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Info:
par Fernal, le nain

[RP] - Grand Oeuvre pour Petit Homme

Fernal




Tout le monde dormait, dans Chambéry. Tout le monde ? Non, car dans une ruelle torve du quartier des quais de la Leysse, tout au fond, on pouvait apercevoir un fin rai de lumière jaunâtre qui filtrait du soupirail du cellier de la vieille maisonnette bistournée qui s'y cachait. Cette demeure évoquait le style "gothique flamboyant" qui commençait à s'implanter en Savoie, et vous n'auriez été qu'à demi surpris d'en voir sortir la belle et sulfureuse Esméralda au bras de son amant Phoebus, qu'un Claude Frollo vert de jalousie, tout de noir revêtu, s'apprêterait à poignarder dans le dos. Son portail d'entrée en fer forgé était flanqué de deux piliers surmontés respectivement d'un Lion et d'une Licorne en pierre. Sur le fronton orné de guillochis une devise :


"Heureux qui a pu pénétrer les causes cachées des choses"



Le portail s'ouvrait en grinçant sur une allée rectiligne bordée de statues allégoriques qui évoquaient l'équivalent des péchés capitaux : orgueil, avarice, luxure, envie, gourmandise, colère et paresse ; bref, tout ce à quoi l'on voue un culte en ce bas monde. Ma foi. Sans doute avaient-elles été placées là à dessein par l'ancien maître de céans qui pouvait ainsi tout à loisir se remémorer les multiples causes de fourvoiement dans les insondables abîmes lunaires. Mais le tout nouveau locataire s'adonnait lui à la Science d'Hermès. Oui, c'était un alchimiste, un adepte du Magnum Opus, de la chrysopée céleste ; un philosophe chymique, un maître labourant, un spagyriste universel, en tout cas un digne aspirant au Magistère d'Art Royal.






Il suffisait pour s'en convaincre de descendre dans la fameuse cave. Là, un bric-à-brac de cornues, d'alambics, de cucurbites émaillées, de matras et de fioles en verre translucide encombrait une table en vieux chêne noueux, tandis que s'éparpillait au sol dans le plus insolent désordre, cauchemar vivant pour bibliothécaires, tout un pandémonium de grimoires moisis aux pages fatiguées et à la couverture en peau de mouton bouffée par des générations de mites trop curieuses. Au fond, à côté de l'étagère d'apothicaire aux pots étiquetés, l'indispensable fourneau Athanor d'argile, de mica et d'alumine, menait, tranquille, de son train de sénateur, sa secrète coction, et les flammes qui l'alimentaient conféraient une physionomie faustienne au petit personnage chevelu, tordu et chassieux qui se tenait devant. C'était le nain Fernal, locataire des lieux. Lui, enfin...


- Mgnomm, mgnomm, mgnomm ! Où ai-je pu fourrer cette satanée recette ? grommelait-il en farfouillant fébrilement dans une pile de parchemins qui empestaient l'huile de lampe et le rance jusqu'à l'écœurement. Ah, voici!

...
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Lisyane


Il était tôt dans Chambéry quand la baronne se décida a rentrer chez elle.
Qui aurait pu dire ce qu'elle faisait la dans cette ruelle sombre des quartiers infâmes de la capitale.
Encapuchonnée, elle longeait les murs soucieuse de qui pouvait la suivre, d'un pas lent et léger, juste le froissement de tissus se faisait entendre lorsqu'elle tournait au coin des portes cochères et des piliers.
La fatigue de sa vie nocturne commençait a se faire sentir et les cernes enveloppaient ses yeux.
Le repos dans la journée ne pouvait être, la journée succédait a la nuit dans ses recherches, cependant, en plein jour, elle privilégiait les lieux plus claires, les places et les grandes artères.

Le quais de la Leysse était désert a cette heure, elle se retourna deux ou trois fois, désagréable impression d'estre a nouveau suivie, en mesme temps, a trainer ou il ne faut pas, elle devait bien se douter que toutes ses manigances commenceraient a être plus ou moins visibles.
Elle tourna dans la première ruelle, accélérant le pas.
Les pas et la présence de plusieurs personnes derrière elle ne faisaient a présent plus de doute.
Elle remonta sa capuche et poussa la première grille qui lui offrit une ouverture providentielle.
C'était sans compter le raffut d'un grincement presque aussi estrange, que le chant de la grille de la Bâtie.
Elle s'engagea rapidement dans l'allée de la propriété dans laquelle elle venait de pénétrer, et disparu un instant derrière une des statue qui bordait le lacet qui menait a la battisse.

