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[RP]Le vent avant la tempeste

Kirkwood
Et surtout, surtout…
Le récit de la meurtrerie de Petitced.
Les témoignages avions été monstrueux.
On disait, on disait… Que ne disait-on pas ?

Que Yohann était un vampire. Qu’il avait bu le sang de sa victime. Qu’il avait demandé aux assassins d’écorcher leur proie pour qu’il s’en fasse une peau. Qu’il voulait prendre un bain dans le sang du martyr…

Billesvézées, racontars et fabliaux ! s’étaient gaussés les honnêtes bourgeois genevois, peu enclins à la fantaisie et au romantisme…
Certes, Yohann était un assassin. Certes le tribunal l’avait condamné à mort suivant les communes lois de toute l’Aristotélicité. Certes il était une caricature vivante des reproches faits par tout un chacun parmi les gens raisonnables contre les émerveillables abus de l’Église Aristotélicienne.
Mais quand même, arrêtons de rire. Restons sérieux. N’en faisons pas trop…
Genève, vous savez, c’est pas trop des rigolos portés sur l’imaginative, si vous les laissez faire…

Par contre, là où les bourgeois de Genève n’avaient plus du tout souri de condescendance face aux racontars, c’est quand l’enquête avions démontré deux ou trois trucs…
Graves.
D’abord, que l’hygiène de Yohann était déplorable.
Ensuite, qu’il avait placé ses économies dans le royaume de France.
Enfin, pire que tout. Il avait fait exprès de laisser la tâche de sang, témoin de la meurtrerie sanguinaire, dans la tente de l’embuscade.
Pour humilier les Genevois.
Alors même que durant le siège de la croisade de 1456, les murailles étaient restées propres (un peu démolies ici et là, mais propres)…

Y’a des trucs qu’y fallait point faire, avec un Helvète…
Alors, avec un Genevois, vous pensez…
Kirkwood
Kiki se lança. On n'était pas dans "l'église dite-cathédrale" St Pierre de Genève, mais c'était peut-être encore plus important...

Bon, ben, tous, vous l’savions, on estions en guerre contre le Béarn. Nous estions de Genève, plus faible que ce fier duché. Tant qu’on aura point eu l’départ de Varden et çui de c’te crapule ensanglantée de Yohann, faudra qu’on s’battions.

Ici, en ligne de bataille, ou en escarmouches comme s’estions prévisible.

Les nobliaux s’justifient déjà et recrutent auprès des ordres militaires des hérétiques romains ! Ils nous accusent de pillage. Donc les Béarnais pensent défendre leurs terres et leurs biens.

J’dis pas qu’j’aurais craché sur quelques sous, mais bon, on estions tous venus sur nos propres deniers pour combattre, alors leurs accusations moralisatrices, j’les sentions bien préparées et prémâchées par les fins de race nobiliaires et les hérétiques romains !

Oublions point, on estions bourgeois d’Genèves, notre drapeau estions propre, et nous z’aussi !

Bon, ben, vous tous, y’avions point que des aristotéliciens réformés parmi vous, que j’le savions, même si y faudrions et qu’à mon avis, vous mettions vot’âme en danger.

Mais vous estions meilleurs juges que moi de c’que vous décidions d’faire de vos vies !

Pis puisque depuis que j’exercions mon apostolat en Genève, j’avions toujours mis en avant l’importance de la paix civile entre nous, j’allions point changer maintenant, hein ?

Alors, j’allions point vous enquiquiner sur des chapitres tréhologiques, s’pas !?
Prions tout ensemble, frangines z’et frangins aristotéliciens, le Très-Z’Haut, le God comme disent les Brittons, lequel nous voyons tous de là-haut dans son paradis solaire, accomplir sa volonté et nous remettre en Ses mains !
Kirkwood
Prière muette, à peine troublée par des murmures et le bruit trouble des préparatifs de la bataille qui s’annonce.

J’vous proposions juste un psaume, dans l’quel j’croyons que tout le monde pouvions s’retrouver… Le psaume 24.

Citation:
A Yahvé la terre et sa plénitude, le monde et tout son peuplement;
C’est Lui qui l'a fondée sur les mers, et sur les fleuves l'a fixée.
Qui montera sur la montagne de Yahvé? Et qui se tiendra dans Son lieu saint?
L'homme aux mains nettes, au cœur pur son âme ne se porte pas vers des riens, il ne jure pas pour tromper.
Il emportera la bénédiction de Yahvé et la justice du Dieu de son salut.
C'est la race de ceux qui Le cherchent, qui recherchent Ta face, Dieu de Jacob.
Portes, levez vos frontons, élevez-vous, portails antiques, qu'Il entre, le roi de gloire!
Qui est-Il, ce roi de gloire? C'est Yahvé, le fort, le vaillant, Yahvé, le vaillant des combats.
Portes, levez vos frontons, élevez-vous, portails antiques, qu'Il entre, le roi de gloire!
Qui est-Il, ce roi de gloire? Yahvé Sabaot, c'est Lui, le roi de gloire.


Et les voix s’élèvent doucement, et les reîtres se sentent forts.
Gnia
[Tarbes - Armée Iunctis Viribus - Nuit du 31 octobre au 01 novembre]


Deuxième nuit de veille, hors de la ville cette fois, sous la bannière or au blason du Béarn, le coeur battant, les sens aux aguets.
Les nouvelles vont vite. A l'aube, un messager a rapporté qu'ils avaient tenté de prendre le castèth, voire la mairie de Pau.
Ils...
L'ennemi, l'épouvantail brandi quand une nation n'a besoin de rien d'autre qu'unité. L'occasion parfaite de faire vibrer comme un seul souffle, battre comme un seul coeur la population d'un comté. Et fi des pertes, de la mauvaise gestion, l'on se souviendra avec fierté de celui qui aura fait coulé le sang par ces décisions.
L'homme aime à se repaître du sang, il aime son odeur, son suave appel. Alors utilisons ses faiblesses et sacrifions-le donc sur l'autel de la raison d'état...

