redressa un peu à la question qui lui était posé.


Comment vont Dame Draguione et Antoine, par ce froid ?

Le soldat regarda sa filleule dans les yeux. Il y voyait tant d’intelligence, tant de gentillesse.
Phil avala sa salive, histoire de s’humecter un peu les cordes vocales.


Eh bien, Dragui est en patrouille non loin d’ici. Elle a amené tous ses vêtements les plus chauds. Il parait que le froid va s’intensifier, peut-être même de la neige à ce que racontent les anciens. Mais rassure toi, nos tenues d’hiver sont efficaces. Et puis les longues marches réchauffent bien des hommes.
Quant à Antoine, nous l’avons envoyé chez des amis dans un autre duché. Il adore les grands espaces et les longues marchent ne lui font pas peur.
Ne t’inquiète pas quand même, il y a un cheval avec eux, il pourra donc se reposer de temps à autre.


Phil prit une pause.
Comme il l’avait déjà remarqué lors de discutions précédentes, la jeune fille absorbait absolument tous ses dires. Aussi, il faisait bien attention à ce qu’il disait.

_________________
Anne_blanche
Sous le regard de Messire Philippe, Anne se sentait... transparente. Non, ce n'était pas tout-à-fait cela. Elle avait bien vu comment il la regardait, quand elle donnait ses instructions à Matheline. Il la regardait, et il lui semblait qu'il la comprenait, qu'il la voyait comme une personne, pas seulement comme une enfant qui a tout à apprendre. Cela, elle le savait bien. Pas besoin de sortir de l'Université Marlaeauvergne pour savoir qu'à même pas sept ans, on a des tas de choses à apprendre. Pourquoi, alors, les adultes se croyaient-ils toujours obligés de lui en faire la remarque ?
Messire Philippe ne tombait jamais dans ce travers. Elle posait des questions, et il répondait, anticipait même la question suivante.
Elle n'eut pas besoin d'évoquer son inquiétude de savoir Dame Draguione et Antoine sur les chemins, avec le froid qui s'annonçait. Il l'avait pressentie, et déjà la rassurait.


Mais rassure toi, nos tenues d’hiver sont efficaces. Et puis les longues marches réchauffent bien des hommes.

Oui, bien sûr... N'empêche que sous la neige...
Les bras autour des genoux, elle rêva un moment à un chemin, sous la neige, à des hommes et des femmes luttant contre la bourrasque, à l'abri contre le flanc de chevaux fumants. Elle releva la tête.


Il y a souvent de la neige, ici, Messire Philippe ? En Berry, ça n'arrivait que trop rarement, et ça ne durait pas. Comment ils savent, les anciens, que la neige arrive ?
Philipe_de_massilia
Un sourire des plus chaleureux se dessina sur le visage du soldat.

Les questions de sa filleule se suivaient les unes aux autres et Phil en était ravi. A cet âge-là, il fallait tout connaitre et cela le plus rapidement possible. C’était bien l’apanage de la jeunesse, une jeunesse toujours avide de réponse, avide de savoir.


Alors ma chère Anne_Blanche, cela arrive oui, qu’il neige dans cette région. Souvent, je ne pourrais te dire.
L’hiver dernier a été rude, c’est exact et sacrément enneigé oui. Les hivers précédents, je ne les ai connus que dans les régions bien plus au sud, donc nettement plus tempérées.


Quant à ta question sur le savoir des « anciens » et je t’interdis de dire que j’en suis un, dit-il faussement vexé et sur un ton espiègle, cela dépends beaucoup du vent, mais aussi des différents animaux vivants dans la région. Leurs réactions de survie sont souvent les bonnes et annonciatrices de mauvais temps, voire de neige. Pour ce que je sais en tous les cas.

Phil reprit sa respiration, s’imaginant bien que sa venue ici avait aiguisée la curiosité chez sa jeune filleule.

Il regarda d’un coté, puis de l’autre en se grattant le dessous du menton, se demandant si sa gouvernante ou le dénommé Bacchus allait faire une apparition ou pas. Il tenait à donner sa surprise en présence d’un des serviteurs de la demoiselle.
En effet, sa filleule avait toutes les attitudes d’une jeune adulte, mais restait une enfant tout de même. C’est sa « mère » d’adoption qui lui avait inculqué ces quelques règles élémentaires de vie.

