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[RP] Les lapins restent-ils blancs au printemps ?

Luciedeclairvaux
Ange et Démon avaient traversé les Royaumes, l'une poursuivait l'autre. Ou bien était-ce l'inverse ? La petite blonde angélique, réminiscence d'un passé encombrant, avait fini par rattraper la diabolique brune aux portes du Périgord, pour lui annoncer que son amour n'était pas mort. "Il" n'avait pas été tué par le noir nain néfaste. Finalement. Mais ce rebondissement-là est d'un autre temps déjà. D'une autre histoire. Une histoire à dormir debout. Une histoire de fantômes. Ou pas. L'histoire nous le dira : Lucie est-elle un Ange ? Z les rejoindra-t-il ? Les lapins restent-ils blancs au printemps ?

Depuis ce fameux soir, il avait été décidé qu'on l'appellerait Ange (surtout devant sa brune !).
Depuis, les deux ont (ré)appris à se connaître, se reconnaître, capter le moindre désir de l'autre.
Depuis, elles ont vécu quelques temps à Angoulême, en ont drainé les tavernes et se sont ouvertes au monde, après cette longue traversée du désert.

C'est ainsi qu'au moment de quitter la ville, le groupe se composait de cinq personnes, cinq allumés prêts à user leurs bottes sur les chemins tordus, dans les brousses sauvages ou les villes en guerre. Vers où ? On verrait plus tard ... quelque part entre Vosges et Espagne, entre Bretagne et Italie. Voila, par là. Non, plus à gauche. Tu tiens la carte à l'envers, tavernier ! Voila.

Bof. La route n'est pas une fin en soi.

L'inertie non plus.

Et puis cette envie de calmer les fourmis qui vous montent aux cuisses. Le paquetage n'avait pas été long à préparer. Pourtant, le départ tardait. Une histoire de laisser-passer. Elles s'en étaient passées jusqu'ici, mais là, il s'agissait de la vie de tout un groupe, alors soit, patientons. Quand les fourmis auront attaqué les épaules, faudra bien agir !

Lucie aiguisait son couteau dans le coin d'une taverne et laissait glisser sur elle les conversations. C'était une toute jeune fille, aux gestes calmes et souples, et à l'œil assassin. Pourtant, le regard se faisait doux et généreux en frôlant ses compagnons de route. Le Démon, bien sûr. L'Italien, son évidence. Le tavernier qui ne le serait bientôt plus. Sa douce et son petit ventre. Tous fébriles.

_________________
Keyfeya
Toujours les mêmes refrains et les mêmes paysages...et tourne et tourne usant ses bottes sur un sol de terre, bientôt...le départ se fait sentir...Key rejoint Ombre son compagnon fidèle de voyage, lui aussi est un peu nerveux à l'idée de revoir les chemins, de rentrer à Périgueux, elle entend les sabots claquer, soulevant un léger nuage grisâtre, elle s'approche de l'encolure, lui murmurant à l'oreille des paroles apaisantes, elle a besoin, elle aussi de marcher avant de partir, un sentiment de prendre l'air frais, Ombre veut la suivre et prend le mors aux dents, elle ne le monte pas mais part faire quelques pas dans les environs d'Angoulême dans la fraicheur d'une nuit déjà tombée.

Depuis un certain temps déjà, elle ne peut séparer sa main du bas de son ventre, chaque nuit le même rêve revient et chaque fois que ses pensées se perdent, les mêmes images défilent, Key chérit ses moments oniriques, lui ramenant sa chair, sentant son sang bouillir et son cœur battre plus fort, jamais elle n'avait eu envie de donner la vie mais dans cette semi conscience elle avait eu la vision de cette enfant aux cheveux corbeau et aux iris couleur émeraude qui brillaient en la regardant, souriante et vivante, comme on vit pleinement, courant dans un prairie sans entrave et heureuse.

Ses jours à Angoulême ; la laissait heureuse et moins seule, emplit d’un amour apaisant et passionné, elle avait pris ses dispositions pour que le voyage se passe bien sans encombres, en espérant que chacun tienne parole, il arriverait sain et sauf, tous, en capitale du Périgord Angoumois.

Elle caressait de son autre main le flanc rassurant de son destrier, aspirant goulument l’air, ses affaires étaient prêtes, et il lui restait un peu de temps encore avant que sonne l’heure du départ. Elle s’arrêta un instant immobile, la tête lui tournait, un vertige, un instant, puis elle reprit sa marche, elle connaissait les signes mais ne voulait pas les voir, hier matin la nausée l avait gagné et les vertiges la prenaient de temps à autre, mais ce que cela signifiait…elle ne voulait pas l’admettre par peur de voir partir ce morceau de bonheur, le rêve est si beau mais si le malheur revenait….lui arrachant ce petit être….fruit de l’amour….

Elle continua à marcher, regagnant la ville à petit pas pour qu’enfin elle en fasse de plus grand sur le dos d’ombre en compagnie de ses amis nouvellement rencontrés mais pas moins cher à son cœur et de l’homme qu’elle aime.
Senese
[ Zéphyr gonfle les voiles]


De l’envie de voyage naquit l’étrange communauté : Une noble et son trublion, un Ange, son Démon, et lui, le "d’origine", la pièce rapportée. Ensemble ils quittent Angoulême l’entremetteuse, celle qui de leurs espoirs communs a mêlé leurs destins.

Dos aux remparts, le monde s’ouvre devant eux tel un éventail. Les chevaux sellés et harnachés transportent l’équipement et leur épargneront ainsi un jour de marche. Il faut seulement pour la piétaille hâter le pas. Aidés par le gel qui fige crêtes et ornières et rend les bêtes hésitantes, ils parviennent à coller.
Le vent d’ouest semble lui aussi les bénir. Il pousse capes et mantels. La progression est aisée.

Longtemps il a attendu le jour du départ. Depuis toujours à dire vrai. Ancien pensionnaire au monastère de Saint Ausone, Senese a grandi entre des murs, tenaillé par le désir d’ailleurs.
Alors à Angoulême il a tout vendu, son champ et ses quelques biens, brisant ses dernières entraves. Sacrifice matériel sur l’autel de l’aventure.