Sombres pensées pour sombre veillée. La Bapaume, toute à ses mauvais souvenirs, à sa nostalgie d'une innocence noyée sous le sang, les remords et les larmes, secoue la tête et achève de boucler le ceinturon qui porte son épée dans son fourreau.

Hors de la tente, l'air est froid et le ciel est encore de suie, mais bientôt pointerons les premières lueurs de l'aube. Et avec elle, le fracas des armes.
Elle saisit l'écu qu'on lui tend et d'un mouvement leste, chausse un étrier et se hisse sur son coursier. Dernier regard vers les remparts de Tarbes où tremblotent les fugaces lueurs des torches des guetteurs, puis elle avance, vers l'ombre.

L'ombre. Devant, elle sait qu'elle trouvera les autres sections de son armée, mais au-delà ? Là où les yeux ne peuvent deviner la moindre forme. Ils viendront de là.

Encore le temps de penser qu'il est là, quelque part d'ans l'obscurité, à la fois si proche et désormais si lointain. Curieux destin.
Un cri d'alerte, le coeur qui s'emballe, une sueur glacée qui dévale l'échine. Fouiller des yeux l'obscurité, suivre les cris, le bruit des épées qui s'entrechoquent, des écus qui se brisent.
Une irrésistible envide de crier à pleins poumons "Artois rends toi, Que nenni ma foi" mais l'Artois est loin et avec lui d'autres guerres et d'autres causes. Quelque chose en lequel elle avait cru, au moins.
Elle mène sa cavale là où la mêlée semble la plus proche. Mais à la faveur d'un nuage qui découvre le pâle croissant de lune, elle perçoit une lueur froide, plus loin, trop loin.

Elle tire sur les rênes, à en faire échapper une écume blanchâtre à la monture, lui dessinant un rictus de mort sous le pâle reflet de l'astre de nuit. Volte face et coup d'étrier, au passage, elle crie à qui veut ou peut l'entendre


Béarnais ! Avec moi, il y en a d'autres par là !

Rejoindre le mirage entr'aperçut la seconde d'avant, fouiller du regard l'horizon, repérer les anomalies. Là ! Elle dégaine sa Rapière, preuve métallique que l'avant a bien existé, et charge.

[to be continued]



[Aube du 01 novembre - Camp de l'armée Iunctis Viribus - Après les combats de la nuit. ]


Vicomtesse, Vicomtesse, vous êtes mandée pour votre rapport à la tente de commandement !

Regard vide, à peine s'il effleure celui qui s'égosille. Agnès est lasse, l'odeur de sang lui soulève le coeur. La bête, sous elle, tremble tandis que le froid sèche la sueur qui imprègnent la robe de l'animal.
Devant la tente de commandement, elle met pied à terre, retire son heaume et entre.

Les visages de Lonia et Lucasd sont étranges. pas juste de l'inquiétude ou de la concentration, il y a autre chose.


J'ai perdu mon second dans les combats de cette nuit, vous prenez sa place dès ce soir !

Hochement de tête pour acquiescer, puis elle réalise. Palsambleu ! Le second, c'est Erel. Un dernier regard aux chefs qui lui confirme ce qu'elle sait déjà, puis elle quitte en courant la tente.

Dans la craintive lumière de l'aurore, elle cherche des yeux la tente d'infirmerie. La voiture aux armes des seigneurs de Beost passe en trombe devant elle. Ne pas réfléchir, surtout. Elle prend une immense goulée d'air glacé qui lui brûle la poitrine avant d'oser enfin affronter l'inéluctable.

Il est là, blême, les yeux clos, étendu sur une paillasse, comme mort. Un garde le veille. Agnès n'arrive à déchiffrer dans son regard la réponse à sa muette question.
La mâchoire crispée, elle s'avance, tend la main vers le front qu'elle redoute de trouver froid.
La chaleur qu'elle rencontre lui fait perdre toute tentative de se contenir encore. Epuisée, les vannes qui ont retenu la tension de la nuit se sont ouvertes, elle s'affale à genoux près de la paillasse. Sanglots muets et sans larmes, juste le corps secoué de spasmes et une voix dure qui finalement s'élève


Hors de question que je te laisse fuir encore, Erel de Dénéré ! Pas aujourd'hui et pas comme ça !

Vains mots à vaine situation. Seul le Très Hauct est maître de leur destinée à présent, rien de ce qu'elle dira ou fera n'inversera le cours du temps, les mots de trop, les maux de trop.
Son visage encore couvert de poussière et de sang se pose auprès de son époux, sa main cherche la sienne sous le tissu qui le couvre. De petites auréoles où se mêlent lentement le gris et le rose se délayent sur le drap. Il est l'heure de l'abandon, l'heure d'aimer enfin, peut-être une dernière fois.

_________________
Erel
[Aube du 1er Novembre 1457 - Camp de l'armée Iunctis Viribus - Quand il est temps de partir...]

Une rencontre, celle qui changea sa vie. Un soir dans la nuit, tard, à Arras, dans une auberge. Elle est là. Il est là.
Enfin, il la retrouve. Enfin. Les regards se croisent, se domptent, s'apprivoisent. Les paroles s'échangent, se font douces ou mystérieuses.
Un baiser, présence et lien qui scella leur destinée.

Erel dans sa douce nuit due à sa blessure, se souvint de la première fois qu'il revit Agnès après s'être avoués mutuellement leurs sentiments. Doux et merveilleux temps, temps perdu, mais si doux. Se délaisser dans les souvenirs perdus, qui y'avait-il de mieux ?
L'enveloppe glacial l'étreint comme une amante. Le noir se fait agréable, la douleur l'oublie. Ici, plus de douleur du corps, plus de douleur de l'âme, plus de douleur du coeur.
Juste cette irrépressible envie d'abandonner, d'oublier, de ne plus être. Et pourtant, une brûlante douleur à l'abdomen a raison de son inconscience, et le réveil dans un hurlement de douleur.