Elle s'adossa reprenant son calme, le danger ecarter ses yeux se posèrent sur la façade la la maison, il y avait un truc estrange, comme un "n'importe quoi" dans l'architecture.
Bah après tout, elle n'était plus a une effraction prêt. Cela paraissait inhabité, et se volatiliser quelques heures le temps que la vie quotidienne ne reprenne en la capitale, et que le danger de la nuit soit définitivement oublié, serait asse bien venu.
Jamais on ne viendrait la chercher icylieu.
La baronne avisa un ouvrant pas trop haut et facilement manipulable et s'enfourna a l'intérieur.

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La baronnie de Courmayeur
Fernal


Notre cher nain n'ayant cette nuit-là ménagé ni son huile, ni sa peine, finit fatalement par s'assoupir. Il était peut-être trois heures du matin lorsqu'une ombre furtive enjamba la grille et s'introduisit subrepticement dans le jardin de la propriété philosophale. Prudemment, elle s'approcha de l'entrée, et pénétra dans la maison biscornue par une fenestre. Fernal depuis sa cave entendit un grincement du plancher et sursauta:

- Qué z'aco ? Qui va là ?

Il repensa presque aussitôt au mystérieux visiteur qui le lendemain de son installation était venu subrepticement clouer une pauvre chouette la tête en bas sur sa porte d'entrée. Sans doute un voisin qui n'acceptait pas qu'un étranger difforme et mystérieux ne s'installe à deux pas de sa chaumine. A cette pensée, il s'empourpra de colère. Ah, quel était donc ce nigaud récidiviste qui croyait l'impressionner avec une chouette porte-malheur ?

Il remonta de la cave et ouvrit la porte. Tout en se saisissant d'un bougeoir et en allumant son chargement, il se mit à invectiver:

- Encore des menaces ? Si je t'attrape, c'est moi qui t'escagace ! Encore une de ses blagues stupides. Tu vas voir, toi. Tu ne perds rien pour attendre. Je vais t'arracher la peau du fessard, garnement ! Une bonne volée de bois vert. Après quoi tu seras content du voyage, enfant ténébreux.

Il alluma enfin la grosse bougie de cire rouge, et la lumière vacillante éclaira la vaste pièce du rez-de-chaussée. Elle était entièrement vide, car le nain avait élu domicile à l'étage, et menait ses recherches à la cave, et il avait jugé prudent de créer ce "no man's land" entre les deux endroits, pour soi-disant amortir bruits, fumées et odeurs que ses expériences ne manqueraient pas de provoquer.

Dans la grande salle vide, il n'y avait donc que lui, sa bougie à la main, et... la dame qu'il reconnu aussitôt. La baronne ? Fallait-il que cette noblesse savoyarde soit à ce point désœuvrée pour faire du cambriolage un passe-temps nocturne.

- Vous ? Ici ?

...

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Lisyane


Alors que sa respiration se fait courte et rapprochée, elle se colle au mur a sénestre de l'ouvrant et passe la teste pour voir si personne ne l'avait suivi.
Elle souffle profondément de soulagement, et se laisse glisser contre le mur froid, pour s'accroupir.
Ses yeux ont du mal a s'habituer a l'obscurité de la pièce, mais l'écho renvoyé lui indique qu'elle est vide de toute parure, ou presque.
Pourtant des pas se font entendre presque aussitôt, accompagné d'une voix qui ne paraît pas être de bon augure.
La baronne se relève prestement, et fouille du regard la pièce, cherchant ou elle pourrait passer inaperçue, quelques personnes pourraient en effet habiter les lieux sans que ce ne soit meublé, malfaises, sorcières, brigands...

Ho mon dieu échapper aux ruelles puantes de la capitale et se faire escagacer alors qu'elle se met a l'abri, drôle de fin...
Repartir d'où elle est venu est la solution la plus envisageable, cependant mesme un nain peut être rapide.