Phil sourit à nouveau, heureux d’être le parrain d’une filleule si douée et si attachante.

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Anne_blanche
Les bras autour des genoux, Anne buvait les paroles de Messire Philippe. Elle découvrait tout un monde, bien éloigné de son Berry natal. Et puis, elle était si petite, là-bas ! Le souvenir du château de Culan s'effaçait peu à peu de sa mémoire. Ne restait que celui des éclats de rire de sa sœur Blanche, du sérieux de son frère Gabriel, des goûters préparés en cachette par la cuisinière, grosse femme joviale toujours prête à vous fourrer dans la main une pomme surette ou une oublie. C'était bien vieux, tout cela.

Quant à ta question sur le savoir des « anciens » et je t’interdis de dire que j’en suis un...


Elle releva la tête, saisit à temps la lueur d'amusement dans les yeux de Philippe, et sourit. Non, il n'était pas si vieux, son mentor. Juste un père. Dans l'esprit de la fillette, les "anciens", c'étaient les gens très vieux, ceux qui avaient largement dépassé la trentaine.
Le soldat se tut, regarda autour de lui en se frictionnant le menton.


Matheline va nous apporter ... Ah ! La voici justement.


La gouvernante entrait en effet, jouant pour une fois, en présence de l'étranger, la servante zélée. Elle posa sur la table une tisanière fumante, des rôties, du miel. Anne ne savait si la tisane et les tartines faisaient l'ordinaire des soldats, mais elle n'avait pas grand-chose d'autre à offrir. Quand Mère serait là, elle reprendrait les cordons de la bourse, et tout irait mieux. Mais Matheline...


Venez vous restaurer, Messire. Vous me direz ensuite le but de votre visite.


Matheline se tenait deux pas en arrière, prête à faire le service. Anne se leva prestement, et s'approcha de la table.
Philipe_de_massilia
Phil tourna la tête et vit entrer Matheline dans la pièce.
Elle avait les bras bien encombré par un plateau qu’elle posa sur la table juste à coté d’eux. Phil regarda la gouvernante, se demandant si celle-ci allait lui poser une question.
Il n’en fut rien, elle se posta derrière eux de manière à les servir.
Sa filleule n’avait pas attendu que le service soit en place pour se rapprocher rapidement de la collation.
A l’invitation de la jeune fille, Phil se leva à son tour et s’approcha de la table. De la tisane, ainsi que de quoi faire de bonnes tartines, était présentée sur un plateau.
Le soldat sourit en hochant doucement la tête. Décidemment, sa filleule était prévenante et savait accueillir et tout cela en toute modestie.

Pourtant, il n’avait pas l’habitude de se faire servir.
Aussi, il prit sur lui de faire une tartine à sa filleule, comme il l’aurait fait pour son fils.
Avant que Matheline ait eut l’intention de faire le service, Phil avait déjà dans ses mains une part de pain grillé et un petit couteau prévu pour la tartinade.
Il trempa la lame dans le pot de miel, fit bien attention de ne pas en laisser filer, puis l’étala tranquillement sur le pain.
Heureux comme tout, il présenta la tartine à sa filleule qui fut un peu surprise, tout comme la gouvernante d’ailleurs.
Phil eut un moment d’arrêt, espérant ne pas avoir commis de bourdes.
Lui qui venait de la campagne de Provence n’était toujours pas très au fait des « choses » qu’il fallait faire ou pas, en présence de nobles personnes. Ce que lui avait appris sa mère adoptive était tout simplement, la simplicité.

Il regarda amusé tour à tour sa filleule puis Matheline.

Il se fit une tartine également, et croqua volontiers dedans. Le miel était son péché-mignon et peu de monde le savait.

Entre deux bouchées, il arriva quand même à baragouiner :


Alors, oui, ma présence ici…
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Anne_blanche
A la surprise d'Anne, Messire Philippe n'attendit pas l'intervention de Matheline. Avec un naturel qui prouvait une longue habitude, il tartina une rôtie et la tendit à sa filleule, qui s'en saisit avec un sourire.
C'était bien agréable. La fillette balançait les jambes sous la table, en mordant à belles dents dans sa tartine, à laquelle elle trouvait un goût inhabituel. Comme si ...
Elle sentit un picotement dans ses paupières. Pour la première fois de sa courte existence, elle se trouvait à table avec un homme qui avait l'âge d'être son père, et qui la traitait comme un père traite ses enfants. Ça devait être ça, un père : quelqu'un qui mange à la même table que vous, et qui vous fait vos tartines, parce que vos doigts sont encore trop malhabiles pour ne pas laisser couler le miel sur la table.