Les yeux s'ouvrent, le regard perdu. Et pourtant, il a si froid. Il sent une présence. Une main brûlante comparée à la sienne glacée. Le visage se tourne, lentement. Un autre visage. Mais qui ? Le Dénéré ne sait pas. Tout est si flou, tout est si imprécis. Pourtant, un nom, un seul, lui vint en tête.


-Agnès ...?

L'interrogation se suspend dans son esprit. Oui, c'est elle. Il en est sûr. Qui d'autre à part elle, de toute façon ? Un bref sourire éclaire son visage exténué.

-Je... Je savais que tu ne m'abandonnerais pas... Je... Il tousse bruyamment, lui provoquant une vive douleur à la blessure à son abdomen. Je savais que tu me reviendrais, que tu ne m'abandonnerais pas.

La douleur se fait oppressante, elle l'étouffe à nouveau. Les mots n'arrivent plus à sortir de ses lèvres. Une envie... Dormir. Oh oui, dormir. Seulement dormir. Mais la présence de sa main contre la sienne lui donne un lien auquel se raccrocher. Et malgré la vue qui se brouille de plus en plus, il tente, faiblement, de continuer à parler.

-Si... Si tu savais comme je suis désolé. Désolé de ne m'être pas battu pour toi... Pourtant je t'aime, je t'aime tant.

Une nouvelle fois, une violente toux le prend. Lorsqu'elle se termine, la respiration est davantage rapide, saccadée. L'impression de noyade s'accentue. Il ne comprend pas, à presque oublié ce qui lui était arrivé. Il sait juste qu'il a mal, mais qu'il n'est pas seul. Et il se sentait partir, le Vicomte.

-Occupes-toi de nos filles, aimes-les... Toutes les deux. Je sais que tu peux le faire. Tu leur expliqueras que je les aimais, que je n'ai... La toux recommence de plus belle, mais il continue... Que je n'ai pas voulu les abandonner ?

Il sourit faiblement.

-Oui, je sais que tu le feras. Tu es si merveilleuse, après tout.

Un dernier regard. Il ne voyait plus rien. Il ne sentait plus la douleur, finalement. Il savait juste qu'elle lui tenait la main, qu'elle était là, près de lui. Une douce mélopée résonnait pour lui seul.

Il ferma ses yeux, près à cette nouvelle aventure. Il repensa à toutes ces personnes... Toutes ces personnes qui marquèrent sa vie. Melenia & Hooks. Cdingue, sa marraine. Feyrak, qui aura été sa seule et unique Fée, qu'il avait aimé d'un amour de conte de fées. Sherry, sa vieille amie Provençale. Deedlitt, sa suzeraine pour qui il avait temps d'admiration. Arielle, sa soeur à peine retrouvée et bien aimée. Dance, cette sacrée amie, comment pourrait-il l'oublier ? Ingenue aussi, qui malgré tout, fut une amie chère à une époque. Rose, sa nièce adorée qu'il considérait comme une fille... Laurens et Persevael, ses deux exécrables neveux. Ou encore Dotch, qu'il n'avait pas eu le temps de connaître malgré lui...

Petit à petit, ses pensées s'envolent, mais malgré tout, le noir et le néant qui l'envahissent n'avaient pas fini de le conquérir... Et tout en serrant la main de sa bien aimée, il se réconforta à l'idée de retrouver Apolonie, sa belle Auvergnate, Belialith, sa blonde adorée, Estelle, son autre blonde adorée, Chloé, son amie perdue, Bilbokine, qui fut son première amour, Lilly, sa Lilly... Et surtout, sa mère. Oui, sa tendre mère. Isabel...
"Maman, je vais te revoir enfin".

Un sourire éclaira, une dernière fois, son visage. Qu'il est si bon de savoir que l'on va retrouver des êtres chers. Qu'il est si bon de savoir que l'on meurt pour défendre ce en quoi on croit, ceux que l'on aime.

Alors que son souffle le quittait, Erel serra une dernière fois la main de Gnia. Son Grand Amour.

Sa main se détend. L'azur de ses yeux s'éteint, dans le vide, dans l'encre noire du néant.

Finalement, il ne mourrait pas Seul. Finalement, il mourrait Aimé. Finalement, il mourrait auprès d'Elle...

_________________

~ RIP ~
Gnia
[Aube du 1er Novembre 1457 - Camp de l'armée Iunctis Viribus - Dies Irae]


Le sommeil est agité, ponctué de soubresauts, le visage tiraillé. Point de répit même dans le refuge des songes. Les doux rêves se font cauchemars, à demi-éveillée.
Du sang, toujours lui, omniprésent, étroitement lié à la terre, son linceul. Et ce poids qui oppresse sa poitrine, sentiment d'immense solitude, peur de l'abandon, refus d'être approchée, de se livrer.
Terreur. Se noyer, être enterrée vivante, être étouffée par l'étau qui enserre sa gorge. Elle veut hurler. Son échappatoire n'est pas son cri que son esprit à créé pour elle comme une porte de sortie. Le hurlement est réel et ce n'est pas elle qui le pousse.

Un sueur froide la fait frissonner tandis qu'elle observe avec espoir les traits de son époux qui vient de se réveiller, lui aussi dans la douleur. Et pourtant, là encore, ils s'opposent même dans la souffrance. Celle d'Erel est réelle, palpable, violente, physique. La sienne est rentrée, changeante, secrète, insidieuse, mal de l'esprit.

Il murmure son nom, à peine audible tant il est faible.


Je suis là...

Etait-ce un sourire qu'elle aperçoit sur le visage ravagé par la souffrance ? Sa main ne quitte pas celle de son époux, comme si elle pouvait le retenir. Comme si elle pouvait revenir une année en arrière, dans une auberge, en pleine nuit, dans Arras. Comme si l'on pouvait regoûter un jour aux précieux moments d'un temps, aux frémissements provoqués par un regard, aux frissons procurés par des mots. Comme si l'on avait une seconde chance... Utopie !

Il tente de parler. Agnès colle son visage au sien pour entendre. Les mots sont bloqués dans la gorge par une quinte de toux.


Chhuuut... Ne parle pas...