Et pourtant à présent ce n’est qu’Ange qu’il suit. S’oublient les rêves de courir la terre depuis qu’elle est devenue son horizon.
Le levant donne au ciel ses notes céruléennes, la route émerge de l’obscurité. Les chemins qu’elle emprunte son bordés de jeunes pousses comme si son passage faisait naître le printemps.
Chloris jonquille son sillage...


Toutes ses pensées le portent vers elle. Se recroquevillent alors temps et distance.
Déjà prime résonne aux clochers de Périgueux : ils ne sont plus très loin.
Zorg69
Sorti depuis quelques temps déjà d’une interminable léthargie, Z reprenait peu à peu ses couleurs d’origines, invectivant par tradition plus que par envie, les organes actuels du pouvoir. Les Flandres étaient grises, comme nimbée d’un voile terne, opacifiant la vision des flamands. Elles se figeaient lentement, lentement mais surement.

L’atmosphère était propice à la mélancolie.
Une douleur subtile s’insinuait chaque jour un peu plus dans sa cage thoracique : Le vide était sidéral, Z suffoquait sous le poids de l’absence. Ses bras se fermaient sur le néant, ses mains caressaient le vide, ses lèvres s’asséchaient de n’être parcourues, et, de ne plus vibrer le cœur se rabougrissait. Des mots naguères susurrés venaient narguer son sommeil, comme des spectres syntaxiques qui s’évanouissaient, l’iris à la lumière, d’une paupière soulevée.

L’entropie s’était muée en apathie, remisant volonté et énergie. Tout était fardeau. Tout était laborieux. Habituellement atout était sa tête qui n’avait là le cœur à rien.

Il avait perdu le goût, … le goût de vivre. Le sel de sa vie était partie. Inefficientes, les papilles végétaient, dans le souvenir de liaisons atomiques, brisées sans dégagement d’une once de chaleur. Curieuse équation énergétique qui défiait la nature, et bravait la sienne.

Il passait de longues heures avachi dans sa couche, perdu dans des raisonnements abscons et des pensées ténébreuses. Il tentait de déployer des trésors de concentration pour ne pas oublier, pour ne pas l’oublier, pour ne pas oublier ses traits, pour ne pas effacer son image. Il esquissait en pensée le contour de son visage, croquant chaque détail, soulignant les lèvres ourlées, le menton délicat, les yeux mis clos ...

Le silence demeurait, éternel et accablant. L’oppression était telle qu’il avait parfois l’impression d’une apnée infinie, palmant avec l’énergie du désespoir pour rejoindre la surface, et retrouver un air qu’il savait salvateur. Mais subtile ironie, nageait-il seulement dans le bon sens ? Où courait-il à la noyade ?

Les journées s’écoulaient, la naissante, jumelle de celle qui rendait l’âme au crépuscule du jour. Son paysage se renouvelait à l’identique chaque jour qui passait. Zorg s’étiolait doucement, s’éteignait à petit feu, se mourait de désespoir.

Zurbaran qui l’avait couvé jusqu’à son rétablissement total ne cessait depuis de veiller sur lui, sans pesanteur, avec la discrétion qui le caractérisait. Février naissait sous les flocons, quand un matin vit le grand escogriffe débarquer pour modifier cet ordonnancement mortel qui rythmait l’existence de son ami : Le réseau des Zeds avait fonctionné et les informations collectées, étaient de nature à remettre du rouge aux joues, de l’étincelle dans les yeux, de la verve dans le palais. Localisée ! Zurbaran confirmait que son atome vibrait encore quelque part dans le sud. Il précisa en riant qu’elle libérait des électrons nocifs sur tout ce qui croisait à proximité, enfermée dans une rancœur qu’il décrivait démesurée.

Elle était vivante, escortée par un ange, larguant son fiel à l’envie, confirmant une tendance qu’il savait naturelle, mais sans doute exacerbée par le drame Tournaisien. Elle était vivante, là était l’essentiel !

Cette information lui avait permis de lâcher un peu de lest et de retrouver de la hauteur. L’espérance était au bout du chemin, il suffisait de l’emprunter et de le parcourir avec célérité.

Son sang n’avait fait qu’un tour, son cœur s’était remis à battre, ses jambes avait retrouvé leur vigueur. Il était temps de cheminer. Il était temps de cheminer vers l’ange et l’atome, de retrouver raison de vivre.
Il était temps de happer des lèvres à nouveau, de s’enivrer de son nectar, d’osciller au rythme de pensées convergentes, de superposer les sinusoïdes pour qu’elles défilent en épousailles. Extases promises…

Son sang n’avait fait qu’un tour, et ce tour avait suffit à remettre la tête en marche !
Les pensées affluaient, les images aussi, réminiscences enchanteresses qui lui donnait des ailes. Ailes de circonstances, n’était-il pas question de croiser un ange ?
Fourmillement de pensées, corticaux affolements, les flux synaptiques s’emballaient jusqu’à l’absurde.

C’est ainsi que dans ce brouhaha neuronal, une pensée émergea, aberrante, insensée, mue sans doute par une énergie libératrice – elle devait sommeiller dans les limbes abyssales de sa mémoire – imposant devant ses semblables une interrogation quasi-existentielle :

- Les lapins restent-ils blancs au printemps ?

Etrange questionnement !

Il partirait Dimanche.
Luciedeclairvaux
Rempars de Périgueux, dernier obstacle à nos rêves

Déjà deux jours qu'il étaient là. Lucie regardait vers le lointain où vibraient d'autres aventures, d'autres possibles, d'autres rires. Assise sur les murailles de la ville, les pieds dans le vide, le visage inondé de la lumière du levant, elle attendait que le départ soit à nouveau sonné.

La route depuis Angoulême ne leur avait même pas laissé le temps d'un campement, d'échanges autour d'un feu, de partager un peu de soi, sous les grognements indispensables du Démon. Et certains membres du groupe lui paraissaient encore garder leurs mystères. Keyfeya si prompte à vous faire parler, et si secrète ... Périgueux était sa ville. Poursuivrait-elle ? Lucie l'espérait tant et avait tenté de le lui dire mais ... à l'image de Fantess, on ne contraint pas les âmes sédentaires au voyage. Pourtant, la petite avait vu un jour la flamme de vie dans les yeux de la belle insoumise.