Surprise... Et puis quoi encore, ne pas se laisser berner, mesme si sa bouche doit être aussi ouverte que la gueule des gargouilles des cathédrales.

Elle pointe son doigt, vers le rabougris.


Et vous alors, qu'est ce que vous faictes donc là, MONSIEUR le nain compétant en alchimie?
Vous voilà donc a fureté a Chambery de quoi rendre hommage a vostre Art?
A moins que vos expériences ne cachent d'autres occupations encore plus louches et plus détestables et que l'Église condamne volonstier?


Et puis arrêtez de me regarder de la sorte comme si j'étais une petite monte en l'air des bas quartiers.
Les apparences sont très souvent trompeuses, croyez moi.


La baronne regarde furtivement dehors...Une ombre, ou son imagination.

Fernal soufflez donc cette chandelle, on pourrait nous y prendre a être la, ou on ne devrait pas être!

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La baronnie de Courmayeur
Fernal


Fernal, curieux mais pas téméraire, souffla aussitôt la chandelle. L'obscurité protectrice de la nuit et l'âcre odeur de moisi qui remontait de la cave par la porte béante envahirent la pièce de concert.

Il chuchota:

- Où on ne devrait pas être... pffff... parlez pour vous, m'dame. Car en ce qui me concerne j'estois ici en toute légalité. J'ai un bail à mon nom ! Il est vrai que le propriétaire des lieux est un bien étrange homme et qu'il n'a guère regardé à l'usage que j'escomptais faire de sa bâtisse. Mais un contrat est un contrat, un pacte est un pacte, que nous avons tout deux signé.

Moment de silence. Le parc de la villa semblait tranquille, à part le passage d'une chauve-souris en modulation de fréquence et l'ombre de la queue visqueuse d'un rat qui rentrait des courses. La baronne semblait agitée. Que pouvait-elle donc craindre ? Fernal imagina en souriant une vieille et puante sorcière se tenant embusquée en tapinois quelque part entre les statues de l'allée et que le poids des ans a rendu sourde comme un pot étranglant la noble visiteuse avec alacrité en poussant son affreux cri strident. Avec un sourire de lutin farceur, il questionna Lisyane plus avant:

- Si vous n'estes point là pour chercher quelque chose, c'est donc logiquement que vous estes vous-même l'objet de la recherche, n'est-il pas ? Que fuyez-vous, visiteuse nocturne, un cauchemar ? un galant un peu trop entreprenant ? un collecteur de taxes ? Pour peu l'on pourrait croire que le Sans-Nom Lui-mesme est à vos trousses ! Et vous venez chercher refuge ici, chez moi ! Avouez que c'est amusant... Car madame si vous avez pu arriver jusqu'ici, c'est sans doute que le Purgatoire devait afficher complet aujourd'hui, et qu'il refusait beaucoup de monde. Héhéhé...

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Lisyane



La baronne se laissa a nouveau glisser le long du mur, soulagée de ne voir personne eu dehors que les ombres des estranges statues, le cris et le fouinement des bestes nocturnes.
Elle escouta le nain et ses questions.
Il était bien curieux le petit.

Le Purgatoire dites vous?
L'Eden voulez vous dire, il n'y a qu'un Purgatoire qui ne soit plein en ce moment de monstres et de créatures que mesme le Sans-Nom renierait, c'est le Ban de Savoy, croyez moy.


La situation prestait probablement a sourire.
Elle se retrouvait la au milieu d'une pièce vide dans le noir avec un nain alchimiste dont elle ne connaissait rien, mis a part peut etre la connaissance commune de quelques vers.
Elle fuyait les ruelles sombres de Chambéry et se retrouvait enfermée icy.
Pas bien malin en meme temps.

Alors donc c'est icy que vous avez trouvé refuge, c'est joliment joué, personne ne viendra se perdre dans ce genre de bâtisse, sauf peut être quelques brigands en manque de cachette pour leur divers occupations.
Ou évidement une baronne, qui traine la ou il ne faut pas.
Sachez mon cher Fernal que je ne fuis ni mes cauchemars, ni mesme un galant, mais que peut être vous pourriez m'aider car vostre bâtisse et idéalement bien placée pour ma recherche.
Pourriez vous rallumer la chandelle?