Elle veut poser un doigt sur ses lèvres, mais le Dénéré, fidèle à lui même s'est mis martel en tête, il a décidé de parler et elle ne pourra pas l'arrêter.
Ce qu'il veut lui dire elle ne veut pas l'entendre, surtout pas. A chaque nouvelle parole, à chaque nouvelle toux, la Saint Just n'arrive qu'à articuler


Non...


Non.


Non !

Elle secoue la tête, tentant vainement de repousser, de nier l'évidence qui pernicieusement faisait chemin dans son esprit. A chaque sourire de son époux qui se meurt, son visage à elle se ferme, elle sent la colère gronder, courir sous sa peau, agiter de tremblements tout son corps. Elle n'en a cure.

Elle ne veux pas entendre de pardons, de je t'aime, pas de messages à révéler à leurs filles quand elles seront en âge de comprendre, pas... Pas de mots qui sonnent par trop comme des adieux. Chacun d'eux lui arrache des larmes qu'elle a depuis longtemps proscrites de son être. Et pourtant, elle n'en n'a cure.

Non pas ça... Pas merveilleuse... Elle est tout sauf merveilleuse.


Non !

Ce regard...

Non ! Tu ne m'abandonnes pas ! Tu ne vas nulle part ! Tu entends ?!

Il ne l'entend plus. La colère la suffoque. En cette instant où elle devrait ne ressentir que tristesse et désespoir, il n'y a que colère.
Contre Lui, le Très Hauct, le premier d'entre tous à l'avoir abandonnée. Contre le destin qu'il s'est plu à lui imposer.
Contre lui, Erel, le seul a voir ravi un instant son coeur, croyant emprisonner un oiseau qui se refuse à être enfermé, encore une fois si proche d'elle mais déjà si loin, à l'instant où elle s'est enfuie, le blessant. Il n'y aura désormais plus d'espoir d'être apprivoisée.
Contre elle, parce qu'elle est incapable même à cet instant de douceur, de compassion, d'un simpe je t'aime.
Parce que tout est de sa faute. A elle, à lui, à Lui.
Parce qu'elle ne pourra plus être pardonnée.

La Bapaume, la fière vicomtesse, au regard si hautain, à l'attitude si distante, au verbe haut, que tout effleure sans jamais la blesser n'est rien de plus à cet instant que la petite fille ramassée par la maréchaussée sur les chemins, seule rescapée de l'attaque qui a emporté toute sa famille.
La revoilà au point de départ, avec la terre, le sang, l'odeur de brûlé, les larmes, qui la recouvrent, l'ensevelissent.
Avec la peur, la solitude et l'appréhension de ce qu'il reste à accomplir et qu'il faudra désormais faire seule.
Le goût amer de l'inachevé.

Au travers le brouillard de larmes, elle perçut un dernier sourire, celui propre à ceux qui sont apaisés, délivrés de tout et de tous. Celui de ceux qui vont au devant d'un jour meilleur.

Sa main dans la sienne, la dernière amarre qui le retient encore à elle, est larguée. Agnès la serre malgré tout, aussi fort qu'elle voudrait frapper le corps dont le dernier souffle de vie vient à l'instant de s'échapper.
Serrer une main qui n'appartient désormais plus à personne, pleurer et puis enfin, hurler sa rage à la face du monde.

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Kirkwood
La bataille de Tarbes, samedi à dimanche, vue par Kirkwood, reître genevois

Acte 2 : la bataille…


Après le sermon, on s’y remet.


Approche qui se veut prudente et discrète. Les premières lignes béarnaises sont en vue.

Le brouillard fait hésiter les chefs de lance un moment, puis on se lance à l’assaut, brutalement, en profitant d’un coup de vent. La ligne helvète avance d’un pas lourd, portée par les flûtiaux et les tambours.

Feu d’escopettes, tirs d’arbalètes, on se précipite.

Kirkwood, dans la masse, joue de sa pique, comme les autres. Bras, pièces d’armure, boucliers parfois, se cognent à ceux des voisins, les casques oscillent, on hurle Deos ! Ichtus ! Genève !

Les hallebardes helvétiques bousculent les Béarnais. Les Genevois restent maîtres du terrain.

Les ordres fusent
: Gardez la ligne ! Genevois, à la bannière du Béarnais !

Sous l’impact de la rencontre, les lignes se distendent pourtant.
Grâce à la réussite de cet assaut initial, les Genevois, optimistes, se détendent.
Comme leurs lignes.
Kirkwood
On continue d’avancer.
Kirkwood et sa ligne atteignent un village abandonné. On sifflote, on se lance des cris d’encouragement, Kirkwood salue brièvement ceux qu’il reconnaît.



Uewen hurle:


Bande de crétins ! Reprenez vos rangs ! Qu’est-ce que vous croyez ?! Que c’est finit !? Ce n’est que le début !

Kirkwood va intervenir pour plaisanter l’inquiétude du vieux chef, quand Coulondres et Vittorio, toujours inséparables, le retiennent :

- Tou crois qué cé dé la rigolade ou quoi, Kiki ? Il a raison, le Flamand ! Ça a bien commencé, si, pero il faut voir cé qué nous réservent les Béarnais ?

- Vé, elle est passée où, la lanceu de tes copineus Océ et Massy ? Qu’est-ce que c’est que cette caguadeu ? Tu veux gagner une batailleu avé des baltringues pareils ?! Pas sérieux, eux !

Là, Kiki s’inquiète un brin. C’est vrai qu’il a en effet noté que cette lance s’est engagée du côté d’un bois, et qu’il se souvient maintenant avoir entendu un éclaireur signaler que les pluies avaient gonflé les marécages… C’est sûr, pas fin, mais l’enthousiasme du premier assaut…

Ben oui, c’est que le départ, mais..

Mais c’est vrai aussi, ils ont raison, les anciens. Peu de cadavres béarnais sur leur chemin. Ils ont emporté leurs blessés, et leurs lignes semblent garder leur cohésion, pour ce qu’on en distingue plus ou moins…
C’est vrai que si on y réfléchit, ça a carrément l’air de puer du cul, en fait…

Kirkwood va se joindre aux voix des chefs de ligne et de lance qui tentent de regrouper les Genevois quand tout le monde semble se figer.