Un léger vent se leva, zéphyr, emmêlant ses cheveux devenus roux pour l'occasion. Plaisir de se prendre un instant pour la fameuse duchesse bretonne au caractère enflammé ... Un instant seulement, car bientôt le soleil rendrait sa vraie couleur à l'ange. Une petite blonde de rien du tout, perdue dans l'immensité des Royaumes qui se déroulait sous ses pieds, telle un tapis scintillant des derniers givres de l'hiver, invitant au voyage.

Rien du tout, mais libre au moins !

Elle revoyait la couronne de ces voyageurs rencontrés hier. Une femme merveilleuse cela dit. Rayonnante. Mais Lucie savait le prix de ces riches perles, de ces somptueuses pierres, qui enserraient leurs têtes : le prix de l'âme ! Jamais ! Jamais elle ne plierait le genoux pour un morceau de terre et l'assurance d'un toit. Ils pouvaient aller au diable les Clairvaux. Au diable ... oui.

Mais à propos, où est Lauda ?

Lucie écoutait dans son dos la ville muette. Même Bruges, capitale pourtant, était plus animée que cette Périgueux. Son démon devait y peiner à semer ses graines. Il fallait d'autres pâturages ...

Elle se retourna, s'adossa contre un créneau et plia ses jambes contre elle. D'ici, elle voyait la rue vide qui menait à la taverne. Images d'une course folle et innocente pour chasser les démons d'un ami dans la peine. Course vaine.
Yira ... ne te perds pas.

Il fallait repartir, et vite. Quelque chose la pressait, l'oppressait. Une hâte. La peur de voir le blanc se muer en brun, sur le dos des lapins, inéluctablement. La neige des montagnes, peut-être leur rendrait cette éternité-là.
Katina_choovansky.
Bruges, dimanche soir


Les cloches carillonnèrent minuit dans la nuit pale de Bruges.
Au Brugeois Bourgeois, le temps sembla se figer.
Les trois amis se jetèrent un regard en coin. Zorg repoussa son verre vide devant lui.


- « Un dernier pour la route ? », proposa-t-il.
- « Non », fit Katchoo en se levant. « On doit faire le tour du propriétaire avant. »
- « N… non ? » s’étonna Zorg dans un balbutiement de surprise.
- « On a mieux et plus pratique », fit Blanche en sortant la bouteille de Glandée Volante de son sac. « Made in Anvers. Si tu trouves ce qu’il y a en plus de la mirabelle, tu as droit à une gorgée de plus !»

Katchoo enfila son manteau et passa son sac en bandoulière. Elle se dirigea vers la porte tandis que Blanche prenait Zorg par le bras pour l’entraîner vers la sortie.


- « Où on va ? » demanda Zorg en suivant le mouvement. « C’est quoi ce tour du propriétaire ? »
- « Ne pose pas de questions, et suis nous… »

La porte de la taverne s’ouvrit avec fracas dans le silence de minuit.


- « Merci de ne dire ni à Doudou ni à Lafred que j’ai défoncé leur porte d’un coup de pied, d’accord ? »


Zorg et Blanche hochèrent la tête.
Le trio s’aventura dans les rues sombres de la ville. Ils finirent par arriver à la place Ste Cindy.
Blanche extirpa trois gobelets de sa besace, gobelets qu’elle distribua et les remplit.


- « Je trinque à Cindy », annonça Katchoo en levant son verre. « A sa pendaison, sa chemise et ses derniers deniers »
- « A Cindy ! », acquiescèrent les deux autres en vidant leurs verres.

Moment de silence avant que des « pfff, ça chauffe toujours autant » et un « oh putain ça arrache » ne retentissent à voix basse dans la nuit brugeoise.

- « Suivant ! », annonça la flamboyante brugeoise en ouvrant la marche.

Leurs pas les menèrent à la tribune, qu’ils contemplèrent silencieusement avant qu’un fou rire ne les gagne malgré eux, leur taux d'alcoolémie montant en flèche.


- « Mince, y a eu de grands moments…Et le coupable est… l’abbesse !!! » , se rappela Katchoo en tachant de reprendre sa respiration.

Leur fou rire leur secoua encore quelques instants les cotes, le temps de se souvenir de quelques autres perles avant de se laisser gagner de nouveau par une douce mélancolie.


- « Tu vas la brûler, Kat ? », demanda Zorg à mi voix.
- « Par St Tupi, certainement pas. C’est un lieu chargé d’histoire… J’ai de plus vastes bûchers en perspectives, des moins sacrés… »

Blanche resservit trois petits verres.


- « A l’Histoire. Elle est en ces lieux. Puissent les Brugeois s’en souvenir de temps en temps. »
- « A l’Histoire », reprirent les filles

Les verres furent vidés et la marche reprit, un peu plus animée, la glandée Volante aidant.

- « Ah », fit Zorg en découvrant le bureau du maire, encore allumé malgré l’heure tardive. « On en a passé du temps ici », se rappela-t-il, un sourire aux lèvres.
- « Oui, pour le meilleur et pour le pire ».

Blanche remplit une troisième fois les verres.

- « A ces murs qui fort heureusement ne peuvent pas parler ! »
- « Aux murs ! »

Ce troisième verre finit de réchauffer les trois brugeois.

- « Où on va maintenant ? », demanda Zorg en emboîtant le pas aux jeunes femmes.
- « On va là où tout à commencer… »

Ils furent rapidement rendus devant les restes calcinés des « Trois petits cochons ».

- « Mince, l’émotion me gagne », avoua Katchoo en reniflant.
- « Qui commence ?, » demanda Blanche en tendant la bouteille.
- « Moi », proposa Zorg.

Il s’éclaircit la gorge et enchaîna :

- « Aux cochons et à leur princesse. A l’entropie qui a, un jour, faillit éclore dans les Flandres et aux atomes manquants»

Il but une rasade de Glandée et passa la bouteille à Blanche

- « A ma place et mon tabouret. Aux derniers ronds de fumée et au Rat en dentelle »

Elle but une rasade et fit passer à Katchoo


- « Au Théâtre de Guignol et à ses nombreux seconds rôles inspirants. Aux fresques murales et aux cerises »

La jeune femme but au goulot avant de finir la bouteille dans les trois verres vides.

- « Santé ! » conclurent ils de concert

L’heure égrainée au fil des rues se fit entendre au clocher de l’église.

- « Il va vraiment falloir que j’y aille », soupira Zorg, à la fois désireux de partir sur les routes et mélancolique de sa balade
- « Tu as raison, si on tarde trop, on n’aura pas le temps de se reposer demain avant de courir les bars… »

Zorg fronça un sourcil en voyant les deux jeunes femmes sortir deux baluchons des décombres.