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La baronnie de Courmayeur
Fernal



- Allumer... éteindre... allumer...

Le nain sortit de nouveau son amadou et ralluma la chandelle en maugréant quelques banalités de comptoir à propos des femmes et de versatilité. A la lueur de la flamme il observa encore une fois la baronne avec un air non dissimulé de méfiance et de suspicion:

- Vous aider... mais certainement, madame. Rien d'illégal, au moins, ou de contre-nature ? Car dans toutes les provinces que j'ai traversé, j'ai bien vu comment opéraient celles et ceulx de vostre rang: faire faire le pire sans ses mains salir, les grandes gens nourrissant d'ailleurs depuis toujours quelque inquiétude de plus en plus justifiée quant à la perpétuation de leur hégémonie sur les petites...

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Lisyane


Sachez Fernal que je n'ai nul besoin que les autres se salissent les mains a ma place loin de la, et si cela était alors je ne mériterais pas d'être la!

La baronne commençait en a avoir ras la teste que tout a chacun pense que tout les nobles étaient riches, imbus de leur personnes, irrespectueux, et au dessus des loy...
Allons bon, elle qui allait perdre ses terres, de ne pas avoir lever d'impôts, car Courmayeur était aussi pauvre qu'elle, elle qui était devenu baronne alors qu'elle n'avait pas de quoi manger, et ne pouvait subvenir au besoin de ses gens.
Âpres tout tout cela servait a rien.
Des nuits qu'elle cherchait comment faire, des nuits qu'elle cherchait la gamine.
A l'évocation de Fantinne, son cœur se serra , tout cela était de sa faute, et elle ne pourrait certainement rien y faire maintenant.
Les remords et la tristesse l'accabla a cet instant si fort, qu'une décision trop longtemps repoussée paru comme la seule solution a tout cela.


Le baronne se releva, et regarda Fernal longuement.


Après tout vous avez raison l'alchimiste je suis pareil que les autres, et je n'aurais pas du vous demander de l'aide, ni mesme rentrer icy comme je l'ai fait.
Pourrez vous me pardonner un jour?


Elle ouvrit la fenêtre mais se retourna encore un instant vers le nain, pour le voir une dernière fois.

Fernal si un jour vous voyez une gamine rousse pleine de vie pas plus haute que trois pommes, et qui balance des coups de pieds quand on lui caresse les cheveux, aidez la s'il vous plais, cela ne m'étonnerais pas qu'elle traine par icy celle la.
Je sais aussi que radyan vos aime bien alors ne lui mettez pas trop d'idées dans la teste il est simple et se fait facilement embobiner.

Longue vie a vous, qu'elle soit douce.

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Fernal


Une main sur la hanche, l'autre tenant toujours la chandelle, le nain secouait la tête d'incrédulité pendant que la baronne enjambait de nouveau la fenêtre dans le sens des départs. Une fois qu'elle fût de l'autre côté, il s'appuya sur l'embrasure et l'interpella:

- Ah non, ma dame, c'est trop simple... vous ne pouvez ainsi pénétrer chez un parfait inconnu et lui confier ce qui ressemble à s'y méprendre à des dernières volontés, avant de disparaitre par la fenêtre ! C'est... c'est... contre-nature. Alors écoutez-moi bien.

Il était monté sur le rebord de la fenêtre afin de gagner les quelques toises qui lui manquaient pour regarder Lisyane les yeux dans les yeux. Il appuyait maintenant un index court et boudiné mais néanmoins réprobateur dans le creux de l'épaule de la baronne.

- D'une je vous serais gré de noter que cette bâtisse est dotée d'une porte d'entrée, et qu'icelle est toujours ouverte, même la nuit. De deux si vous tenez absolument à faire de moy vostre exécuteur testamentaire, il va falloir faire un peu plus connaissance. Accompagnez-moi je vous prie à l'étage où nous pourrons autour d'un cordial parler de ce qui vous précipite ainsi les idées. Et de trois, ne vous inquiétez pas pour la petite. Dans tous les contes, les enfants perdus finissent toujours par arriver à la maison de la sorcière, de l'ogre ou du nain pervers... ne croyez-vous plus aux contes ? Ce serait le comble pour un chambellan, ne plus croire aux comtes... héhéhé... euh... humm...excusez ce mauvais trait à deux écus... il est tard. Ou tôt.