Ce bruit ?

Il voit les visages des anciens qui se crispent et tout d’un coup, les cris jaillissent de partout. Charge de cavalerie ennemie !
On se regroupe tant bien que mal, on freine tant bien que mal les cathédrales blindées sur pattes, véritables monuments d’acier aux armes qui tailladent en hurlant.
Ça charcute, ça gicle, ça fait mal, ça gueule...




Kirk se précipite, mais il a le temps d’apercevoir un autre groupe compact de cavaliers béarnais qui arrive.
Nom d’un p’tit Aristote, c’est mal barré !
Gnia
[Tarbes - Armée Iunctis Viribus - Retour sur la nuit du 31 octobre au 01 novembre 1457]

Les vibrations des sabots sur le sol se répercutaient des lieux à la ronde. Les battements sourds des coeurs dans les poitrine s'accordent sur le rythme de la cavalcade.
Parfois, des nappes basses de brouillard épais passent devant eux, tentant de les aveugler mais les cavales les fendent comme autant de fins voilages que l'on déchire.

Agnès sait qu'elle n'a pas rêvé l'éclat métallique qu'elle a aperçu à la faveur de la lune découverte, quelques secondes. Elle ne sait combien ils sont, mais les ennemis se déplacent en lances, divisant en autant d'affrontements les champs de bataille. Alors, que quelques unes tentent de passer alors que d'autres se battent, se sacrifiant pour les suivants, n'est pas exclu.

Au cris qui retentissent soudain en face d'elle, couvrant presque le grondement sourd de la charge de cavalerie, elle répond un sourire sardonique à la nuit.
Son instinct ne l'a pas trompée, le menu, ce matin, sera composé de Genevois fondants et/ou de Lions croustillants. Ma foi, de quoi mettre l'eau à la bouche et du coeur à l'ouvrage.

Avant que l'on ne se rende compte arrive le premier barrage de piques, la pointe savamment orientée pour toucher les montures. Une fois au sol, le cavalier sera gêné par sa lourde armure et devient alors une cible facile.
Déjà les premiers hénissements de douleur se font entendre, suivis par le bruit infernal des plates d'armures qui se fracassent au sol.

Passera, passera pas ? Les sens aux aguets, la Bapaume se prépare à rentrer dans le tas, quand sa cavale se rebiffe. Sale carne !
Sans une réaction immédiate, elle aurait été désarçonnée de suite. Manquant d'arracher la gueule à l'animal, elle tire de côté de toutes ses forces sur les rênes. La bête se décide à virer plutôt que se cabrer.
Epée en mode faucheuse, écu aux couleurs des Saint Just fermement serré contre elle, Agnès écarte les dernières piques et fonce dans le gros de la mêlée, direction la première hallebarde en vue.
Pas d'état d'âme. Tant qu'elle conserve sa position du haut de sa citadelle animale, elle est en position de force.

"Mes yeux ! Je suis aveugle !", "Mon ventre ! Je suis éventré !", "Ma gorge ! Je suis égorgé", "Mes dents ! Ve fuis édenté !, "Mon front ! Je suis effronté !", "Mon coeur ! Je suis mort !"
*

*[tiré des tomes I et II de De Capes et de Crocs, les fans auront reconnu ^^]

[to be continued]


[Aube du 1er Novembre 1457 - Camp de l'armée Iunctis Viribus - Dies Irae et ça fait que commencer...]


Combien de temps a-t'elle crié, elle ne le sait.
Bribes de souvenirs. On la tient, on la porte, on la gifle, contact glacée de l'eau sur son visage.
Puis soudain, le calme, celui si inquiétant qui annonce que les éléments vont se déchaîner, tôt ou tard.
Le regard est lointain, la voix est blanche, le ton est sans appel. Elle ne sait pas à qui elle s'adresse, peut-être le garde qui veillait son époux... Peu importe.


Faites prévenir Dame Melian. Je rentre à l'Ostau Dénéré - Saint Just. Des ordres seront donnés pour que la dépouille de mon défunt époux y soit amenée.

Pas de regard en arrière. Les gestes sont brusques, poussés par l'urgence. Remontée en selle, Agnès mène au galop son cheval jusqu'aux portes de Tarbes. Heureusement qu'il connait la route, parce que la vicomtesse ne voit rien, juste le monde déformé à travers ses larmes.

[Pour des raisons évidentes de commodité, cette partie de la narration sera poursuivie sur un autre topic]


[Tarbes - Nuit du 1er au 02 Novembre 1457 - Armée Iunctis Viribus - Dies Irae : "Jour de colère, que ce jour là, Où le monde sera réduit en cendres, [...]"]

La journée est passée comme dans un mauvais rêve. La nuit signifie le retour sur le champ de bataille, une parenthèse, enfin, dans le cauchemar éveillé qu'Agnès subit depuis l'aube.
Ce soir, si l'être divin qui est sensé veiller sur elle et qui a failli, le veut, elle vengera dans le sang la mort d'Erel.
Cette idée l'a retenue tout le long du jour, jusqu'à devenir une obsession. Elle a accueilli la descente du pâle soleil de la fin de l'automne derrière l'horizon comme une délivrance. Fuir l'atmosphère étouffante de l'ostau et donner libre cours à sa rage, enfin.

Ils ont attendus, patiemment, dans l'obscurité que l'ennemi ose avancer. Touts les sections de l'armée patientent, elles savent qu'ils viendront, tenteront encore une percée. Hier n'était qu'un avant-goût, juste une mission d'éclaireurs en somme.

Puis soudain, les défenseurs rassemblés s'égayent comme un seul homme. L'ennemi est en vue.

Second... La place qu'encore hier au même instant son époux occupait. Le dernier rempart avant d'atteindre le chef de l'armée Iunctis Viribus, quitte à y laisser la vie.