- « Qu’est ce que vous faites ? »
- « Parce que tu crois vraiment qu’on ne va pas au moins t’accompagner jusqu’au portes des Flandres ? »
- « Vous venez à Tournai ? »
- « Bien sur qu’on vient à Tournai. Quand on voit comment ça a fini la dernière fois qu’on t’a pas escorté… », le taquina Blanche
- « Ah au fait, Atlantide m’a fait passer ça pour toi. »

Elle lui tendit un parchemin soigneusement plié.

Citation:
« C’est plus drôle d’imaginer votre mort que d’assister à vos funérailles. Faites un effort.

Atlantide,
Présidente de la troupe « Les enfants de Bruges présentent»


- « En route ! » annonça Zorg, souriant, en faisant un pas vers la sortie de la ville.
- « Heu, Zorg… Ils font la route avec nous ?... »


Vague geste montrant les Zeds, ombre silencieuse sur le bord du chemin menant à Tournai


- « Oui, ça va être l’occasion de vous les présenter… »





Laudanum
[Quelque part au royaume des ombres, dans les teritoires nocturnes d'un démon

Tues le!!!Tu l'égorge ou tu lui fracasses le crâne mais tu le tue!!!

Comme ça pour rien? Juste parce qu'il est content?

Tu sais pourquoi je vais pas te faire un dessin!

Bah de toute façon tes desseins à toi sont flous, je comprends toujours rien.

Même si une part de toi me dit que tu as raison...

Pauvre idiote, cette partie là c'est ma voix que tu entends, regarde donc où tu te trouves!

Ouais dans un désert de pierre où on se gèle les miches, tout ça ressemble bien à un rêve, ou quelque chose de cet ordre. Mais tu ne devrais pas m'inciter à me venger du nain noir plutôt?

Si ça ne tenait qu'à moi ils seraient tous morts, les tripes à l'air. Mais tu n'es pas assez sadique pour en tuer autant en si peu de temps. Tu as choisis la fuite et la vengeance froide et calculée.

N'oublie pas que la dernière que tu as occis, elle n'a pas eu besoin de toi pour commencer. Tu l'as tué uniquement parce que ta douleur était trop grande.

Tu mériterais des baffes, on a pas idée de faire du sentiment comme ça.


Ouais ouais je sais tout ça tu radotes et si tu continues c'est toi que je vais achever à coups de pierre. Ca tombe bien, y a que ça ici.

Fais ta maligne, mais nous verrons si tu tiendras sur le long terme. Le temps efface les blessures, et il aura raison de ta haine si tu n'y prends pas garde.

Rappelles-toi qui il était...

Rappelles toi qui tu étais...


Et sers toi de cette trahison pour accomplir ton destin d'empoisonneuse!

Avant qu'on ne te retrouve noyée dans un lac d'indifférence...

AHAHAAHAHAHAAHA!!


C'est ça marre toi, rira bien qui rira le dernier!
Luciedeclairvaux
Loin de ses terres obscures, de ses territoires sombres. Et si proche à la fois.

Quand la petite ne comprenait pas, ne contrôlait plus, elle se terrait dans son monde, refermait son esprit, fermait les écoutilles. Voyage dans les profondeurs liquides et noires. S'éteignait alors le doux sourire qui la caractérisait.

Et cette nuit-là, elle n'avait rien compris. Ou bien n'avait que trop bien compris. A l'ouest, gelée par des paroles de haine feinte ; à l'est, engluée par d'onctueux mots d'amour. Quand rien de tout cela ne lui était destiné. Le goudron et les plumes par intérim.

Derrière eux, la route finalement prise comme à contre-cœur, s’était recouverte d'un fin duvet blanc.

Les anges restent-ils blancs au printemps ?

Non, elle ne donnerait pas ses ailes à bouffer aux chiens ! Pas encore. Pas ici. Mais étrangement, la douleur lancinante dans sa poitrine s'était faite plus vive, et c'est avec soulagement qu'elle vit se dessiner devant eux les murailles de la belle Sarlat, émergeant avec grâce des brumes matinales.

Trouver auberge.
S'isoler.
Les laisser.
Se reposer enfin et soigner ses plaies vives. Puis prendre plume et écrire à Yira qui avait encore de sa belle à dompter les dernières réticences et quelque nouvelle à apprendre. Rien que Lucie ne sache déjà ; certains signes ne trompent pas. Mais les hommes ne sont jamais prêts à accueillir concurrence, si petite soit-elle. Si minuscule graine soit-elle. Elle sourit en y repensant. Il était délicat et bourru à la fois. Ils avaient encore tant de choses à se dire, de rires à partager. Il ferait un bon père, elle en était sûre. Se reverraient-ils jamais ...

Dormir tout le jour. Les retrouver le soir, sereine, le cœur empli d'espoir.
Erreur.

Doté de moins de plumes, l'ange laisse Lucie faire. N'arrondit plus les angles. Lâche la blonde. Colère, cris, larmes : elle veut savoir, se confronter, les confronter. Mais rien. Rien de cohérent. Les dieux les ont abandonnés.
Elle rentre, ivre de rage, titubante de douleur. Vomit ses tripes jusqu'au désespoir, la gorge en feu, le front fiévreux. Elle les hait.
Les aime tous deux, les incompatibles.
Impasse.
Laudanum
Paraitrait dit-on, que l'herbe est plus verte ailleurs. Mais ce qu'elle était venue chercher par ici avait plutôt la couleur du rouge sang en fond de toile sur une mer d'horizon. Si d'aventure l'astre daignait sonner l'aube un jour...

"Il" n'était plus qu'une vision cauchemardesque qui hantait ses nuits, et animait ses journées d'une énergie proche de l'instinct de survie. Seule la promesse d'arracher un jour le fil du destin et de tisser elle même la fin de la toile, maintenait sa sève vénéneuse en vie. Son « Ile », le frêle esquif qui longeait le Styx continuait inlassablement son voyage dans les profondeurs de l’ardoise bleutée…

En apparence rien n'avait changé. Elle écumait les tavernes avec le même élan de méchanceté congénitale, et distillait sa dose de verbiage mal intentionné aux égarés qui croisaient sa route. Ceux la qui, au détour d'un sourire, creusaient leur propre tombe.