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Lisyane


Interloquée, elle regarda le petit doigt s'agiter dans le creux de son épaule.
Elle trouva mesme a sourire a la dernière phrase du petit homme, et a elle de répondre.

Les bons comtes ne font pas forcément les bons amis, ou le contraire d'ailleurs!

Elle réfléchit un instant, il arrivait de nul part ou d'ailleurs, malgré les aprioris sur sa condition, qui n'en était plus une, qui n'en avait peut être mesme jamais été, il ne l'avait pas jeter dehors, il avait mesme été plutôt sympathique le petit homme.
Pourquoi ne pas le suivre a l'étage après tout, elle lui parlerait de Fantinne ou d'autres choses, était elle vraiment pressée de rentrer chez elle?

J'espère que ce cordial a l'étage comme vous dites pourra, a défaut de me remettre les idées en place, au moins être agréable.

La baronne monte en l'air agita sa main de haut en bas devant le nain.

Aller hop, descendez et laisser moy donc remonter, enjamber les fenestres est une vrai passion, parce que souvent les portes d'entrée sont closes a double tour et les crocheter prend du temps et nécessitent d'avoir toujours sur sois, de quoi le faire, ce qui n'est pas évident a cacher sous des robes déjà peut confortables.
Me regardez pas comme ça hein!
Comme le disent ces fameux Vers Dorés, « habitue-toi à mener genre de vie pur, sans mollesse », c'est exactement ce que je fais, a force de passer cette fenestre, je n'aurais pas de gras de cuisse...Allez zou!

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La baronnie de Courmayeur
Fernal


- Dans ce cas madame, je vous aurais bien proposé de monter à l'étage par le gros lierre de la façade orientale de la maison... mais ces derniers jours la lune est rousse et je crains que les gargouilles là-haut sous le toit soient de fort méchante humeur. Aussi je vous invite tout banalement à me suivre... par l'escalier.

De sa démarche claudiquante, levant bien haut au dessus de sa tête sa grosse bougie de cire rouge, il guida Lisyane au pied d'un vieil escalier de bois grinçant qui montait en colimaçon jusqu'à un petit pallier doté d'une simple porte. Sortant de sous sa blouse un gros anneau de fer forgé auquel étaient accrochées une demi-douzaine de clés, Fernal entreprit d'en ouvrir la serrure. Au troisième clic, la porte s'entrebailla dans un grincement joyeux. Le nain, dont le visage paraissait encore plus de travers à la lumière vacillante de la flamme, lança une œillade à la baronne avant de l'inviter à entrer.

- Vous qui entrez ici, retrouvez toute espérance !

La pièce était basse de plafond, et les entre-poutres étaient bourrées d'un torchis qui laissait échapper des brins de paille poussiéreuse. Dans un coin, le lit n'était qu'un amoncellement informe de couvertures grises, surmonté d'un édredon rouge grossièrement rapiécé. La longue table de chêne qui occupait tout le centre de la pièce était encombrée d'un fouillis d'objets divers: des assiettes, des gobelets, des couverts de fer qui n'étaient jamais lavés, un gros pain entamé et surtout, des petits morceaux de roches et des traces de poudres multicolores un peu partout. Les chaises paillées étaient rafistolées avec de la ficelle de chanvre. Le buffet à deux corps en merisier n'était, bien sûr, jamais essuyé, la poussière garnissait de chenilles grises les rainures et les volutes sculptées. Dans la cheminée, un chaudron noir et gras... Mais ce qui marquait surtout, c'était qu'un bon quart de la pièce était occupé par des amoncellements de parchemins et de livres reliés, le tout saupoudré comme le reste d'une bonne couche de poussière.