Ne plus y penser. La rage l'a galvanisée. Elle ne sent plus la tristesse, plus le froid, le manque de sommeil. Le sommeil... Repos de l'âme insaisissable. A chaque fois qu'elle ferme les yeux, elle ne peut que revoir le visage émacié, qu'entendre ses dernières paroles, sentir l'odeur du sang, le goût de terre dans sa bouche.

Voilà qu'enfin, l'on s'engage dans la mêlée. La vicomtesse ne quitte pas des yeux Lucasd. Hors de question de les laisser approcher. S'il est atteint, il n'y aura pas d'autres alternatives que de sonner la retraite. Et il en est hors de question.

Fouillant l'obscurité du regard, Agnès aperçoit un mouvement sur sa droite. Un groupe d'homme est parvenu à contourner le gros des combats et s'avance résolument vers eux.
L'épée est déjà hors du fourreau. Le destrier frémit tant la nervosité de sa cavalière est palpable. Elle effleure à peine son flanc d'un coup d'étrier que la bête part au galop, au devant de l'ennemi.
La lame de l'épée siffle dans l'air, s'abattant comme une faux dans les premières chairs qu'elle rencontre. Le mouvement est à peine achevé que déjà le prochain ennemi, aux prises avec un soldat béarnais, se dresse devant les sabots de la cavale.
Agnès a à peine le temps de s'effrayer de la chevelure feu et du visage déformé par le poignard tenu entre les dents, que, d'un mouvement ample, elle lève son épée et la laisse redescendre, mue par son propre poids, projectile mortel guidé par la Colère personnifiée.


[to be continued]


[Tarbes - Nuit du 02 au 03 Novembre 1457 - Armée Iunctis Viribus - Dies Irae : "[...] Je prie suppliant et incliné, le cœur contrit comme de la cendre, prenez soin de ma fin [...]"]



Troisième nuit de veille. Troisième nuit sans sommeil.
Agnès a traversé ce jour comme le précédent, telle une somnambule dans une réalité qui la dépasse, s'éveillant telle ceux qui se repaissent du sang avec la nuit et à l'appel du vital breuvage.

Son visage est couleur cendre. La flamme du regard éteinte. La rage la consume de l'intérieur, amenuisant ses forces. Et pourtant, ce soir encore, une occasion lui est donnée de se délivrer de son emprise.
Mais la Bapaume le sait déjà. La nuit précédente ne lui a pas offert le soulagement escompté. Le tribu des âmes et du sang ne peut payer le prix exigé par son esprit tourmenté, ne peut apaiser l'ire qui se déverse en flots continus dans tout son être.
Pas de réconfort en priant le Très Hauct, elle a choisi de le maudire puisqu'il est resté sourd à ses suppliques.

Troisième nuit de veille. Troisième nuit sans sommeil.
Oseront-ils encore ce soir tenter de percer le barrage des défenseurs de Tarbes ?
Il n'y a pas d'acte plus beau pour ceux qui connaissent intimement la guerre que d'affronter ceux qui savent, au moment de charger, qu'ils vont mourir. Les ennemis se couvrent alors d'un voile d'honneur et deviennent les plus intéressants des adversaires, ceux qui luttent pour une cause juste, crédible, leur propre survie.

Troisième nuit de veille. Troisième nuit sans sommeil.
Là, ils sont venus. Une poignée, et pourtant...
La rage au ventre, l'énergie du désespoir les guide, ils fendent, juchés sur leurs montures, la mêlée des hommes de l'armée, s'approchant dangereusement de Lucasd et de son second, elle.

La vicomtesse sort sa lame du fourreau et éperonne son destrier, fidèle compagnon de ses trois jours de bataille. La bête se lance au galop et sans crier gare, se rebiffe.
C'est au contact douloureux du sol que la Saint Just réalise qu'elle a été désarçonnée. Son casque roule au loin, l'attache de son plastron s'est défaite, la monture s'est fait la malle.
Elle jure entre ses dents et se relève péniblement, gênée par le poids de sa carapace de fer. La dernière attache du plastron qui pend lamentablement sur sa poitrine est rapidement tranchée, découvrant la cotte.

A peine le temps de reprendre ses esprits, qu'une lame entre dans son champ de vision. Trop proche.
Mouvement de recul, l'écu à la salamandre se lève, la Rapière aussi. Trop tard.
La main trop faible ne parvient pas à retenir la Rapière. Sous le choc, elle vole au loin. Le bois vole en éclat, la lame ennemie fend le bouclier. La pointe de l'arme se fraye un chemin et dessine un chemin brûlant en diagonale, depuis le bas du visage, passe sur le cou et traverse ensuite la mince côte de maille jusqu'à l'aisselle, puis s'échappe enfin.

Agnès porte la main à sa joue, regarde hébétée le sang qui la recouvre puis, relevant les yeux sur son adversaire, lui lance un regard de surprise avant de s'effondrer.

Dernière pensée avant de sombrer. Celui qui vient de la désarmer n'a qu'une main. Curieux destin.

Troisième nuit. Enfin le sommeil...

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Kirkwood
La bataille de Tarbes, samedi à dimanche, vue par Kirkwood, reître genevois

Les piques et hallebardes plus ou moins plantées en terre, la ligne genevoise reçoit comme elle peut la charge de la cavalerie béarnaise qui arrive à fond de train.

Pendant quelques instants, Kirk, au coude à coude avec les autres, tente de constituer un front uni, mouvant sous la pression, certes, mais comme un arc qui se ploie avant de tirer, pour bloquer l’élan des cavaliers.
Mais d’un coup, la ligne éclate : un cheval caparaçonné s’effondre sur les helvètes. On s’écarte, on s’affole, tente de retrouver la bannière des yeux, de comprendre les ordres, de…

Kirk arrive à bloquer le bras d’un cavalier.

Il sent un homme s’effondrer près de lui.
Le cavalier a maintenant reporté son attaque contre lui.

Du coin de l’œil : l’homme à terre semble lever un bras ?
Le cavalier fait ruer son cheval et casse la hampe de Kirk, qui reste interdit.
Il note que l’homme à terre porte une livrée dont il ne reconnaît pas les armes.