Et puis la vision, où du moins l'autre partie de sa vision, s'échappa de sa prison éthérée pour prendre la forme d'un ange. Une blonde qui avait su venir à bout de sa méfiance. Une blonde qui lui ressemblait, à cette autre, qui fût aimée puis haïe au point de rougir la lame. Trait pour trait. C'était elle, mais lavée de ce passé qui n'aurait jamais dû être révélé. Ange donc, il ne pouvait en être autrement.

Ne pas remuer ce qui est enfoui. Adage à méditer.

Les villes se succèdent et les adages tendent à se confirmer. L’arrivée à Sarlat se fait sans flonflons pour une étape sans ambition. Le fond de l'air est toujours aussi froid, mais faut bien tuer le temps à défaut d'ânes en peine. Vérifier qu'aucun rongeur n'a bouffé le sac et les provisions qui devraient s'y trouver.
Pierre qui roule n'amasse pas mousse, et une journée qui roule, bah, ça finit dans la mouise.

*Bière Bière Bière!!!!!!

Le rationnement ça vous met les méninges en branle. A contempler le bout de ses godasses pour éviter le nid de poule et ses incontournables foulures, la pensée cherche échappatoire. Le démon qui se perd en digressions, gare à la surchauffe!

Finalement elle aura relevé la tête, nauséeuse d'avoir contemplé le pavage, comme si la solution s'y trouvait, écrites sur des runes qu'elle seule pourrait voir, mais assoiffée comme un chameau. Le nez se met donc à humer l'air empli d'effluves d'immondices, passant en revue chaque odeur, en quête de l’aigreur des fûts mal vieillis.

Mais les tavernes semblent s’être emplies ces derniers temps de lourdeur. Pour une empoisonneuse ce devrait être climat propice aux alambics de toutes sortes. Mais le cœur n’y est pas. Allez savoir pourquoi, cette grosse pierre est à présent possédée par le Sans Nom. Il aura suffit de quelques mots pour déclencher la fureur. Réminiscences d’abîmes infernales. L’essence est en alerte, à présent c’est elle qui se meurt. A peine trouve t-elle la force de répondre à l’emphatie ambiante du taudis. Piètre prestation. La déconvenue est aussi forte que son désarroi.

Au terme d’un crépuscule largement érodé, il ne lui reste que l’espoir que la rumeur soit fondée.

Ainsi s’achève l’alphabet.
Luciedeclairvaux
Les dieux secouent le dé aux 26 faces.

Et les villes passent. Dans le désordre. C comme Cahors. Petites pierres, scellées, les unes contre les autres. Voûtes majestueuses tiennent par magie au-dessus de leurs têtes. *Dire que si l’une de détache, toutes tombent. Sur nos têtes …Défonçant nos carcasses déjà meurtries. Brouillant notre sang à la boue des ruelles.*

Mais non. Rien ne se passe tandis qu’ils franchissent les portes de la ville tranquillement. Le miracle éternel. Le poids de chacune pour l’éternité de toutes.

Eux trois ont aussi leur poids à traîner. La petite communauté s’étire sur plusieurs lieues. Communauté : est-ce vraiment l’image qu’ils laissent sur leur passage?
Personne ne dompte les images.
Seuls les mots restent dans les mémoires. Et sur la pourriture de ces mots qu’ils ont laissés derrière eux, pousseront peut-être d'autres légendes. Comme le liseron pousse sur le fumier.
Lucie marche devant, seule. Qui l’aime la suive.
Qu’il aime la mouise ! Voyager avec les deux L doit être éprouvant. Un jour il les lâchera. Ou bien elles tomberont, comme tombent les ailes des anges déchus. D’elles-mêmes.
Ange, déçue.
Fugace impression de passer de la lumière aux ténèbres, de la candeur d’une belle histoire aux pires affres de l’âme.

La colère n’a rien fait. Rien donné. Rien ne pousse sur la colère, elle le savait pourtant. Alors, glisse sur elle la mélancolie. Le fleuve charrie des brassées de tristesse, grossit, débite silencieusement ses litres. Ronge la terre, là-bas, tout en-dessous. Remue les alluvions. Gratte les plaies.



Place du marché. Grouille de monde et de charrettes. De quoi se perdre dans la foule. Perdre les deux autres et leurs dissonances. Jouer sa propre mélodie. Sur le parvis, s’asseoir en tailleur et sortir de sa besace quelques noisettes, un vieux bout de pain, une fiole de poison. Oui, du poison, très bien pour d’autres horizons. Ce n’est que du vin. Même pas du bon vin que les riches négociants ramènent à Paris ou en Italie, trésors dans un nid de velours. Non, un vin clair, râpeux comme un Cahors, bringueballé au fond du sac. Un truc à s’en décoller le cuir chevelu.

Sonnent les cloches. Sortent les fidèles. Scintillent les écus sur le pavé. Oui, un peu de charité changée en or. Apaisez vos bourgeoises consciences. Plus d’ailes, plus d’honneur. Tendre la main, rafler la mise. Laisser Lucie faire.

Les dieux secouent le dé aux 26 faces. Encore une partie, les gars ?
Rumeur que le Z a pris place au début de l’alphabet.
Le A s’est effacé.
On a perdu le D.
On a perdu le dé ?
Non le D.
D’autres L fendent l’air
que l'S enlace sans se lasser.
Mais sans mouvements d'ailes, la chute.
Comme des pierres de Cahors la pression salvatrice.
Tomber. Sentir l’air sur son visage. Se renvoler au ras du sol ? peut-être … ou s’étaler lamentablement. Scratch. Purée de lettres. Bouillie de mots.
Les dieux s'éclatent.


La blonde tend son sourire et offre sa main,
main sale qui provoque ou pitié ou dédain
"Pour une pièce en or
Et quand ils ont bien bu" …

Écumer les tavernes, se retrouver peut-être.
Trois ce soir.
Quatre bientôt.

Six ? une autre partie ?

_________________
Senese
[Cahors ou la fin de la félicité]


Cap au sud, Aquilon le tempétueux les porte.