Alors, oui, ma présence ici…

Ah ! Sa curiosité allait enfin être assouvie. Elle en oublia de croquer son pain, et resta la tartine en bouche, prête à entendre ce que Messire Philippe allait dire.
Philipe_de_massilia
Phil tourna la tête, posant ses yeux sur sa filleule.
Le regard de la fillette en disait long.
Le soldat sourit, pensant que la curiosité était une valeur universelle chez les enfants. Son fils lui rappelait cela tout les jours, et une fois de plus, en présence de sa filleule, cette qualité, puisque pour lui s’en était une, caractérisait bien la jeunesse.


Et bien jeune fille, je suis venu pour voir un petit peu tes conditions de vie. Loin de ta maman, je voulais être sûr que tout se passait pour le mieux.

Phil regarda Matheline puis tous les éléments qui composaient cette pièce.

Et bien me voila rassuré, vois-tu.

Ces paroles se voulaient apaisantes. Il ne savait que trop ce qu’était la vie loin de ses parents.
Il croqua un morceau de sa rôtie, prit son temps pour l’avaler, puis continua :


Je voulais aussi te faire un petit présent. Je te prie de m’excuser, je vais le chercher.

Phil adorait ces moments uniques, où l’enfant avait tous ses sens en éveil et sans aucun doute des battements du cœur qui s’étaient accélérés.

Le soldat s’engouffra dans le couloir puis arriva à l’entrée. Il souleva délicatement sa cape, puis récupéra le trophée.
Il le prit dans sa main droite, puis le cacha dans son dos.


Sourire aux lèvres, il revint dans la pièce principale.
Il s’approcha de sa filleule, se pencha vers elle et lui dit doucement :


Tu n’es pas sans savoir que Dragui et moi-même avons participé au concours de tir à l’arc. Ce tournoi rassemblait les meilleurs archers du duché.
Ma chère femme a gagné ce concours, et pour ma part, j’ai fini second.


Phil ramena sa main droite devant lui, présentant le trophée à la fillette.

Chère Anne, je t’offre ce trophée.
Oh je sais, il n’a pas grande valeur pécuniaire, pour ainsi dire aucune même.
Mais pour moi il est très important. Je me suis entrainé dur pour réussir ce concours. Les conditions climatiques étaient assez exécrables.
Je serais très fier qu’il décore ta chambrette.

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Anne_blanche
Messire Philippe souriait, et Anne s'empressa de reposer sa tartine et d'avaler sa bouchée, avant de passer pour une jeune personne mal éduquée.

Et bien jeune fille, je suis venu pour voir un petit peu tes conditions de vie. Loin de ta maman, je voulais être sûr que tout se passait pour le mieux.

Pour le mieux, oui... L'absence de sa mère ne présentait pas que des inconvénients. Mais Anne n'était pas assez sotte pour le dire à voix haute, surtout en présence de Matheline, qui ne perdait pas une miette de la conversation.

Et bien me voila rassuré, vois-tu.


Du coin de l'œil, Anne vit sa gouvernante se détendre. Elle aurait même juré apercevoir un soupçon de sourire au coin de ses lèvres trop fines.

Je voulais aussi te faire un petit présent. Je te prie de m’excuser, je vais le chercher.

Messire Philippe prenait son temps ... et Anne grillait de curiosité ! Elle se retint de le suivre dans l'antichambre. Le soldat revint aussitôt, tenant quelque chose caché dans son dos. La fillette ne l'écoutait plus vraiment. Elle voulait savoir quel était ce présent. Non, même pas. Elle allait recevoir un présent, chose qui ne lui était pas arrivé depuis ... depuis ... Depuis jamais, en fait. Elle n'avait jamais reçu de présent. Son père était mort sans même savoir qu'elle allait naître, et sa mère avait toujours été bien trop occupée à pleurer son amour perdu pour prendre le temps d'offrir des cadeaux à ses enfants. Alors, valeur pécuniaire ou pas, Anne s'en moquait. Elle ne savait plus que dire, que faire, comment se comporter.

Chère Anne, je t’offre ce trophée.