Coup violent sur sa salade.

Silence assourdissant.
Sonné.

L’homme à terre regarde, refusant d’y croire, le sang couler de sa jambe.

Une lance s’interpose entre Kirk et le cavalier. D’un revers, ce dernier tranche les doigts et la hampe.

Une spécialité locale, se demande Kirk sans se soucier du reste ?


Le cheval rue à nouveau, et emporté par l’élan, le cavalier se rue sur un autre reître.

Ha ben, sauvé ?
C’est la meilleure, celle-là…
Merci, p’tit Deos.
Kirkwood
Il reste immobile, dressé au milieu du combat général, doutant encore.

Puis les réflexes reviennent. Il s’accroupit, délace le bouclier de son dos et dégaine Généreuse, l’épée gagnée au grand tournoi de la Compagnie du Léman. LE tournoi.
Fugaces souvenirs des participants. Kartouche. Nefti. Tatou… Quelques visages qui passent, déjà effacés par le retour à la réalité.

Il se jette dans une mêlée. Une hallebarde envoie promener la hache d’un cavalier, qui préfère alors faire demi-tour pour se trouver une autre arme.

Kirkwood reprend son souffle, vite coupé.
Un cavalier arrive devant lui, sortant vainqueur d’un reître, semblant chercher une nouvelle victime. Épée dressée, salamandre or sur fond noir pour blason…
Impossible de savoir si le regard l’assassine, si le cavalier tergiverse…

Ô bloody shit, comme disions mon pôpa…


Pas de pensée ou de stratégie, juste la survie.
Il se jette –presque- sous les sabots du cheval pour se retrouver derrière le bouclier.

Réussi, le cheval ne s’amuse pas à le piétiner.
Il a encore une bonne seconde pour profiter de sa vitesse avant que son adversaire ne réagisse…
Dioscoride
[Sous les murailles de Tarbes, toujours le troisième matin de novembre, The End]

...des éclisses de bois volent autour de son adversaire, maigre défense que celle d'un blason, fût-il riche, face à la ferveur d'un engagement ultime. Le borgne y avait mis toute sa force et la lourde lame avait fait le reste. Le coup avait porté et il découvrait un visage féminin qui sombrait, hors d'état de nuire. En d'autres temps, en d'autres lieux, il aurait pris soin de garantir la mort de sa victime, mais le temps était compté s'ils voulaient avoir une chance, elle avait peu de chance de survivre car alors qu'elle touchait le sol du sang inondait le haut de son torse et son cou.

Dioscoride jeta un regard à la recherche de ses compagnons, les découvrant non loin aux prises avec un ennemi en surnombre. D'un talus de nouveaux soldats accouraient, le mercenaire comprit alors que tout allait se terminer ici, au pied de Tarbes. Aucune tristesse, aucun ressentiment, il tomberait comme il l'avait souhaité, au combat, entouré de glorieux camarades. Alors qu'il courrait les rejoindre le carreau d'une arbalète se ficha dans sa cuisse le projetant au sol, son épée se dérobant à plusieurs mètres de lui.

Toujours à terre, levant les yeux il aperçu une riche monture qui se cabrait désarçonnant sa belle et intrépide cavalière...il se souvenait avoir pensé à ce moment là "du gâchis que ce sacrifice" quand un hennissement derrière lui suivit d'une insoutenable douleur dans le dos le plongea dans l'inconscience.

A présent que le calme reignait, ses derniers souvenirs s'évaporaient, petit à petit les râles autour de Scarificare se taisaient. Il réussit à bouger sa tête sur sa main, reposant sur un bracelet de cuir et ce ruban, sombre comme cette aube qui annonçait de sinistres dénouements...

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*phonya*
[Ce matin là .. une autre blessure ]

Des branches de vie flottent sur le Lac, quand la pluie se met à tomber.
De l'eau froide dégouline sur son visage la forçant à ouvrir les yeux sur le présent.
Elle n'a plus envie de lutter, plus envie de faire la fière et la forte.
A chaque souffle le souvenir d'un ruban noir teinté d'espoirs fous la transperce.

Puis des bras qui la portent, qui l'emportent.
La tête nichée dans une épaule sans nom, les dents serrées sous l'étreinte qui la presse, elle agrippe ses yeux au sol, redoutant d'y lire ce qu'elle pressent.
Des cheveux étalés sur une chemise rougie, silhouette allongée, aussi longue et fine qu'une épée qui la touche encore une fois.
Elle tente sans force d'échapper aux bras pour la rejoindre, mais la poigne est sans faille.

Ses yeux mouillés s'arrachent du dos sanglant. Emmenée, l'âme déchirée, elle s'abandonne glacée sous les vagues brûlantes d'un corps qui se bat encore.
Elle vivra.

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Melian
[1er novembre]

Alors qu'elle était dans la voiture en direction de Lourdes, elle intercepta un petit messager en plumes envoyé par le Garde qu'elle avait chargé de la surveillance. Elle prit la missive, libéra l'oiseau et la lut. Le Dénéré était mort... Bertin l'informait que la Vicomtesse avait été avec lui dans ces derniers instants, qu'il n'y avait aucun signe d'infection, aucune hémorragie. Il lui écrivait également que la Saint Just avait dis que ses gens viendraient chercher la dépouille.

Elle froissa le parchemin dans sa main, portant son poing serré juste sous son visage, de sorte que son menton vienne y prendre appui, puis elle ferma les yeux. Il était sûrement déjà trop tard lorsqu'elle l'avait trouvé et soigné. Trop de sang perdu. Elle fit arrêter la voiture, lui fit faire demi tour, et ne rouvrit ses yeux noirs que lorsqu'ils arrivèrent.

Elle se rendit à la tente. Au milieu, la dépouille couverte d'un drap blanc. Une vision sinistre qui lui rappela bien des mauvais souvenirs.