A mesure qu’ils se livrent, la communauté accumule la rage indispensable aux ambitieux. Mûries depuis Périgueux, les décisions tombent comme des couperets. Celle à qui chacun donne le nom de ses propres peurs a tonné, tous ont frémi. Fini le bourbier, les vases communiquent. Et comme le poison se dilue, les Nues s’ensaumâtrent. Flotte alors un parfum d’ozone. Dans un grondement s’approchent ciel et terre, le céleste et l’enfoui, annonce d’une tornade diluvienne.

Tremble mortel. Craint Dieu et leurs foudres.
Senese en sursis.

Par moi, on entre dans le domaine des douleurs…
C’est la Justice qui inspira mon sublime créateur…
Vous qui entrez ici, perdez toute espérance.*


Fièvre. Les draps sont noyés. Il croit d’abord s’éveiller au milieu d’une nuit d’été, c’est pire : il fait en plein hiver dans la chambre une chaleur suffocante.
L’âtre, que grelottant il a trop chargé, s’est emballé et a enflammé les suies.
Il se lève, vacille, étourdi par les toxiques fumerolles, prend appui sur le lit. Toute détermination dans un regard vers la fenêtre, solution unique, issue ventilatoire. Unir ses dernières forces et l’atteindre vite avant que le coma ne l’emporte…


*Dante, La divine comédie.
Zorg69
D’agacements en obstructions, aux portes de la Flandre, il trépignait en impatience !
Il était empêché !
Empêché de partir par la folie des hommes qui guerroyaient en Artois au nom de chimères impossibles et de convictions imbéciles.

Il était là, vacant, les bras ballants, s’amenuisant en vagabondages évanescents et spirituels, tuant inlassablement un temps qui niait sa mort à chaque instant, égrenant irrévocablement le chapelet impérissable de ses secondes éphémères.


« Souviens-toi que le Temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup ! C’est la loi.
Le jour décroît ; la nuit augmente ; souviens-toi !
Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide. »
(*Beaudelaire*)

Il attendait le parchemin salvateur, sésame exigé pour traverser sans encombre cette folie meurtrière.

Dans le soir qui agonisait, adossé à la muraille, il se perdait en contemplation, d’une voute lactée vibrante de mille flammèches vacillantes.


… « Se plante le nez au ciel,
Se mouche dans les étoiles » …

Aucun ange jamais, ne coiffait ces lucioles éternelles, dans la crainte sourde d’anéantir les espoirs incarnés dans ces lumières célestes, qu’une aube rancunière et désinvolte, sans plaisir mais sans regret, balayait chaque jour au matin émergeant.

Les étoiles sont des Phoenix perpétuels qui rappellent chaque soir, qu’un espoir qui s’éteint se rallume au matin.
Mais ce soir était maussade et son âme solitaire commandait à l’esprit d’occuper sa vacance d’un souffle créatif.


« Tout naît du manque.
La création est une respiration »

Il fourragea dans sa besace, en tira plume et parchemin et, de ses doigt gourds, commença à tracer l’esquisse d’une poésie : une ironie amère lui souffla un ultime sarcasme à sa mélancolie. Il titra : « Le spleen est idéal … » puis poursuivi …

Mal, ai mal, mal,
ai le cœur lacrymal.
Partie, est partie, elle est partie.
Pour quoi ?
Pour où ?
Pour qui ?

Ai la tête éthyle.
Ai la bouche orpheline.
Ai les mains vides,
vides de toi.

Mal, ai mal, est mal de toi.
Ai le souffle long.
Et l’esprit court,
toujours.
Et l’âme fond,
lames de fond,
le noir profond.

Banana Spleen,
banane aux lèvres,
à l’envers.

Allant vers :
Quoi ?
Le noir,
du soir,
du désespoir ?
Ou des espoirs ?

Mal, ai mal, ai mal à toi.
pagaie,
où sombre.

Sombre héro
dérisoire « je »,
de maux.

Jeux de mots,
Jeux demain ?
« je » Vilain !

Vilain le cœur, sanguinolent
Vilain les mains, tremblant
Vilain la tête, tournant,
Vilain les yeux, tombant.

Mal, ai mal, est mal de toi.
Tristesse, noire sœur,
de mes nuits éthérées.
Éther d’elle,
éther minable,
éther ré, donne le la, sonne le glas,
du bouton d’or,
un temps,
au fond de mes yeux.

Mais où es-tu ?
Zorg69
De l’art de trouver le bonheur sous les sabots d’un cheval … quand la fourrure des lapins bruni au soleil d’un presque printemps …



Libéré des entraves administratives, il parcourait la route à la vitesse du bardot qu’il avait acquis contre quelques écus sonnants. Le vieux paysan tournaisien qui s’apprêtait à l’envoyer aux royaumes d’Hadès, enchanté de s’être débarrassé d’une charge inutile, s’en gaussait encore sous cape. Il riait seul, à imaginer le rural relatant l’évènement, exagérant à la cantonade son sens de la négociation :

- Et là j’y dis : c’est à prendle ou à laisser ! C’est qu’on y tient à not’bête. Ca va nous fend’le cœur d’pu pouvoir lui causer et ben nous fatiguer quand faudla labourer sans not’mule !





Il avait lu le contentement dans les yeux de cet homme ! Satisfaction d’avoir réussi une affaire inespérée, satisfaction encore dans la sensation d’avoir grugé si facilement son prochain.


« Mais tu n’as rien compris vieil homme, ton mercantilisme t’aveugle ! »
, pensa-t-il.

Le marché était parfaitement équilibré : Il recherchait avant tout un compagnon de route et accessoirement une monture pour porter son baluchon et « fuck_Slam_2 », l’épée que lui avait forgée son amie Katchoo, si belle et si lourde à la fois. Cela valait bien quelques écus, même pour cette bête fatiguée, dont le regard plein d’humanité semblait le remercier à chaque instant, de l’avoir sorti de l’abri lugubre dans lequel elle était cantonnée, depuis que le labour avait eu raison de ses dernières volontés. La compassion de son précédent maître s’était éteinte avec le dernier sillon tracé. Il ne l’avait alors vu que comme une bouche de plus à nourrir.

Il l’avait baptisée Carnegie…
… Carne parce que le paysan dans un sursaut de sensiblerie, l’humidité dans son œil, avait lâché un
« Vous verrez c’t’une bonne carne, bien courageuse »
… et gie parce que c’était la terminaison de « logie », le suffixe usuellement utilisé pour désigner l’étude de quelque chose, extension et dérivation du grec logos signifiant la parole, le discours.