Merci.

Les larmes aux yeux, la fillette prit l'objet, le serra contre son coeur, et ne sut que répéter "merci", avant d'emporter le précieux cadeau dans sa chambre, courant presque pour quitter la pièce.

Non mais regardez-moi cette malapprise ! Anne ! Anne ! Revenez tout de suite ici !

Les criaillements de Matheline ne la retinrent pas. La petite courut à sa chambre, déposer "son" trophée sur le coffre, juste devant son lit, pour l'avoir sous les yeux quand elle s'éveillerait.

Messire Philippe, pardonnez-lui, je vous prie. Cette enfant est un peu ... sauvage. C'est pas que je lui dis pas, mais elle n'écoute rien ! Vivement que Madame arrive ! J'en peux plus, moi, de ses sautes d'humeur.


Mais déjà, Anne revenait, nez mouché et yeux essuyés.


Merci, Messire Philippe. C'est le plus beau cadeau que vous pouviez me faire !

C'était toute cette heure, le cadeau. La présence, le pain partagé, le trophée... De l'attention. Anne se dressa sur la pointe des pieds, agrippa les larges épaules pour attirer la joue de l'homme à sa portée, et planta sur la peau qui piquait un peu un gros baiser tout collant de miel.
Philipe_de_massilia
La fillette prit contre elle le trophée et disparu rapidement. Au même moment, la lourde voix de Matheline se fit entendre.

Non mais regardez-moi cette malapprise ! Anne ! Anne ! Revenez tout de suite ici !
Messire Philippe, pardonnez-lui, je vous prie. Cette enfant est un peu ... sauvage. C'est pas que je lui dis pas, mais elle n'écoute rien ! Vivement que Madame arrive ! J'en peux plus, moi, de ses sautes d'humeur.


Phil regarda la gouvernante, visiblement dépassée par la fougue de sa filleule et prit sa voix posée mais ferme.

Sachez Dame Matheline que Anne_Blanche est une enfant. Et je peux vous garantir, qu’elle écoute ce qu’on lui dit. Oh je sais, cela ne doit pas être facile tous les jours, j’en sais quelques chose.
Mon fils Antoine est du même âge. Je serais tenté de dire qu’il n’écoute pas beaucoup, et pourtant, tous les mots qu’il entend, toutes les discutions qu’il écoute sont enregistrées dans son esprit. Il faut savoir simplement l’intéresser.


Phil reprit sa respiration.

Pour Anne_Blanche, c’est pareil. Elle est très intelligente, et absorbe tous nos dires.

Phil détourna son regard au retour de la fillette visiblement très émue par le présent.

Merci, Messire Philippe. C'est le plus beau cadeau que vous pouviez me faire !

Le soldat accepta la bise sucrée de la fillette et lui sourit.

Je suis sincèrement heureux qu’il te fasse plaisir.

Le regard du soldat se posa sur la table sur laquelle se trouvait la tisane nettement moins chaude.
Phil récupéra les gobelets et servit sa filleule, lui-même ainsi que Matheline à sa grande surprise.
Il tendit le breuvage tout de même bien chaud, à sa filleule et à Matheline.
Il prit à son tour la tisane dans ses mains, tout heureux de déstabiliser un peu la gouvernante.
Il avança son gobelet vers celui de sa filleule et les fit se rencontrer dans un son un peu sourd.


A ta santé, ma filleule, à la vie qui s’ouvre à toi et au retour prochain de ta maman.

Phil leva son gobelet en direction de Matheline toujours aussi stupéfaite, au grand amusement du soldat et de la fillette et lui fit un signe de la tête.
Avalant à grandes gorgées le breuvage qu’il affectionnait particulièrement, Phil se dit qu’il ne devait pas trop tarder. Sa femme l’attendait surement, et puis peut-être aurait-il des nouvelles de son fils.

Phil déposa son gobelet sur la table et ébouriffa les cheveux de la fillette.
Un grand sourire aux lèvres, il lui annonça qu’il devait rentrer dans sa demeure.

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Anne_blanche
Je suis sincèrement heureux qu’il te fasse plaisir.