Lyon. Une embuscade. Cinq hommes armés jusqu'aux dents alors qu'ils n'étaient que deux et qu'elle n'avait qu'un bâton. Le coup de poignard sous le cœur qui l'avait mise à terre, Acar qui l'avait défendue jusqu'à être frappé par derrière, malgré les coups qu'il avait reçu. Puis le réveil douloureux, la panique de ne pas le trouver, la recherche malgré la souffrance, pour le retrouver tout pansé et couturé, à l'agonie. Ses si longues nuits de veille, de prières, de suppliques. Et au final il avait survécu.

Elle secoua la tête. Que n'aurait pas donné la veuve du Vicomte pour avoir une telle chance... Elle s'approcha, écarta le linceul rudimentaire. Puis elle alla chercher une bassine et de l'eau parfumée à la lavande et s'employa à nettoyer tout le sang et refit un pansement propre, pour couvrir la plaie. Elle ôta également l'attelle qui ne lui servirait plus à rien à présent. Puis elle le couvrit à nouveau du linge. Les hommes de la Vicomtesse pouvaient venir.

Elle laissa ensuite instruction au garde pour s'occuper de garder la dépouille en attendant leur arrivée. Elle remonta dans la voiture, et repartit pour Lourdes, le regard sombre.




[Nuit du 2 au 3 novembre, sous les murs de Lourdes puis à Tarbes]

Toujours la veille, le froid, la fatigue. Et toujours un inconscient qui se croit plus fort qu'une armée entière... Monotonie morbide pour un air de déjà vu.

Et pour le troisième jour consécutif, elle partit en trombe pour Tarbes, soigner les blessés.

A peine posa-t-elle le pied hors de la voiture aux abords de Tarbes que le garde se précipita à sa rencontre. L'on avait amené la femme qui avait recueilli le dernier souffle du Dénéré en bien piteux état. Elle alla aussi vite qu'elle put à la tente.


Non non non !

L'un puis l'autre maintenant ? Mais qu'avaient-ils donc fait ! Elle posa ses affaires, suivie du garde qui amenait des linges propres. Puis elle s'approcha de la paillasse où reposait la dame. Elle s'en fut préparer illico de l'eau à la lavande, ainsi que tout le nécessaire de suture, et des linges. Elle disposa le tout près de sa patiente et mouilla un linge avec l'eau désinfectante. Finalement, elle alla se laver les mains à la saponaire.

Il lui fallut beaucoup d'eau et de linges pour nettoyer tout ce sang et avoir une idée de ce qui était arrivé. Elle couvrit la Vicomtesse d'une couverture jusque un peu au dessus de sa poitrine et ôta ensuite ce qu'il restait des protections du haut de son corps, afin de ne pas la laisser exposée à la vue de tout un chacun ne serait-ce qu'une seconde.

Elle ne laissa rien paraître de ce qu'elle ressentit en voyant la plaie béante qui lui traversait la joue droite, le cou, le haut du torse jusqu'à l'aisselle. Elle se souviendrait des Lions, aucun doute. Melian prit son matériel de suture, le désinfecta, et se mit à l'ouvrage. Les points rapprochés permirent à la médicastre de bien refermer la blessure, ceci dans l'espoir que la cicatrice soit la moins visible possible. Il lui fallut une heure de patience pour suturer entièrement la plaie, heure entrecoupée de séance où Melian nettoya ses mains et son matériel, tant pour limiter les risques d'infection que parce que l'aiguille lui glissait des doigts à cause du sang qui s'échappait encore de la blessure.

Aucune artère ou veine de sectionnée, donc pas de cautérisation. Et la trachée n'avait pas été endommagée, donc pas de souci pour respirer en perspective. Non tout ce sang venait simplement des chairs profondément entaillées, ainsi que les vaisseaux qui vont avec.

Elle poussa un soupir et alla se laver les mains et s'éponger le front. Puis elle alla vérifier son ouvrage, couvrit la plaie d'onguent et par dessus de plusieurs compresses les unes à la suite des autres.

La Vicomtesse ne s'était pas réveillée pendant tout ce temps, entre la perte de sang, la fatigue des combats, la disparition de son époux. Melian resta à son chevet, alors que le garde écrivait à Acar pour l'informer que son épouse reviendrait le soir venu pour sa garde.

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--Garde_de_locf
[Place de Pau, par un frisquet jour de novembre]


- Ayé on a tout ?

- J'crois bien qu'on a trouvé toutes ces saletés, mesme celles du chantage au Comté et celle que l'aut' a rajouté après nous en s'croyant futé !

- Au boulot alors.

Guillaume acquiesça à la réflexion de son frère d'armes Bertin.

Ils allèrent chercher un gros poêle, histoire de pas fiche le feu aux maisons de bois autour de la place par un malencontreux coup d'vent, et l'installèrent au milieu de la place.

Puis d'ajouter un peu de combustible, pour allumer l'feu.

- C'est bon, on va pouvoir y aller !

- Touche pas ça comme ça malheureux ! Des fois que ça soit conta-euh tu sais quand ça passe de gens à gens.

- Ah oui pas beste t'as raison attends.

Guillaume partit donc chercher un long tisonnier dans une maison voisine, avec présentation polie, demande polie et achat dudit tisonnier, pour surtout pas avoir à le rendre tout infesté de la maladie.

Et le soldat Franc de piquer chaque parchemin, papier et autre ordure hérétique et de les mettre au feu, petit à petit.


- Eh c'est qu'ça brusle bien ces trucs dis donc.

- Tu l'as dis. Tu crois que leurs auteurs vont cramer aussi bien ?

- Sais pas. On verra.

Les deux gardes regardaient les flammes et passaient les affiches au feu, les unes après les autres.


- Ils en mettront d'autres.

- Sûr'ment, mais on les enlèvera au fur et à mesure, puis de toute façon faudra de quoi allumer les buschers.

- Bien vu.

Et de soupirer. Faut être quand même borné pour continuer dans l'erreur alors que tout prouve que vous vous plantez en beauté et que vous gagnerez pas quand même... Mais doivent sûr'ment s'dire la même chose ces couillons-là... Quel comble quand même !
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