Hommage patronymique, à sa capacité future à écouter l’Zorg discourir sans fin ! Certes il lui en faudrait du courage à cette bête là, pour supporter le flot ininterrompu des pensées du zèbre qui venait de l’acquérir, flot qui se matérialisait parfois par l’émission d’ondes sonores savamment distillées par une bouche jamais fatiguée.

Ils avançaient vite passant hâtivement dans les villages traversés, la plupart du temps au petit matin, sans croiser âmes qui vivent. Ils dormaient rapidement tard dans la nuit, posant leur fatigue dans un coin de pré, à quelques encablures de la route, « larcinant » l’abri d’un bosquet pour ne point être vu des maraudeurs. Il s’enroulait alors dans la couverture que Princesse lui avait ordonné de prendre, la noire, celle ou était inscrit … Il souriait chaque fois en relisant l’inscription brodée !

Souvent ils clopinaient côte-à-côte. Il s’égarait en pensée qu’il partageait parfois avec son compagnon. L’animal le regardait alors du coin de l’œil, dodelinait de la tête comme pour acter qu’il avait noté la rupture du silence.


- Dis-moi Carnegie, d’où me vient cette obsession de la compréhension du monde ? Pourquoi ne puis-je en déguster ses plaisirs sans en décortiquer ses mécanismes ?

Il marqua un temps d’arrêt, comme pour attendre une réponse. Il savait qu’il était vain de l’espérer.

- Pourquoi ne puis-je profiter de cette brise fraîche qui flatte mes joues sans me demander d’où vient le vent ?

Conscience, connaissance, compréhension, triumvirat de vocables qui étaient un frein au bonheur – bienheureux le sot, qui survole l’existence sans s’interroger.

« Mais le bonheur n’existe pas crétin, il n’existe pas comme un tout indissociable, comme une sensation unique et monolithique qui rythmerait l’existence à jamais ! Le bonheur n’existe pas mais les moments de bonheur si !
Souvient toi de ses bras ! Souvient toi que tu n’es jamais aussi heureux que lorsque tu es dans ses bras. Souvient toi Zorg que ta quête d’absolu est illusoire. L’urgence de ta vie Zorg n’est pas dans cette quête là. L’urgence de ta vie Zorg, c’est de retrouver ces bras là, sans qui tu ne sais respirer, sans qui tu vas te noyer, sans qui tu t’éteindrais. Les bras sont la surface Zorg, les absolus sont les abysses. Ne te trompe pas de sens. »


Il détestait ces pensées schizophrènes. Elles martelaient non sans un certain bon sens, ce qu’il refusait d’entrevoir. Renoncer au bonheur et en savourer ses fragments ? Pourquoi pas au fond. Son exigence d’absolu était vaine, il le savait.
Il n’y a pas de ligne sur l’horizon, et ceux qui ont persistés à la quérir se sont perdus. Cueillons l’instant présent et ne cherchons plus à fuir dans les lignes aux perspectives incertaines.


- T’en pense quoi la bête ?

Flattant l’encolure de son compagnon, Zorg pris le mouvement de sa tête pour un acquiescement.

- T’as raison la bête, hâtons nous de retrouver la belle … et la grâce de ses bras. Fait voir un peu c’que t’as sous les pieds ?
Laudanum
La vie a le don de vous jouer de sales tours. Lorsque les mots raisonnent, s'abat l'inopportune réminiscence. L'irrépressible aversion qu'elle éprouvait pour le chauve semblait puiser sa sève dans des racines dont il lui était impossible d'entrevoir la naissance. A peine pouvait-elle deviner tous les sacs de nœuds auxquels elle semblait être mêlée. Toujours était-il que ce type lui refilait la nausée. Et que l'envie de le lapider lui caressait l'esprit comme un doux air de cithare.

Mais la blonde semblait s’être amourachée de l’énergumène. Comment aurait-elle pu aller à l’encontre de sa déraison, quand elle était morte elle-même d’avoir été arrachée à celui qu’elle aimait. Cette vérité, qu’elle mettait ardeur à dissimuler sous des couches de glace dignes du plus rude des hivers, lui apparaissaient comme une évidence pour cet Ange. C’était double crime que d’y mettre fin. Racheter le prix de sa fureur …Son aile retrouvée, elle pouvait prendre le large. Et quand elle se serait lassée des romans d’outre tombe, alors, ce serait au destin de lancer les dés.

La lune emmitouflée aux trois quarts pour compagne, elle s’apprêtait à entamer la marche, tournant le dos à Cahors, la silencieuse, et à son manège fou. Lorsqu’une volute d’épaisse fumée envoya des signaux dans la nuit. Provenant de la masure où le passé se contemplait en songes avec la sérénité d’un inconscient. Faire demi tour, se prendre à nouveau dans le tourbillon des contraires, y perdre le dernier souffle d’espoir, ou y mettre fin définitivement, et risquer le courroux d’une plume tombée de son paradis ? Laisser la fantasque ironie à ses désirs romanesques et tragiques?

Et l’ironie du sort agita sa baguette. Ce fut l’oubli de Beauté Fatale qui la fit s’en revenir à l’auberge. L’odeur du bois sentant la fin proche et ses craquements d’agonie la poussèrent à hâter le pas jusqu’à l’étage. Elle remarqua les vapeurs s’échappant de la chambrée par le bas de porte, mais c’était son arme qu’elle était venue chercher. Elle continua machinalement jusqu’à sa chambre, et reprit son épée. Toutefois, elle fut bien obligée de revenir sur ses pas pour s’en aller, et lorsqu’elle s’arrêta devant l’ouverture de ce qui se transformait en fournaise, un éclair de panique la traversa.

Et si elle était revenue ? Si c’était elle qui était prise dans cet incendie qui n’attendait que la générosité du temps pour accomplir son œuvre ? La peur d’éprouver des remords avait décidé. La seconde d’après elle se retrouvait prise au milieu des fumées. Son regard passait en revue la pièce avec difficulté, la chaleur et le souffre dégagé par la combustion rendant la vue presque impossible. Aucune trace d’elle. Mais un corps gisait à terre, celui de l’italien. Elle aurait pu laisser les évènements avoir le dernier mot. Pour le démon, cela aurait mieux valu…

Contre toute attente elle traîna la masse inconsciente dans le couloir. Elle se pencha, il respirait encore, bien que sans doute intoxiqué. Elle porta le corps jusqu’au dehors, et l’étendit dans l’allée, sans prêter attention aux badauds qui couraient tenter d’éteindre l’incendie avant qu’il ne gagne les autres habitations.