- Hmmm... oui, bien sûr... cela n'a rien d'une salle du trône. Mais je vous assure madame qu'il y a ici plus de richesses que dans les salles fortes du château ducal. Prenez une chaise, et laissez-moi le temps de dénicher deux gobelets propres. Je vais vous faire gouster un élixir que j'ai obtenu d'un marchand maure lors de mon passage en Ligurie il y a de cela presque un an...

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Lisyane


Le bric a brac de la pièce l'a fit sourire, si on lui avait demandé bien plus en avant comment elle voyait le lieu de vie d'un nain alchimiste, certainement qu'elle aurait décrit les lieux a la perfection.
Et tout ces livres, il y avait la une vrai richesse.
Dans un autre moment, elle aurait certainement voulu y passer des heures, ne serait ce que pour manipuler les couvertures de cuir repoussé, et admirer les enluminures qui devaient égayer chaque page.
Elle aurait voulu venir la chaque nuit, se plonger dans des lectures fastidieuses a la lueur de la chandelle assise en tailleur sur le sol, comme avant, comme ses moments d'enfances ou elle a appris a lire de la sorte cachée dans une bibliothèque.
Elle regarda le petit claudiquer a la recherche de gobelets.


La Ligurie? Vous avez donc parcouru le nord ouest de la péninsule et visiter Gênes?

Le val d'Aoste, le Molise, le golfe de Gênes, elle repensa au Chevalier lorsqu'il lui écrivait de la bas et que ses yeux admirait le soleil couchant sur la mer de Ligure, avec au loin les Alpes et l'Apennin. Elle changea vite de pensées pour éviter une boule qui commençait a naitre dans sa gorge et son ventre.


Quelle espérance pourrais je trouver icy lieu mon cher nain?

L'espérance théologale, le salut et la béatitude éternelle?
Prendre appuis non pas sur ses forces, mais sur les promesses et le secours de la grâce du Très Haut, pour résister au mal et a l'épreuve et a garder confiance en l'avenir?
Ou bien mesurer le degré d'équiter d'un jeu de hasard, faire la somme des pertes, des gains pondérés par la probabilité de ces mesmes pertes ou gains? La vie aussi en quelques sorte!

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La baronnie de Courmayeur
Fernal


Lisyane a écrit:
La Ligurie? Vous avez donc parcouru le nord ouest de la péninsule et visité Gênes?


- Oui da, ma'ame... Je suis originaire de Saluces. Vous savez, ce petit marquisat au cœur des Alpes, dont l'allégeance change au gré des conditions atmosphériques. Un jour savoyard, l'autre génois, la veille milanais et le lendemain indépendant. Enfin, cela n'a guère d'importance, je l'ai quitté il y a fort longtemps, pour étudier à Pise, Lyon, puis Aix, en Provence... et surtout parce que j'avais mis le feu à l'étable du bourgmestre et que ce dernier n'attendait qu'une occasion pour me chasser du village... déjà que ma vieille tante s'adonnait les soirs de pleine lune à des activités peu... arrrffff... je ne vais point vous navrer plus longtemps avec ces histoires à tiroirs. Voici le cordial, tenez...

Le nain déboucha un joli flacon en terre cuite fermé par un bouchon de liège effrité et remplit deux petits gobelets d'un liquide presque incolore mais dégageant un arôme très sucré. Sur le flacon figurait une inscription dans un étrange alphabet tout en courbes et en points.

Lisyane a écrit:
Quelle espérance pourrais je trouver icy lieu mon cher nain?


- Mais ma chère... dame, Il n'y a qu'une seule Espérance. Et elle est la plus difficile des vertus sans lesquelles nous ne pouvons vivre. C’est aussi la plus difficile à vraiment comprendre. L’Espérance est la vertu qui accompagne la Liberté. Vous ne comprenez point ? Cela viendra. L’Espérance n’est pas croyance de variété particulière, ni charité que l’on ferait à soi-même ou que l’on donnerait à autrui. L’Espérance est une perception intérieure. Elle est un «Voir ». L’Espérance est la perception de soi-même en tant que « capable de », d’une part, et en tant que « pouvoir de réalisation » d’autre part. Ayez souvenance madame que le mot réalisation signifie rendre réel. Se percevoir soi-même en tant que capable de et en tant que pouvoir de rendre réel, c’est là l’essence intime de toute Espérance.