Oui, Messire Philippe semblait vraiment heureux, lui aussi. Pas comme Matheline. La gouvernante avait son air pincé des mauvais jours, et Anne se demandait bien ce que le soldat avait pu lui dire, pour qu'elle tire une tête d'une aune. Elle faillit éclater de rire quand Messire Philippe, au mépris des règles de bienséance que la pauvre femme s'acharnait à inculquer à sa jeune maîtresse, servit non point deux, mais trois tisanes. Matheline prit néanmoins son gobelet, machinalement, tout en avalant spasmodiquement sa salive. Anne trinqua de bon cœur.

A ta santé, ma filleule, à la vie qui s’ouvre à toi et au retour prochain de ta maman.

A la vôtre, Messire Philippe.

Elle adressa un clin d'œil à la dérobée à son mentor, et ajouta, d'une voix non dénuée de malice.

A votre santé, Matheline !


Si la gouvernante ne s'étranglait pas avec sa tisane, c'est tout simplement qu'elle en oubliait de la boire. Elle devait être en train de se repasser dans la tête tout ce qu'elle raconterait à la vicomtesse de Culan quand celle-ci serait enfin là. Quant à Anne, elle faisait durer le plaisir, riait sous cape, nez dans le gobelet.
Elle eut un petit pincement au cœur quand son visiteur lui annonça son départ. Mais elle comprenait bien qu'il se devait à son épouse.


Portez mon salut à Dame Draguione, je vous prie, Messire. Et aussi à Antoine, dès qu'il sera rentré.


Elle ne voulut pas parler de la lettre qu'elle avait reçue, par laquelle Antoine la prévenait qu'il rentrait seul, la princesse ayant disparu. Elle se sentait suffisamment inquiète pour son ami pour avoir l'idée de faire partager cette inquiétude au père. Elle le raccompagna jusqu'à la porte de la rue.

Merci encore, Messire Philippe. Dieu vous garde.
Philipe_de_massilia
Portez mon salut à Dame Draguione, je vous prie, Messire. Et aussi à Antoine, dès qu'il sera rentré.

Cela sera fait dès mon entrée dans ma demeure, Anne_Blanche, sois-en certaine

Phil récupéra son équipement posé à l’entrée, gardant ses gants dans sa main gauche et son heaume sous le bras.
Il se pencha vers la demoiselle et lui déposa un baiser protecteur sur le front.
Se relevant, il regarda Matheline et ajouta :


Nous habitons la maison de l’ancienne mairesse Lavoyageuse. Si vous avez besoin de quoi que se soit, vous-mêmes ou le Sieur Bacchus, n’hésitez pas à nous contacter ma femme ou moi-même.
Nous serons toujours la pour vous aider.


Phil enfila ses gants et son heaume délicatement. Il se remit à portée du visage de la demoiselle et lui souffla :

Merci pour cette petite collation, je me suis vraiment régalé. Et tu sais, petite confidence, j’adore le miel.

A travers son heaume, Phil lui fit un petit clin d’œil.

Merci encore, Messire Philippe. Dieu vous garde.

Emmitouflé dans sa cape, le soldat sortit puis partit dans les rues sombres de la ville.
Il leva la tête en direction du ciel et se mit à marmonner :


Dieu te garde aussi demoiselle, ainsi que tous les tiens.
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Anne_blanche
Debout sur le seuil, Anne regarda son mentor s'éloigner. Elle le vit lever la tête, suivit machinalement son regard. Des nuages s'amoncelaient. Mais il ne faisait pas encore assez froid pour qu'il neige. La fillette adressa une muette prière au Très-Haut, pour qu'il retienne les flocons au moins jusqu'au retour d'Antoine.
Dans la salle, Matheline, figée, semblait perdue dans quelque pensée qui la dépassait.


Fermez la bouche, Matheline, vous avez l'air d'un poisson.

Préoccupée, Anne ne s'intéressa même pas au résultat de son observation. La gouvernante sonna pour qu'on vînt débarrasser. La fillette plongea sans vergogne son doigt dans le pot de miel, puis dans sa bouche, l'esprit ailleurs.

Demoiselle Anne, ya des courriers pour vous. Yen a un d'la Mairie, j'croyons ben. Pis un d'un ellec... d'un clélec... ben d'un curé, quoi.

Merci, Bacchus.