Elle vit ses lèvres remuer. Le chauve semblait reprendre ses esprits. Peut-être survivrait-il. La blonde ne souffrirait d’être accablée de sa mort. Cette idée la confortait de ce choix contraire à ses sentiments profonds. Il n’y aurait pas d’autre fois, et elle s’en assurerait.

« Il semble que le destin ait bien voulu t’épargner »murmura-t-elle à son oreille. « Mais écoute bien ceci, si d’aventure tu survis à cette nuit. Que nos routes ne se recroisent jamais ». Une main s’empara de la dague nichée dans sa besace. La lame vint caresser violemment la joue gauche de l’homme toujours à terre. Elle laisserait une cicatrice profonde et visible. « Que mon regard se pose à nouveau sur ce visage, et j’achèverai ce que je viens de commencer. »

Elle se releva, sans un regard pour le malheureux à terre, et tourna le dos pour de bon aux flammes du passé.
Luciedeclairvaux
La vraie question était : verrons-nous le printemps ?
Ah oui ... effectivement, on n'y avait pas pensé à ça !
Condition sine qua non à la mutation.

Ce soir-là, Lucie avait bien retrouvé Laudanum et Senese dans une taverne oui …mais une fois encore elle s'était trouvée prise entre le marteau et l'enclume. Entre le feu et la glace. La petite était lasse. Lasse de chercher à concilier deux démons que tout opposait. Silencieuse, elle s’était levée et était partie perdre sa tristesse dans la ville morte. Personne ne l’avait vue sortir, avec ses grosses larmes sur les joues. Personne, que la nuit, et les étoiles, là-haut, au firmament. Les étoiles que peut-être d’autres voyageurs suivaient. Kat, Blanche, Zorg … pourquoi diable vous avoir quittés ! Ah oui. Pour un ambassadeur à l’époque. Ça lui revenait. Quel homme. Quelle moustache effilée et malicieuse. Quelle audace dans le verbe et quelle douceur dans le regard. Pas amoureuse, non. Mais amusée et conquise. Un petit voyage en Lorraine avec lui, avant de repartir pour le grand voyage avec Lauda et Zorg. Le Sud ! Mais tout cela n’était resté qu’à l’état de rêves.
Elle ne l’avait pas suivi bien loin son ambassadeur ! Demi-tour à la frontière des Flandres pour …
La suite, les deux L. ne la connaissaient que trop bien. Le sang. Les cris. Les larmes. La mort avait tout raflé. Le nain avait gagné.

Sauf qu’ils n’étaient pas morts, cette nuit là !

Lucie pensait à tout cela en suivant les rues jusqu’à la cathédrale où elle se réfugia. Assise près des cierges qui brûlaient pour d’autres espoirs que les siens, mais qui offraient lumière et faible chaleur, elle sortit sa plume et un parchemin.
Son confident !
Celui-là, aussi, pourquoi l’avoir quitté ! Il savait la faire rire et son regard était franc quand il croisait les yeux clairs de la jeune fille.


« Yira,

Comme j’aurais voulu te dire tout cela de vive voix ! Avant.
A Angoulême.
Quand j’étais un peu plus sereine.
Je crois que par ce voyage, c’est moi que je cherchais à retrouver.
Autrefois, j’étais Lucie.
Désormais, à moitié morte, à moitié ange, je ne suis plus rien. J’attends de renaître. De savoir qui je suis vraiment.
J’ai menti à Lauda pour l’épargner, comment pourrais-je lui avouer sans assombrir encore son horizon ? Elle ne me veut pas vivante.
Et Senese … Il a beau s’en défendre, mais par moi c’est elle qu’il cherche à atteindre.

Je suis déchirée.
Je les aime tous deux.
Je les quitte tous deux pendant que j’en ai encore la force.
Ne dis rien à personne.

Je ne sais encore où mes pas me porteront, mais je t’écrirai.
Je t’embrasse,

Ange »


Un messager. Les pièces mendiées le jour, en l’échange de la promesse que la lettre parviendra dans la nuit.

Rebrousser les ruelles. Se perdre un peu dans cette ville étrangère. Retrouver l’auberge du Sanglier Rouge et là …

Croire mourir. Encore ?!
C’est plus tragique que croire s’évanouir.
Et moins gore que croire vomir.
Croire mourir donc.

Est-elle restée si longtemps en Saint-Étienne ?! L’auberge était en cendres. Plus que quelques seaux, épars, sur les pavés. Inutiles désormais. L’odeur âcre du charbon mouillé. Et les hommes, désœuvrés, hagards. La sueur noire sur leurs tempes. Leur désarroi.

Les plaies se rouvrent. Indicible souffrance.

*Mais qu’ai-je fait ???
Je voulais être leur Ange protecteur. Mais j’étais bien vivante ! Le diable a entendu ma volonté de fuir et me les a repris …non …

Lauda … tu ne me voulais pas vivante. Et voilà que je t’ai morte. Lauda, mon éternelle aimée.
Que n’ai-je veillé sur toi ! Ce mortel que tu n’as pu aimer m’a détournée de toi ! Je me contemplais à travers lui et ne te voyais plus. Pardon …Pardonne-moi.*

Lucie tomba à genoux et ouvrit sa chemise pour présenter aux cieux sa poitrine lacérée par leurs propres poings armés. Deux larges cicatrices devant. Pourtant c’était son dos qui saignait. Là-même où ses ailes venaient de s’arracher, dans cette maudite cathédrale, ouvrant les chaires, brisant cette carcasse si frêle déjà.

Avant l’aube, une jeune femme blonde quittait la ville en toute discrétion avec pour seul bagage une petite besace. Le reste avait brûlé dans l’auberge. Le reste et ses amours perdues. Du moins le croyait-elle. Elle traversa des forêts, au hasard.
A perte de vue, des forêts, grises encore des rigueurs de l'hiver. Mortes.
Funestes repaires du lapin blanc. Lapin tueur. Killer bunny.
Il ne fera qu'une bouchée de vous ! Pauvres Ecossais galeux !
Par le diable ! Fuyez ! Run away ! Run away !
(1)

(1) Sacré Graal !
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