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Lisyane


La Provence, le marquisat, cela la fit doucettement rire, puis elle regarda la fiole intriguée.
Peut être allait il l'empoisonner, après tout ce n'était pas une si mauvaise idée, bien sur mourir d'estoufement n'est pas la plus jolie des morts, ou l'empoisonnement des sangs, la langue et les ongles noircis des que la grande faucheuse vous enveloppe, vous faisant baver de l'écume... Beurk... Non plus.
Elle fit la moue et n'osa pas toucher le petit gobelet, puis repris.


Vous me parlez donc de cette espérance, celle la mesme que tous icy bas nous devrions avoir.
Et bien celle la s'est depuis quelques mois échappée de ma vie Fernal, elle est partit si loin cette fois ci que je ne pourrais point la récupérer.
Elle s'est volatilisée comme l'essence des plus merveilleux parfums, dans un courant d'air trop insistant.
Je me désespère chaque jour qui suit l'autre, doucement.
Je n'ai mesme pas été capable d'aimer, je ne suis pas capable de garder mes terres tout comme je n'ai pas été capable de ne pas en vouloir a cette gamine rousse.
Par contre, je suis bien aise de décevoir, la c'est chose certaine.
Je ne suis plus paysanne, pas tout a fais noble, je me hais comme je hais le sort, comme j'exècre ceux qui m'entourent et peuplent ma vie devenue triste et morne, sans poésie, sans émotion,sans sourires, sans rires.


Lisyane le regarda de ses yeux, ce qui est mieux d ailleurs,

Je sais que tout ceci n'est qu'incompréhension pour vous, vous qui voyez le monde d'en bas...


Lisyane réfléchis un instant puis dit au nain.

Le Roy Francois a écrit dans un recueil un merveilleux texte.

Triste penser, en prison trop obscure,
L'honneur, le soin, le devoir et la cure
Que je soutiens des malheureux soudards,
Devant mes yeux desquels j'ai la figure,
Qui par raison et aussi par nature
Devaient mourir entre piques et dards,
Plutôt que voir fuir leurs étendards,
Quand de te voir j'ai perdu l'espérance.
Me font perdre de raison l'attrempance*.

Toujours Amour par fermeté procure
Qu'à désespoir point ne fasse ouverture ;
Mais tous malheurs viennent de tant de parts
Qu'ils me rendent indigne créature,
Tant que d'erreur à mon chef fais ceinture.
Ces yeux baignés vers toi font les regards,
Ne faisant plus contre ennui les remparts ;
Si n'est avoir ton nom en révérence,
Quand de te voir j'ai perdu l'espérance.

Mais je ne sais pourquoi tourna l'augure
En mal sur moi : car ma progéniture
Eut tant de bien, qu'en tous lieux fut épars.
Plaisir pour deuil était lors leur vêture ;
Plaisante et douce y semblait nourriture
De leurs sujets gardant brebis ès parcs,
Toujours battirent lions et léopards ;
Mais j'ai grand'peur n'avoir tel heur en France,
Quand de te voir j'ai perdu l'espérance.

Oh ! grande Amour, éternel, sans rompture**,
Dont l'infini est juste la mesure,
Dis-moi, perdrai-je à jamais ta présence ?
Donc, brief verras sur moi la sépulture :
L'esprit à toi, pour le corps pourriture,
Quand de te voir j'ai perdu l'espérance.


La baronne attrapa le gobelet et bu cul sec la potion du rabougris, attendant les spasmes qui l'emmèneraient loin d'icy;

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La baronnie de Courmayeur
Fernal


Le nain se renfrogna quand la dame sous-entendit que sa modeste taille ne lui permettrait sans doute pas de comprendre les tempêtes qui s'agitaient sous son crâne couronné. Il eut un sourire mauvais en pensant qu'elles seraient vite balayées par celles que provoqueraient la mystérieuse Boisson maure.

A la fin des beaux vers de la baronne il ajouta, en guise de conclusion:

Et le bon Nain Fernal eut lui ses vers:

Buvez dame, le gob'let mignon,
Car bon espoir y gist au fond,
Comme en bouteille de Pandora.
Et oncques desespoir n'y verrez,
Comme en vostre bussart des Danaides... amen.