Voilà qui la distrairait de ses inquiétudes, et de ses interrogations.
Lors de son dernier voyage à Paris, Anne avait fait la connaissance d'un copiste académique, le Père Pierroléon, qui lui avait laissé une fort mauvaise impression. Il avait tenté de lui faire croire qu'il avait recueilli les dernières paroles de son père mourant, alors que la fillette savait fort bien, par son parrain Hugo et par Monseigneur Ottobismarck, que le seul copiste présent ce jour-là était Messire Gero, l'homme qui lui avait fait admirer les fauconneaux, lors de la chasse royale. Dans quel but avait-il ainsi menti ? Anne ne comprenait pas. Peut-être la missive était-elle de lui ?
Elle décacheta le parchemin, lut attentivement. Cela venait de Monseigneur Meleagant, et concernait son baptême. Enfin !
Elle s'attela aussitôt à la réponse. Les questions visant à s'assurer de sa connaissance du dogme aristotélicien lui parurent d'une simplicité toute enfantine. Il est vrai que, depuis son plus jeune âge, elle avait passé des heures, à Culan, à bavarder avec l'évêque d'Orléans, Ottobismarck. Celui-ci, jamais, n'avait pensé à la considérer uniquement à travers son âge. Pour lui, elle était une personne, et il n'hésitait pas à aborder avec elle les points les plus délicats du dogme. Ces discussions avaient toujours passionné la petite Anne.
La plume courait sur le vélin, accrochant parfois une aspérité, et les doigts de la fillette furent bientôt tout tachés d'encre. Elle sabla le parchemin, relut attentivement ses réponses, et ajouta une requête.


Citation:
J'ai une faveur à demander à Votre Eminence : j'aimerais que mon baptême fût célébré par Monseigneur Ottobismarck, grand ami de ma famille. Que Votre Eminence n'y voie nulle offense. C'est juste que Monseigneur Otto a recueilli les dernières paroles, le dernier souffle de mon père, et a toujours veillé sur mon devenir, après sa mort. Si toutefois ce n'est pas possible, j'en concevrai beaucoup de chagrin, mais saurai me plier à la règle. Mon parrain sera mon oncle, Hugo Cornedrue, vicomte de La Chapelle-Angillon, baptisé à Sancerre par feu Monseigneur Kuzcau. Je n'ai pas encore choisi ma marraine, mais je pense opter pour une Viennoise, afin de mieux ancrer mon devenir dans mon duché.

Daigne Votre Eminence, Monseigneur, pardonner le verbiage d'une enfant, et considérer que je suis Son humble et dévouée servante,

Anne de Culan


Quand pourrait-elle enfin ajouter "dame de Baugy" ? L'héraulderie ne donnait pas signe de vie. Sa famille n'était toujours pas enregistrée, malgré une demande formulée lors du vivant de son père, pas plus que les testaments de Valatar et de sa cousine Mentaïg. Sa Majesté n'était vraiment pas servie comme Elle le méritait...
La fillette sabla de nouveau le vélin, le cacheta, et le confia aussitôt à Bacchus pour qu'il le porte à St-Antoine.
Qui choisirait-elle pour marraine ? Elle s'aperçut que, si elle commençait à connaître nombre de messires, à Vienne, il n'en était pas de même pour les dames. Instinctivement, son choix se portait sur Dame Draguionne. La mère d'Antoine avait pour elle des attentions toutes maternelles, et c'est elle qui l'avait accueillie, lors de sa prime arrivée à Vienne. Et puis elle l'aimait bien. Elle se promit de lui poser la question le plus vite possible.

L'autre courrier émanait bien de la Mairie. La fillette sentit son cœur bondir dans sa poitrine à sa lecture. Un regard à Matheline, qui faisait semblant de broder un de ses sempiternels ouvrages alibis, la retint de manifester sa joie. La gouvernante ne pourrait voir que d'un mauvais œil l'entrée d'Anne au Conseil Municipal de Vienne. Et puis, ce ne serait officiel que lorsque la fillette aurait reçu ses clefs. Elle rangea donc soigneusement le parchemin dans son archif, au pied de son lit, et s'assura que le verrou fonctionnait bien. Mère ne tarderait plus. Messire Dédé lui avait dit, la veille, que l'escorte envoyée à sa rencontre n'était plus qu'à trois jours de marche de Sancerre, et que toutes les autorisations demandées, tant en Bourgogne qu'en Berry, avaient enfin été obtenues.
Comment la Vicomtesse de Culan prendrait-elle les initiatives de sa progéniture ? Il serait temps d'y penser quand elle serait enfin à Vienne.
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