Lisyane a écrit:
La baronne attrapa le gobelet et bu cul sec la potion du rabougris, attendant les spasmes qui l'emmèneraient loin d'icy;


Un sifflement suraigu. Un point vert entre les sourcils. Et le point devint tache, et la tache s'élargit, comme une goutte d' huile de foie de morue tombée par mégarde sur une étoffe neuve. Elle progressa, elle s'étala, elle crût non seulement en étendue, mais aussi en volume. Une pâte à gâteau. Elle gonfla, elle se dilata. Pareil à une éponge, la baronne absorbait l'Eau-de-Vie par tous ses pores béants.

Ça coulait dans ses veines, vert comme dans les plantes. L'eau baignait, à présent, son espace-du-dedans. Goulou, goulou,goulou ! Génial ! C'était doux, c'était chaud, elle se sentait en confiance et protégé par quelqu'un qu'elle ne voyait pas. Le lent va-et-vient des vagues saoûles la berçait avec tendresse, et un clapotis discret lui susurrait une vieille comptine.

Quelqu'un jouait de la harpe, là-haut. Chaque note lançait un rayon de couleur au travers d'un tunnel obscur. Picotements. Son corps frémit. Quelque chose de subtil s'en détacha, s'engagea dans le trou et suivit le mince cheveu de lumière. Spirale. Tourbillons. Bruit de coquillage. Mais... ce quelque chose qui venait de sauter dans le vide, c'était elle ! Et cette dormeuse qu'elle abandonnait à terre, c'était elle encore ! Était-elle folle ? Elle raisonnait, cependant ; elle existait, quelque part.

La lumière forcit. Elle éclaira avec de plus en plus d'intensité. Ça l'aveuglait, mais ça ne la brûlait pas. Des millions d'étincelles minuscules pétillaient de joie. Elle sut qu'elles étaient intelligentes. C'est contagieux, la joie. C'était amusant, elle riait ; elle riait comme une tordue. Allez savoir pourquoi. Avec tout ce qui lui arrivait en bas...

Tiens, voilà qu'elle était en compagnie d'un chacal, à présent. Nuance : un homme à tête de chacal. Très seyant, son pagne. Il lui dit d'être moins frivole, que la vie avait un sens, et qu'il ne fallait pas la gaspiller en de vaines occupations. Qu'elle ne connaissait pas sa chance. Que, normalement, elle ne devrait pas être là, et que si elle s''y trouvait, c'était parce qu'un passeur lui avait offert l'El-Samnt. Ah, c'était donc ça, l'alcool bizarre ? Bon. Il tenait un objet bizarre dans sa main. En argent, il semblait bien. Il disait que c'était la Croix de Vie. Décidément, ça les obsédait, par ici, l'éternité. Elle avait encore à s'assagir et à mûrir, qu'il lui dit. Elle avait le temps, alors. Pour l'instant, il l'autorisait à suivre le chemin jusqu'au bout...

La voilà repartie, trottant. Finalement, elle parvint jusqu'à un mur. Que c'était idiot ! Toute cette route pour réaliser qu'elle s'était encagné dans une impasse ! Ah, non, pas tout à fait. Ce mur était un miroir. Il était poussiéreux, c'était pour ça. Elle le frotta, et, oh ! Une pluie de roses blanches tomba de nulle part, et dans le miroir, apparut le visage de l'homme auquel elle rêvait souvent, et qui lui sourit. Séduisant, faut bien l'admettre. Mais l'autre trouble-fête, là, la tête de chacal, la tira par la manche au meilleur moment, et lui dit qu'elle en avait assez vu pour aujourd'hui. Qu'elle devait rentrer. Que, de toutes façons, elle aurait tout oublié à son retour. À quoi ça servait, alors ? Cause toujours, tu m'intéresses! Le tourbillon. Le vide. Le néant. Le noir. Ça claqua dans sa tête. Elle perdit conscience...

- Dame Lisyane... dame Lisyane...

Quelqu'un lui tapotait les joues.

- Dame Lisyane... revenez à vous... vous n'auriez jamais dû boire ça cul-sec ! Le voyage a dû estre violent !

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